Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Une vie meilleure peut advenir, interview de Latif Al Saadi

Dans cette période où un certain nombre d’entre nous ont du mal à supporter “les informations”et la manière dont elles égrènent les guerres, bombardements, il est des voix qui ne sont pas par hasard celles des communistes apaisantes sans pour autant nous inviter à nous résigner, au contraire. Prenons cette simple idée de “centres de bien être” qui s’oppose à l’angoisse que cet exilé voit dans les yeux des Italiens qu’il croise. Ces lieux dans laquelle la santé est un tout y compris culturel, créatif, environnemental, cette idée vient de loin, de ce monde judéomusulman, de l’imaginaire de Babylone, là où le goût des jardins allait de pair avec la pharmacopée, et celui de l’hygiène, désormais sous les bombes… Cela a existé en Espagne et on sent pourtant que cela serait exactement ce qui correspond à l’état de notre jeunesse si angoissée et si démunie… Et il y a aussi la sagesse d’une vie de lutte, être marxiste en exil tout en fondant son éthique de vie sur trois piliers, les principes de la vie : la connaissance (la perception), la recherche du changement (l’organisation) et le maintien de l’espoir. Ces trois piliers sont en relation dialectique et s’influencent mutuellement, on imagine des rencontres entre générations dans ces jardins… mais chacun sent bien que notre société est incapable de porter un tel projet celui de la santé pour tous, que partout les communistes ont mis en œuvre, dont le coût n’a rien d’exorbitant surtout en regard de la monstruosité des armes… . (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)

https://gazeta-pravda.ru/issue/118-31467-2730-oktyabrya-2023-goda/luchshaya-zhizn-mozhet-nastupit/

La Pravda, 27-30 octobre 2023

Latif Al Saadi vit dans le quartier de Pigneto à Rome. Originaire de Bagdad, citoyen irakien et italien, Latif a consacré sa vie au dialogue entre les peuples et les nations.

Il a mis cette passion en pratique en tant que professeur d’arabe en Irak et en Algérie, journaliste et commentateur de la politique internationale pour des journaux, magazines et agences de presse italiens et du Moyen-Orient, poète, médiateur socioculturel, membre du parti communiste irakien, dont il a été longtemps le représentant en Italie et dont il est aujourd’hui l’un des principaux militants.

Latif a reçu plusieurs distinctions importantes pour son travail. Il a notamment reçu le prix littéraire du Muslim International Book Award 2017 (Académie des artistes) et un film consacré à sa vie, réalisé par Massimiliano Zanin, “Latif…. poète combattant” qui fait partie d’un projet du ministère italien de la culture.

Un beau livre de l’auteur Stefano Nanni, également consacré à la vie de Latif, a récemment été publié en Italie : “Dans un demi-sommeil sur le Tibre – Latif Al Saadi, une histoire irakienne”. Il a été lancé à Rome au début du mois d’octobre.

– Latif, vous avez des décennies d’engagement civique au contact des gens dans leur réalité quotidienne. À votre avis, quels sont les problèmes les moins évidents, en dehors de ceux qui sont sous les yeux de tout le monde, qui doivent être traités de toute urgence ?

– C’est la première fois que je vois quotidiennement des signes de colère, d’angoisse, de tristesse sur les visages des personnes qui se rendent au travail, qui marchent dans les rues de Rome ou qui voyagent dans les transports publics. La tension psychologique est clairement visible.

On se lève le matin, on essaie d’aller au travail calmement, mais on est immédiatement confronté aux premières difficultés de la journée : retards dans les transports publics, embouteillages, infractions au code de la route.

Toutes les difficultés se poursuivent au cours de la journée de travail : exaspération et impolitesse dans la communication. Bien entendu, tous ces malaises psychosociaux et d’autres encore sont liés à la cherté de la vie, alors que les prix des produits de première nécessité sont devenus inabordables. Cette situation conduit au désespoir puis à l’individualisme.

Il est évident qu’un système de contrôle politique et social plus équitable est nécessaire pour faire face à toutes ces situations et difficultés. La justice sociale est nécessaire.

La vie en Italie, par exemple, exige une coordination de tous les services sociaux et de santé et le rejet des politiques dites néolibérales.

– Quels sont les projets à privilégier aujourd’hui ?

– En ce qui concerne la cohésion sociale et la tranquillité d’esprit dans la vie quotidienne, je pense à un système de services sociaux, sanitaires et culturels qui soit le plus proche possible des citoyens.

Je pense à la nécessité de créer des centres de bien-être dans les quartiers populaires. Des centres où se déroulent des activités sociales et culturelles avec la participation des municipalités, des établissements de santé locaux, des syndicats et de la société civile.

Avec la mise en place d’une telle plateforme, il serait possible de réfléchir à la mise en œuvre de projets d’inclusion sociale. Cela répondrait aux besoins socio-médicaux et renforcerait les liens sociaux visant à éliminer tous les préjugés et à reconnaître les différences tant entre les Italiens qu’entre eux et les citoyens d’origines différentes.

Mais je crois qu’il est illusoire de penser que ce projet est possible avec la politique gouvernementale concrète actuelle ou un système économique inspiré du néolibéralisme.

En attendant, il serait utile de réduire l’inflation, au moins dans l’immédiat, et d’améliorer les services, de réduire les coûts de la vie quotidienne des citoyens.

– Au cours de votre longue carrière politique publique, en particulier lorsque vous étiez au Moyen-Orient, vous avez été confronté à d’énormes difficultés, à l’emprisonnement et à la torture. Vous n’avez jamais abandonné. Qu’est-ce qui vous a poussé à aller de l’avant ?

– Je pense que le parcours de ma vie depuis l’enfance a été centré sur des idées et des théories visant à comprendre l’univers et la vie. Je m’efforçais de comprendre toujours plus pour m’expliquer les vérités de l’être humain. Au fil du temps, à mesure que je grandissais, que mes connaissances et mes perceptions s’élargissaient simultanément, je me suis engagé à participer à la vie publique, puis aux luttes publiques.

Ainsi, je me suis rapidement engagé à devenir un citoyen actif du monde, à faire des choses importantes pour le changement, même si elles pouvaient me conduire à la mort. J’ai donc continué à m’enrichir non seulement en étudiant, en lisant, mais aussi en participant au travail de l’organisation afin de contribuer à l’amélioration de la vie et du monde en général.

Je suis toujours guidé par trois piliers, les principes de la vie : la connaissance (la perception), la recherche du changement (l’organisation) et le maintien de l’espoir. Ces trois piliers sont en relation dialectique et s’influencent mutuellement.

C’est le secret de ma vie, ou de mon mode de vie, qui me fait aller de l’avant malgré les déceptions, en espérant qu’une vie meilleure peut advenir et qu’un monde meilleur se profile à l’horizon.

Interview réalisée par Pietro Fiocchi

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