Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Marseille fait la fête mais le bilan est pour le moins contrasté… esquisse sociologique de la véritable histoire de l’avancée du RN …

Un rassemblement à Marseille dimanche 7 juillet 2024.

Un rassemblement à Marseille dimanche 7 juillet 2024.© Gaelle Matata

Des chants, des fumigènes et des drapeaux de supporteurs de foot. Les Marseillais sont sortis manifester leur joie sur le Vieux-Port et dans le centre-ville dimanche 7 juillet dans la soirée soir, à l’annonce des bons résultats du Nouveau Front de gauche à l’échelle nationale. Près de 5 000 personnes, selon la préfecture, se sont rejointes à la Plaine, la plus grande place de la ville, le quartier underground par excellence, jadis “ventre de Marseille” devenu le symbole du Nouveau Marseille comme celui de cet épisode douloureux des immeubles s’effondrant dans la rue d’Aubagne proche sur les occupantss, un drame de la misère et des marchands de sommeil, qui avait déclanché une rebellion celle dite du Printemps marseillais. Ca avait été la chite de Gaudin, mais la métropole à droite conservait son pouvoir sur la ville. Au plan municipal, de l’autogestion gauchiste perçant le masque étroit avait surgi le PS, le plus traditionnel et son clientélisme, voir ses ententes avec Macron et ses expéditions spéctaculaires pour la lutte contre la misère et le banditisme… Marseille a entretenu un monde où se cotoyaient des déclassés, des travailleurs sous payés, assurant des services bons marchés avec une population de jeunes eux aussi dans les services liés à une certaine gentrification.

Raconter la manière dont se cotoie et parfois se mêle une population qui a succédé à l’industrie dans cette ville et n’assure plus que les prestations d’un secteur touristique en plein essor, nécessiterait une longue description qui ne s’arrêterait pas à Marseille mais devrait englober toute les Bouches du rhône, la place de son port dans un système de transport international qui lui aussi est en pleine mutation. ici les moeurs politiques ne font que tenter de traduire toutes les contradictions de la mondialisation capitaliste profitant à la fois de la prolétarisation asiatique et du sud, assurant à une main d’oeuvre elle même sous payée par rapport à ses qualifications services, produits à un coût moindre dans une politique de tertiarisation quui a très bien été décrit dans la ville Globale de Sassia Saken et sur laquelle j’avais multiplié les études avec Alain Chenu lors de l’installation du golfe de Fos(1). Nous aviosn déjà noté comment ces profondes transformations prenaient place dans un système marqué par le clanisme méditerranéen où l’on se retrouve pris dans des clientélismes avec des aspects mafieux. (2) ce mode de tertiarisation marseillais est lui même en crise même si celle-ci s’était jusqu’ici contenté d’attaquer les zones de grandes cités populaires et des pans entiers de villes jadis ouvrières dans le bassin minier comme gardanne Meyreuil, le fait est que la fascisation de la ville et du département s’est aggravée d’une manière spectaculaire.

dans les Bouches du Rhône sur huit circonscriptions hors Marseille où l’on votait ce dimanche il y a aujourd’hui 8 circonscriptions sur 9 pour le Rassemblement national. ce sont les vieilles terres ouvrières communistes et socialistes qui passent ainsi à l’extrême-droite…

dans un tel contexte faire la fête témoigne de cette vitalité marseillais où chacun vient d’ailleurs mais un ailleurs qui a de moins en moins de resemblance, les difficultés de l’emploi, le travail non déclaré, tout autant que les trafics de substances illictes voir d’armes font que l’on a du mal à savoir pour qui roule qui ? mieux vaut ne pas regarder les résultats à la loupe dans le département des Bouches-du-Rhône, où les résultats ne vont pas vraiment dans le sens de la tendance nationale : sur les huit circonscriptions hors Marseille où l’on votait ce dimanche – la 12e ayant déjà été remportée la semaine dernière par Franck Allisio (RN) -, le RN conserve ses quatre circo remportées en 2022 (la 8e, la 9e, la 10e, la 15e et la 16e) et en remporte trois supplémentaires.

Dans la 8e (Salon, Plan-de-Cuques), le sortant (Renaissance) Jean-Marc Zulesi a été battu de justesse (50,24 % contre 49,76 %). Dans la 13e (Martigues), fief communiste depuis près de quarante ans, le député sortant Pierre Dharréville a dû céder son siège à Emmanuel Fouquart (52,87 %). C’était non seulement le ernier député communiste des Bouches du Rhône mais celui de la région PACA, un homme à la sensibilité chrétienne et humaniste. Si la perte du siège de Roussel a pu donner lieu à quelques traits concernant son côté non unitaire avec la FI et melenchon. On ne peut vraiment pas imputer à Pierre Dhareville,proche de Marie Georges buffet, une telle orientation. Ni d’ailleurs l’accuser d’un quelconque manquement à ses devoirs de député non il y a eu une vague qui secoue en profondeur toutes les catégories de la population mais en priorité les couches populaires, ouvriers, employés. La 14e circonscription (Aix) était tout particulièrement scrutée : Anne-Laurence Petel (Renaissance), qui avait choisi de se maintenir en triangulaire coûte que coûte malgré sa troisième place, finit troisième, le RN Gérault Verny (37,28 %), investi sous la bannière RN-LR /Ciotti l’emportant. Ce qui fait donc huit circonscriptions sur neuf pour le Rassemblement national dans les Bouches-du-Rhône..

Seul Marc Pena (11e) s’en sort, offrant au Nouveau Front populaire une victoire serrée (50,23 %). Dans cette circonscription aixoise, le député sortant (Modem) Mohamed Laqhila, arrivé troisième au premier tour, avait choisi de se retirer pour éviter une victoire du RN. Il faut analyser la manière dont Aix en provence qui a été longtemps la ville bourgeoise du département est en fait une de celles où existe désormais une classe ouvrière, des employés liés à Cadarache, mais à d’autres zones industralio commerciales…

Le RN passe d’un à trois sièges à Marseille sur sept

A Marseille, le parti d’extrême droite n’avait jusqu’alors qu’une seule circonscription sur les sept que compte la ville. Mais il a remporté deux sièges supplémentaires dimanche soir : dans la 1re circonscription, où la sortante devenue ministre Sabrina Agresti-Roubache s’était désistée à l’issue du premier tour au profit de la candidate NFP Pascaline Lécorché, c’est finalement Monique Griseti, dont c’était la deuxième tentative (elle n’avait échoué que de 500 voix en 2022) qui l’emporte avec 55,86 % des voix, malgré une campagne pour le moins minimaliste.

Schéma similaire dans la 6e circonscription, où le désistement du député (Renaissance) sortant Lionel Royer-Perreaut à l’issue du premier tour n’aura pas suffi à inverser l’avance affichée dimanche dernier par le candidat RN-LR option Ciotti : Olivier Fayssat, novice en politique, va donc faire son entrée à l’Assemblée nationale après l’avoir emporté avec 52,33 % face à Christine Juste (EELV). Dans la 3e circonscription, la seule remportée par le RN en 2022, le match a été très serré jusqu’au bout entre la sortante Gisèle Lelouis et Amine Kessaci, la première l’emportant finalement avec 800 voix d’avance (50,93 %).

Le duel NFP-RN a en revanche tourné à l’avantage de la gauche dans la 2e circonscription, où l’adjoint au maire à l’économie Laurent Lhardit bat largement le candidat RN-LR /Ciotti – 53,64 % des suffrages. Enfin, c’est le carton plein chez Hendrik Davi dans la 5e circonscription : le député sortant, qui n’avait pas eu l’investiture officielle du NFP au premier tour (sa proximité avec Clémentine Autain le rangeait parmi les frondeurs chez LFI) rafle 65,95 % des voix.

Le bilan global à Marseille reste tout de même favorable à la gauche. Avec les deux sièges remportés dès le premier tour, le Nouveau Front populaire obtient quatre sièges de députés sur la ville, contre trois au RN. Mais là aussi le PCF est en chute libre…

danielle Bleitrach

‘1) Danielle Bleitrach, alain chenu (Enst oary) jean Lojkine, Christian maheu, Roland delacroix : lille et Marseile, classe ouvrière et social démocratie. editions sociales. 1981

2) Danielle Bleitrach et alain Chenu, l’usine et la vie. Maspero editeur 1979

A cette bibliographie il faut ajouter le livre enquête sur l’exclusion ou la défaite ouvrière Défaite ouvrière et exclusion, avec Mustapha El Miri, L’Harmattan, 2000 :

et de nombreux articles qui me permettent à la fois de mesurer à quel point le blocage de l’extrème droite est fragile non seulement à cause de son hétérogénéité, de l’union encore non réellement réalisées entre ceux qui ont produit ce mouvement vers les urnes… et surtout parce que le temps sur lequel s’opère cette évolution est sur plusieurs décennies…

je pense honnêtement être une sociologue qui n’a jamais cessé d’exercer cette approche qui combine à la fois les effets structurels sur le long terme avec les modes, de vie, les attitudes, les événements politiques dans des temps plus courts mais ce regard je l’ai pratiqué dans un respect peut-être excessif de ce garde-fou qui consistait à me méfier de ma propre appartenance à un monde intellectuel, vivant dans un certain confort, donc qui doit se méfier de sa propre insertion et adopter le point de vue de celui qui a réellement intérêt au changement de societe. J’ai été hanté par l’idée de lénine qui voulait que le communisme ce serait quand une employée aux cuisines pourrait gouverner l’Etat. Mais que Faire quand le prolétariat a lui même perdu ce mélange de savoir spontané et de travail forcené intellectuel pour gouverner l’Etat à la mode de Thorez et Ambroise Croizat… Quand il n’y a plus au meilleur des cas que le syndicalisme révolutionnaire lié au compromis municipal dont Rosa Luxembourg disait qu’il caractérisait la France.

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