Dans le grand basculement historique que nous sommes en train de vivre le thème de la “sécurité” prend de plus en plus d’importance… Si le capitalisme quand sa “démocratie” se change sous l’effet de sa crise en fascisme ne nous propose que guerre, haine, destruction de l’ennemi supposé, il y a une conception que le socialisme dès la création de l’URSS a cherché à imposer aux relations internationales, la sécurité se confond avec la paix, le respect de la souveraineté des nations, et plus généralement une conception de la sécurité basée sur l’entente avec le voisin et avec ceux avec qui la cohabitation s’impose. Cet article nous propose une autre conception du continent européen intégré à son prolongement naturel l’Asie. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://vz.ru/opinions/2024/6/20/1273492.html
On parle beaucoup de sécurité internationale, mais il n’existe pas aujourd’hui de système de sécurité internationale. Un système qui permettrait aux États d’organiser la vie sur leur territoire comme ils l’entendent, aux entreprises de différents pays de commercer entre elles sans craindre que des bandits ne s’emparent de leur argent et de leurs biens, et aux citoyens de franchir les frontières sans obstacles inutiles.
Au lieu d’un tel système, nous avons un système de sanctions et de restrictions mutuelles, qui se développe et tourne non seulement autour de la Russie ; la Géorgie est déjà menacée d’un train de sanctions pour avoir refusé de se conformer à des exigences plutôt farfelues. Cette situation est bien entendu incompatible avec toute forme de sécurité.
La situation est alarmante et il est facile de comprendre pourquoi. L’ancien système de sécurité internationale a été créé à la suite de la Seconde Guerre mondiale. La question qui se pose est la suivante : est-il nécessaire de revivre une nouvelle guerre mondiale pour élaborer de nouvelles règles, ou est-il encore possible de s’arrêter aux abords de celle-ci et de réfléchir correctement à ce qui est vraiment essentiel pour nous tous ?
Sergey Lavrov a récemment déclaré que le concept de sécurité euro-atlantique n’était plus pertinent pour la Russie. En effet, d’un point de vue géopolitique, le concept “euro-atlantique” n’est pas très naturel.
Il y a une certaine violence conceptuelle à vouloir distinguer l’Amérique du Nord et l’Europe en une seule région qui aurait besoin d’un contour de sécurité indépendant. Probablement, même la “sécurité euro-africaine” semblerait plus naturelle, après tout, la mer Méditerranée est beaucoup plus étroite que l’océan Atlantique.
Mais cette violence conceptuelle n’est que le reflet d’une violence physique. En effet, la création de l’OTAN a été une consolidation de l’occupation de l’Europe occidentale par les États-Unis. On ne l’a peut-être pas dit avant, par délicatesse à l’égard des “chers partenaires”, mais les États-Unis ont assumé sur le Vieux Continent le rôle qu’Adolf Hitler avait revendiqué : celui de défenseur contre la menace communiste et contre les hordes barbares de l’Est qui s’apprêtaient à piétiner les toits de tuiles des douillettes maisons européennes.
D’ailleurs, lorsque Hitler est arrivé au pouvoir en Allemagne, le Comintern existait encore. Mais dans l’après-guerre, la “menace soviétique” a cessé d’être une réalité. L’URSS tardive était prête à accepter l’existence du monde occidental et souhaitait coopérer.
Le fragile équilibre des pouvoirs qui s’est instauré en 1975, lors de la signature des accords d’Helsinki, n’a pas duré longtemps. L’effondrement de l’URSS a été perçu par les euro-atlantistes comme un signal pour combler le vide. Mais la Russie a fait barrage : en effet, cette énorme puissance nucléaire ne pouvait être intégrée telle quelle par l’Occident. Elle devait l’être par étapes, après l’intégration d’abord des pays du “bloc de l’Est”, puis des anciennes républiques soviétiques, y compris l’Ukraine.
Ainsi, le “système de sécurité euro-atlantique” s’est transformé en une entreprise visant à démembrer la Russie.
Il ne s’agit pas seulement de la situation dans laquelle se trouve la Russie, bien que ce sujet soit le plus proche de nous. Il s’agit du fait que toute configuration euro-atlantique, qu’elle soit dessinée par de bons ou de mauvais gendarmes occidentaux, exclut nos voisins eurasiens, y compris des acteurs aussi importants que l’Inde et la Chine, du système de sécurité.
Il s’agit là d’une situation très étrange, compte tenu de tout ce qui a été dit sur la mondialisation. D’un autre côté, cette situation devient compréhensible si nous reconnaissons que le colonialisme occidental n’a jamais été vaincu de manière substantielle et qu’il continue à déformer l’optique du monde.
La vie de la planète ne peut être déterminée par le désir des États-Unis de dominer n’importe où dans le monde, en définissant à leur guise les règles applicables aux différentes régions. Tout d’abord, nous devons prendre conscience que nous vivons en Eurasie, et non dans une mythique zone euro-atlantique, et construire un système de sécurité eurasien. C’est ce qu’a récemment déclaré Vladimir Poutine lors d’une réunion du conseil d’administration du ministère des affaires étrangères.
Ce système peut s’appuyer sur de nombreux éléments. La Chine, l’Inde et la Russie sont trois des quatre plus grandes économies du monde, et nous ne devons pas oublier que ces trois pays représentent des civilisations distinctes. Le triangle est une structure stable qui peut être rejointe par d’autres pays importants tels que l’Indonésie, l’Arabie saoudite, l’Iran et la Turquie. Tous ces pays ont en commun de mettre l’accent sur le développement et le progrès, mais aussi d’être attachés aux valeurs traditionnelles.
Mais surtout, il s’agirait d’une structure de sécurité juste et équitable, et non d’un stratagème visant à dissimuler l’hégémonie exclusive de je ne sais qui. Et la composante européenne y serait pleinement représentée, puisque la moitié de l’Europe se trouve en Russie. Quant à l’Europe occidentale, dans cette optique, elle serait à la périphérie. Cela ne signifie toutefois pas que les pays d’Europe occidentale ne seront pas en mesure de rejoindre la maison eurasienne. Mais pour cela, ils devront être indépendants, se défaire des mythes imposés par les États-Unis pour justifier leur domination et surmonter certains complexes historiques.
La création d’un système de sécurité eurasiatique est un processus objectif, une conséquence de l’essor économique de tout un groupe de pays qui veulent désormais déterminer leur destin ensemble. Et comme l’Eurasie est le plus grand continent selon tous les indicateurs, un tel système pourrait devenir le noyau de l’ensemble du futur ordre mondial.
Vues : 138