Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Pourquoi la campagne des législatives polonaises vise-t-elle l’Allemagne ?

On aurait pu s’attendre au vu de ce qu’est la Pologne à une campagne russophobe mais c’est l’Allemagne qui est l’une des principales cibles du parti conservateur Droit et justice au pouvoir dans la campagne pour les législatives en Pologne. Un acharnement d’une intensité inédite qui vise aussi à discréditer le principal adversaire du parti au pouvoir, Donald Tusk, présenté comme un agent de Berlin. L’article ci-dessous est conçu comme d’habitude pour ne rien y comprendre et faire passer le choix des électeurs “populistes” comme totalement incompréhensible. Si la propagande insiste sur la russophobie comme un “légitime” mouvement par rapport aux méfaits du communisme, en fait elle occulte totalement ce que l’Histoire depuis 1917 a produit de contradictoire et plus encore la deuxième guerre mondiale, les acquis du socialisme. Dans cette dénonciation du germanisme de Tusk, il y a le souvenir de ce que les nazis allemands ont fait subir à la Pologne et pas seulement aux juifs polonais. Or il s’avère ce que ne dit pas l’article que Donald Tusk le favori de l’UE et des démocrates est comme bien des élites sélectionnées par l’empire pendant la guerre froide le descendant d’un engagé dans la Wehrmacht(1). En outre l’Allemagne à la chute du socialisme n’a jamais renoncé à sa ruée vers l’est et elle a fait bombance dans des secteurs qui tels les chantiers de Gdansk ont été privatisés et coulés. Paradoxalement ce que l’on ignore c’est que la Pologne n’a pas été seulement la patrie et de Waleza et de Jean Paul II mais le pays qui s’est obstiné à voter pour les communistes. Ceux-ci devenus sociaux démocrates et les meilleurs agents des privatisations et de la fin des services publics sous la pression de l’UE. En outre si la Pologne est devenue le siège de l’OTAN, la population n’apprécie pas d’être ainsi en première ligne et le sentiment de s’être fait avoir est fort. Le parti conservateur joue sur cette situation et il entretient sans peine comme dans tous les ex-pays socialistes une méfiance à l’égard de l’Europe occidentale et de ses choix autant que ses valeurs même quand la russophobie y a été cultivée. La dégradation de la situation, la perte de confiance dans les bienfaits d’un telle démocratie est effectivement majoritaire quand il s’agit de récupérer les voix populaires. (note de Danielle Bleitrach)


Jaroslaw Kaczynski, le chef du file du parti populiste polonais Droit et justice, a fait de l’Allemagne l’une de ses cibles favorites pendant la campagne pour les législatives du 15 octobre.© Grzegorz Celejewski, Agencja Wyborcza.pl via Reuters

L’Allemagne est l’une des principales cibles du parti populiste Droit et justice dans la campagne pour les législatives en Pologne. Un acharnement d’une intensité inédite qui vise aussi à discréditer le principal adversaire du parti au pouvoir, Donald Tusk, présenté comme un agent de Berlin.

Au bout du fil, l’homme a un accent allemand à couper au couteau. Il s’adresse à Jarosław Kaczynski, chef du parti Droit et justice (PiS) au pouvoir en Pologne, stoïque et assis dans un fauteuil. Souhaite-t-il parler au chancelier Olaf Scholz de l’âge de la retraite en Pologne ? “Vous n’avez plus affaire avec Donald Tusk”, répond l’homme fort du PiS avant de raccrocher sans un au revoir.

Le message de ce spot électoral, qui fait le tour des réseaux sociaux depuis un mois, est clair : la Pologne dirigée par le parti Droit et justice n’est pas à la botte de Berlin, contrairement à ce qui se passerait si le bloc centriste Coalition civique, emmené par Donald Tusk, triomphait lors des élections législatives du 15 octobre.

Cette vidéo symbolise aussi l’un des principaux thèmes de campagne développés par Jarozslaw Kaczynski pour discréditer son principal adversaire : l’antigermanisme. L’ombre de Berlin semble obséder les stratèges du PiS. “Un autre exemple très parlant est une pancarte sur laquelle on peut voir Donald Tusk et [l’ex-chancelière allemande] Angela Merkel avec le slogan ‘En route pour Berlin'”, souligne Félix Krawatzek, spécialiste de la Pologne et des questions de génération au Zentrum für Osteuropa und internationale Studien (Centre d’études sur l’Europe de l’Est et les affaires internationales).

Telewizja Polska, la télévision publique polonaise “très progouvernement diffuse régulièrement des images montrant Donald Tusk parler allemand ou en compagnie de politiciens allemands”, souligne le Financial Times qui, dans un article publié mercredi 4 octobre, affirme que l’Allemagne est devenue l’alpha et l’omega du plan de bataille électoral du PiS.

“C’est peut-être un peu exagéré. Faire de l’Allemagne le grand méchant est certes un thème central mais au même titre que l’immigration et les questions de sécurité liées à la guerre en Ukraine”, résume Félix Krawatzek.

Ce qui surprend les observateurs n’est pas tant la critique de l’Allemagne, “qui est un ressort utilisé depuis longtemps par le parti de Kaczynski, que l’intensité avec laquelle le parti Droit et justice tape sur son voisin durant cette campagne”, affirme Kai-Olaf Lang, spécialiste de l’Europe centrale et de l’Est pour l’Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité (Stiftung Wissenschaft und Politik, SWP).

Historiquement, l’antigermanisme a toujours été un filon que le PiS a su exploiter. Ainsi, les demandes depuis plus d’une décennie autour des réparations de guerre allemandes sont censées dépeindre le parti Droit et justice comme le chevalier blanc des intérêts polonais face au grand méchant allemand qui fait du tort à son voisin. Encore en 2022, le gouvernement polonais a réclamé à Berlin 1 300 milliards d’euros en dédommagement pour les torts causés à la Pologne par le IIIe Reich.

(1) Donald Tusk, qui parle couramment l’allemand, reçoit le prix Charlemagne de la ville d’Aix-la-Chapelle le 13 mai 2010, pour sa politique européenne.
Son grand-père paternel, Józef Tusk (1907-1987), fonctionnaire des chemins de fer, est incorporé dans la Wehrmacht en août 1944, en tant que citoyen de la ville libre de Dantzig annexée au Reich, la question de savoir s’il est incorporé de force et s’il déserte pour rejoindre les armées polonaises est sujette à débat. Les biographies ont souvent été reconstruites ultérieurement dans un Etat Polonais où le trafic de l’histoire est devenu une affaire d’Etat encore aujourd’hui. Ce qui est sur c’est qu’il appartient à une minorité Polonaise qui avait bénéficié d’un traitement particulier de la part des nazis comme plus directement assimilables que les autres slaves.
Son parcours de jeune homme tel que Donald Dusk le décrit lui-même marque une grande continuité avec son anticommunisme et sa russophobie . Non seulement il reconnais lui même avoir été un hooligan supporter de foot en rupture avec le socialisme polonais qui le mènera à Gdansk direct à solidarnosc mais il sort diplomé en histoire de l’université de Gdansk après avoir écrit un mémoire consacré au maréchal Piłsudski . Une figure nationaliste pour le moins controversé, qui a gouverné la Pologne sur un mode proche du fascisme. Du début de la Première Guerre mondiale jusqu’à sa mort, Piłsudski menadeux stratégies complémentaires pour assurer la sécurité de la Pologne : le « prométhéisme » visant à désintégrer l’Empire russe puis l’Union soviétique en plusieurs États et la création de la Fédération Międzymorze (Fédération Entre Mers) rassemblant la Pologne et plusieurs de ses voisins. On voit en quoi encore aujourd’hui cette doctrine fascisante peut inspirer la politique étrangère polonaise.

La politique économique du gouvernement Tusk repose essentiellement sur une politique de libre-marché conforme aux orientations européennes, une réduction d’impôts et des privatisations d’entreprises publiques. Celui que l’on résente quasiment comme un candidat de gauche portant les espérances sociétales est l’homme de l’élevation de l’âge de la retraite et celui qui dans les élections en France vient soutenir Valérie Pecresse. Si en matière de valeurs le gouvernement conservateur au pouvoir se montre rétrograde, sa politiqueest nettemment moins libérale et plus sociale.

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