Il y a en ce moment une telle accélération de l’histoire provoquée sans doute par une guerre en Europe, une épidémie massive, le défi climatique et les conséquences de ces événements sur de nouveaux rapports sud sud qui témoignent de la contradiction forces productives rapports de production (hommes et nature) au stade ultime de l’impérialisme et de la mise en mouvement d’un affrontement de classe d’une grande ampleur et face auquel le capitalisme ne sait répondre que par le fascisme et la guerre. Mais là où le problème c’est l’absence d’issue politique à la hauteur des enjeux. Dans un tel contexte, les réflexions viennent de toute part pour décrire la puissance de la vague alors qu’il y a encore deux ans il était impossible de faire entrevoir ce basculement historique. Est-ce un hasard si le nouveau se rejoue à travers deux drames historiques : l’extermination nazie et Hiroshima, si le capitalisme tente de détourner le sens réel de ces événements pour tenter de maintenir son bellicisme et son pillage, en nous menaçant de ce dont il a été capable et en l’attribuant à ses adversaires jusqu’à la caricature – bientôt ce sera la Chine communiste qui aura bombardé à Hiroshima, comme déjà certains veulent faire croire que les juifs ont été victimes des soviétiques et que les nazis n’étaient pas aussi méchants que ces derniers, le tout pour nous envoyer sur le front russe et chinois. (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)
Entretien de Pietro Fiocchi avec Fabio Massimo Parenti, docteur en géopolitique, géostratégie et géoéconomie
Lors de la répétition générale, réunissant les ministres des affaires étrangères, du prochain G7 à Hiroshima, le chef de la diplomatie japonaise, Hayashi Yoshimasa, a déclaré que “…nous sommes attachés à un ordre international libre et ouvert, fondé sur l’État de droit, auquel le Japon attache une grande importance. Nous nous opposons fermement à toute tentative de modification unilatérale du statu quo, où que ce soit dans le monde. Nous voulons travailler ensemble pour traiter les questions urgentes de la communauté internationale dans la perspective du sommet d’Hiroshima”.
Le leitmotiv de ce G7 est clair, d’autre part on sait aussi bien que parmi les questions urgentes de la communauté internationale figurent également certains problèmes non résolus entre Tokyo et Pékin il y a quelques décennies, que les gouvernements japonais successifs ont toujours éludés ou évité d’aborder officiellement.
Dans un ordre international libre et ouvert, chacun doit assumer ses responsabilités et réparer les horreurs tragiques, comme le veut la loi.
L’histoire suivra son cours, mais pour l’heure, examinons certains aspects de la dynamique internationale actuelle, moins médiatisée, en demandant au professeur Fabio Massimo Parenti d’apporter quelques éclaircissements :
“Il y a actuellement des changements que l’on n’a pas vus depuis 100 ans”, a déclaré Xi Jinping à M. Poutine lors de sa visite à Moscou. Etes-vous d’accord pour dire que nous vivons une époque historique ?
Au cours des cent dernières années, l’humanité a connu d’énormes changements qu’il est impossible de résumer en quelques mots. Les progrès technologiques et l’industrialisation mondiale se sont progressivement répandus dans le monde entier et la population est passée de moins de 2 milliards à 8 milliards, soit un quadruplement. L’augmentation la plus importante s’est produite après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Tout cela a pris la forme d’une série de conflits et de guerres entre empires et États-nations et entre blocs macro-politiques.
Plus de deux siècles d’un monde dirigé par l’Occident ont été caractérisés par un développement inégal et une exploitation de masse, avec l’imposition d’un système capitaliste mondial à l’ensemble de la planète, avec quelques résistances et exceptions. Le nouveau réveil de la guerre mondiale (qui n’a jamais été “froide”) montre un déclin brutal de l’Occident et l’émergence d’un nouvel ordre mondial façonné par le reste du monde, avec la Chine au centre.
Il s’agit d’une tendance structurelle déjà prédite dans les années 1970 par certains universitaires marxistes et d’une tendance irréversible. En ce sens, la dynamique géopolitique et économique de l’année écoulée révèle également cette tendance aux “gens ordinaires”. En ce sens, je suis d’accord pour dire que nous vivons une nouvelle période historique.
Selon vous, quels sont les événements géopolitiques les plus importants qui se déroulent actuellement ?
Il n’y a jamais d’événement géopolitique “pur” sans lien avec l’événement économique. Pour tenir compte de la complexité de la dynamique du pouvoir humain, nous devrions parler de géographie économico-politique dans le temps, en tenant compte des dimensions spatio-temporelles de la dynamique du pouvoir… Les événements (il est toujours préférable de dire “processus”) les plus significatifs concernent la transformation profonde de la géopolitique de l’énergie : les grands producteurs du Moyen-Orient, par exemple, s’efforcent de renforcer leurs liens avec le monde non occidental.
À cela s’ajoute la transformation conséquente de la géographie des infrastructures énergétiques – encore plus articulées en Asie pour les besoins asiatiques que par le passé – et, surtout, le nouveau consensus commun sur l’utilisation des monnaies locales pour ces besoins vitaux, au niveau bilatéral et multilatéral. Il serait trop long de mentionner tous les événements majeurs. Il suffit de regarder l’élargissement des BRICS et de l’Organisation de coopération de Shanghai.
La plus grande part du commerce mondial et du PIB provient des pays non occidentaux et l’ordre impérial-mafieux néolibéral a perdu le consensus (rarement authentique dans le passé) parmi la majorité de la population mondiale et également au sein de l’Occident.
Les hommes politiques et les universitaires occidentaux affirment qu’après la Seconde Guerre mondiale, nous avons assisté à l’émergence d’un “ordre international fondé sur des règles libérales”. S’agit-il d’une description exacte de la période de l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui ? Ou une autre façon de décrire l’hégémonie mondiale des États-Unis ?
Non. Ce n’est pas une description exacte de l’ordre du système occidental dirigé par les États-Unis. Cet ordre est en train de disparaître et j’ai déjà fourni une description alternative et plus précise dans la réponse précédente. L'”hégémonie mondiale” des États-Unis a été caractérisée par des menaces et la tyrannie plutôt que par une véritable hégémonie. Par conséquent, une description plus courtoise mais précise est, au mieux, la “domination mondiale des États-Unis”.
Pensez-vous que le conflit ukrainien pourrait conduire à l’émergence d’un nouvel ordre international ?
Il est certain que la réaction de la Russie au cours de l’année écoulée face à ce qu’elle perçoit comme des menaces étrangères a accéléré les tendances historiques mentionnées ci-dessus. Un nouvel ordre international est déjà là pour durer, en construction depuis les dernières décennies de guerres, de crises financières et de nouveaux arrangements institutionnels émergents pour libérer la population mondiale de l’hégémonie. Cette dernière a été exercée dans les domaines militaire, commercial, énergétique, monétaire et financier par le pouvoir dominant et ses alliés les plus intransigeants.
Quelles autres tendances mondiales pourraient contribuer à l’émergence d’un nouvel ordre international ?
De nouveaux codes culturels, de nouveaux environnements médiatiques et de nouveaux arrangements institutionnels régionaux et internationaux pour gérer différemment les principales dynamiques économico-politiques déjà mentionnées. Tout cela donnera lieu à une véritable démocratisation des relations internationales et des relations entre les personnes.
La Russie a récemment annoncé la nouvelle version de son concept de politique étrangère, dans laquelle elle a remplacé l’article sur la “réforme de l’ONU” par un article sur la “restauration du rôle de l’ONU”. Les Nations unies ont-elles encore des perspectives ? Ou l’avenir sera-t-il dominé par de nouveaux formats de négociation tels que les BRICS, le G20 et d’autres ?
Ces dernières organisations multilatérales influenceront le rôle futur de l’ONU, qui a en fait besoin d’être restaurée de fond en comble plutôt que d’être simplement réformée.
Profil de l’auteur :
Fabio Massimo Parenti, docteur en géopolitique, géostratégie et géoéconomie, est actuellement professeur associé d’études internationales à l’université des affaires étrangères de Chine à Pékin, où il enseigne l’économie politique internationale, les relations internationales et la géopolitique.
En Italie, il est conférencier international à l’Institut international italien Lorenzo de’ Medici à Florence, où il a enseigné les marchés financiers mondiaux, le développement de la Chine et le changement mondial, la mondialisation et le changement social, ainsi que la guerre et les médias. Il a également enseigné dans les universités de Mexico, Monterrey et Manchester.
Membre d’EURISPES – Laboratoire BRICS ; chercheur à l’Institut de recherche sur la région économique de la Chine centrale (CCERRI) à Zhengzhou, province du Henan, et conseiller scientifique à l’Institut diplomatique international (IDI) à Rome. Membre du comité consultatif de rédaction de deux revues scientifiques internationales (Area Development and Policy, ADP, et The Journal of Economic Science : Theory and Practice, JESTP). Il collabore également avec les médias nationaux et internationaux.
Ses principaux ouvrages comprennent “La voie chinoise – défi pour un futur partagé”, 2021 ; “Geofinance and Geopolitics” 2018 ; “Geofinance and Geopolitics” 2016 ; “Changing World-System : for a Geography of Chinese Rise”, 2009 ; “The Spaces of Globalisation”, 2004.
Il a également publié de nombreux articles dans des revues scientifiques nationales (Rivista Geografica Italiana et Bollettino della Società Geografica Italiana) et internationales (Area Development and Policy, Human Geography et GeoJournal), des contributions à des volumes collectifs, des entrées pour l’Universale Treccani et des centaines d’articles de vulgarisation dans divers journaux. Des éditoriaux et des interviews ont été publiés à la télévision, à la radio, dans des journaux et sur des sites web italiens, étrangers et internationaux.
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