Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Un yacht si gros qu’il ne passe nulle part ou les caprices du capital

Nous, communistes, connaissons tous cette grande caricature russe de la pyramide capitaliste – celle qui s’inspire d’un gâteau de mariage ; or, le bateau de Bezo est ce gâteau à plusieurs étages, avec lui au sommet, à la barre. Si Bezo a un substitut à cette chose phallique, on peut se demander s’il est gonflable.(?) Jay Nobalais .

Ce yacht qui ne passe nulle part fait songer à un des film de Werner Herzog, Fitzcarraldo. Le film est dérivé de l’histoire réelle du Péruvien Carlos Fitzcarrald, baron du caoutchouc, qui par amour de l’opéra et pour écouter Sarah Bernhardt et Caruso est parti dans une expédition à travers l’Amazonie. La scène du franchissement de la colline par le bateau est restée comme l’exemple type des délires de Werner Herzog. Dans son film autobiographique (Filmemacher), Herzog déclare que pour le film il s’est concentré sur l’effort physique du transport du navire, en partie inspiré par les prouesses techniques des hommes préhistoriques charriant des anciens dolmens. Le bateau à vapeur de 300 tonnes a été hissé au faîte d’une colline sans utiliser d’effets spéciaux. Herzog croyait que personne n’avait jamais réalisé un exploit similaire dans l’Histoire et ne le ferait probablement plus jamais, se qualifiant de « Conquistador de l’inutile ». Trois navires d’aspect similaire ont été achetés pour la production et utilisés dans différentes scènes et lieux, y compris les scènes tournées à bord du navire alors qu’il se fracassait dans les rapides. Trois des six personnes impliquées dans le tournage ont été blessées lors de ce passage. Le tournage fut émaillé de plusieurs accidents (dont deux crashs aériens et une morsure de serpent venimeux à la cuisse d’un technicien qui choisira de s’amputer à l’aide d’une tronçonneuse pour survivre) et surtout des colères et exigences de Klaus Kinski, rendant l’entreprise encore plus éprouvante, au point que les indiens proposeront à Werner Herzog de liquider l’acteur. Mais la mégalomanie de Jeff Bezos et de ses pairs n’a même pas la force suspecte du romantisme allemand de Werner Herzog, il est ridicule tout simplement et le capitalisme a perdu son côté conquistador mais il a conservé l’inutilité de ses caprices…

illustration : Klaus Kinski dans le film de Werner Herzog ‘Fitzcarraldo


Le Koru, le yacht de Jeff Bezos, lors de son escale à Port Everglades (Floride), le 29 novembre 2023. | Joe Raedle / Getty Images North America via AFP© 

La mégalomanie de l’entrepreneur américain Jeff Bezos n’a pas de limites. Et fort heureusement pour lui, le ridicule ne tue pas. Son superyacht, le Koru, est si imposant qu’il ne peut pas utiliser la plupart des voies fluviales classiques. Il faut dire qu’avec ses 127 mètres de long, le bateau n’a pas exactement un gabarit ordinaire.

Le site Gizmodo explique par exemple que le 27 novembre, alors que l’ancien PDG d’Amazon aurait voulu stationner le Koru dans un port de Floride, il a dû renoncer et accepter que le yacht soit installé à côté d’un pétrolier. Ce bateau d’une valeur de 500 millions de dollars, soit environ 458 millions d’euros, n’est pas qu’une aberration écologique (ses émissions sont démentielles) c’est aussi un monstre des mers absolument pas fait pour circuler normalement.

À Port Everglades, situé à une trentaine de kilomètres au nord de Miami (sud de la Floride), seules les embarcations de moins de 122 mètres peuvent être acceptées, ce qui est déjà gigantesque. Il a fallu que son désir d’en avoir une plus longue que celle de ses voisins pousse Jeff Bezos à dépasser cette limite de quelques encablures. Mal lui en a pris.

Ce n’est évidemment rien pour lui, mais Jeff Bezos va donc devoir s’acquitter d’une facture de 22.000 dollars (soit environ 20.150 euros), pour les dix jours de stationnement prévus. Une paille en comparaison avec le prix total de l’appareil et avec les coûts d’entretien du bateau, qui avoisinent les 137.000 dollars (125.500 euros) par jour.

Pas à une aberration près

Mais plus que ces chiffres, c’est le principe même qui pose question : l’argent n’est-il pas censé simplifier la vie au lieu de la compliquer ? L’idée n’est pas de plaindre Jeff Bezos, qui ne peut en plus s’en prendre qu’à lui-même, mais son plaisir de marin du dimanche (un marin qui ne touche à rien, étant donné qu’une équipe entière est à son service) doit être sévèrement écorné par l’impossibilité de se déplacer simplement et d’avoir accès aux zones habituelles d’ancrage des yachts.

Ironie de l’histoire : le nom «Koru» vient d’un symbole maori qui représente la grandeur, la croissance. C’est cette obsession de l’immensité qui met aujourd’hui Jeff Bezos dans une situation pénible (à son échelle). D’autant plus qu’il semble compliqué de ratiboiser le mégayacht, afin qu’il soit un peu plus dans la norme. Mais serions-nous vraiment étonnés si l’on apprenait un jour que le milliardaire avait commandé un yacht un peu plus petit de quelques mètres ? Peut-être pas. Sauf que cela signifierait qu’il reconnaît son erreur, ce qui est loin d’être évident vu le manque d’humilité du bonhomme.

Des histoires aberrantes liées aux yachts de la famille Bezos, il y en a hélas d’autres (que l’on continue à en produire en 2023 en est déjà une). On peut notamment se souvenir qu’en février 2022 à Rotterdam (Pays-Bas), il avait était été un temps envisagé de démanteler le pont historique et classé Koningshavenbrug (aussi appelé «De Hef»), pour laisser passer un bateau (le Y721) du fondateur d’Amazon –finalement la demande avait été retirée quelques mois plus tard.

Gizmodo rappelle aussi que Jeff Bezos possède un autre yacht, l’Abeona, qui est utilisé comme navire de substitution au Koru (il aurait été bien utile en Floride) et sert surtout de piste de décollage et d’atterrissage pour l’hélicoptère de sa compagne Lauren Sánchez. Coût du bateau : 75 millions de dollars, soit 68,7 millions d’euros.

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1 Commentaire

  • jay
    jay

    Nous, communistes, connaissons tous cette grande caricature russe de la pyramide capitaliste – celle qui s’inspire d’un gâteau de mariage ; or, le bateau de Bezo est ce gâteau à plusieurs étages, avec lui au sommet, à la barre. Si Bezo a un substitut à cette chose phallique, on peut se demander s’il est gonflable.(?)

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