Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Ukraine et le droit chimérique à la souveraineté absolue ou le retour de Bentham…

Glenn Diesen, ce professeur d’Université norvégien s’est fait dans le monde anglosaxon une réputation sulfureuse de “complotiste” pour son soutien sans condition à Poutine et à la Russie qu’il incarne. Son article sur Pourquoi l’Ukraine ne devrait pas avoir le “droit” d’être membre de l’OTAN que nous publions ici grâce à la traduction de Catherine Winch, a le mérite d’éclairer les soubassements philosophiques de la prise de conscience actuelle d’un basculement historique, et l’hypocrisie d’une propagande occidentale qui s’érige en champion d’une petite nation à laquelle l’impérialisme ne reconnaitrait aucun droit dans sa propre logique, celle qu’il continue à prétendre imposer à l’humanité jusqu’à la catastrophe nucléaire… OUI mais cette rationalité-là n’est pas celle des communistes, pas de la Chine et pas tout à fait celle de la Russie… Cet article a été édité par le très officiel Russia Today, en langue anglaise. Notons que si chacune des versions de Russia Today défend la politique gouvernementale de Poutine, elle le fait d’une manière très subtilement différente en français, en espagnol, en anglais en s’adaptant à “l’idiosyncrasie” de chaque “civilisation”… ici le pragmatisme anglosaxon et son intériorisation du droit à la domination…

En découvrant cette démonstration totalement “rationnelle”, débarrassée de toute hypocrite référence à la défense de David contre Goliath, avec laquelle on nous berne, on peut effectivement considérer que puisque tel est l’ordre international impérialiste il faut dire la vérité et appliquer à ce malheureux pays, la seule logique qui convient à ses pareils, la soumission à son puissant voisin. Étant bien entendu que rien ne peut changer et que cet ordre est éternel. Oui mais ce n’est pas la position des communistes, ni celle de l’URSS, ni celle des partis communistes de par le monde quelle que soit leur analyse de la guerre ukrainienne. Ni même totalement celle de la Russie, marquée par sa révolution et entraînée par sa lutte contre l’hyper-impérialisme. Une telle analyse revient en fait à justifier l’existence de l’OTAN, doit de puissance contre droit de puissance et il n’est pas étonnant qu’elle soit reprise par une fraction de la petite et moyenne bourgeoisie spoliée par le pouvoir de la fraction monopoliste financiarisée.

Ce débat ne date pas d’aujourd’hui sur la différence entre “utilitarisme” et marxisme-léninisme est ancien. Celui qui connait les débats idéologiques du mouvement ouvrier du XIXe siècle (repris par Lénine et bien d’autres) ne peut que s’exclamer mais devant cette défense du droit international réel dans son objectivité, mais c’est l’utilitarisme de Bentham. Cette référence exige un détour théorique pour qui ne connait pas Marx et n’a plus aucune connaissance du marxisme sauf quelques vagues citations. Bentham est une de ces têtes de turc de Marx et à ce qu’on dit un inspirateur en matière de science économique. Mais pour cela il faut se souvenir que Marx procède à une critique de l’économie politique à travers une critique de la dialectique philosophique hégélienne et de la lutte des classes en France, trois sources toutes prises à rebours et situées dans la dynamique des contradictions. C’est à dire qu’il s’appuie sur une analyse des “intérêts objectifs” comme l’utilitarisme mais il en dénonce la stagnation régressive de la classe bourgeoise. Pour démontrer cela il faudrait faire précéder ce texte d’une longue critique et une relecture de l’idéologie allemande, de la critique de l’économie politique, de sa méthode, du Capital, comme de la lutte des classes en France. Le résumé que nous tentons ici reste allusif pour montrer l’apport de ce type de rationalité économique et ses limites. Il faut se souvenir de ce qu’a représenté cette science économique, qui pour les Français moins développés industriellement que les Anglais inventèrent les physiocrates en partant de la “propriété foncière” et de ses illusions sentimentales, et est devenu chez les anglais, Bentham et l’utilitarisme qui prétend que seul compte l’utilité réelle de la satisfaction des besoins matériels face à l’idéalisme des bons sentiments et de la charité. C’est donc une philosophie qui se veut matérialiste à travers l’idée objective de l’utilité réelle… Marx montre que chez Bentham et les économistes anglais, c’est la science du propriétaire qui prétend absorber tous les autres éléments juridiques, religieux, considérés comme “idéalistes” mais cette absorption dit Marx fut érigée par eux comme un aspect extérieur à ces rapports, les dominant. La subordination complète de tous les rapports existants aux rapports d’utilité explique Marx dans l’idéologie allemande (Saint Max) s’accomplit chez Bentham, à l’époque, où, après la révolution française et le développement de la grande industrie, la bourgeoisie ne se présente plus comme une classe particulière, mais comme la classe dont les conditions sont celles de la société tout entière.

Et Marx d’ajouter, une fois taries les paraphrases sentimentales et morales qui constituaient chez les Français tout le contenu de l’utilitarisme, seul manquait au développement de cette théorie la question de savoir comment utiliser et exploiter les individus et les circonstances. Dans l’entretemps l’économie politique avait déjà donné réponse à cette question et il montre qu’une telle critique ne peut s’exercer que contre des rapports antérieurs et pas ceux du capital, sur ce qui constitue simplement une obstacle aux progrès de cette bourgeoisie. “C’est pourquoi la théorie utilitariste analyse certes le lien de toutes les institutions existantes avec les conditions économiques mais seulement dans une mesure limitée, celle des intérêts d’une classe bourgeoise. Et moins les intérêts de la dite classe coïncident avec ceux de la société nationale et internationale plus elle est contrainte à passer de l’idée de démocratie, par et pour le peuple, à ce moment fasciste où son pouvoir dictatorial est de plus en plus répressif.

Ce qui rend en outre très intéressant cette défense du droit de Poutine par ce philosophe utilitariste c’est que premièrement il dénonce “l’idéalisme” d’un positionnement “moral” au nom du réalisme des rapports réels à exercer son statut de puissance face à une Ukraine qui n’en a pas la capacité donc pas la droit objectif. Deux cette position est présentée comme “complotiste” alors qu’elle définit en réalité les bases sur lesquelles l’occident, les USA mais aussi les puissances vassales néo coloniales comme la Grande-Bretagne et la France (qui doit toujours y mêler sa prétention à l’universalité des droits de l’homme) agissent depuis toujours en matière de “droit” international. Quand cette prétention leur est contestée la réponse est la guerre sous toutes ses formes… En prétendant arrêter la dynamique de l’histoire au droit du capital à son stade impérialiste. Il arrive toujours un moment où ce droit passe de l’idée d’utilité pour le bien de tous à la sortie du revolver comme un gangster ou le héros du western en fondant sa propriété sur la seule violence ou l’on passe de Biden à Trump sans la moindre différence sur le fond…

En France, avec Macron, nous avons atteint en ce moment quelque chose de l’ordre de cette mise en évidence… Dans l’effroi général de la chute des illusions et de la découverte de l’impuissance …

Mais il y a un autre aspect qui rend intéressant cette prise de position apparemment radicalement pro-Poutine au nom des principes de l’utilitarisme de Bentham, c’est de quelle manière elle illustre aussi la tentative post soviétique de la restauration capitaliste de se fabriquer une idéologie et comment cette restauration n’arrive comme toutes les contre révolutions qu’à recycler des fragments anciens. La volonté de résistance nationale, “patriotique” ici comme ailleurs est à la recherche d’une idéologie… Celle-ci n’arrive pas à concurrencer le marxisme léninisme et sa force pratique sur les masses. Le régime post soviétique de Poutine à la recherche d’une idéologie ne trouve dans ce cas que Bentham et l’utilitarisme, le droit de grande puissance, mais Poutine est contraint aussi à recourir à la force du droit international de l’URSS qui est la seule à étendre son audience au sud, celle qui cherche la paix par la sécurité de tous. L’entourage oligarchique de Poutine oscille – comme Proudhon entre l’idéalisme hégélien qui transforme les êtres humains en idées mystiques à la Douguine et l’objectivité de la loi du propriétaire oligarque qui a tout privatisé celle qui avec Bentham transforme les hommes en chapeau sur le marché, en mercenaires de la chair à canon. L’idée d’un droit international kantien est encore trop révolutionnaire pour une telle régression… le Parti communiste de Russie ne cesse de l’affirmer et soutient “la guerre patriotique” en opposant la force de l’URSS, le mouvement de masse qu’il suscitait et qui reste encore présent à la 5e colonne de la réaction dans sa vocation impérialiste.

Le paradoxe est que ce philosophe utilitariste, qui à l’inverse de l’incohérence confuse des bons sentiments qui tentent de faire de l’Ukraine une nouvelle guerre d’Espagne, est en fait la parfaite illustration de la rationalité du droit du propriétaire à son stade monopoliste en revenant au fondement même de la dictature de la bourgeoisie. Ce type de pensée roborative est typique d’une illusion idéaliste de la fascination pour la force susceptible d’abattre un système honni par des intellectuels petits bourgeois prêts à leur manière à l’aventure fasciste… Une dictature qui les libèrera de ce que la dictature impérialiste ne leur apporte plus ni en tant que couches moyennes, ni en tant que vassaux de l’empire. C’est exactement ce que l’on trouve dans toute une littérature pseudo-anti-impérialiste illustrée en France par Asselineau, Cheminade, Philipot, Soral et Dieudonné dans lequel le culte de la force a souvent sur le fond substitué également à une dynamique de classe un dévoiement en terme de race comme chez Proudhon et en prolongement de l’utilitarisme néocolonial, l’incapacité à la dialectique qu’introduit la lutte des classes dans la pseudo objectivité économique qui n’arrive pas à dépasser celle du propriétaire capitaliste…

Danielle Bleitrach

https://glenndiesen.substack.com/p/destroying-ukraine-with-idealism#_ftn2

[Aubane]

Pourquoi l’Ukraine ne devrait pas avoir le “droit” d’être membre de l’OTAN

RT : 7 juillet 2024 

Le conflit porte sur l’OTAN et son expansion, et Moscou considère Kiev comme un agent mandataire de l’organisation.

Glenn Diesen, professeur à l’université du sud-est de la Norvège et rédacteur en chef de la revue Russia in Global Affairs. Suivez-le sur Substack.
Le réalisme politique est communément et faussement dépeint comme immoral parce qu’il se concentre principalement sur une compétition sécuritaire inéluctable et qu’il rejette ainsi les efforts idéalistes visant à transcender la politique de puissance. Étant donné que les États ne peuvent s’affranchir de la concurrence en matière de sécurité, la moralité, pour les réalistes, consiste à agir conformément à la logique de l’équilibre des pouvoirs, qui constitue le fondement de la stabilité et de la paix. Les efforts idéalistes visant à rompre avec la politique de puissance peuvent alors être définis comme immoraux, car ils sapent la gestion de la concurrence en matière de sécurité, fondement de la paix. Comme l’a exprimé Raymond Aron en 1966 : “L’idéaliste, qui croit avoir rompu avec la politique de puissance, exagère ses crimes”.


Le droit souverain de l’Ukraine à adhérer à l’OTAN
L’argument idéaliste le plus séduisant et le plus dangereux qui a détruit l’Ukraine est qu’elle a le droit d’adhérer à toute alliance militaire qu’elle souhaite. Il s’agit d’une déclaration très attrayante qui peut facilement gagner le soutien du public, car elle affirme la liberté et la souveraineté de l’Ukraine, et l’alternative est apparemment que la Russie devrait être autorisée à dicter les politiques de l’Ukraine.


Cependant, soutenir que l’Ukraine devrait être autorisée à rejoindre n’importe quelle alliance militaire est un argument idéaliste, car il fait appel à la façon dont nous aimerions que le monde soit, et non à la façon dont le monde fonctionne réellement. Le principe selon lequel la paix découle de l’expansion des alliances militaires sans tenir compte des intérêts de sécurité des autres grandes puissances n’a jamais existé. Les États qui, comme l’Ukraine, sont limitrophes d’une grande puissance ont toutes les raisons d’exprimer des préoccupations légitimes en matière de sécurité, mais l’invitation d’une grande puissance rivale comme les États-Unis sur son territoire intensifie la concurrence en matière de sécurité.


Est-il moral d’insister sur la façon dont le monde devrait être lorsque la guerre est la conséquence de l’ignorance de la façon dont le monde fonctionne réellement ?


L’alternative à l’expansion de l’OTAN n’est pas d’accepter une sphère d’influence russe, qui désigne une zone d’influence exclusive. La paix découle de la reconnaissance d’une sphère d’intérêts russe, c’est-à-dire d’une zone où les intérêts russes en matière de sécurité doivent être reconnus et intégrés plutôt qu’exclus. Il n’était autrefois pas controversé d’affirmer que les intérêts de la Russie en matière de sécurité devaient être pris en compte lors des opérations menées à ses frontières. C’est la raison pour laquelle l’Europe disposait d’une ceinture d’États neutres servant de tampon entre l’Est et l’Ouest pendant la guerre froide afin d’atténuer la concurrence en matière de sécurité.


Le Mexique dispose de nombreuses libertés dans le système international, mais il n’a pas la liberté d’adhérer à une alliance militaire dirigée par la Chine ou d’accueillir des bases militaires chinoises. L’argument idéaliste selon lequel le Mexique peut faire ce qu’il veut implique d’ignorer les préoccupations des États-Unis en matière de sécurité, ce qui aboutirait probablement à la destruction du Mexique par les États-Unis. Si l’Écosse se sépare du Royaume-Uni et rejoint ensuite une alliance militaire dirigée par la Russie et accueille des missiles russes, les Anglais continueront-ils à défendre le principe du consentement ?


Lorsque nous vivons dans un monde réaliste et que nous reconnaissons que la concurrence en matière de sécurité doit être atténuée pour assurer la paix, nous acceptons un système de sécurité fondé sur des contraintes mutuelles. Lorsque nous vivons dans un monde idéaliste où les États bons s’opposent aux États méchants, la force du bien ne doit pas être limitée. La paix est alors assurée lorsque le bien l’emporte sur le mal et que le compromis n’est qu’un apaisement. Les idéalistes qui cherchent à transcender la politique de puissance et à créer un monde plus bénin se retrouvent donc à intensifier la concurrence en matière de sécurité et à déclencher des guerres.


La moralité de l’opposition à l’expansionnisme de l’OTAN


Les idéalistes condamnent régulièrement l’argument selon lequel l’expansionnisme de l’OTAN a provoqué l’invasion de la Russie en le qualifiant d’immoral, car il légitimerait à la fois la politique de puissance et l’invasion. La réalité objective est-elle immorale si elle contredit le monde idéal que nous voudrions voir exister ?
L’ancien ambassadeur britannique en Russie, Roderic Lyne, a prévenu en 2020 que c’était une “énorme erreur” de demander l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN : “Si vous voulez déclencher une guerre avec la Russie, c’est le meilleur moyen de le faire”. Angela Merkel a reconnu que la Russie interpréterait la possibilité d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN comme une “déclaration de guerre”. Le directeur de la CIA, William Burns, a également mis en garde contre l’intégration de l’Ukraine dans l’OTAN, car la Russie craint d’être encerclée et subira donc une pression énorme pour recourir à la force militaire : “La Russie devrait alors décider d’intervenir ou non, une décision à laquelle elle ne veut pas être confrontée. Un conseiller de l’ancien président français Sarkozy a affirmé quela Charte américano-ukrainienne sur le partenariat stratégique de novembre 2021 “a convaincu la Russie qu’elle doit attaquer ou être attaquée”. Aucune des personnes susmentionnées n’a cherché à légitimer une invasion, mais plutôt à éviter une guerre. Pourtant, tenir compte de leurs avertissements est condamné comme donnant un droit de veto à la Russie, alors qu’ignorer ces avertissements est décrit comme étant vertueux et fondé sur des principes.


Lorsque les grandes puissances ne disposent pas d’un veto institutionnel souple, elles utilisent un veto militaire dur. Les idéalistes qui insistent sur le fait que la Russie ne devrait pas avoir de droit de veto sur l’expansion de l’OTAN ont poussé à l’adoption de politiques qui, comme on pouvait s’y attendre, ont entraîné la perte de territoires, des centaines de milliers de morts et la destruction d’une nation. Pourquoi les idéalistes peuvent-ils se présenter comme moraux et “pro-ukrainiens” ? Pourquoi les réalistes qui, pendant plus d’une décennie, ont mis en garde contre l’expansion de l’OTAN sont-ils immoraux et “anti-ukrainiens” ? Ces étiquettes sont-elles fondées sur l’hypothèse théorique des idéalistes ?


L’OTAN en tant que tierce partie ?


En suggérant que l’Ukraine a le droit souverain d’adhérer à l’OTAN, on présente le bloc militaire comme une tierce partie passive qui ne fait que soutenir les aspirations démocratiques des Ukrainiens. Ce discours néglige le fait que l’OTAN n’avait pas l’obligation de proposer une adhésion future à l’Ukraine. En effet, les pays occidentaux ont signé plusieurs accords avec Moscou après la guerre froide, tels que la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, afin de construire collectivement une Europe sans lignes de démarcation et fondée sur une sécurité indivisible. L’OTAN a rompu ces accords en poussant à l’expansion et en refusant d’offrir à la Russie des garanties de sécurité pour atténuer la concurrence en matière de sécurité. En proposant une adhésion future à l’Ukraine, l’OTAN a déplacé la pression vers l’Ukraine et le conflit OTAN-Russie est devenu un conflit Russie-Ukraine. La Russie a estimé qu’elle devait empêcher l’Ukraine de rejoindre le bloc militaire et d’accueillir l’armée américaine sur son territoire.


Le soutien de l’OTAN au droit de l’Ukraine de choisir sa propre politique étrangère est également malhonnête, car l’Ukraine a dû être entraînée dans l’orbite du bloc militaire contre sa volonté. Le public occidental est rarement informé du fait que tous les sondages d’opinion réalisés entre 1991 et 2014 démontrent que seule une très petite minorité d’Ukrainiens a souhaité rejoindre l’alliance. L’OTAN a reconnu le manque d’intérêt du gouvernement et du peuple ukrainiens comme un problème à surmonter dans un rapport de 2011 : “Le plus grand défi pour les relations Ukraine-OTAN réside dans la perception de l’OTAN par le peuple ukrainien. L’adhésion à l’OTAN n’est pas largement soutenue dans le pays, certains sondages suggérant que le soutien populaire est inférieur à 20 %.”


La solution a été de pousser à une “révolution démocratique” en 2014 qui a renversé le gouvernement démocratiquement élu de l’Ukraine en violation de sa constitution et sans le soutien de la majorité des Ukrainiens. La fuite de l’appel téléphonique Nuland-Pyatt a révélé que les États-Unis planifiaient un changement de régime, notamment en ce qui concerne la composition du gouvernement post-coup d’État, les personnes à exclure et la manière de légitimer le coup d’État. Après le coup d’État, les États-Unis ont ouvertement affirmé leur influence intrusive sur le nouveau gouvernement qu’ils avaient installé à Kiev. Le procureur général de l’Ukraine, Viktor Shokin, s’est plaint que depuis 2014, “la chose la plus choquante est que toutes les nominations [du gouvernement] ont été faites en accord avec les États-Unis” et que Washington “a cru que l’Ukraine était leur fief”. Un conflit avec la Russie serait fabriqué pour créer une demande pour l’OTAN.
Quelles ont été les premières décisions du nouveau gouvernement trié sur le volet par Washington ? Le premier décret du nouveau Parlement a abrogé la possibilité pour les régions ukrainiennes de désigner le russe comme deuxième langue officielle. Le New York Times rapporte que dès le lendemain du coup d’État, le nouveau chef des services d’espionnage ukrainiens a appelé la CIA et le MI6 pour établir un partenariat en vue d’opérations secrètes contre la Russie, ce qui a abouti à la création de 12 bases secrètes de la CIA le long de la frontière russe. Le conflit s’est intensifié lorsque la Russie a réagi en s’emparant de la Crimée et en soutenant une rébellion dans le Donbass, et que l’OTAN a saboté l’accord de paix de Minsk que l’écrasante majorité des Ukrainiens avait voté pour mettre en œuvre. Le maintien et l’intensification du conflit ont permis à Washington de disposer d’un mandataire ukrainien dépendant qui pourrait être utilisé contre la Russie. Le même article du New York Times mentionné ci-dessus a également révélé que la guerre secrète contre la Russie après le coup d’État était l’une des principales raisons de l’invasion de la Russie :
“Vers la fin de l’année 2021, selon un haut fonctionnaire européen, M. Poutine réfléchissait à l’opportunité de lancer son invasion à grande échelle lorsqu’il a rencontré le chef de l’un des principaux services d’espionnage russes, qui lui a dit que la CIA et le MI6 britannique contrôlaient l’Ukraine et la transformaient en tête de pont pour des opérations contre Moscou.”


L’immoralité de la paix contre la moralité de la guerre ?


Après l’invasion “non provoquée” de l’Ukraine par la Russie, les idéalistes insistent pour que l’Ukraine devienne membre de l’OTAN dès la fin de la guerre. Il s’agit d’une déclaration attrayante et morale visant à garantir la protection de l’Ukraine et à éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise.
Mais qu’est-ce que cela signifie pour la Russie ? Tout territoire que la Russie ne conquiert pas tombera entre les mains de l’OTAN, qui pourra alors l’utiliser comme ligne de front contre la Russie. La menace de l’expansion de l’OTAN incite la Russie à s’emparer d’autant de territoires que possible et à faire en sorte que ce qui reste soit un État croupion profondément dysfonctionnel. La seule chose qui puisse apporter la paix à l’Ukraine et mettre fin au carnage est de restaurer sa neutralité, mais les idéalistes dénoncent cela comme profondément immoral et donc inacceptable. Pour reprendre Raymond Aron : “L’idéaliste, croyant rompre avec la politique de puissance, exagère ses crimes”.


Cet article a été publié pour la première fois sur Subtrackde Glenn Diesen et édité par l’équipe de RT

 

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2 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2024/07/13/donald-trump-et-nigel-farage-accusent-biden-et-l-otan-d-avoir-provoque-le-c.html
    Ce texte met à mal la théorie accusant la Russie d’être intervenue, le 24 février 2022, sans être “provoquée”

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  • Sébastien Lemoine
    Sébastien Lemoine

    Le regard de 1982 d’Alexandre Zinoviev est intéressant :

    « Un système pluraliste en régime communiste est une absurdité. Les partis se feraient aussitôt la guerre, et l’un d’eux l’emporterait (ou le pays se diviserait en états « indépendants »). »

    > La Maison jaune, Alexandre Zinoviev (trad. Anne Coldefy-Faucard et Wladimir Berelowitch), éd. Julliard/L’Age d’Homme, 1982, t. 2, p. 115

    Il faut comprendre ici « régime communiste » comme « société communaliste modernisé » : un état fort, une idéologie puissante, des collectivités anciennes qui ne font qu’UN. L’URSS fut la première société communaliste qui a réussi son développement moderne. La société est passé d’un stade ultraféodal, traditionaliste, assujetti, rural, paysanne à 80% illettré à un stade modernisé, moderne, populaire/souverain, urbain plus lettré qu’ici. Et cela en 15/20 ans sous crise historique caractéristique de la mort d’un ancien régime avec ses guerres civiles mondialisées (1618-1648, 1789-1815, 1914-1945, 1950-1984).

    Le communisme des pays communistes du XX émerge de l’aspect communaliste de la société tandis que le communisme de Marx prend sa source dans l’aspect professionnel.
    Les marxistes du XX avaient occulté l’aspect collectiviste de l’empire tsar et le mode de production asiatique. Lénine en a reconnu son erreur mais pas Trotsky qui est resté sur une vision occidentaliste. L’URSS a ouvert ainsi une nouvelle voie d’évolution à la modernité et au moderne pour les sociétés communalistes (80% des sociétés dans le monde).

    Si la guerre froide a été vive au vue de la stagnation de l’espérance de vie en URSS et le baisse aux USA, la Russie n’a pas perdu son aspect communaliste. Cela même si Gorbatchev et Eltsine y ont introduit un occidentalisme opportuniste avec les conséquences désastreuses sur l’espérance de vie pendant 15-20 ans. Poutine et Mendvedev même si trop mous pour Alexandre Zinoviev ont limité la casse des politiques libérales totalement inadaptés aux sociétés communalistes.

    Ce processus de division dans les états touchés par l’otanisation s’observe dans d’autres ex-états de l’URSS que l’Ukraine.

    La Fédération de Russie en tant que société communaliste défend les Républiques populaires du Donbass et la Crimée qui en 2014 ont osé la démocratie populaire en accord avec leur société communaliste contre la contre-révolution fasciste de l’EuroMaidan conduit par les démocraties totalitaires (AZ) ou élitaires (S.L.).

    En octobre 2021 pour 2022, la Fédération de Russie a officialisé les 100 ans de la naissance d’Alexandre Zinoviev. Contrairement à ce qu’écrit un article sur la revue AOC, ça n’a rien d’une instrumentalisation par Poutine mais une appréhension des faits sociologiques.

    Selon mon regard, l’Ukraine née de l’URSS est morte dans les années 90. La nazification et la mafia, qui comblent le vide idéologique et étatique, en sont des signes. Si la division de la Yougoslavie et de l’URSS ont été précipitée par l’US-OTANazi, en Ukraine ce processus de division s’est réalisé lentement et spontanément au grand damne des mondialistes et à la surprise de la Fédération de Russie.

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