Le paradoxe des juifs c’est qu’ils sont parmi les peuples de la terre ceux qui témoignent le plus des migrations et des mélanges mais également de la violence avec laquelle les êtres humains nient ces données pourtant fondamentales de leur propre humanité. Le refus d’une dialectique pourtant essentielle entre les êtres humains et la nature, leur propre nature, l’unité et la diversité. L’enjeu est devant nous : soit nous la transformons en coopération et trouvons un mode de gouvernance qui organise cette coopération, et ce seront partout des oasis et des échanges entre local et global. Ou nous faisons de la guerre notre nature et ce sera l’enfer et la marche sans fin dans le désert jusqu’à la solution finale. Il y a deux manières pour moi de me reconnaitre juive, la première est comme pour Marc Bloch quand je me trouve devant un antisémite, mais je dirai que j’éprouve la même chose devant toute tentative imbécile de transformer les individus en espèce à partir d’une de leur caractéristique, celle sur laquelle ils peuvent le moins agir qu’elles soient “raciales”, sexuelles, ou d’âge, de santé, etc… la seconde c’est quand je songe à cette histoire étrange si humaine de cette migration survie, assimilation et différence qui me dit à sa manière toutes les contradictions de notre évolution en tant qu’espèce humaine. Ces derniers temps je commence à douter parce qu’à la somme des intérêts déchaînés je vois s’ajouter la bêtise au front bas, mais peut-être est-ce justement parce qu’il est difficile de penser l’inconnu et ce qu’il recèle de potentialités. Il faut sortir du cadre, accepter l’exil… (note de Danielle Bleitrach dans histoireetsociee)
L’histoire du peuple juif est souvent pleine de mystères et certaines communautés en sont les témoins vivants. Parmi elles, les communautés juives de Shanghai et Kaifeng suscitent un intérêt particulier. Leur histoire complexe et leur passé fascinant ont été longtemps enfouis sous les couches du temps, rendant leur traçabilité difficile. Tribus perdues d’Israël, émissaires du roi Salomon en quête de matériaux précieux pour la construction du Temple de Jérusalem : les légendes abondent à propos de leurs origines. Dans cet article, nous allons tenter de découvrir les fragments d’une histoire qui se dérobe avec habileté à nos tentatives de la reconstituer.
La communauté juive de Kaifeng : un passé millénaire enveloppé de mystère
Parmi les communautés juives les plus fascinantes au monde, se trouve la communauté de Kaifeng, l’ancienne capitale de la province chinoise de la dynastie Song. Elle serait la plus ancienne communauté juive de Chine, installée sous le règne de l’empereur Mingdi (55-75), comme l’attestent des stèles retrouvées sur place.
Cette communauté aurait décuplé au XIe siècle, avec des Juifs arrivés d’Inde et de Perse. Grâce à la tolérance et à l’ouverture qui règnent en Chine envers les Juifs, la communauté de Kaifeng compte alors des milliers de Juifs. Ces derniers s’impliquent avec succès dans divers domaines, comme le commerce, les arts, les services gouvernementaux et l’armée.
La synagogue de la communauté, une combinaison unique d’architecture chinoise et de tradition juive, est l’un des sites les plus impressionnants de la ville. Établie en 1163, cette synagogue que les Juifs de Kaifeng appellent la « Salle de la Vérité Pure », sera plusieurs fois détruite, mais rénovée encore et encore, jusqu’à ce qu’en 1860, le fleuve Jaune ne déborde et ne la détruise définitivement. Au cours des dernières décennies, de nombreuses personnes de bien ont souhaité la reconstruire, mais n’y sont pas parvenus.
Une assimilation progressive
Les Juifs de Kaifeng adoptent graduellement une partie de la culture chinoise. Ainsi, au fil des ans, les Juifs de Kaifeng, commençant à ne plus savoir lire la Torah en hébreu, écrivent un rouleau de la Torah en chinois, dont un exemple se trouve au British Museum de Londres. En raison de l’influence circonvoisine et de l’adaptation à l’agriculture locale, ils commencent à pétrir leur Hallah de chabbat à partir de farine de riz.
Autre événement de taille, le dernier rabbin de la communauté de Kaifeng meurt en 1867 et la communauté commence à se désintégrer et à s’assimiler.
Aujourd’hui, il reste quelques descendants de la communauté juive de Kaifeng, qui cherchent à renouer avec leur héritage et à maintenir les liens avec le judaïsme mondial.
Shanghai : une communauté juive énigmatique en terre d’accueil
L’histoire captivante de la communauté juive de Shanghai trouve ses racines dans l’arrivée marquante des familles Sassoon, Kaduri et Hardon, originaires de Bagdad.
Eliahou Birenbaum dirige le programme Strauss Amiel, qui a pour fonction de renforcer l’identité et l’existence juives dans les communautés de la Diaspora. Il se consacre en outre à la recherche sur les communautés juives et les tribus juives perdues. Selon lui, les Sassoon, surnommés les « Rothschild de l’Orient », s’installent en Inde à partir de 1830, où ils prospèrent dans le commerce du coton, du thé et de l’opium. Lorsque les ports chinois s’ouvrent au commerce avec l’Occident, la famille étend également ses activités en Chine.
Au XVIIIe et au XIXe siècle, de nombreux Juifs irakiens, fuyant la persécution politique et religieuse sous le règne de Suleiman Pacha et de son successeur Daud Pacha, choisissent de s’établir en Inde, alors sous domination britannique. Cependant, certains d’entre eux se tournent vers la Chine. Ainsi, dès 1862, une petite communauté juive est présente à Shanghai, avec un cimetière juif déjà établi.
Une communauté qui prospère
Au début du XXe siècle, une nouvelle vague d’immigration juive arrive principalement de Russie, en raison des pogroms et des révolutions dans le pays. Ils passent par la Serbie ( et se dirigent ) vers des villes du nord-est de la Chine, telles que Harbin, Tianjin, Dalian et plus tard vers Shanghai. Au milieu des années 1930, la communauté juive de Shanghai compte 5 000 personnes, tant des Juifs irakiens que russes.
La présence juive à Shanghai est alors palpable dans différents domaines de la vie urbaine. Les Juifs établissent des synagogues, des écoles et des institutions communautaires, créant un tissu social solide et vibrant. Ils s’impliquent activement dans le commerce, les finances et le secteur immobilier, laissant leur empreinte sur l’économie de la ville.
Shanghai : un refuge inattendu
C’est au cours de la Seconde Guerre mondiale que l’histoire de cette communauté va prendre un tournant dramatique. En 1938, lorsque la persécution des Juifs par le régime nazi s’intensifie, Shanghai reste la destination d’immigration préférée de nombreux Juifs d’Allemagne et d’Autriche. Et pour cause, à cette époque, elle est l’une des seules villes au monde à leur ouvrir ses portes.
La Chine est alors occupée par les Japonais (alliés des nazis), qui refusent d’appliquer la « Solution finale » aux Juifs de Shanghai. La communauté juive sera regroupée au sein du ghetto de Hongkou, au cœur de la ville.
En 1941, la ville sert de refuge à environ 30 000 réfugiés juifs, constituant de la sorte la plus grande communauté juive d’Extrême-Orient.
En d’autres termes, Shanghai a accueilli plus de réfugiés juifs que le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Afrique du Sud et l’Inde réunis. La plupart de ces réfugiés partent ensuite pour les États-Unis, le Canada et l’Australie. Des milliers d’entre eux émigrent aussi en Israël à partir de 1948.
Le sauvetage des Juifs pendant l’Holocauste est d’ailleurs une source de fierté pour les Chinois. Ils aiment dire que quand presque tous les pays ont fermé leurs portes aux Juifs, eux ont su offrir leur hospitalité
Un témoin photographe : Horst Eisfelder
« Une fois que j’ai commencé à prendre des photos, j’ai continué à prendre des photos parce qu’elles » —Horst Eisfelder
Alors que le régime allemand nazi renforçait sa persécution des Juifs allemands et que la propagande et la rhétorique antisémites augmentaient, la famille Eisfelder a décidé de quitter l’Allemagne. Ils ont finalement trouvé refuge dans un endroit improbable – la Chine.
Presque immédiatement après l’arrivée de la famille à Shanghai en novembre 1938, Horst, âgé de 13 ans, a commencé à photographier son expérience dans sa nouvelle maison inconnue à l’aide d’un appareil photo que son frère Erwin a reçu pour sa bar mitzvah.
« Dans mon innocence enfantine, je pensais que nous serions de retour à Berlin dans un court laps de temps… et je pourrais montrer toutes ces photos intéressantes à ma famille et à mes amis,” se souvient Horst. « Bien sûr, la réalité était assez différente. “
Au fil du temps, la famille Eisfelder a commencé à s’installer dans sa nouvelle vie et a même ouvert un café. Pendant ce temps, Horst a continué de documenter la communauté de réfugiés en pleine croissance à Shanghai.
Plus de quatre ans après leur arrivée, en février 1943, sur ordre des autorités japonaises d’occupation, la famille Eisfelder et d’autres réfugiés juifs ont été contraints de déménager dans une zone désignée pour les réfugiés apatrides à Hongkew, une section de Shanghai.
Dans la zone désignée, Horst a appris des compétences spéciales en caméra d’un compagnon réfugié. Ces compétences étaient cruciales alors que Horst explore plus avant sa passion pour la photographie et capturait des images de la vie quotidienne.
En 1944, Horst commence à travailler comme apprenti photographe et continue à jouer ce rôle jusqu’à la fin de la guerre en septembre 1945.
Après avoir vécu en Chine pendant près de neuf ans, la famille Eisfelder a immigré en Australie en juillet 1947.
En 2021, le gouvernement allemand a reconnu Horst pour son travail de préservation des souvenirs des années de guerre.
Photo 1 : Horst pose avec un appareil photo, vers juin 1946.
Photo 2 : La première résidence des Eisfelders à Shanghai, vers décembre 1938.
Photo 3 : La mère de Horst, Hedwig, au restaurant familial, Café Louis, vers 1944.
Photo 4 : Le père et le frère de Horst conversent à l’extérieur du Café Louis, 1944.
Photos : USHMM, gracieuseté de Horst Eisfelder
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etoilerouge
Formidable histoire dt j’étais totalement ignorant. Merci Danielle