Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Autodafés au Mexique

«Diable», «homosexualisme», «communisme» : au Mexique, droite et cathos brûlent les nouveaux manuels scolaires. A un an des prochaines présidentielles, les Etats-Unis et la CIA adoptent une stratégie déjà mise en oeuvre au Brésil, en Equateur, utiliser les forces conservatrices voir les mouvements évangélistes pour faire se retourner les communautés indiennes contre l’actuel président Andres Manuel Lopez Obrador accusé de soutien à Cuba, aux résistances d’Amérique latine. Les mêmes qui en Europe se présentent comme les champions de l’évolution des moeurs, partout dans le monde (et y compris en Europe) sont ceux qui sont les agents de la réaction la plus crasse, de l’installation d’un ordre fasciste. Ce paradoxe est en fait dès l’origine inscrit dans la phase “néolibérale” qui accomplit l’exploit de naître de la victoire des tortionnaires au Chili, en Argentine, de se présenter comme une lutte contre le totalitarisme soviétique et de tomber sur le tiers monde comme l’agent d’une nouvelle phase d’exploitation et de sous développement. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Article de LIBERATION, AFP •20hDes manuels scolaires brûlés à San Cristobal de las Casas, dans l’Etat de Chiapas, le 20 août 2023.© Carlos Lopez

Autodafé, appel à la censure, accusation d’endoctrinement et de corruption de mineurs. La rentrée des classes ce lundi 27 août au Mexique est animée par des tensions autour des nouveaux livres scolaires gratuits dans l’enseignement public. Episode extrême dans cette bataille pédagogique, politique et judiciaire de l’opposition contre le gouvernement du président Andres Manuel Lopez Obrador (gauche nationaliste) : des parents sont allés jusqu’à brûler une centaine de manuels destinés à une école primaire de San Cristobal de la Casas (Chiapas, sud), il y a une semaine.

A l’unisson d’un pasteur évangélique, des familles originaires de la communauté txotxil (une langue maya) ont dénoncé des nouveaux livres qui ne seraient rien d’autre que le «diable» et enseignent «le communisme, l’homosexualisme et le lesbianisme». Les familles ont estimé que les manuels défendaient les parents séparés, les familles monoparentales ou les couples du même sexe, rapporte El Pais.

Dans le même temps, des milliers de personnes manifestaient à Aguascalientes (dans l’Etat du même nom, au centre du pays) derrière une banderole proclamant «Education oui, endoctrinement non». Aguascalientes est un des cinq Etats gouvernés par le Parti d’action nationale (PAN, opposition, droite conservatrice-libérale) sur 32 entités fédérales au total. Le président du PAN, Marko Cortes, a encouragé les parents à «jeter les manuels scolaires» ou à en arracher «les pages qu’[ils] ne considére[nt] pas convenables pour l’éducation de vos enfants».

Exemple à l’appui, Marko Cortes reproche aux nouveaux outils pédagogiques de réécrire l’histoire dans un sens favorable à Lopez Obrador, par exemple en parlant de «fraude» au sujet de l’élection présidentielle de 2006, officiellement perdue par l’actuel chef de l’Etat.

Des livres suspendus dans plusieurs Etats

A moins d’un an de la prochaine présidentielle, la bataille politique a pris une tournure judiciaire. La Cour suprême a ordonné la suspension de la distribution des nouveaux livres scolaires dans deux Etats gouvernés par des partis d’opposition au gouvernement fédéral (Coahuila et Chihuahua). L’Union nationale des pères de familles (UNPF) a également déposé un recours en justice contre la diffusion des nouveaux livres. L’UNPF accuse le gouvernement de les avoir rédigés sans concertation, «dans le dos» des Mexicains.

Comme sur d’autres sujets, le président Lopez Obrador s’est défendu en attaquant les «conservateurs». «C’est très rétrograde, c’est moyenâgeux, c’est l’inquisition, de détruire et brûler des livres ; cela tient beaucoup au conservatisme de la droite», a-t-il déclaré lors de l’une de ses conférences de presse quotidiennes.

La refonte des manuels scolaires s’inscrit dans le cadre d’un programme de son gouvernement intitulé «la nouvelle école mexicaine». L’objectif est de promouvoir «un apprentissage d’excellence, inclusif, pluriculturel», explique un document du secrétariat (ministère) de l’Education publique daté de 2019.

Andres Manuel Lopez Obrador a été élu en 2018 en prétendant tourner la page de 36 ans de «néo-libéralisme». Pour le président, «l’école mexicaine était auparavant d’orientation néo-libérale», explique la docteure en pédagogie Irma Villalpando. «C’est une réforme de papier car le système éducatif reste intact», tranche-t-elle cependant, en faisant référence à des problèmes d’infrastructure.

Le Mexique affiche un «score moyen» en matière d’éducation (compétences à l’écrit, en mathématiques et en sciences), d’après l’Organisation de coopération du développement économique (OCDE, club des 38 pays développés ou émergents, dont le Mexique). «Nous avons un retard historique dans l’amélioration des connaissances», reconnaissait le document officiel de 2019 présentant la «nouvelle école mexicaine».

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3 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Cela fera ni chaud ni froid aux lecteurs de “Histoire et Société”, mais je suis bouleversé par cet article. Ma femme et moi avons effectué un voyage au Mexique en novembre 1994. Nous avons notamment séjourné quelques jours à San Cristobal de Las Casas. Au début de l’année 1994, les rebelles guerilleros du Chiapas avaient occupé pendant plusieurs jours la ville de San Cristobal. C’est dire si le mouvement était puissant. Il était notamment soutenu par Mme Danielle MITTERRAND au grand dam de son mari. Leurs revendications étaient celles de tout peuple opprimé. Ma mémoire me fait défaut. Mais le PCF de 1994 soutenait la rebellion.
    Un autre danger alerte les dirigeants du Mexique, Mr OBRADOR en tête, c’est la menace venant des USA, sous le prétexte de lutte contre les cartels de la drogue, d’intervenir militairement au Mexique.

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    • Michel BEYER
      Michel BEYER

      En 1994, la figure emblèmatique du mouvement de rebellion était le Sous-Commandant Marcos. Ce mouvement luttait contre les gros propriétaires terriens, mais aussi pour la défense de la culture Maya. A l’image de la Chine qui dans sa construction du socialisme prend en compte sa culture plusieurs fois millénaire, la construction du socialisme au Mexique ne pourra échapper aux différentes cultures qui inondent le pays. Elles sont nombreuses, mais la culture Maya est surement la plus importante. Elle rayonne sur les Etats du Chiappas, du Yucatan, mais aussi sur une très grande partie du Guatemala.
      Parait-il que Christophe Colomb a découvert l’Amérique. Pour le guide Maya que nous avions, il est arrivé après beaucoup d’autres. Encore une légende qui fout le camp.
      Nous avons vu des choses bouleversantes au Mexique. Je ne crois ni en Dieu, ni au diable. Mais comment ne pas être remué par le spectacle des mères, à genoux, leur enfant dans les bras, en procession sur le parvis de Notre-Dame de la Guadaloupe à Mexico, pour remercier la Vierge de lui avoir donné un enfant. La Papauté a voulu interdire le culte de la Vierge au Mexique. Ce culte était une forme de révolte contre l’Espagne, contre les conquistadors.
      La télévision française a réalisé une excellente émission qui s’appelle, je crois ” La Controverse de Valladolid”, avec notamment Jean Carmet et Jean-Pierre Marielle. C’était l’époque bénie ou il y avait encore de la bonne télé. Le titre du livre de Jean_Marie Le Clézio, qui avait emporté le Goncourt, ne me revient pas. Il relate la façon dont Cortes avec peu d’hommes a conquis le Mexique, imposant pour des siècles la culture espagnole. Cela ne suffisait pas, la culture nord-américaine, souvent le mauvais côté, tente à son tour de s’imposer.

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      • Broussaudier
        Broussaudier

        Vous pouvez lire aussi le très beau livre d’Eric Vuillard : Conquistadors.

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