Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Portrait de femme : la mère du charbon du Donbass

Sous la pruderie victorienne comme la permissivité d’aujourd’hui, la “femme” telle que le bourgeois l’enferme dans les cercles de l’intériorité, dit cette “extrême-absence de naturel” que Marx attribue au moralisme bourgeois. Le bourgeois manifeste face à “la FEMME” à la fois sa nostalgie de la nature et sa peur de celle-ci. De cette nature, il craint toujours que les sens secrets menacent de rompre les digues et aboutisse à ce “dévergondage” dont il soupçonne “les masses”… Le moralisme nie l’individu concret, prétend l’hypostasier dans des vertus imaginaires “probité” et “dévotion”, le royaume éthéré des concepts, aujourd’hui “démocratie”, “droits de l’homme” prétextes, devenus cercles magiques des élites cultivées, chapelles, abstractions. L’individu concret est alors soumis, comme hier, au tribunal de la vertu simulée, caricaturée en pratiques dévotes politiquement correctes. Le communisme a tenté une ouverture vers une autre nature, en étant les masses en voie de la liberté. Le communisme a tenté d’apaiser la douleur, l’antique malédiction de ‘la créature opprimée”, mais sans séparer l’esprit du corps, il a inventé des droits inconnus comme d’ailleurs l’accouchement sans douleur… Il y a là une aspiration à la liberté de l’espèce que traduit Maïakovski quand il explique que le poète est un ouvrier mais il y a eu aussi le maintien de la religiosité de la plainte parce que les temps sont terribles hors de portée humaine. Cette femme-là, cette mère du charbon du Donbass, est une des figures de l’authenticité de la matérialité de l’être humain femme en situation d’héroïsme, devenue sainte parce qu’illustrant à la fois l’exception et le destin commun, une sainteté, qui comme toujours y compris dans le christianisme renvoie au chamanisme, à l’animisme, à la matérialité d’une terre aujourd’hui une fois de plus suppliciée : le Donbass, la mine et il faut inventer un féminin pour le “mineur”. (note de Danielle Bleitrach dans histoireetsociete)

Voici la légendaire “mineuse” du Donbass, “La Mère des Charbons”, comme on l’appelle à Donetsk.

Plusieurs sites à Donetsk ont pris son nom à savoir Eudokia Koroleva, née en 1879.

À l’âge de 12 ans, elle a commencé à travailler comme mineur de charbon (à temps plein). C’est au fond de la mine qu’elle a rencontré son futur époux, ils avaient 17 ans. Mais lui deux ans après les épousailles est mort dans un accident du travail, un rocher s’est écroulé sur lui. Veuve à 19 ans en 1898.

Pendant la révolution, elle s’est engagée dans les rangs bolcheviks.

Après l’invasion nazie en 1941, elle déménage au Kazakhstan et à 62 ans elle continue à travailler dans une mine de charbon là-bas.

Après la libération du Donbass, les mines de charbon détruites ont été reconstruites et auprès de ses camarades, elle a continué à y travailler jusqu’à 87 ans. Comment dire ce qu’est la mine, pour être descendue dans celle du Ladrecht, j’ai découvert à la fois l’extrême-dureté de ce lieu et sa beauté presque féérique. Il y a ce combat collectif et quand j’imagine cette femme c’est tout cela qui me revient.

Elle a fondé et dirigé une crèche pour enfants de mineurs. Elle a résisté à toute tentative de licenciement pour cause d’âge ou de pension.

À plusieurs reprises, elle a été élue conseiller municipal local ou député régional soviétique, mais elle a continué à travailler à la mine de charbon. Elle est morte en 1981 à l’âge de 102 ans et a été enterrée près de la mine de charbon de Donetsk (c’était son souhait).

Selon les légendes des mineurs de Donetsk, elle est considérée comme une sorte de déesse minière qui les protège, encore une manifestation de ce chamanisme dont je ne cesse de vous parler à propos du communisme soviétique, cette relation à la nature… Avec la femme mère, combattante, force inébranlable, la mère patrie et nourricière.(Homo exmachina)

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