Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

XUAN : le projet de Gorbatchev de la maison commune européenne…

En moins de trois pages, le livre ‘Erreur ou trahison’ fait entrevoir les conséquences du projet de Gorbatchev d’une « maison commune européenne », annoncé fin 1985 à F. Mitterrand. Notamment le « démembrement de la Russie ». On comprend alors que l’expansion de l’OTAN vers l’est en était le développement inévitable, et avec lui le conflit actuel en Ukraine.

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La première visite étrangère dans ses nouvelles fonctions de M.S. Gorbatchev, a eu lieu en France les 5 et 6 octobre.

“Après la première rencontre et un long entretien avec Gorbatchev au Palais de l’Élysée en octobre 1985 “, écrit A.S. Gratchev, “le président français François Mitterrand a déclaré à ses plus proches conseillers : “Cet homme a des projets passionnants, mais est-il conscient des conséquences imprévisibles que peut avoir une tentative de les mettre en œuvre ?”

Qu’a dit M.S. Gorbatchev à F. Mitterrand ?

L’une des idées avec laquelle Mikhail Sergueïevitch, de son propre aveu, se rendit en France était de créer une « maison commune européenne ». Il l’a exprimée pour la première fois le 18 décembre 1984, au Parlement britannique (« L’Europe, disait-il alors, est notre maison commune. Une maison, et non le théâtre d’une action militaire »), puis il a répété dans son discours à la télévision française le 30 septembre 1985, avant de partir pour Paris : « Nous vivons dans la même maison, bien que certains y entrent par une entrée et d’autres par une autre, dit-il. Nous devons coopérer et établir une communication dans cette maison”.

Pour comprendre le sens de ces déclarations, il faut tenir compte du fait que, dans son discours devant le Parlement européen le 14 janvier 1985, le nouveau président de la Commission européenne, J. Delors, a déclaré que le principal objectif de la Commission qu’il présidait était de créer d’ici 1992 un “marché intérieur de l’Union européenne “. En mars 1985, le Conseil européen a commencé à élaborer un programme spécial pour traiter cette question, qui a été approuvé en juin de la même année. En février 1986, l’Acte unique européen a été signé, qui prévoyait la création progressive de l’ «Espace unique » à partir du 1er janvier 1987, dans lequel les frontières intérieures entre les États seraient supprimées et la libre circulation des capitaux, des biens et des personnes serait assurée.


Ainsi, M.S. Gorbatchev a eu l’idée d’une “maison paneuropéenne “ au moment même où le processus d’intégration de l’Europe occidentale était entré dans sa phase décisive. Dans ces conditions, comment le chef de l’État soviétique se représentait-il la réalisation de son idée ?
La réponse à cette question fait défaut jusqu’à présent. Cependant, s’il voulait vraiment participer à la création d’une “maison paneuropéenne“, il devait comprendre qu’il y avait de nombreux obstacles sur le chemin.

Tout d’abord, elle concernait l’existence de deux blocs politico-militaires : l’OTAN et l’Organisation du pacte de Varsovie. L’élimination de la confrontation militaire en Europe signifiait non seulement la réduction des armées, mais aussi l’une des trois options possibles pour l’élimination de la confrontation militaire :

  1. l’élimination des blocs mentionnés,
  2. leur transformation en organisations politiques et
  3. l’absorption d’un bloc par un autre.

Deuxièmement, il faut tenir compte du fait que le Conseil d’assistance économique mutuelle (l’Union soviétique et les pays d’Europe de l’Est qui se trouvaient dans son orbite) l’emportait sur la Communauté économique européenne (Union économique européenne) en termes de population et de potentiel économique. Dans ces conditions, la CEE ne pouvait autoriser ses voisins de l’Est à entrer dans la “maison commune européenne” qu’à trois conditions:

a) la désintégration du CAEM,

b) la liquidation de l’URSS et

c) le démembrement de la Russie.

Troisièmement, l’intégration de l’URSS et de ses alliés dans l'”Europe commune” se heurtait à l’obstacle des spécificités de ces pays :

a) le monopole de la propriété de l’État et, par conséquent, l’absence de développement des rapports marchands ;

b) la direction administrative de la gestion ;

c) l’idéologie commune.



Ainsi, si M.S. Gorbatchev a vraiment pensé à créer une « maison commune européenne », cela impliquait que cela devait être précédé par des changements radicaux dans le système des relations internationales, dans le bloc soviétique et en Union soviétique elle-même.


A cet égard, il convient de noter qu’en 1985, le livre intitulé La qualité humaine d’un des organisateurs et dirigeants du Club de Rome, A. Peccei, a été réédité en URSS, contenant la justification de la nécessité d’une gestion unique de la société au niveau planétaire.
Lorsque j’ai demandé à V.A. Medvedev le 9 juin 2008 si l’idée d’une “maison commune européenne” avait été discutée au Politburo en 1985, il a répondu: “Non.” De plus, selon lui, à l’époque il n’y avait ni projet de cette “maison” ni calendrier pour sa construction, et elle n’était considérée que comme un certain idéal auquel il fallait aspirer en poursuivant la voie tracée par l’Acte d’Helsinki de 1975.

En supposant que cette affaire ne concernât que la reprise du processus d’Helsinki, cela pouvait signifier qu’appelant à la construction d’une « maison commune européenne », l’Union soviétique offrait de renoncer à une nouvelle escalade des tensions internationales et se déclarait prête à respecter les engagements pris en 1975 pour démocratiser la société.

Ainsi, Mikhaïl Gorbatchev a présenté au président français ses projets de réforme de l’URSS. « Mitterrand », écrit Gorbatchev, « était clairement impressionné par le détermination du nouveau dirigeant à revoir de manière critique tous les principaux mécanismes du système soviétique ». « La principale chose qui a frappé et “enthousiasmé” le socialiste Mitterrand, peut-être même plus que la super conservatrice Thatcher, était le plan d’émancipation interne de la société soviétique ».

Après avoir entendu ces révélations, F. Mitterrand a déclaré :

« Si vous parvenez à réaliser ce que vous avez prévu, cela aura des conséquences mondiales ».

[« Erreur ou trahison » p 57 et suivantes]

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