Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’éminence grise de la rupture entre Michel Clouscard et Alain Soral ?

Ce texte publié dans le Grand soir nous parait digne d’intérêt dans un temps où ceux qui ne craignent pas de soutenir Zelensky et le bandérisme, l’OTAN et de fait la CIA, jouent les vertueux face à ceux qui dénoncent ce qui s’est réellement passé en Ukraine et font des amalgames indignes. Par exemple en identifiant des militants du PRCF ou des gens comme Michel Collon avec Soral ou Dieudonné qu’ils ont laissé longtemps œuvrer pour déconsidérer l’anti-impérialisme et le tirer vers l’antisémitisme. Il y a des tendances que je n’ai jamais toléré, ni Marianne, notre blog de surcroit refuse d’alimenter les querelles au sein de l’Internationale communiste, et il s’avère que j’ai souvent eu avec les dirigeants du PRCF ou de l’ANC des désaccords (en gros je leur reproche de tirer des buts contre leur camp, de ne pas tout faire pour reconstruire le PCF, en préférant soutenir la FI et y compris en ce moment exacerber des positionnements avec le KKE, avec des polémiques inutiles et je refuse de publier les arguments des uns ou des autres). Si l’on ajoute à cela que j’ai rencontré Clouscard, je l’ai lu et il ne m”a jamais convaincue, beaucoup moins qu’un Pasolini ou que l’École de Francfort. Mais cela relève d’un débat sans excommunication, qui semble être une des formes du déclin intellectuel et politique français. Il me semble qu’il faut avoir le courage de ses choix (reconstruire le PCF, reprendre un dialogue internationaliste sans dogme, ni Mecque, mais en cherchant ce qui unit). Pour cela, il faut aussi savoir dénoncer la manière dont des gens respectables sont victimes de faux procès, d’anathèmes moralisateurs et non fondés, comme je l’ai été d’une manière constante. Il faut un dialogue sur le fond, sur les idées et Aymeric Monville l’a toujours privilégié, lui et l’admirable collection Delga. Là encore Marianne et moi sommes d’accord et nos actes s’accordent avec nos critiques, l’essentiel est d’aller vers une émancipation humaine possible et nécessaire, nous sommes naïves, pourtant il n’y a pas d’autre chemin. (note de Danielle Bleitrach, histoireetsociete)

Aymeric MONVILLE

Suite à une nouvelle tentative de récupération par l’extrême-droite d’authentiques penseurs marxistes (ici Michel Clouscard, 1928-2009), Aymeric Monville, directeur des éditions Delga, nous envoie ce communiqué où il est aussi question de la défense de la République populaire de Chine.

Dans un récent entretien filmé au bord du lac Léman et publié sur son site en septembre 2023, Alain Soral m’attribue une responsabilité majeure dans sa rupture définitive avec le philosophe Michel Clouscard. Cette rupture fut matérialisée – comme on le sait peut-être -, par l’article du penseur marxiste, publié dans L’Humanité et intitulé “Aux antipodes de ma pensée”. Michel Clouscard y désavouait publiquement Alain Soral au moment où celui-ci se rapprochait de Jean-Marie Le Pen et tentait, selon les termes de Clouscard, “d’y associer sa personne”. C’était en l’an de grâce 2007, ma rencontre avec Michel Clouscard datant, elle, de 2003.

A ma connaissance, c’est la première fois que cette nouvelle théorie du complot – le mot s’impose ! – est rendue publique. Pourquoi vingt ans après ma rencontre avec le penseur natif de Gaillac ? Je l’ignore. Quoi qu’il en soit, je serais ainsi le chaînon manquant, l’âme noire, qui expliquerait pourquoi, à la fin de sa vie, le philosophe resté durant toute son existence proche des militants communistes n’aurait pas rejoint soudainement l’extrême droite. Et pas n’importe quelle extrême-droite, puisque le vidéaste prend soin de montrer, juste après ces propos sur Clouscard, les livres publiés depuis par Alain Soral : ceux d’Adolf Hitler et de Benito Mussolini.

Ainsi, Michel Clouscard aurait eu besoin qu’on lui tienne le stylo pour condamner le lepénisme ? Etrange pour quelqu’un qui, moins de dix ans plus tôt, faisait de Jean-Marie Le Pen le symbole tragique de l’impasse sur laquelle débouchait le système et sa crise :

Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire, de l’ensemble qui commence en mai 68. Sa spécificité tient dans cette formule : tout est permis, mais rien n’est possible. À la permissivité de l’abondance, de la croissance, des nouveaux modèles de consommation, succède l’interdit de la crise, de la pénurie, de la paupérisation absolue. Ces deux composantes historiques fusionnent dans les têtes, dans les esprits, créant ainsi les conditions subjectives du néo-fascisme. De Cohn-Bendit à Le Pen, la boucle est bouclée : voici venu le temps des frustrés revanchards.” (Michel Clouscard, Postscriptum à la réédition de Néofascisme et idéologie du désir, 1998).

Moins de dix ans plus tard, Clouscard n’aurait ainsi trouvé rien de mieux à faire que de rejoindre ceux qu’il appelait les “frustrés revanchards” ?

Je précise qu’en 1998, je ne connaissais pas personnellement Michel Clouscard. Au contraire, je découvrais à vingt ans ce ouvrage lumineux, paru trente ans après Mai-68 et qui décrivait si bien son époque.

De plus, pour pousser l’absurdité encore plus loin, en 2007, Michel Clouscard aurait eu aussi besoin de l’avis du jeune homme que j’étais à l’époque et né près d’un demi-siècle après lui, pour se convaincre qu’il ne fallait pas se voir associé à ce type de provocation ? A près de quatre-vingt ans, n’était cette rencontre de la dernière chance, il aurait donc volontiers abandonné la dignitas qui convient à cet âge pour participer à pareil carnaval et endosser un habit d’Arlequin faits des couleurs politiques les plus disparates, costume bariolé qui au Moyen-Âge désignait directement à l’opinion les bouffons et les fous ?

Tout cela n’a aucun sens, mais, visiblement, Alain Soral ne semble vouloir revisiter le passé que pour servir ses antiennes : prouver à quel point les marxistes et les communistes auraient tant à gagner à s’associer avec sa chère extrême-droite. Avec Madame Le Pen qui valide l’euro et l’Union européenne, c’est-à-dire le carcan qui étouffe notre souveraineté nationale ? Avec Mme Meloni qui s’aligne sur l’OTAN dans la guerre en Ukraine ? Avec M. Soral qui fait de Donald Trump son modèle, alors que celui-ci – faisant pour une fois pire que Joe Biden -, est aux avant-postes de la guerre contre la République populaire de Chine ?

Comment dit-on “haussement d’épaules” en mandarin ?

Aymeric Monville, 23 septembre 2023

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1 Commentaire

  • John V. Doe
    John V. Doe

    Il aura fallu 30 ans à Michel Clouscard pour discerner les vautours sous la robe de tulle des libertaires à la Cohn-Bendit. Il m’a fallu près du double pour découvrir sa phrase assassine mais tellement juste : “Le néo-fascisme sera l’ultime expression du libéralisme social libertaire”.

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