Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

La Mongolie réunira à nouveau la Chine et la Russie, par Piotr Akopov

Nous vivons plus ou moins dans une fiction, il y a l’effet de la censure quasi totale que nous subissons sur la réalité géopolitique actuelle, le bellicisme impérialiste occidental avec son corollaire l’invention de la légitimation morale de la “démocratie” luttant contre la “barbarie”, les tyrans, et celles de pseudos victoires de nos guerriers par procuration jusqu’à leur effondrement. Mais le problème est encore plus lointain, notre vision du monde est un viol permanent de l’histoire, une méconnaissance totale des civilisations et plus récemment il y a eu l’interprétation des conflits mondiaux. On nous répète que l’URSS aurait été surprise par l’agression nazie malgré le pacte germano-soviétique. C’est une ignorance de l’histoire et en particulier celle de l’Asie. Alors que Poutine peut aller en Mongolie malgré le CPI, c’est l’occasion de découvrir les liens qui unissent la Russie aux “héritiers de Gengis Khan”, y compris un événement dont nous ignorons tout qui est celui de l’anniversaire de la victoire de Khalkhin-Gol, dans laquelle Russie – Mongolie et même une partie chinoise ont affronté le fascisme dès les années 30 (invasion de la Mandchourie en 1931, bataille de Khalkhin-Gol aux printemps-été 1939, mais les incidents de frontière se multiplient dès 1934 pour culminer avec la bataille du lac Khassan en juillet 1938). Il faudrait également se souvenir que la “guerre dite civile” en fait l’agression de 14 puissances européennes et du Japon contre la jeune Union soviétique se termine en 1922 à Vladivostok, ville russe d’extrême-orient dont a été chassé localement l’envahisseur japonais. Voici donc aujourd’hui quelques articles qui tentent de recréer les conditions d’une lecture de ce monde inconnu de nos ignares et bellicistes néocolonialistes soutiens réels de l’OTAN. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)

https://ria.ru/20240903/mongoliya-1970064986.html

Presque toutes les visites de Vladimir Poutine en Mongolie ont un point commun : elles ont lieu le jour de l’anniversaire des batailles de Khalkhin-Gol, qui ont opposé deux armées aux forces japonaises alors que la guerre mondiale n’avait pas encore officiellement commencé. Nous célébrons aujourd’hui le 85e anniversaire de la victoire de Khalkhin-Gol – et le même nombre d’années du début de la Seconde Guerre mondiale : et pour la première fois, l’anniversaire tombe en temps de guerre. Dans les années 30, le feu de la guerre mondiale a commencé en Orient – et maintenant ce qui se passait en Chine (au moins depuis 1937) peut être considéré non seulement comme un précurseur, mais comme le véritable début de la Seconde Guerre mondiale. Et si l’on considère les choses sous cet angle, la victoire de Joukov et de Choibalsan sur les Japonais en 1939 a été notre première victoire sur la voie de la Grande Victoire de 1945. Et les Mongols, dont nous avons défendu le pays ensemble, ont été notre premier allié.

Nos pays ont beaucoup en commun, et pas seulement au cours des cent dernières années. Il y a huit siècles, la Russie n’a pas résisté à l’assaut de la cavalerie mongole et, comme la majeure partie de l’Eurasie, elle a fait partie de l’Empire mongol. A l’époque, au XIIIe siècle, les Mongols ont ainsi « uni » les Russes aux Chinois – mais même après l’effondrement d’un empire unique, le destin n’a pas séparé les Mongols et les Russes. Nous étions condamnés à être voisins – et quelques siècles plus tard, nous le sommes redevenus. Les Russes se déplaçaient vers l’est et un certain nombre de peuples mongols (par exemple les Bouriates) ont été rattachés à la Russie, tandis que la Mongolie, qui vivait sous l’égide de l’Empire céleste, a acquis son indépendance grâce à la Russie. Elle a construit avec nous le socialisme et a été pour ainsi dire l’allié le plus proche de tous les pays socialistes, mais même après le changement de système, elle n’a pas oublié ses voisins russes. Et pas seulement parce que « géographie oblige » (elle n’y a que deux voisins, et la Chine a sa propre Mongolie, la Mongolie intérieure), mais aussi parce qu’il y a la mémoire (historique et humaine) et les intérêts nationaux.

Et c’est en poursuivant ses intérêts que la Mongolie unit à nouveau la Chine et la Russie, c’est-à-dire qu’elle n’est plus comme autrefois une question secondaire dans les relations russo-chinoises (comme par exemple, dans les années 60-80), mais un véritable lien. La construction d’un gazoduc reliant la Russie à la Chine et traversant le territoire mongol sera bénéfique non seulement pour Moscou et Pékin, mais contribuera également à renforcer l’économie mongole et, partant, l’État mongol dans son ensemble.

Leur situation géographique unique ne constitue pas une menace pour les 3,5 millions d’habitants, ni pour leur mode de vie, ni pour leur autonomie. Même à l’ère de la transformation mondiale, que beaucoup considèrent comme un conflit entre l’Est et l’Ouest, les Mongols ne sont pas privés de leur liberté de choisir leurs amis et leurs partenaires. Oulan-Bator entretient des liens étroits avec le Japon et des contacts variés avec les États-Unis, y compris lors de récents exercices militaires symboliques. L’intérêt de la Mongolie est compréhensible : avec tout le respect dû aux deux grands voisins, les Mongols ne veulent pas tomber dans une dépendance totale vis-à-vis des deux, et certainement pas vis-à-vis d’un seul d’entre eux (comme ce fut le cas pendant la période soviétique avec la dépendance vis-à-vis de l’URSS – et aujourd’hui, grâce à l’économie, la Chine pourrait acquérir une telle influence).

Cependant, l’intérêt des Américains pour la Mongolie n’a pas de composante civilisationnelle ou culturelle (contrairement à l’intérêt japonais) – c’est de la géopolitique pure, et chaque année, il devient de plus en plus anti-russe et anti-chinois. Les Américains, comme toujours, misent sur la culture des élites, c’est-à-dire sur la formation d’un lobby pro-occidental qui spéculera sur les « menaces » chinoises et russes. Cependant, les Mongols sont suffisamment intelligents et expérimentés pour ne pas voir ce qui se joue avec eux.
Leur attitude à l’égard des Russes et de la Russie en est la meilleure preuve.

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