Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Gaza, Koursk, Mali… un remake d'”Apocalypse now”, par Danielle Bleitrach

La “logique” de la folle expédition de Koursk n’est pas militaire, ça c’est évident… mais il serait erroné d’y voir une simple tentative de peser dans les négociations, c’est ça pour une part mais l’essentiel est autre et fait songer à l’enlisement de la guerre du Vietnam. Partis d’une estimation erronée sur la contagion communiste et la dynamique du conflit, les Etats-Unis ont largement contribué à l’étendre et pire encore devant les faits ont refusé toute correction à des moments clés en poussant toujours plus l’extension du conflit. Si l’on considère la situation actuelle bien différente de celle de la guerre du Vietnam, l’état réel de “l’occident” ce qui engendre des guerres atroces qui multiplient les ruines et sur le plan politique créent des marais de sables mouvants de conflits prolongés sans la moindre perspective d’issue autre que de déclencher une troisième guerre mondiale, ce à quoi un certain nombres de décideurs que ce soit dans le camp démocrate ou républicains et la totalité du landerneau politico-médiatique français semble aller en nous racontant des balivernes qui sont une insulte au simple bon sens y compris quand comme Kamenka on feint de croire que les USA ne savaient pas comme ils ne savaient pas pour l’exécution à Téhéran…

Ce qui pouvait apparaître comme une expédition totalement folle sur le plan militaire de la part des Ukrainiens et qui demeure totalement inexplicable sur ce seul plan militaire premièrement a été très bien préparée et a joui de tous les moyens de l’OTAN et des Etats-Unis. A ce titre cela doit être rapproché d’autres étonnantes présence des Ukrainiens sur d’autres terrains en particulier en Afrique, et ce n’est pas la première fois (on se souvient de milices vues dans les troubles de Hong Kong) mais là ça a pris une ampleur inusitée et l’essentiel de la question que pose cette incursion concerne la stratégie assumée par Biden et les faucons des Etats-Unis. Apparemment le régime ukrainien se serait lancé dans cette opération pour faire ressentir aux Russes ce qu’ils subissent eux Ukrainiens et ils l’ont fait de leur propre chef en violant le interdictions d’utilisation d’armes fournies par les Etats-Unis. Pour croire et diffuser une pareille fable il faut être un commentateur de LCI ou l’équivalent, l’inénarrable Kamenka qui dans l’Humanité a produit un pur chef d’œuvre de bourrage de crâne en faveur de la guerre et de l’OTAN (1). Tout est absurde dans cette opération y compris l’idée que les Ukrainiens seraient allés menacer le flux de gaz, la ville de Soudzha, où le gaz naturel russe est acheminé vers l’Europe par un gazoduc en Ukraine, c’est possible mais pourquoi le faire alors que le gazoduc traverse l’Ukraine et qu’il aurait été plus aisé d’opérer un blocage à ce niveau… Sauf si cette opération représente sous une forme “terroriste” un choix tout à fait déterminé non pas de Zelensky qui n’a plus aucun pouvoir ni au plan interne, ni au plan extérieur mais bien de Biden et le choix de la guerre partout qui est celui du complexe industrialomilitaire financiarisé qui dirige les Etats-Unis.

D’ailleurs Zelensky a eu du mal à s’expliquer sur les différentes opérations qui sont prêtées à son pays en état de faillite et qui peine à recruter des forces qui ont conscience d’être envoyées à la boucherie sur le front de la guerre qu’ils ont de plus en plus de mal à tenir. Il a été question d’un chiffre de soldats ukrainiens allant de 1000 à 10.000 (et comme nous le voyons dans un autre article cette opération était appuyée dans le sud par une invasion navale qui a été repoussée très rapidement). Un nombre important donc de troupes soutenues par des chars, des véhicules blindés, des drones, de l’artillerie qui aurait effectué une percée très rapide à l’intérieur des terres russes vers Koursk. Même si l’on suit l’hypothèse de Reuters, et de certains blogueurs pro-russes affirmant que les forces ukrainiennes avancent vers une centrale nucléaire à près de 40 miles au nord-est de Sudzha, affirmation qui n’a pas encore été vérifiée, l’objectif militaire est toujours aussi peu évident même assorti des délires de LCI sur l’échange de territoires lors des négociations.

En fait, la seule logique celle qui est avancée en priorité est que cette opération tente de peser dans les négociations. Encore faut-il mesurer dans quel sens ?

L’idée favorite des atlantistes patentés qui depuis la presse des Etats-Unis jusqu’aux copiés-collés de notre propre presse serait celle du Washington Post, où il est noté que Mykhailo Podolyak, conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a déclaré à la télévision ukrainienne cette semaine que – sans faire spécifiquement référence à l’assaut – toute incursion ukrainienne sur le territoire russe « pourrait améliorer la position de l’Ukraine lors de futures négociations avec la Russie pour mettre fin à la guerre ». Bref cette opération serait destinée à faciliter les efforts en faveur de la paix avec plus de justice pour la malheureuse petite Ukraine dont on ne veut pas savoir que c’est elle après un coup d’Etat fomenté par les Etats-Unis et leurs alliés vassaux l’Allemagne, la France, la Pologne ont déclenché une terrible répression dans le Donbass, a refusé d’appliquer les accords de Minsk et déchiré les accords qui étaient intervenus dès le début de l’opération spéciale. Et que cette politique belliciste a toujours été faite en violation de la majorité du peuple ukrainien, sous le prétexte d’en finir avec la guerre et cela n’a abouti qu’à rendre cette guerre plus atroce.

L’hypothèse que l’on peut donc défendre est que premièrement cette opération n’est pas destinée à améliorer les négociations et les efforts de paix mais de les torpiller et ce qui est encore plus grave c’est qu’elle n’a pas pu se faire autrement que par choix de l’OTAN et des Etats-Unis.

Partout c’est le même scénario, l’administration Biden théoriquement sur le départ et les bellicistes de l’OTAN feignent d’être dépassés par des alliés indociles à qui pourtant ils ne cessent de dire leur déplaisir devant les massacres, c’est vrai à Gaza, ça l’est en Afrique de l’Ouest mais aussi au Soudan, comme ça l’est en Ukraine. Comme ça l’est en Asie partout les USA en crise hégémonique interne et externe ne voient leur salut que dans des coalitions qui mèneront toutes les formes de guerre et la prolifération des trafics. Partout l’administration Biden – sur fond d’une campagne électorale qui flatte les illusions de l’électeur – agit dans le même sens celui de la guerre.

Reuters a rapporté que la junte au pouvoir au Niger a rompu ses liens diplomatiques avec l’Ukraine cette semaine en réponse à Kiev qui aurait soutenu des groupes rebelles liés à des groupes terroristes – dont Al-Qaïda – au Mali voisin qui combattaient le groupe Wagner, une force mercenaire russe. La junte malienne avait précédemment coupé les liens avec l’Ukraine à cause de l’incident. Les Russes ont accusé Kiev d’ouvrir un « front africain » dans leur guerre en Europe de l’Est. Et cette vision africaine n’a rien d’une illusion paranoïaque pas plus que ce qui se passe au Venezuela, même l’Europe n’est plus épargnée.

Pour mesurer la véritable politique de Biden et la part réelle qui lui revient dans l’opération de Koursk il faut voir que cette opération qui n’a pas pu exister sans le soutien logistique des Etats-Unis et de leurs vassaux (la part de la France étant totalement occultée par les complicité extraordinaires de tous les partis représentés au parlement) a été en fait rendue possible par un assouplissement (le mot est faible) des garde-fous à une entrée directe en guerre contre la Russie.

Ben Armbruster le rédacteur en chef de Responsible Statecraft a dans un récent article noté l’évolution des autorisations des Etats-Unis.(2)

L’administration Biden avait précédemment interdit à l’Ukraine d’utiliser des armes fournies par les États-Unis pour toute attaque à l’intérieur du territoire russe dans le but d’empêcher l’escalade du conflit. Cependant, le président Biden a assoupli ces règles en mai, affirmant que l’armée ukrainienne pourrait frapper des cibles militaires à l’intérieur de la Russie qui soutenaient l’offensive de Moscou contre la ville ukrainienne de Kharkiv, dans le nord-est. En juin, le Pentagone a annoncé que ces règles seraient encore assouplies afin que l’Ukraine puisse utiliser des armes fournies par les États-Unis pour attaquer des cibles militaires à l’intérieur de la Russie n’importe où le long de la frontière, et pas seulement près de Kharkiv.

Le porte-parole du département d’État, Matthew Miller, a déclaré jeudi qu’il ne commenterait pas l’attaque ukrainienne, mais a insisté sur le fait que les attaques russes contre l’Ukraine provenaient de la région de Koursk et que l’Ukraine adhérait donc à la nouvelle politique plus souple. « Oui, dans la zone où [les Ukrainiens] opèrent actuellement de l’autre côté de la frontière russe, nous avons vu des attaques venir de là », a-t-il déclaré.

Concrètement il s’agit d’une opération “terroriste” de grande ampleur s’exerçant en priorité contre les populations civiles alors que les objectifs militaires sont rien moins qu’évidents et la Russie a choisi d’y répondre en tant que telle en assurant d’abord la protection et l’évacuation des populations civiles et en créant des unités antiterroristes dans les zones frontalières où se multipliaient les incursions de ce type, donnant à cette opération massive ce sens-là et pas celui d’un objectif militaire.

Il a été difficile d’arracher au régime Ukrainien des commentaires sur le sens de cette expédition et les raisons de son ampleur, le même mutisme a été celui des USA et des alliés tandis que le système de propagande s’extasiait : un conseiller du président ukrainien Volodymyr Zelensky, a déclaré jeudi que les attaques des régions frontalières amèneraient la Russie à “commencer à se rendre compte que la guerre s’insinue lentement à l’intérieur du territoire russe”. Mykhaïlo Podoliak a également suggéré que l’opération améliorerait la position de Kyiv en cas de négociations avec Moscou.

Même manque de clarté de la part des USA : interrogé sur l’incursion de l’Ukraine, le porte-parole de la Maison-Blanche chargé de la sécurité nationale, John Kirby, a déclaré vendredi que les États-Unis étaient “en contact avec leurs homologues ukrainiens”, mais qu’il ne ferait aucun commentaire tant que “ces conversations ne seraient pas terminées”.

Outre les habituels supporters de l’atlantisme sur les plateaux de LCI et du style Kamenka chargé habituellement de la diffusion du narratif de la CIA, d’autres s’interrogent. Mathieu Boulegue, analyste de la défense au groupe de réflexion Chatham House à Londres, a déclaré que les Ukrainiens semblent avoir un objectif clair, même s’ils ne disent pas de quoi il s’agit. “Un tel mouvement coordonné de forces terrestres répond à un objectif militaire clair”, a déclaré M. Boulegue à l’Associated Press par téléphone. En outre, le raid a effrayé l’opinion publique russe et infligé un camouflet au président russe Vladimir Poutine, offrant à l’Ukraine “un grand coup de relations publiques”, a-t-il ajouté. L’attaque “est un symbole massif, une démonstration de force massive (montrant) que la guerre n’est pas gelée”, a-t-il déclaré.

Bref un coup de “com” à une échelle qui interroge… Apocalypse Now remake ? le contexte est encore pire …

Comme actuellement à Gaza, par rapport à l’embrasement potentiel et la dernière provocation de Netanyahou, la seule attitude de paix a consisté à venir déplacer l’armada américaine en soutien d’Israël et en mettant en place toutes les protections de leur trublion dont ils prétendent qu’il a agi indépendamment d’eux ce qui est totalement invraisemblable. Netanyahou n’est pas venu simplement pour faire un discours au Congrès mais pour s’assurer de l’accord de tous pour son opération… Même si la candidate démocrate a feint de ne pas être là…

D’ailleurs il est difficile de ne pas s’interroger sur le parallélisme de l’opération de Koursk et la volonté de Poutine de jouer les médiateurs avec l’Iran… Comme on ne peut pas ignorer les médiations chinoises en faveur de la paix… tout ce qui doit être interdit par des opérations terroristes qui apparemment n’ont aucune logique au plan militaire.

La référence historique qui s’impose à propos de l’incursion de l’Ukraine en Afrique, cet appui des Etats-Unis et de l’OTAN qui tout en déplorant l’escalade de la guerre l’alimentent et l’élargissent est celle de la guerre du Vietnam où non seulement les Etats-Unis sont aller aider leurs guerriers par procuration, totalement corrompus, incapables de tenir sans leur intervention à accomplir des “prouesses” grâce à leur soutien “technique” mais en élargissant la guerre à d’autres foyers persuadés qu’ils ont affaire à une coalition hostile qui va sans cesse s’étendre.

Partis d’une estimation erronée sur la contagion communiste et la dynamique du conflit, ils ont largement contribué à l’étendre et pire encore devant les faits ont refusé toute correction à des moments clés en poussant toujours plus l’extension du conflit.

L’analogie comme toutes les analogies doit être corrigée par le caractère nouveau du monde multipolaire en place, du rôle de la Chine, la situation de l’occident est encore plus catastrophique qu’elle ne l’était lors de la guerre du Vietnam même s’il n’existe pas un mouvement en faveur de la paix, celui-ci sous des formes diverses tend à s’exprimer y compris pouvant conduire au fascisme, mais la ressemblance tient à la courte vue des gouvernants aux USA et dans “l’occident”, face au caractère ingérable de la situation qu’ils ont eux même créée, partout se poursuit la folie paranoïaque qui a été celle des frères Kennedy, de Johnson, ce qui engendre des guerre atroces qui multiplient les ruines et sur le plan politique créent des marais de sables mouvants de conflits prolongés sans la moindre perspective d’issue autre que de déclencher une troisième guerre mondiale ce à quoi un certains nombre de décideurs que ce soit dans le camp démocrate ou républicain semblent se résigner gaiment.

Danielle Bleitrach

(1) Il est vraiment stupéfiant de voir qui est à la tête des secteurs internationaux de la CGT, du PCF et de l’Humanité, comment a-t-on pu installer sinon par volonté d’interdire tous débats de tels personnages à ces postes-là, ce sera sans doute un travail pour les historiens de demain :

Encore un exploit de Vadim Kamenka qui sous titre “Une attaque surprise même pour Washington” dans un article qui ne dépare d’aucun média bourgeois
https://www.humanite.fr/monde/guerre-en-ukraine/guerre-en-ukraine-loffensive-surprise-de-kiev-en-russie-obtient-ses-premiers-succes

(2) Ben Armbruster a plus d’une décennie d’expérience de travail à l’intersection de la politique, de la politique étrangère et des médias. Auparavant, Ben a occupé des postes de direction éditoriale et de gestion chez Media Matters, ThinkProgress, ReThink Media et Win Without War.

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