Conférence Nationale du PCF de décembre 2024. Le débat qui se développe à l’intérieur du PCF trouve son expression la plus complète dans le site PCF débat et nous y renvoyons nos lecteurs adhérents de ce parti. Mais il y a des interventions qui, disons-le, mettent les pieds dans le plat et qui à ce titre nous intéressent ici dans histoireetsociete parce qu’elles portent sur l’existence d’un parti révolutionnaire et sur les conditions nécessaires. Il y a le mouvement du monde, “multipolaire” pas le simple remplacement d’une hégémonie par une autre, mais un nouvel équilibre nord-sud, un respect des souverainetés et la résistance des peuples à l’exploitation, à la guerre… Le retour au collectif… Dans un tel contexte, on ne peut pas se contenter de petites tactiques de “survie”, la vague balaye ce qui est déjà mort. Paul Barbazange interpelle les communistes français sur la nécessité de prendre conscience de la réalité et de faire face comme ils ont su le faire aux heures importantes de l’histoire. Une contribution qui prolonge le texte de Franck Marsal publié ici et très lu et commenté. (note de Danielle Bleitrach)
Vendredi 18 octobre 2024, par Paul Barbazange, popularité : 15% S’organiser |
J’ai écrit cette contribution pour mon assemblée de section fin septembre d’où sa dimension locale. N’ayant, à la lecture des premiers compte rendu départementaux, rien à y modifier je l’envoie à la tribune nationale.
Absent de Béziers pour raisons familiales vous trouverez ci-dessous ma contribution en date du 12 09 2024. Je l’ai construite par ma participation aux campagnes électorales et depuis début juillet par nos actions : la Féria, l’Université d’été à Montpellier, La Plantade.
Notons d’abord une participation à ces rencontres (Féria, l’Université d’été, La Plantade) en nette progression sur les années précédentes, au delà du ressenti, les résultats financiers le montrent.
Participation, oui, mais grande difficulté à pousser les débats, les échanges, à dégager des perspectives et la mise en œuvre des stratégies en construction depuis le 38e et le 39e congrès.
Cela s’est traduit par une seule adhésion à La Plantade, une faible vente des livres politiques, des débats difficiles alors que beaucoup d’autres aspects de l’engagement des militants sont positifs et permettent une meilleure participation populaire. Il nous faut affronter cette situation, les questions posées au PCF, pour être plus utiles dans chacun de nos actes.
Les derniers mois ont été rudes pour la majorité des communistes qui se sont engagés au 38e congrès pour un PCF capable d’organiser le monde du travail, ancré dans la classe ouvrière, tourné vers la jeunesse, porteur d’une vision internationaliste et d’un monde de paix. Un parti engagé dans la définition de son projet, le socialisme, alors même que la crise sociale, politique, démocratique s’approfondit et que les guerres menacent l’avenir de l’humanité.
La campagne des présidentielles a marqué le retour du PCF dans l’espace médiatique essentiellement autour de Fabien Roussel, secrétaire national et candidat. Le résultat en % et en voix est faible, proche du résultat aux précédentes européennes, indiquant cependant que l’effort est devant nous, la cote de popularité et l’engagement ne serait-ce qu’autour d’un bulletin de vote étant deux choses différentes. Le résultat des européennes en juin, avec un excellent candidat Deffontaines et un bon engagement du parti au niveau d’organisation où il en est, confirme pour la troisième fois cette situation.
Depuis le 38e congrès, nous savons tous que le processus de construction d’un parti révolutionnaire à partir de ce qu’était devenu le PCF sera long et difficile. Un coup d’arrêt a alors été mis au processus de disparition : souvenons-nous lors du congrès de Martigues de la tentative par la direction nationale de faire disparaître le qualificatif « communiste » dans le nom de notre organisation. A la suite de cette orientation politique, Marie Georges Buffet a obtenu 1,7% aux présidentielles et nous avons ensuite lancé Mélenchon comme une marque de lessive.
Nous avons deux types de tâches : reconstruire une organisation communiste en France, et contribuer au niveau international au même type de processus.
Le déroulement des faits en juillet et août accentue mes interrogations.
La poursuite de l’orientation choisie par les communistes est-elle assurée ?
L’existence du parti n’est-elle pas en cause ?
Alors que les diverses formes d’anticommunisme prospèrent, nourries de la criminalisation de notre histoire sur le temps long et la propagande de guerre pro OTAN dans laquelle le pays baigne. L’affirmation centrale des deux derniers congrès : la nécessité de l’existence du parti communiste en France et de partis communistes partout dans le monde en est fragilisée.
Deux moments m’ont sérieusement interrogé :
Le premier avec la signature à l’issue des présidentielles de 2022 d’un accord nous rejetant dans « le coin » en limitant notre présence à 50 circonscriptions dont à peine une vingtaine jugées gagnables, risque accentué aux législatives 2024.
Le second au moment de l’accélération de la guerre en Ukraine avec le vote des députés du groupe communiste, communistes ou non, de la résolution affirmant le soutien de l’Assemblée Nationale à l’Ukraine allant jusqu’à l’envoi d’armes. Tournant le dos à la position historique du PCF pour la paix et à la position de principe de « ne pas rajouter la guerre à la guerre ».
Depuis, alors que dans nos textes de congrès nous réaffirmons la nécessité de la sortie de l’OTAN et sa dissolution, les déclarations de nos dirigeants et candidats ont été parfois marquées d’ambiguïté. Finissant dans les faits, d’accepter les livraisons d’armes, la présence de légionnaires, de mercenaires et de techniciens militaires du côté des fascistes ukrainiens qui avaient montré dès le massacre de la Maison des syndicats d’Odessa ce qu’était leur projet.
Ces dernières semaines ne me rassurent pas :
Je n’entends rien sur l’Ukraine alors que la guerre s’accentue, que l’OTAN fournit des armes de plus en plus sophistiquées. Au moment où j’écris, les russes commencent à reconquérir la zone de Koursk et Zelensky appelle à l’aide alors que chacun sait qu’il n’a pu s’engager dans cette offensive qu’avec des mercenaires fournis par l’OTAN, les moyens et les techniciens pour entretenir et téléguider ses missiles. Tout ceci accélérant les processus de militarisation du pays, le vote de crédits de guerre et rapprochant les risques de guerre mondiale car « on ne peut laisser gagner Poutine ». On verra ce que cela donnera pour les crédits militaires au budget 2025.
Chez nous, une campagne des européennes bien menée par Léon Deffontaines en particulier sur la dénonciation de l’imposture sociale du RN mais n’apportant pas d’éclairage communiste sur les moyens de dépasser les impasses unitaires depuis 30 ans. La question de la perspective socialiste au travers d’un processus révolutionnaire bien que discutée au 39e congrès n’ayant pas fait l’objet des votes nécessaires.
Une certaine clarté à l’égard de ce qu’est la FI de Mélenchon s’est développée, mais en nourrissant l’illusion d’une situation qui serait plus favorable avec le PS et les Verts alors que ces trois forces social-démocrates ont en commun le souci d’affaiblir la perspective de changements révolutionnaires.
Sur la Palestine – un des sujets sur lesquels Marie-Georges avait tenu avec courage – certaines postures d’affrontement avec la FI nous ont desservi… obscurcissant les possibilités de compréhension de nos camarades et amis (voir le débat à La Plantade).
Pour les récentes législatives, comment comprendre la façon dont un candidat Rassemblement national quasi inconnu a balayé madame Ménard comme d’autres FN ont battu nos candidats ? Le caractère insupportable des résultats du macronisme après la gauche de Hollande est-il si profond ?
Nos résultats présents et à venir sur le plan électoral, notre place dans les médias sont des questions d’importance, vécus comme telles par les communistes. Mais ces dernières semaines, qu’avons nous gagné à apparaître comme des équipiers cherchant à être sur les photos alors que nous avons besoin de nourrir les débats sur ce que nous aurions à faire au gouvernement avec 2,5% des voix quand avec des résultats bien plus élevés pour le parti et pour la gauche nous n’avons eu que rejets populaires sous Mitterand, la gauche plurielle, puis Hollande ! Le bilan n’a pas été globalement positif ! Posons ces questions en interne et lorsque cela devient possible, publiquement. Posons la question essentielle des conditions de l’exercice du pouvoir par la gauche.
Je suis au travail sur cette question depuis 50 ans quand en septembre 73 la CIA a fait assassiner Salvador Allende alors qu’il venait d’être réélu avec un bien meilleur résultat que lors de son premier mandat. Depuis lors les cubains tiennent dans des conditions terribles. Le Vietnam a reconquis son indépendance, construit son socialisme et se rapproche de la Chine. Le Vénézuela, le Nicaragua font face, et le peuple Sud Africain avec l’aide cubaine et soviétique ainsi que des démocrates de toute la planète a abattu l’apartheid en 1991 au moment de l’écroulement de l’URSS par la trahison de Gorbatchev. Dans ces victoires les consultations électorales ont parfois compté : Cuba, Afrique du sud, Vénézuela, le montrent, mais c’est ailleurs, autrement que tout se décide.
Aujourd’hui le risque de guerre à grande échelle s’accentue en Europe (Ukraine) en direction de la Russie et de la Chine, comme au Moyen Orient avec Israël fasciste en direction de l’Iran. Au travers de toutes ces situations c’est l’impérialisme du dollar qui pour se maintenir a besoin de guerres partout. Des guerres partout pour tenter de maintenir sa domination sur un monde déjà devenu multipolaire.
La progression des forces d’extrême droite ouvertement fascistes en Israël, en Ukraine, la quasi démente expression d’un des candidats à la présidence de l’encore première puissance mondiale.
En France 57 % des ouvriers ayant voté, ont voté RN. La gauche dans son ensemble a fait le plus mauvais résultat électoral (27%) depuis des décennies.
Comment mettre le PCF à la hauteur de ces enjeux ? Comment pouvons nous nous émanciper d’une démarche électoraliste, qui faute de bataille idéologique et d’organisation nous affaiblit chaque fois et nous pousse vers le réformisme et les renoncements.
Le débat doit avoir lieu pour que le PCF vive et se transforme. Sans s’enfermer dans des affrontements internes qui risquent de décourager certains communistes, ni dans des batailles de place (du strapontin ministériel à la plus mineure des positions électives) qui ne peuvent jamais être pour nous des objectifs premiers.
Osons la poursuite et l’accentuation des débats idéologiques, sur les questions de la paix, du socialisme, et de l’organisation.
Osons le retour sur l’expérience de l’Eurocommunisme, ses conséquences, ses apports et son influence négative sur la situation française et la situation mondiale.
Ayons l’audace de venir sur ces questions dans les semaines et mois à venir.
Osons affirmer que nous ne pouvons gouverner avec des gens et des partis qui appellent à toujours plus de guerres. Les positions du NFP où sur cette question il est affirmé « Tout pour l’Ukraine » nous ont coûté électoralement.
Sortons des postures d’existence médiatique, notre problème n’est pas de gouverner à 2,5 % avec Lucie Castets (la gauche dans son ensemble à moins de 30%) mais de permettre au peuple d’agir quel que soit le gouvernement.
Poursuivons pleinement le processus de construction du PCF et de ses organisations de base. En cela la fondation de deux cellules à Béziers est déjà dans les actes porteurs d’avenir. La cellule à la SNCF et une cellule de quartier. Ces deux cellules ont beaucoup apporté aux plus récentes initiatives : Féria, Université d’été, Plantade… Continuons avec énergie : peut-être une cellule dans le nord résidentiel de Béziers avec Nicolas et une autre vers le centre ville. Je crois qu’il y a les forces.
Faisons vivre la fraternité des communistes quelle que soit l’âpreté des discussions et de la vie.
La vie montre qu’il y a du grain à moudre dans ce sens. Pour faire plus et mieux, pour renforcer l’organisation, nous avons avant tout besoin de clarté. Continuons les 38e et 39e Congrès.
Paul Barbazange, le 15 09 2024
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