Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’hyper-impérialisme : une nouvelle étape de l’évolution historique de l’impérialisme—Deuxième partie

Voici la suite de l’important article de la Worldmzrxistereview traaduit par Caherine Winch (une troisième partie suivra demain dimanche 14 juillet. Cet article constitue en soi une importante contribution au débat sur l’actuel basculement du monde, mais également à ce qui se passe en France et dans d’autres pays de l’hyper-impérialisme. Nous ne cessons d’insister sur la manière dont les jeux politiciens sont l’écume de transformations et de mouvements bien plus profonds. Comme l’indique l’article, il y a un projet concernant l’Eurasie que porte la réunion de l’OTAN, il est au-delà des idéologies et repose sur des facteurs objectifs à partir de ce qu’est selon les auteurs le leader Etats-Unien, un impérailisme raciste. Lhyper-impérialisme est dans une logique qui passe par la double défaite de la Russie et de la Chine. Et j’ai déjà proposé de lire les apparentes errances et sensibilités des individus et des groupes en regard de ces facteurs objectifs. Macron est sans doute (comme Trump) un individu marcissique, mégalomane mais il serait illusoire d’en demeurer à ce théâtre. En fait, il sont en place des tendances qui n’ont pas existé depuis cent ans et qui ont déclenché des series de Révolutions jusqu’en 1959 avec Cuba, pourtant nous ne sommes pas -encore- dans l’ère des Révolutions comme à cette époque là… (note de danielle Bleitrach traduction de Catherine Winch pour histoireetsociete)

Gisela Cernadas, Mikaela Nhondo Erskog, Renata Moreno, & Deborah Veneziale

https://worldmarxistreview.org/index.php/wmr/article/view/25/19

[Note : pour les références aux figures mentionnées, se référer à l’original anglais, où les tables et graphiques sont faciles à interpréter.]

Compte tenu de ces changements, les dirigeants de la classe politique américaine au Centre pour la Nouvelle Sécurité Américaine (CNAS) – le groupe de réflexion basé à Washington et le noyau intellectuel du gouvernement américain – ont défini la géostratégie américaine comme la double défaite de la Russie et de la Chine, ce qui signifierait que le Nord global prendrait le contrôle de l’Eurasie. La taille, la part des ressources naturelles, la puissance militaire, la proximité géographique et l’indépendance vis-à-vis de la domination impérialiste de la Chine et de la Russie sont les facteurs clés de leurs perspectives mondiales respectives et de leur partenariat stratégique. Ces facteurs objectifs sont plus déterminants que les facteurs idéologiques. Les États-Unis veulent accomplir la mission inachevée de dénucléarisation de la Russie. Des cartes accrochées à Washington montrent les deux pays divisés en petits segments, États vassaux de l’Occident, sans indépendance et certainement sans armes nucléaires. Comme le montre la figure 1, la Chine, la Russie, la RPD de Corée et l’Iran sont les quatre puissances nucléaires (ou potentiellement nucléaires) qui sont au centre de l’attaque de la ligne de front de l’impérialisme. La Chine et la Russie sont les deux premières cibles, la première en raison de sa puissance économique et la seconde en raison de son arsenal nucléaire. La Syrie, le Venezuela, Cuba et la Biélorussie sont également des cibles immédiates pour un changement de régime. Les pays du Sud sont très divers et hétérogènes, ne forment pas un bloc et ne sont pas alignés idéologiquement. Ils n’ont certainement pas d’alliances militaires. Certains d’entre eux – la République de Corée et les Philippines – se sont engagés dans la sphère militaire américaine. Ce qu’ils ont, c’est une histoire commune. Ils ont subi des centaines d’années d’abus coloniaux et semi-coloniaux de la part du Nord. Les nations plus blanches ont passé les cinquante dernières années à tenter d’effacer de l’histoire la terreur qu’elles ont fait régner sur les peuples plus foncés du monde, y compris ceux qui vivent à l’intérieur de leurs propres frontières. Les médias occidentaux se délectent des grandes différences qui existent au sein du Sud. Le groupe des 77 et le mouvement des non-alignés, bien que plus faibles, continuent d’exister. L’évolution vers un sentiment plus fort d’identité partagée parmi les pays du Sud ne peut pas être facilement écartée. La demande de souveraineté nationale est profondément démocratique. Elle reste une question cruciale pour l’amélioration des conditions de vie des classes populaires dans les pays du Sud et constitue également une étape nécessaire vers le socialisme. La Première Guerre mondiale a entraîné la révolution russe (1917), suivie de la création de l’Union soviétique, le premier État ouvrier pleinement opérationnel au monde, et d’une vague de luttes révolutionnaires de libération nationale. La Seconde Guerre mondiale s’est achevée par la création de la République populaire démocratique de Corée (1948) et de la République populaire de Chine (1949), suivies d’une autre vague de luttes de libération nationale comprenant d’importantes victoires socialistes, comme au Viêt Nam (1954 et 1975) et à Cuba (1959). Nous ne vivons pas une période comparable de révolutions aujourd’hui. Cependant, il y a un nouvel état d’esprit clair et un réveil de l’esprit pour faire avancer les projets de libération nationale incomplets qui ont commencé dans les deux périodes précédentes. La domination du système néocolonial occidental est remise en question. Nous assistons à des “changements sans précédent depuis 100 ans” et entrons dans une nouvelle période de l’histoire.

3. L’histoire commune du camp impérialiste : Conquête, racisme et génocide
La richesse du Nord global provient d’un pillage historique par le biais d’une dépossession violente au cours des siècles. La stagnation économique et la demande de croissance ont stimulé le pillage des ressources d’autres régions. Comme le montre la figure 2, ce phénomène a commencé dès les invasions militaires des croisades contre les régions arabes et musulmanes de l’Asie occidentale (1050-1291). La fin de la période chaude médiévale en Europe (qui a duré de 950 à 1250 environ) et la catastrophe de la peste noire (1346-1353) ont fait pencher la balance en faveur des paysans, au détriment de l’aristocratie. Les rébellions paysannes et les chartes forestières dans toute l’Europe sont le signe que l’avenir du capitalisme est loin d’être scellé. L’Europe a ensuite entamé sa trajectoire d’hégémonie mondiale par le biais de ses puissances maritimes militarisées, en commençant dès 1415 par l’invasion et la prise de Ceuta, un port marocain fortifié, par le Portugal – une date que nous utilisons pour marquer les 600 ans et plus de domination occidentale. La première puissance coloniale européenne, le Portugal, a utilisé des capitaux génois pour financer ses expéditions, et le reste de l’Europe lui a emboîté le pas dans les années 1400. Les conquêtes des nations plus foncées du monde, la dépossession subséquente des peuples de leurs terres et la subordination de leur travail ont donné lieu à l’émergence d’idéologies raciales. Cette couche idéologique a infiltré la base et la superstructure des sociétés européennes et des peuples qu’elles ont conquis. Elle est particulièrement prononcée dans les États coloniaux de colons blancs, qui ont été des projets raciaux dès le début de leur existence (figure 3). Au sein de ces États coloniaux blancs, les États-Unis et Israël représentent aujourd’hui l’histoire la plus marquée, la plus permanente et la plus profondément enracinée des projets raciaux-religieux. L’analyse économique montre que la véritable hausse des investissements capitalistes au Royaume-Uni a commencé lorsque les profits de l’esclavage et le pillage de pays comme l’Inde ont permis la hausse historique des investissements en capital fixe et ont été décisifs dans ce que l’on appelle l’accumulation primitive capitaliste et le financement de la “révolution industrielle”. Utsa Patnaik (2017) a indiqué que le Royaume-Uni a soutiré 45 000 milliards de dollars américains (en utilisant une formule de taux d’intérêt composé puisqu’ils ne sont toujours pas payés) à l’Inde entre 1765 et 1936. L’écrasante majorité des grandes institutions britanniques ont profité de la traite transatlantique des esclaves. Le fondement idéologique racial a, à son tour, façonné le développement ultérieur du capitalisme et de l’impérialisme. Au fil des siècles, l’Europe a créé plusieurs autres projets coloniaux de colons blancs en dehors de son noyau historique dans les Amériques et en Australasie, notamment au Kenya, en Afrique du Sud et au Zimbabwe. Ceux qui ont “réussi” ne l’ont pas fait en s’installant sur des terres inhabitées, selon le mythe de la terra nullius, mais plutôt par le génocide et la conquête militaire, en créant des populations et des États majoritairement blancs. L’Allemagne a perpétré le premier génocide du XXe siècle en massacrant environ 80 000 Herero et Nama en Namibie entre 1904 et 1908. Les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et Israël sont des projets de la Grande-Bretagne, cette dernière ayant commencé ses conquêtes coloniales au milieu du XVe siècle en Irlande. Le rôle de la Grande-Bretagne dans les Amériques a abouti à la création des États-Unis d’Amérique. La tristement célèbre déclaration britannique Balfour (1917) a joué un rôle central dans la formation d’Israël aux dépens de la Palestine, alors colonie britannique. La mission sioniste consistait à créer en Israël une barrière contre les “hordes barbares” d’Asie. Aucune autre nation n’est aussi influente aux États-Unis qu’Israël. En raison de leur taille et de leur rôle, les États-Unis restent la force dominante du terrorisme mondial, mais Israël joue un rôle prépondérant en matière de violence et de dépenses militaires. Il possède des armes nucléaires que les médias occidentaux minimisent volontiers.

De leur création à nos jours, les États-Unis se définissent comme un projet racial. Dans American Holocaust : The Conquest of the New World, David E. Stannard (1992) [L’ Holocauste Américain : la Conquête du Nouveau Monde] estime qu’au cours des 150 premières années de la conquête européenne des Amériques, jusqu’à 100 millions d’indigènes sont morts à cause de la conquête et de ses conséquences, notamment la maladie, la guerre et l’esclavage. En 1860, près de quatre millions de Noirs étaient esclaves rien qu’aux États-Unis (Johnson 2008). En 2022, plus de 720 000 Noirs étaient incarcérés dans les prisons américaines. Les Noirs représentent 38 % de la population carcérale alors qu’ils ne constituent que 12 % de la population américaine. Les États-Unis comptent près de 20 % de tous les prisonniers du monde alors qu’ils ne représentent que 5 % de la population mondiale (Sawyer et Wagner, 2023). Plus de 500 ans après le début de l’esclavage (l’arrivée la plus ancienne d’un navire négrier ayant été enregistrée en 1519), les États-Unis continuent de placer des dizaines de milliers de Noirs à l’isolement, bien que cette pratique soit considérée comme une forme de torture par les Nations unies (Slave Voyages 2019). Ce n’est qu’en 2013 que l’État du Mississippi a officiellement ratifié le 13e amendement, qui abolit l’esclavage – inscrit pour la première fois officiellement dans la Constitution le 6 décembre 1865 (Nuwer 2013). Nous ne pouvons comprendre l’idéologie de la classe dirigeante américaine qu’en reconnaissant le caractère racialisé de sa structure de classe. La déclaration de l’OTAN de 2023 et le soutien unifié au génocide israélien contre les Palestiniens prouvent amplement que l’impérialisme ne peut être dissocié des aspects raciaux historiques. Pendant plus de 600 ans, les États européens et les colons blancs ont cherché et réussi à dominer le monde entier. Depuis la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont cherché à prolonger cette domination pendant au moins un millénaire. Au départ, tous les États du camp impérialiste étaient blancs. Avec la défaite absolue du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, y compris à l’aide de bombes atomiques, le Japon a été assimilé au camp impérialiste et a fini par obtenir ce que les Sud-Africains ont appelé le statut de “Blanc honoraire”. Cela a été d’autant plus possible que le Japon était auparavant une puissance fasciste qui liait également son expansion impérialiste à des pratiques raciales. L’impérialisme a également des fondements patriarcaux racialisés, qui remontent à la manière dont la division sexuelle du travail, le contrôle des capacités reproductives des femmes et l’exploitation du travail non rémunéré des femmes ont été remodelés dans le cadre de la colonisation occidentale, en tant que conditions préalables à l’expansion internationale de l’accumulation du capital (Mies 2001). Depuis lors, la subordination et la violence fondées sur le genre ont été largement utilisées dans la guerre et la conquête, depuis l’esclavage sexuel de dizaines de milliers de “femmes de réconfort” pendant l’occupation militaire japonaise en Chine et en Indonésie jusqu’à l’exploitation sexuelle actuelle qui se déroule dans les bases militaires américaines aux Philippines (Enriquez 2023). Ce n’est pas un hasard si les États-Unis apparaissent dans sept des huit catégories de violence historique de la figure 3. Ce processus n’a pas commencé dans les années 1890 avec le développement de l’impérialisme moderne. Il remonte à 1492 avec la première invasion européenne des Amériques. En octobre 2023, sur les 193 membres de l’ONU, seuls les États-Unis et Israël ont voté contre la levée de l’embargo et du blocus illégaux contre l’héroïque Cuba. Lorsqu’un premier projet de résolution appelant à un cessez-le-feu à Gaza a été rédigé le 16 octobre 2023, aucun membre blanc de la Chambre des représentants des États-Unis ne l’a signé (Bush et al., 2023). Il existe un lien entre les marchands d’esclaves portugais en Afrique de l’Ouest et les génocidaires israéliens et américains en Palestine.

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3 Commentaires

  • Xuan

    Dans la « Géographie pittoresque des cinq parties du monde », publiée le 1er janvier 1874 (l’année de naissance de l’impressionnisme), par Eugène Domergue et d’après la géographie de Malet-Brun, on lit des perles de ce genre, où le racisme se lit clairement comme le corollaire obligé du colonialisme :

    « De toutes les différentes races d’hommes, la race blanche ou scythique parait douée, à un plus haut degré que toutes les autres, de cette flexibilité dans la constitution physique qui permet à l’homme de résister aux climats les plus opposés, et de cette force intellectuelle qui le rend capable d’ajouter sans cesse à la perfectibilité de son espèce. » [Tome 1-2 – Généralités sur l’Europe – La France et ses colonies – p 39]

    « Quand un peuple est travaillé comme le peuple chinois par tant de vices réunis, il est facile de s’expliquer dès lors l’existence chez lui de l’effrayant paupérisme auquel il est en proie; ce mal se voit en Chine dans des proportions indescriptibles. A côté des misères locales et accidentelles qui sont assez fréquentes, le paupérisme fixe et permanent, engendré pour l’ordinaire par mille perversités morales, exerce des ravages bien plus sinistres encore.
    D’après le Père Huc, témoin oculaire, la multitude des pauvres qu’on rencontre dans les grandes villes est effrayante. On voit ces malheureux circuler partout le long des rues, sur les places, dans les carrefours, étalant leurs difformités, leurs plaies hideuses, leurs membres disloqués, pour exciter la commisération publique. N’ayant pas de domicile, ils vont ordinairement se réfugier autour des pagodes et des tribunaux, le long des remparts, où ils se construisent de misérables huttes avec des lambeaux de nattes en toile que le hasard leur a donnés ». [Tome 3-4 – L’Afrique et l’Asie – P 216]

    Le racisme n’est pas l’apanage des USA mais de tous les pays impérialistes. Ici il se déguise à peine sous les traits du paternalisme, et la misère noire des chinois est justifiée par leurs « perversités morales ».
    Partant de ce principe, il est inadmissible que des êtres aussi pervers puissent sortir de leur état voire surpasser la « force intellectuelle » de la « race blanche ou scythique », à moins de tricher, de voler l’intelligence des blancs. Il est nécessaire de briser dans l’œuf cet essor contre nature.
    La relation entre le racisme et l’impérialisme ne doit jamais être oubliée, sinon on pourrait en déduire que le racisme et la race blanche elle-même soient consubstantiels. En fait le mépris de classe s’exerce de la même façon sur le prolétariat blanc.

    Il ressort que l’unité de classe du prolétariat et l’unité des peuples opprimés doivent toutes deux faire front contre l’impérialisme.

    Or l’antiracisme a bien souvent été accaparé par la petite bourgeoisie, non pas pour réaliser l’unité populaire contre le grand capital, mais pour promouvoir la charité, la bienveillance, l’humanisme de l’élite intellectuelle, c’est-à-dire une autre forme du paternalisme colonial.
    Et le Front républicain n’est pas toujours étranger à cet esprit.

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    • admin5319
      admin5319

      Le plus bel exemple de paternalisme néo colonial, de cécité préoccupante n’est-il pas en train de se dérouler sous nous yeux avec cette incroyable campagne électorale française qui semble totalement ignorer le mouvement du monde ou ne le voit que sur le thème de l’immigration, avec d’un côté la haine raciste sollicitée, de l’autre la charité “communautariste” qui divise elle aussi la classe ouvrière…
      La manière dont la question de la guerre et celle de la crise de l’occident derrière l’hégémonie occidentale, les effets de “la militarisation ” du dollar, la poursuite du bellicisme malgré les défaites,le coût de celle-ci, le poids sur tout choix “progressiste” , tout cela est totalement ignoré par le politico-médiatique, le pouvoir, mais également par la gauche… Ils continuent leur manoeuvres de couloir sans songer le moins du monde à reprendre pied dans la réalité de cette souffrance révélée…
      L’appel à Huguette Bello, à la Réunion, est de l’ordre du symptôme… plus que d’une véritable prise de conscience ni de leur démission occidentale, ni de l’ipossibilité actuelle de gouverner avec un si faible potentiel de force, s’ils avaient deux sous de conscience, ils comprendraient à quel point le véritable travail est d’empêcher le fascisme, tous les fascismes et d’arrêter leurs gamineries irresponsables.

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  • Dechamps Michel
    Dechamps Michel

    La classe 0uvriere, elle n’a plus d’information , son parti n’est plus en contact avec elle,elle est abandonner à ses turpitudes véhiculées par les réseaux di-sociaux et la TV.Il faut à tout prix re-construire un Parti communiste, c’est pour l’heure le plus urgent!

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