Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

A propos du rôle de l’ONU : La situation au Conseil de sécurité, par Danielle Bleitrach

La résolution américaine a été bloquée par les vétos russe et chinois, ce mercredi 25 octobre au Conseil de sécurité de l’ONU à New York. En moins de deux semaines, le Conseil a rejeté quatre projets de résolution. Les membres du Conseil de sécurité de l’ONU se sont opposés sur une résolution sur le dossier israélo-palestinien, rejetant deux projets concurrents de résolutions russe et américain sur la guerre entre Israël et le Hamas. Au delà de ce blocage que cela nous révèle-t-il de l’évolution géopolitique ?

Le contexte du vote :

Ce contexte notons-le se doit de ne jamais être posé qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine ou de l’acte terroriste du Hamas contre les populations civiles israéliennes, le secrétaire des Nations Unis pourtant peu susceptible de s’opposer aux volontés des USA en a fait les frais pour avoir osé déclarer que les attaques du Hamas ne s’étaient « pas produites en dehors de tout contexte ». Le non respect des résolutions de l’ONU ayant pourtant un caractère officiellement contraignant est le plus souvent aujourd’hui à l’origine des conflits ouverts ou latents qui déchirent la planète.


L’attaque menée par le Hamas en Israël le 7 octobre et les représailles menées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza ont fait jusqu’ici plus de 1 400 morts en Israël, selon les autorités israéliennes, et plus de 6 500 dans le territoire palestinien, selon les autorités palestiniennes majoritairement des civils des deux côtés.

Au plan international c’est peu dire que la situation provoque une colère des peuples qui va au-delà du monde arabe et musulman (l’Inde par exemple est traversée par la même colère). Cette colère est activée par la mémoire du colonialisme mais aussi par le deux poids, deux mesures dont bénéficient ou souffrent les peuples suivant qu’ils appartiennent au “nord” global ou au sud global. La Palestine et Cuba étant les exemples flagrants d’un tel déséquilibre néocolonial planétaire. A titre d’exemple, Erdogan qui est rappelons-le membre de l’OTAN vient de qualifier le Hamas de “libérateur”. Par rapport à cette colère des peuples que reflètent de plus en plus des dirigeants jusqu’ici intégrés dans la vassalité occidentale, les deux résolutions qu’il s’agisse de celle des Etats-Unis ou celle de la Russie peuvent être considérées comme garantissant l’existence d’Israël même si celle de la Russie comme la position de la Chine tablent sur le respect du droit international tant en ce qui concerne Gaza que sur le droit des palestiniens à avoir un Etat viable.

Si l’on part de ce contexte international, le texte des Etats-Unis est une pure provocation même s’il se présente comme ‘humanitaire”.

Le texte élaboré par les États-Unis prônait « une expansion rapide de l’aide » pour répondre « aux terribles besoins humanitaires urgents des Palestiniens à Gaza », a expliqué l’ambassadrice américaine à l’ONU Linda Thomas-Greenfield. Il affirmait également « le droit de tous les États à l’autodéfense » et plaidait pour des « pauses humanitaires ». Il a recueilli 10 voix pour, 3 contre (Russie, Chine et Émirats arabes unis) et 2 abstentions.

En effet cette même nuit tombait une déclaration de Netanayoun qui affirmait poursuivre l’invasion de Gaza même si Biden (et le malheureux Macron) lui avait demandé de la retarder. Donc la proposition des Etats-Unis qui de fait soutenait “ce pseudo droit à se défendre” revenait à ce que les États-Unis avaient déclaré publiquement que le calendrier de toute attaque terrestre contre le Hamas relevait uniquement du cabinet de guerre de Benyamin Netanyahou, tout en laissant filtrer des positions “privées” dans lesquelles l’administration Biden a fait pression pour un report. Notons qu’en même temps elle constitue un parapluie en déplaçant davantage de systèmes de défense aérienne au Moyen-Orient au cas où la guerre s’étendrait. Il est clair que les deux complices espèrent que le Hezbollah et l’Iran se précipiteront dans le piège.

Le Royaume uni, membre permanent du conseil de sécurité, joue à fond cette carte et table ici, comme il l’a fait en Ukraine et partout sur la guerre. Déjà il estime une escalade du conflit inévitable. Les États-Unis disent être particulièrement préoccupés par la sécurité de leurs troupes stationnées au Koweït, en Jordanie, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Des bases en Irak et en Syrie ont déjà essuyé des tirs de roquettes et de drones.

L’ambassadeur chinois Jun Zhang a décrit un document « largement déséquilibré, confondant le bien et le mal », tandis que le Russe Vassili Nebenzia condamnait un texte principalement « destiné à consolider la position américaine dans la région ». La Russie avait auparavant dénoncé l’absence dans le texte américain d’un appel clair à un « cessez-le-feu ».

Dans un tel contexte la Chine et la Russie ont repoussé le projet de résolution américain, suivies par les émirats arabes unis. Le deuxième texte, préparé par la Russie et qui appelait à un « cessez-le-feu humanitaire » immédiat et condamnait les « attaques abominables du Hamas », a lui aussi été rejeté, recueillant 4 voix pour (Russie, Chine, Émirats arabes unis, Gabon), deux contre (États-Unis et Royaume-Uni) et 9 abstentions. Le Royaume-Uni ne pouvait soutenir un texte « qui une nouvelle fois ne reconnaissait pas le droit d’Israël à se défendre », a déclaré l’ambassadrice britannique Barbara Woodward.

Macron joue un jeu plus complexe que celui du Royaume uni qui porte le feu auquel les Etats-Unis feignent de s’opposer en vain, Macron d’un côté soutient les USA et Netanayoun en testant la neutralité du monde arabe, de l’autre il tente de retrouver la position de la France gaullienne alors que depuis Sarkozy, Hollande, celle-ci n’est plus qu’un lointain souvenir et que toute sa politique jusqu’ici l’a largement déconsidéré. Il joue une carte assez illusoire de troisième voie qui empêcherait de se rallier à la position chinoise, et servirait en fait les USA sur laquelle l’expérience prouve qu’il finit toujours par s’aligner. Selon une source diplomatique, la France a d’ailleurs tenté, en vain, juste avant les votes de convaincre Russie et États-Unis de retirer leurs textes.

Face à ce blocage du conseil de sécurité au niveau de ses membres permanents on assiste à une évolution de l’ONU même.

Au nom des 10 pays non permanents du Conseil, Malte va maintenant s’atteler à une nouvelle proposition. « Nous avons un devoir et une obligation d’agir », a plaidé son ambassadrice Vanessa Frazier. La semaine dernière, un premier texte russe n’avait pas été adopté, recueillant cinq voix en sa faveur, alors qu’au moins neuf voix sont nécessaires (sans veto d’un des cinq membres permanents). Les États-Unis avaient eux mis leur veto à une résolution du Brésil, qui avait récolté 12 voix en sa faveur. Face à la division affichée du Conseil de sécurité, l’Assemblée générale de l’ONU, dont les résolutions ne sont pas contraignantes, se saisira de la question jeudi et vendredi. Au nom du groupe arabe, la Jordanie a proposé un texte qui appelle en particulier « à un « cessez-le-feu immédiat » et un accès humanitaire « sans entrave » à la bande de Gaza. Les 193 États membres se prononceront sur ce texte « vendredi après-midi et nous espérons un succès pour permettre à l’Assemblée générale d’agir pendant que le Conseil de sécurité est paralysé », a déclaré mercredi l’ambassadeur palestinien Riyad Mansour.

Une situation de pseudo-neutralité qui prétendrait retrouver les marques de la guerre froide comme celle que tente d’adopter tardivement Macron et qui présuppose l’existence de deux camps n’est plus adaptée à la situation qui est celle de ce monde multipolaire dans lequel nous sommes aujourd’hui, l’espace dans lequel se constituait un monde non aligné dans lequel la France tout en conservant ses alliances (et son pré-carré africain) jouait une certaine indépendance par rapport aux Etats-Unis n’est plus du tout le même. En revanche, il serait nécessaire que la France comme les autres pays européens perçoivent le caractère sans issue de la stratégie des Etats-Unis et adoptent les règles de ce monde multipolaire qui n’est plus une logique de blocs (1).

Danielle Bleitrach

(1) par parenthèse Israël aussi devrait y réfléchir sérieusement…

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