Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Victoire de la « gauche » le 7 juillet ? Une légende urbaine

Régis de Castelnau, depuis pas mal d’années ne manque pas de lucidité mais au nom d’un front patriotique légitimement anti-OTAN et USA, avec une UE inféodée, en arrive à minimiser (c’est une litote) le danger réel de l’extrême droite. Ce qui n’est pas notre analyse, mais on ne peut qu’être d’accord sur la dénonciation des illusions “mélenchoniennes” imaginant une quelconque possibilité pour la gauche de gouverner… On imagine en effet mal un tel attelage étant capable le moins du monde de résister aux marchés financiers. D’accomplir ce qu’un mouvement social dont l’organisation devrait être la préoccupation principale aujourd’hui s’avère trop faible pour arracher. Avoir repris le programme des syndicats en situation de totale faiblesse dit les illusions technocratiques sur ce que pourrait obtenir cette “équipe”, alors qu’elle accepte de fait la militarisation de l’économie française et des visées de l’OTAN (ce qui est le contenu de son programme, une vague aspiration à la paix sur les bases de Macron et Zelensky)… En ne prenant appui sur aucune force dans le monde multipolaire dominant déjà… La gauche française n’est pas la gauche du Venezuela, ni même les malheureux Palestiniens et elle imagine dans la faiblesse et la confusion qui est la sienne aller si peu que ce soit a contrario de la classe dominante ? Le problème serait que le PCF sous l’influence de sa faiblesse théorique, géopolitique, et le poids d’élections municipales et sénatoriales joue une telle comédie de la participation à ce canular… qu’une fois de plus cela lui tienne lieu de réflexion stratégique en évitant le débat de fond qui s’impose. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Régis de Castelnau35 Commentaires

Depuis le début, Emmanuel Macron a eu la volonté d’instrumentaliser à son profit les JO de Paris. Moins pour des raisons d’objectifs politiques précis que pour la mise en scène, susceptible de satisfaire son narcissisme maladif. Sa défaite du 9 juin aux élections européennes, puis celle du 30 juin au premier tour des législatives ont changé la donne. Heureusement pour lui, le ralliement de toutes les composantes du soi-disant « Nouveau Front Populaire » a permis à son mouvement de sauver plus de 100 sièges donnés perdus par tous les sondages. Merci Jean-Luc Mélenchon, qui a ainsi installé Emmanuel Macron dans une position beaucoup moins inconfortable que prévu. La réélection de Yael Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale en a été la démonstration, permettant ainsi au chef de l’État de temporiser en attendant que les arrangements de coulisses permettent d’installer grâce au « bloc central » une majorité absolue ou relative peu importe.

La parenthèse enchantée offerte à Macron

Le moment JO lui a ainsi offert une « parenthèse enchantée » qu’il va tâcher de mettre à profit pour réaliser son opération et se sortir d’une situation difficile. Parenthèse qui a commencé avec la « cérémonie d’ouverture » dont le contenu et les polémiques qui ont suivi ont démontré l’importance de la crise politique que nous traversons. La réalisation de cet événement a été confiée par l’État payeur à des artistes de cour qui ont fourni ce qui leur était demandé. Une succession de tableaux plus ou moins réussis entrecoupés de séquences dans le plus pur style woke pour envoyer un message clair : la France désormais n’est plus qu’une province de l’Empire, particulièrement soumise, plus intéressée par un passé national disparu, et faisant sienne une culture d’origine américaine dans ses aspects les plus ineptes. Ce qui est très exactement la position d’Emmanuel Macron lui-même.

 Avec l’exemple, à l’origine d’une polémique mondiale, de la caricature du tableau de Léonard de Vinci représentant la Cène chrétienne. Chez nous, les premières réactions outrées des grenouilles de bénitier traditionnelles ont attiré l’attention de la petite bourgeoisie de « gauche ». Qui s’est alors précipitée pour défendre et revendiquer la cérémonie. Puis faire siens les JO eux-mêmes en en faisant « son événement ». Il n’est que de lire Libération qui n’a pas de mots assez forts pour encenser la foire olympique, la parant sans barguigner de tous les atours. Virage tactique assez intéressant puisqu’il lui permet de rester à l’initiative et de continuer à revendiquer le poste de Premier ministre et la nomination de sa « candidate » par le chef de l’État. En continuant à affirmer que le NFP a « gagné » et que Macron est « tenu » par la Constitution de nommer Lucie Castets Premier ministre. Sauf que ces incantations relèvent de la légende urbaine.

La victoire de la gauche, une légende urbaine

D’abord, premier mensonge. Le programme du NFP a été approuvé par la majorité du peuple français et par conséquent il doit être mis en œuvre. Ce qui donne un rapport de force politique dans une démocratie représentative utilisant le scrutin uninominal à deux tours, c’est le résultat chiffré du premier tour. Le 30 juin dernier, le programme du Front National et de ses alliés a obtenu près de 34 % des voix des votants. L’alliance électorale du Nouveau Front Populaire et son programme ont obtenu 27 %. Prétendre que l’approbation du programme du NFP est majoritaire est faux, elle n’est même pas première puisque à 7 points derrière celui du RN. L’alliance électorale de la « gauche » devient la plus nombreuse en termes de députés après le deuxième tour, mais pour les « groupes » qui sont des institutions organisées au sein de l’Assemblée, c’est une nouvelle fois le RN qui a le plus nombreux. Si l’on retient l’alliance électorale et non la composition des groupes, il manque au NFP près d’une centaine de députés pour arriver à la majorité. On a connu des victoires plus solides.

Ensuite, deuxième mensonge. Emmanuel Macron est tenu de respecter la démocratie (!) et de nommer un premier ministre présenté par le NFP. Certains vont même jusqu’à prétendre que ne le faisant pas, il viole la constitution ! Une lecture attentive du texte fondamental ne permet pas de savoir sur quel article ceux-là s’appuient. Plus subtile est l’invention d’une « tradition » républicaine qui obligerait le Président de la république à nommer un premier ministre issu de l’alliance politique la plus nombreuse. Plus subtil peut-être, mais c’est quand même n’importe quoi. Il n’existe aucune tradition de ce type dans l’application de la constitution de 1958. Il y a eu trois cohabitations, ou la majorité parlementaire était contraire à celle qui soutenait le président de la république et c’est précisément parce que cette majorité était majoritaire Jacques Chirac, puis Édouard Balladur puis Lionel Jospin ont été nommés par François Mitterrand et Jacques Chirac, qui savaient qu’ils seraient majoritaires !

Ensuite toujours, troisième mensonge. Le cas particulier d’Élisabeth Borne ne saurait servir de base à l’invention d’une nouvelle « tradition constitutionnelle ». À ce stade on va rappeler que dans un système parlementaire même rationalisé comme celui de la Constitution de 58, le Président nomme le premier ministre, mais c’est le parlement qui le choisit. Soit il approuve et accepte cette nomination, soit il le renverse. C’est ce qui est arrivé avec Élisabeth Borne qui a toujours eu, faute de motion de censure, une majorité lui permettant de gouverner.

Bloc central, le retour

Enfin, quatrième mensonge. C’est l’alliance électorale la plus nombreuse qui a « gagné » les élections. Lorsque l’on regarde le résultat du 7 juillet, cette prétention est ridicule. Il y a à l’évidence une tri-partition et l’on voit bien que personne n’a gagné. Alors que doit faire le Président de la république ? Bien sûr s’il était soucieux de l’intérêt du pays, ce qui n’est évidemment pas le cas d’Emmanuel Macron. Et c’est là qu’on doit revenir à la dimension de république parlementaire qu’est la France aujourd’hui. En se servant de la vraie tradition républicaine qui a servi de base au fonctionnement des IIIe et IVe Républiques. La responsabilité des présidents a toujours été de proposer le poste à un candidat susceptible de constituer une majorité au Parlement. Les régimes, parlementaire de la IIIe et d’assemblée de la IVe, devaient gérer des situations politiques morcelées qui accouchaient de majorités de circonstance, dans les couloirs des assemblées. Les présidents du conseil n’étaient nommés que s’ils garantissaient au président avoir constitué une majorité au Parlement. C’est exactement ce qu’a fait de Gaulle en 1958. Il n’a accepté la nomination de René Coty qu’après avoir mené dans la coulisse les négociations lui permettant de venir devant la chambre et d’obtenir un vote de confiance. Et Coty ne l’a nommé parce qu’il avait lui aussi cette garantie. En régime parlementaire, les choses se passent dans cet ordre. Et c’est dans cet ordre qu’elles vont se passer, transformant les castors qui ne le voient pas en autruches.

Ainsi, après que les militantes féministes eurent appelé à réélire Darmanin, qualifié quelques jours avant d’horrible violeur, que les militants syndicaux se furent précipités pour réélire Madame Borne la destructrice du régime des retraites, la « gauche » continue ses incantations sur sa soi-disant victoire. Qui impliquerait qu’Emmanuel Macron nomme la caricature arrogante de membre de la caste, sortie de nulle part qu’elle lui présente.

Jusqu’au moment où en cohérence avec son vote du 7 juillet elle fera ce qu’elle fait toujours, surtout depuis 2017.

Aider Macron à poursuivre son projet.

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