23 OCTOBRE 2023
Cet article témoigne du point de vue du citoyen, à sa manière, de la crise politique, en fait de civilisation, du capitalisme à son stade impérialiste… Par certains aspects, il est d’une grande naïveté et par d’autres ce candide dit à quel point le citoyen des Etats-Unis qui théoriquement devrait bénéficier de l’hégémonie est complètement dépossédé et subit lui aussi les effets de ce système. Il dit l’incapacité de ce citoyen à maîtriser non seulement le monde mais les prix des légumes dans le Montana. C’est d’ailleurs ce qui rend le film de Scorsese si fort, et le personnage de Leonardo di Caprio révélateur, en partant d’une histoire d’amour il témoigne de l’incapacité du citoyen ordinaire d’un tel monde à vivre ce à quoi il aspire. Comme dans La Lettre volée d’Edgard Poe, celle qui sait, la femme indienne, est condamnée à l’immobilité et ceux qui agissent sont la proie de l’autodestruction d’un tel inconscient social. (note et traduction de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
PAR GEORGE OCHENSKIFacebook (en anglais seulementGazouillerSur RedditMessagerie électronique
L’illusion tragique du contrôle géopolitique
Pendant des siècles, les puissances coloniales ont piétiné le monde entier, écrasant la résistance indigène, réduisant leur peuple en esclavage et volant leurs ressources. Cela a été appelé « Le Grand Jeu » par des pays comme la Grande-Bretagne, la France, le Portugal, l’Espagne, les Pays-Bas et bien d’autres qui se disputaient le contrôle, l’influence et la richesse. En fin de compte, leur illusion de contrôle géopolitique s’est effondrée comme le mythe qu’il a toujours été.
Puis vint l’essor des États-Unis, favorisés par un continent entier regorgeant de ressources naturelles, là ils avancèrent après avoir massacré tous les Indiens qui résistaient à leur quête d’une richesse presque inimaginable.
Mais cela n’a pas suffi et nous nous sommes lancés dans la nouvelle version du Grand Jeu. Nos politiciens ont dit que nous devions « jouir de sphères d’influence » englobant des hémisphères entiers de la planète que nous considérions comme « nôtre ».
Pour calmer la population, on nous a dit que de terribles ennemis menaçaient notre existence même – et l’existence de la grande démocratie que nous prétendons détenir serait supérieure à tous les autres systèmes de gouvernance de la planète. Et ce, en dépit d’un ancien président qui a un penchant pour les dictateurs, qui pense que la démocratie signifie « mon chemin ou l’autoroute ».
Désormais, ce ne sont plus d’énormes galions hérissés de canons qui projettent l’illusion du pouvoir. Non, il s’agit de porte-avions et de sous-marins nucléaires, d’avions à réaction et de missiles balistiques intercontinentaux avec suffisamment d’ogives nucléaires pour réduire la planète en cendres.
Mais à l’instar des « superpuissances » du passé, ce prétendu contrôle géopolitique est tout aussi illusoire. Ce qui n’est pas une illusion, c’est l’impact qu’il a sur notre propre peuple.
À des milliers de kilomètres de nous, un pays, la Russie, a décidé d’envahir un autre pays, l’Ukraine. Il n’y a là rien de nouveau, car l’Europe est impliquée dans des guerres depuis pratiquement toujours. Mais à cause de ce conflit lointain et de la perturbation du marché céréalier lointain, la gentille dame du Montana qui vend des œufs de ferme dit qu’elle ne sait pas si elle pourra garder ses poulets parce que le prix des céréales pour les nourrir a grimpé en flèche.
Remarquez, c’est le Montana, où chaque jour, des trains d’un kilomètre de long transportent nos « vagues dorées de céréales » vers la côte pour l’exportation. Ces mêmes trains n’apportent pas de céréales ukrainiennes ou russes dans le Montana lors de leur voyage de retour. En fait, il est peu probable que nous ayons jamais vu un seul grain de blé russe ou ukrainien.
De même, le dernier imbroglio dans la fosse à goudron du Moyen-Orient voit Israël et la minuscule enclave de Palestiniens impliqués dans une guerre brutale qui a jusqu’à présent fait payer un terrible tribut à des vies civiles, et non militaires. Mais voilà, tout à coup, le prix de l’essence dans l’État de Big Sky a explosé – malgré le fait que ni Israël ni la Palestine n’approvisionnent le monde, et encore moins le Montana, en pétrole.
Pourtant, les habitants du Montana attendent patiemment aux passages à niveau pendant que d’autres trains de wagons-citernes noirs de plusieurs kilomètres de long exportent du pétrole vers la côte. Exporter, pas importer. Le coût de production du pétrole d’ici n’a pas changé parce que deux pays minuscules et éloignés sont une fois de plus entrés en guerre à cause de leurs différences religieuses. Mais ce sont nos citoyens qui souffrent d’être escroqués à la pompe en raison de « l’inquiétude d’un conflit plus large » dans une partie du globe qui a connu ces conflits pendant des milliers d’années.
Le contrôle géopolitique d’une nation ou d’un groupe de nations, y compris la nôtre, est une illusion tragique. Tragique à cause du gaspillage inutile des ressources qui s’amenuisent et qui sont nécessaires pour « projeter le pouvoir ». Tragique en raison de l’impact sur notre propre peuple qui n’a absolument rien à voir avec les conflits dans le monde. Et terriblement tragique pour la planète elle-même, que non seulement nous ne contrôlons pas, mais que nous ne pouvons même pas réussir à garder en bonne santé et vivable pour les générations futures.
George Ochenski est chroniqueur pour le Missoulian, où cet essai a été publié à l’origine.
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