Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le patron écologiste, les obus de canon ou la bonne âme du Se-Tchouan de Brecht, par Danielle Bleitrach

Une histoire “édifiante” qui aurait ravi Brecht parce qu’il savait que sur ce qui est “édifiant” le propre du système capitaliste est de ne rien pouvoir “édifier”. En revanche, la mise à distance nous permet de méditer sur les bons sentiments et les vrais profits qui conduisent à la guerre dont les peuples font toujours les frais.

Le Point

Ce jour-là, nous sommes en 2019, à la barre du tribunal de commerce, les juges entendent Jérôme Garnache-Creuillot raconter son projet avec emphase. Avec son groupe Europlasma, spécialisé dans l’économie verte, il veut reprendre les Forges de Tarbes et ses 20 salariés.

La PME de métallurgie de précision est, certes, à deux doigts de la faillite. Mais ce drôle de patron qui leur fait surtout penser à un médaillé du concours Lépine défend avec fougue son projet de reprise du petit site industriel en déclin. Si on lui confie les « Forges », explique-t-il, il y fabriquera des torches à plasma. Lui et ses ingénieurs ont mis au point un procédé révolutionnaire consistant à détruire les déchets industriels toxiques et dangereux. Grâce à cette technologie, que son groupe commence à exporter en Chine et bientôt en Australie, où il a décroché un gros contrat, il va révolutionner l’environnement. Jusque-là, les résidus d’amiante, les crasses d’aluminium, le mercure et les cendres volantes étaient enterrés dans le sol. Désormais, grâce à sa torche et à la matière extraite de ses fours à plasma, les déchets toxiques de l’industrie pourront même servir au revêtement des routes. Par Romain GubertJérôme Garnache-Creuillot, patron écolo et marchand de canons

Jérôme Garnache-Creuillot, patron écolo et marchand de canons

Oui mais voilà la suite de l’histoire digne de la bonne âme du Se-Tchouan, nous sommes en 2019, rien ne laisse le moins du monde présager ce qu’il va advenir, l’épidémie de coronavirus et le déclenchement de guerres en particulier en Ukraine. Nous sommes en ce qui concerne Brecht en 1938 alors qu’il est en exil en Scandinavie territoire théoriquement neutre et où il a fui la prise de pouvoir par les nazis en Allemagne, et cette pièce on le sait va explorer les thèmes de la “moralité”, de la dualité de l’être humain et de la difficulté de rester bon dans un monde capitaliste corrompu.

Les temps sont guère moins compliqués qu’aujourd’hui

Brecht situe sa fable dans une Chine imaginaire mais où règne des lois universelles, elles concernent la volonté “morale” face à l’injustice sociale. Shen Té, une prostituée au grand cœur attire par sa noblesse la faveur des dieux qui lui offrent un confortable pactole qui l’aidera dans sa rédemption. Mais pour faire fructifier son argent la tendre femme est obligée de se transformer en homme, un capitaliste impitoyable. qui s’est vue offrir une somme d’argent par des dieux pour l’aider à mener une vie meilleure. Cependant, elle se retrouve rapidement confrontée à la dure réalité de la société et est contrainte de se transformer en homme, Shui Ta, pour survivre. Il s’agit donc d’une dualité de genre mais en fait c’est la même que l’on retrouve dans les mystères de Paris d’Eugène Sue, brocardés par Marx dans la Sainte famille. Une invite également à prendre une position critique sur les limites de la “philanthropie” capitaliste. Il y a le personnage double de l’altruiste et bonne âme prostituée et le froid calculateur prêt à tous les crimes pour le profit. Mais il y a aussi une galerie de personnages qui témoignent du caractère collectif du phénomène. Ainsi il y a Wang, un ouvrier amoureux de Shen Té, qui se retrouve déchiré entre son amour pour elle et sa fascination pour l’efficacité de Shui Ta. Il incarne la lutte entre le cœur et la raison, entre l’idéalisme et le pragmatisme. Mêmes les dieux qui sont apparemment le destin sont eux-mêmes doubles, bienveillants et cruels ; tous ne sont que l’incarnation de la societe capitaliste et le fait que le réarmement de l”Allemagne, du pain et des canons a été le grand argument du nazisme. Tous les personnages sont la réalité de Se Tchouan pris entre compassion et nécessité de la survie immédiate.

Le thème de la dualité de l’âme humaine

Dans son œuvre intitulée « La Bonne Âme du Se-Tchouan », Bertolt Brecht explore le thème complexe de la dualité de l’âme humaine. À travers cette pièce de théâtre, l’auteur allemand met en lumière les contradictions et les conflits internes qui habitent chaque individu.

L’histoire se déroule dans la ville fictive de Se-Tchouan, où les habitants sont confrontés à la dure réalité de la vie. Brecht présente un monde où la pauvreté, la corruption et l’égoïsme règnent en maîtres. Cependant, au milieu de cette misère, apparaît Shen Té, une jeune prostituée au cœur généreux et à l’âme bienveillante.

En fin de compte, « La Bonne Âme du Se-Tchouan » est une critique acerbe de la société capitaliste et de ses conséquences sur les individus. Brecht dénonce les inégalités sociales, la corruption et l’exploitation qui sont inhérentes à ce système. Il met en évidence la difficulté pour les individus de rester altruistes et de préserver leur intégrité morale dans un monde où l’argent est roi. Cette pièce invite les spectateurs à réfléchir sur les valeurs fondamentales de la société et à remettre en question les normes capitalistes qui régissent nos vies et sur la nature réelle des compromis que nous sommes prêts à accepter..

Je suis sure que Brecht aurait été fasciné par ce patron écolo et marchand de canons à Tarbes, qui n’est pas si loin de Jaurès.

Et en matière de dualité de l’âme humaine, Zelensky l’acteur nous en remontre…

… et ce d’autant plus que tombait au même moment une de ces habituelles découvertes de la corruption qui règne dans la livraisons d’armement. Cette information a été dévoilée dans la nuit de samedi 27 janvier à dimanche 28 janvier par le SBU, principale agence de renseignement ukrainien. Un détournement de grande ampleur. Le SBU a révélé dans la nuit du samedi 27 au dimanche 28 janvier, que des responsables militaires et des chefs d’entreprise ukrainiens avaient détourné 40 millions de dollars (36,8 millions d’euros) dans le cadre d’un achat d’armement. La malversation s’est produite en août 2022, soit six mois après l’invasion russe du pays, dans le cadre de l’achat à l’étranger de 100 000 obus de mortier qui n’ont jamais été livrés, selon le communiqué du SBU. Les fonds avaient en réalité été détournés par des responsables du ministère de la Défense et de la société Lviv Arsenal, mandatée pour l’achat, avec la complicité d’une société étrangère, selon cette même source. “Un haut responsable du ministère de la Défense et son prédécesseur, le dirigeant et le responsable commercial d’une société ukrainienne ainsi que le représentant d’une société étrangère se sont vu notifier un ‘avis de suspicion”, a précisé le parquet général.

Ce genre d’affaire intervient avec une monotone régularité qui dit moins la lutte contre la corruption que l’art et la manière pour Zelensky de se débarrasser de successeurs gênants.

J’ajouterai pour compléter le tableau que ceux qui ont lu nos mémoires (URSS vingt cinq ans après, retour de l’Ukraine en guerre ; Delga 2015) se souviendront de nos démonstrations sur les liens étroits entre le parti démocrate, y compris Hillary Clinton, et les oligarques qui se sont emparés du pays. Ils se souviendront peut-être de notre voyage en pays tatar où en tant que Français nous avons été confondus avec des filières “écologiques” qui soutenaient ces gens ayant des liens manifestes avec le terrorisme international, le rôle d’Erdogan.

L’un des suspects se trouve en détention après avoir été arrêté “lors d’une tentative de quitter l’Ukraine”, a détaillé le SBU. L’enquête a été menée en coopération avec le ministère de la Défense, ont ajouté le SBU et le parquet.

Danielle Bleitrach

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