Malgré la discipline revendiquée par le parti communiste de Grèce, le plus important n’était pas l’unanimité autour d’une analyse commune de la situation politique, c’était même le contraire : avec les camarades qui m’ont accueillie avec la profusion et le raffinement des tables grecques, nous n’étions pas d’accord sur tout, loin de là. Nous n’avions pas la même vision du parti communiste chinois, ni d’ailleurs de l’entrée de l’armée russe en Ukraine. Encore que sur ce point, si les camarades du KKE vouent une solide rancune à Poutine et à tous les fossoyeurs de l’URSS, quand on m’explique que le KKE, parti communiste de Grèce, a adopté une position plaçant un signe d’égalité entre deux “impérialismes”, la Russie et les Etats-Unis, je ne peux que m’inscrire en faux ou tout le moins nuancer. 70% des Grecs sont en faveur des Russes, toutes tendances confondues, et on peut soupçonner que le pourcentage est encore plus élevé chez les camarades. Mais cela va bien au-delà de cette sensibilité. Il y a l’action du parti, celle du syndicat Pame, des associations dans lesquelles les communistes grecs sont très actifs, y compris pour s’opposer au transfert d’armes vers l’Ukraine. J’aimerais que la gauche française et même les communistes français mènent le même combat contre les menées de l’OTAN dans une telle clarté, quitte à avoir par ailleurs des débats sur la nature du pouvoir actuel en Russie ou même en Chine.
Pour confirmer la nature des sentiments que le KKE voue aux Russes, il suffit de mesurer comment aujourd’hui 9 mai, mes amis spartiates célèbrent le jour de la victoire sur le nazisme, pas le 8 mai, le 9 mai comme les Russes. Il en a bien sûr été de même et avec beaucoup plus de monde à Athènes, avec des slogans célébrant la lutte des soviétiques contre le nazisme mais aussi dénonçant l’envoi d’armes à l’Ukraine, mais la Laconie est une zone de particulière faiblesse du parti et de la force de la droite. Quand il a été élu un jour un disciple de Syriza, l’électorat conservateur s’en est ému comme du retour des “rouges”, depuis le député en question est rentré dans le rang des notables de Sparte, capitale provinciale et depuis la réforme imposée par l’UE métropole principale du Péloponnèse.
Comme Zelensky qui proclame toutes les années l’interdit de célébrer le 9 mai, la région de Sparte (déjà les Grecs n’apprécient pas que l’on ait régionalisé leur territoire) a décidé ce 9 mai de célébrer la journée de l’Europe, ce qui laisse planer un léger doute sur les légions européennes et sur leur but réel, en organisant le sabotage des monuments de la résistance grecque trop communiste à leur gré. Sparte et sa région sont à l’exception de quelques petits villages massivement à droite. Le Parti est traditionnellement fort à Patras, dans quelques îles, dans les quartiers du port d’Athènes, dans l’Epire, et la Laconie est son point faible, le bastion de la droite. Néanmoins, une cinquantaine de camarades ont décidé d’en faire le jour de la célébration de la chute de Berlin avec la copie du drapeau planté sur le Reichstag. ici sur le kiosque de la campagne électorale du KKE. Mais je reçois également des photos de Berlin où a été interdit tout drapeau russe et soviétique le 9 mai (en revanche les Ukrainiens sont autorisés), des militants du KKE ont décidé de braver l’interdiction et le KKE dit sa fierté de la bonne tenue de l’immigration grecque.
Je reçois des coups de téléphone de la manifestation, on me fait écouter les chants révolutionnaires et on m’envoie cette photo avec son commentaire.
Je revis ma brève immersion dans le village “gaulois” ou plutôt communiste de Sparte, les sentiments éprouvés. C’était réellement un soulagement intellectuel, enfin, d’échapper au consensus, à l’interdiction du débat qui règne en France. On respire. Enfin un parti communiste qui ne soit pas sur les questions internationales une annexe de LCI, dans lequel les militants jouissent d’un minimum d’information sur ce que représente l’OTAN. On se dit que la conviction a besoin du débat, si le parti est militant, s’il n’est pas une simple écurie de groupies pour élections ce que sont devenus la quasi totalité des partis en France, il a besoin de ce débat dans et hors réunion. Cela fait du bien de se retrouver dans un lieu pareil, même si le débat doit être mené avec quelques précautions pour ne pas donner de leçons… chacun doit être reconnu pour ce qu’il est, un combattant, un communiste.
Pour me résumer, je dirais que si le KKE n’a pas plus que les autres partis européens la clé de la prise du pouvoir et de l’instauration du socialisme, au moins ici l’honneur est sauf. Ce parti, non à travers un leader mais dans la masse de ses militants jouit d’un capital confiance supérieur à son électorat. Il attire à lui la jeunesse et les intellectuels, les artistes, même si tout est fait comme chez nous pour démontrer l’impasse professionnelle d’un tel engagement. Cela est allé même plus loin avec des assassinats jusqu’à la nécessaire interdiction d’Aube dorée, le parti fasciste, l’emprisonnement de ses leaders voyous, mais le ventre est encore fécond et les bailleurs de fond n’ont pas été inquiétés, mieux ou pire deux juges de la cour suprême sont en train de faire renaître la bête immonde. Les complicités sont connues et cela débute par l’impossibilité pour les travailleurs de se faire reconnaitre leur droit, l’absence de prudhomme et les dossiers enterrés dans les tribunaux. Quand à la police, l’armée, c’est suivant sur qui on tombe, avec les mutations de ceux qui ne sont pas du côté des propriétaires.
Disons que dans un tel contexte, le parti des communiste de la Grèce représente les couches défavorisées autant que la souveraineté nationale, il conserve un prestige historique qu’il entretient, comme comme jadis le faisait le PCF. Pourtant il ne dépasse pas les 6% au plan national. La création de Tsipras et de Syriza l’a amputé de plus de la moitié de ses électeurs, pour finir par se conformer aux volontés de l’UE et des marchés financiers, en Grèce, la retraite est désormais à 67 ans, tous les droits sociaux ont disparu, les salaires sont misérables et l’inflation galopante. Il n’y a aucune issue et les coalitions avec le Pasok en faiseur de majorité ne mènent à aucun changement politique. Les élections sont obligatoires mais on s’attend à un maximum d’abstentions. Le KKE refuse de participer à ce jeu, il dit en gros ce qui est vrai que l’on ne dirige pas la Grèce de la même manière si les communistes sont forts ou faibles et il agit partout, défend contre les expulsions, contre les salariés qui ne sont pas payés même à Sparte où ils sont faibles, ils sont partout non seulement dans un parti qui a commencé sa campagne électorale mais à la direction des associations professionnelles ou des retraités.
On pourrait même noter que le KKE se présente aux élections mais que cela ne constitue qu’un aspect de ses activités qui demeurent pour une part relativement clandestines comme si les dangers de fascisation qui touchent l’Europe étaient pour lui une réalité beaucoup plus concrète que pour d’autres partis. Je me demande en voyant leur refus d’avoir des listes d’adhérents publiques, quand est-ce que le PCF a abandonné ce qui existait encore sous la direction de Georges Marchais à savoir non seulement les actions vers l’armée et la police mais une capacité à s’organiser rapidement d’une manière clandestine. J’ignore tout du fonctionnement du PCF aujourd’hui mais je l’imagine mal tel qu’il est aujourd’hui ayant conservé de tels modes organisationnels.
Dire que l’honneur est sauf, est déjà une illustration de la mentalité liée à l’identité de ce parti grec.
Ce terme d’honneur a un contenu en particulier pour nous méditerranéens. L’honneur, comme valeur sociale, sexuelle, économique et politique, bien que variant d’une région à l’autre, est le garant des relations interpersonnelles des sociétés méditerranéennes c’est ce que décrivent beaucoup d’ouvrages ethnologiques et je pense bien sûr aux travaux de Bourdieu sur la société Kabyle. Il raconte les conditions de l’enquête en pleine guerre d’Algérie. C’était ajoutait-il des conditions idéales pour apprendre le respect et la prudence que l’on doit avoir dans la manière d’aborder l’autre. L’ethnologue dans une décolonisation forcée sous les fusils des maquisards et où au moindre faux pas on risquait sa vie. Bourdieu, le petit béarnais, sympathisant communiste a décrit ce qu’était l’honneur en Kabylie, d’abord d’avoir un adversaire à sa mesure, on se déshonore quand on subit l’insulte d’un être bas. C’est un honneur collectif qui lie la famille au chef de clan par des liens de fidélité. Il s’oppose à la civitas romaine ou à la politeia grecque qui se caractérise alors par des lois s’appliquant à tous les membres de la société. Comme la vendetta s’oppose à la guerre, mais l’opposition, la transformation qualitative, entre le primat de la famille et celui de la cité, ne signifie jamais la disparition totale des formes plus archaïques, c’est au contraire une tension permanente, un “dépassement” qui abolit et conserve. Parler de ‘l’honneur’ méditerranéen à propos du parti communiste de Grèce, du KKE, peut paraître un paradoxe puisque non seulement le communisme a remis en cause la base des lois des cités grecques et la guerre permanente qui en résulte, guerre interne mais aussi guerre et colonisation du bassin méditerranéen, des Balkans, mais le parti a dénoncé le clientélisme des clans, le machisme, et la personnalisation du chef, pas seulement dans les mots mais dans les actes, en lui substituant le parti, en revendiquant dans la résistance l’anonymat et en abolissant la barrière entre les hommes et les femmes. Mais le communisme a aussi été la force politique qui a été capable d’intégrer tous les temps de l’histoire nationale en Grèce, en France et partout..
Et quand dans le Péloponnèse dans le nid d’aigle de Monenvassia, au bout de l’un des doigts(est) du Péloponnèse, face à l’île de Cythère une des forteresses des Francs, des féodaux qui lors des croisades s’installèrent là où Ritsos naquit et vécut, on pense à l’honneur chevaleresque, à la France de la Diane française à Aragon devenant ménestrel pour être le fou d’Elsa.(1) Sans oublier Eluard et d’autres poètes français comme Dominique Gramont qu célèbrent les combats grecs. C’est à cette France que Ritsos s’adresse comme à une sœur, une autre soi-même… C’est quelque chose qui me touche toujours le crédit révolutionnaire dont jouit la France. Simplement si Ritsos l’exprime ici de camarade à camarade, aujourd’hui cela ne passe plus par le parti communiste, un peu plus par la CGT (2). Incontestablement nous avons été une capitale de la révolution mondiale et pour avoir écrit les mémoires de Gaston Plissonnier, j’ai perçu l’ampleur du réseau que nous aidions. Mais dans ce domaine je me méfie toujours de ceux qui jouent à savoir, la première règle c’est moins tu en sais, moins tu en dis si tu es arrêté, donc l’aide à des maquis, à des actions clandestines par définition est si cloisonnée que ce que tu en sais ou en pratique est fragmentaire et nécessairement limité dans le temps. Autre chose est le rôle d’aide matérielle aux exilés qui lui a été d’une grande ampleur et a fait longtemps du PCF un parti qui avait une réputation qu’il ne devait pas qu’au rôle de la révolution française ou de la Commune de Paris.
POEME DE RITSOS A LA CAMARADE FRANCE
Notre soeur la France,
notre soeur bien aimée la France,
Nous t’écrivons rapidement deux mots sur le genou,
deux mots tout simples comme notre amour,
comme sont le pain, la lumière, le sel et notre coeur.
Tout simples. Cela ne nous irait pas devant toi de porter nos cravates,
nous avons chemise et poitrine déboutonnées de haut en bas,
et notre rêve est déchiré, seul dans le vent,
et notre âme n’est pas rasée
de la barbe des partisans qui se sont retranchés,
à cheval sur la mort – en haut des rochers de la gloire.
Notre soeur, dans le sang nous te donnons la main,
pour te serrer ta main ensanglantée.
Toi au moins, tu n’es pas une étrangère. Tu es nôtre.
Et quand tes partisans libéraient ton Paris,
Nous criions dans les rues : “Notre Paris est libéré!”
Des drapeaux pleins le ciel, Athènes saluait
ton armée accrochant aux balcons l’espoir tricolore,
Et sur les bancs de notre Kaissariani nous écrivions:
“Vive notre France libre!”
Et là-haut sur le Pinde et à Liakoura
dans les fumées, les cliquetis, et dans la poudre, ces nuits
où le vent apportait les volutes enflammées et les cendres des villages qui brûlaient
les partisans là-haut gravaient, dans les bois des chênes sauvages et dans les crosses de leurs fusils,
ton nom tout à côté de celui de la Liberté.
Toi au moins tu n’es pas une étrangère. Tu es nôtre.
Nous pouvons donc te tutoyer
comme nous parlons à notre mère ou au soleil
Ton histoire, nous la relisons au fond de notre coeur, là toujours, une rose est pour toi auprès de notre thym,
là les nuages les plus noirs, à tes côtés se savent éclairés.Ils savent qui tu es, nos pas sur les pierres nues de l’été,
pierres à sacrifices dorées par le soleil et par le sang,
et notre chanson même sans le dire, elle aussi sait bien qui tu es,
et si elle n le dit pas, c’est qu’elle connaît bien assez ton nom,
le nom de sa mère non plus on ne le dit pas- on dit seulement : maman.
Et tes chansons à toi sont toutes connues,
comme nous est connu ce paysage d’oliviers et de patience,
comme ce dur sentier plein dee lauriers amers et de joncs poussiereux,
à l’heure où va tomber l’orange de la nuit tombante,
et où un va-nu-pieds d’ange au pntalon rapiécé, le fusil sur l’épaule,
entreprends sa lente montée là-haut sur un âne aux couleur de cendre.
Nous pouvons donc te tutoyer,
comme nous parlons à notre mère ou au soleil.
ah! oui ici. Par ici, nous avons toujours du soleil à revendre,
peu de pain, beaucoup de prisons,
et beaucoup de coeur , tu le sais.
Que te dire? Bien sûr, tu l’auras appris, qu’un grand nuage rouillé
vient de repasser comme un gros rouleau compresseur sur les épis tout neufs encore de notre avril,
sur les Kalavrysta rasés de notre gloire,
et sur les blonds villages où s’apprêtait à fleurir
le rouge coquelicot nouveau-né de la poudre.
Mais-toi la France, toi notre soeur, qui as réveillé l’univers
à la lueur de 1789 incendies,
toi qui a lâché 1789 colombe avec au bec un rameau fleuri d’amandier
au-dessus de tous les toits rouges de nos villages,
qui as lancé 1789 hirondelles dans les fils télégraphiques du ciel
pour annoncer le tout premier Printemps de notre terre,
tu le sais bien, toi notre soeur, comme tes frères
se sont écrit sur leurs semelles le nom de la mort
Pour s’en aller avant, frappant de leurs clous sonores les sommets de leur vaillance.
Souvent nous nous épongeons nos yeux d’un lambeau déchiré de ciel,
souvent nous déjeunons d’un morceau de soleil séché,
mais toi, tu sais comme seule pourrait nous rafraichir
cette pleine gourde de la Liberté
qui bat toujours sur le métal de notre chaîne,
tandis que nous ne dormons pas, mis à la porte de la nuit.
Demain, nous sortirons à l’aube, ainsi parle aussi le poète-
chacun de nous avec douze couples de boeufs,
labourer notre champ imbibé de sang.
Nous nous retrouverons alors, amie la France,
tous les deux enfants de la Liberté,
au pied de l’arbre, et de la fleur et du soleil.
Nous nous retrouverons : nous aurons le ciel pour drapeau,
nous nous retrouverons pour labourer la terre
de fond en comble, et pour semer
du blé à gros grais et des roses toutes rouges, camarade France.
Il faut encore ajouter que ce combat là pour chevaleresque qu’il soit est un combat contre la mort, contre cette “gloire au mille noms”, et avec les fausses pièces d’un os à ronger enterrer sous le silence ces milliers de meurtres, cachés ou manifestes, ces milliers d’erreurs ou de tombes qui sont comme des traînées de sang derrière les pillards, les exploiteurs les fascistes .
C’est à ce titre que leur combat rejoint toujours celui de la victoire sur le nazisme de l’URSS et ils peuvent dire ce que se refuse aujourd’hui à reconnaitre la société française :
Si nous honorions chacun des 27 millions disparus dans la Grande Guerre Patriotique avec une minute de silence – le monde sera silencieux pendant plus de 50 ans…Si tous les morts passaient par le défilé de la mémoire – cette colonne marcherait pendant presque 19 jours…
AU -DELA DES ELECTIONS QUEL AVENIR POUR LE COMMUNISME EN EUROPE ?
Et pourtant comme dans d’autres sociétés méditerranéennes, y compris italienne avec l’influence de Gramsci, l’honneur, synonyme de la valeur qu’une personne a d’elle-même et que lui donne son entourage est essentiel parce que la perte de l’honneur signifie aussi un manquement au devoir, on ne peut plus faire confiance à celui qui se conduit ainsi en déshonorant tous les siens. C’est peut-être l’essentiel et on le perçoit à travers la relation à la poésie, à Ritsos, c’est l’originalité du KKE qui n’a pas plus que les autres partis de le zone européenne et des pays impérialistes la clé du passage au socialisme, mais qui demeure ce parti auquel la nation, les intellectuels peuvent s’identifier. Le problème est dans l’idée très ancrée de la coalition de gauche ou de droite pour accéder au pouvoir alors même que personne n’en attend rien que de chasser le pouvoir en place. Il est désormais ancré dans toute l’Europe le fait que les communistes ne peuvent pas aller au pouvoir puisqu’ils sont suspects de tyrannie, voire de soumission à l’étranger, ils ne peuvent que jouer les pièces rapportées d’une coalition de gauche avec des partis méprisables mais c’est “la réalité”, la conviction idéologique qui a avancé et et devenu un mur. Le KKE refuse de se conformer à cette idéologie de la classe dominante, à celle entretenue par les financements européens, mais il la subit y compris dans le drame de la guerre civile et de l’installation des dictatures. Il refuse de céder et de participer à ce qu’il dénonce comme un leurre, fort de l’expérience de Tsipras. Donc il est vécu comme ne voulant pas du pouvoir donc n’étant pas un vote utile, mais cela ne nuit pas à son prestige qui à l’inverse de ce qui se passe en France reste fort puisque ce pouvoir est dénoncé pour son inefficacité, pour le clientélisme, les coalitions s’avèrent interchangeables dans une UE dont ils savent pas expérience à quel point il s’agit d’une mise en tutelle des marchés financiers. Simplement cela devient un vote d’estime, familial.
Est-ce que le KKE va glisser vers la marginalisation qui est le lot non seulement des différents partis italiens et le PCF. Pour ce dernier, il subit le déclin comme toute la gauche, du blocage de toute alternative à la politique qui est celle de l’UE et qui consacre la dictature des marchés financiers, comme celle de l’OTAN. la tentative de renouveau du 38e congrès connait désormais une stagnation au 39e Congrès. Comme pour la plupart des partis communistes cette marginalisation rentre dans celle de toute la gauche alors même que la seule perspective reste pour ces partis communistes une coalition de gauche dans laquelle chacun ne peut que chercher à augmenter sa propre part. Dans la mesure où la coupure avec le monde du travail a été le trait principal de ces trente dernière années pour le PCF, comme pour le reste de la gauche, la capacité de confiance dans le communisme et dans un parti communiste ne dépasse pas celle des autres partis en France comme dans la plupart des partis de l’eurocommunisme. Il a été tenté de lancer un renouveau de ce parti dans le cadre de la campagne de Fabien Roussel en s’appuyant sur le programme de la résistance le CNR, les jours heureux et en baptisant la coalition le Front populaire. Jouer sur la mémoire du PCF tout en la détruisant telle est l’impossible équation de ce renouveau qui en fait poursuit la dérive négationniste de ses prédécesseurs, l’absence totale de formation des militants, une presse qui ne tranche pas sur le consensus politicien. Citer Ambroise Croizat le programme du CNR mais dans le même temps renforcer le consensus qui ne veut pas savoir le rôle de l’URSS et ne pas voir qui représente encore et toujours le nazisme en Europe n’est pas très logique. Il y a l’Europe telle qu’elle est et ce qu’elle porte encore aujourd’hui à travers l’OTAN où l’on doit feindre d’ignorer ce que l’on doit à l’URSS que l’on joue comme dans l’affaire ukrainienne à identifier au nazisme pour mieux remettre en selle ces derniers. IL y a là au minimum de l’incohérence par rapport au choix du KKE qui donne une visibilité au communisme. Certains groupuscules se sont fait une spécialité de prétendre jouer dans cette incohérence du PCF mais c’est pour mieux l’attaquer et donner de la force à un rival qu’est Jean-Luc Mélenchon, un Tsipras à la française. On voit mal comment dans de telles conditions qui aboutissent de fait dans tous les cas à un alignement sur l’UE et l’OTAN il y aura le commencement d’une issue et en particulier en ce qui concerne la prochaine élection européenne(3)
Danielle Bleitrach
Illustration Joanne et moi devant le buste de Ritsos dans la maison où il est né à monenvassia
(1) Cité de l’Empire romain d’Orient, Monemvasia fut fondée au vie siècle par des habitants de la Laconie qui fuyaient l’invasion du pays par des peuples slaves venus d’Europe du Nord. Au viiie siècle, un hôpital y est construit ^pout y soigner les pestiférés. Au xiie siècle, la petite ville est un actif centre commercial et maritime et un important centre d’exportation du très célèbre vin de Malvoisie. Lors de l’invasion de l’Empire byzantin par les croisés, en 1204, Monemvasia est assiégée vainement par les Vénitiens. Elle reste grecque tandis que la majeure partie du Péloponnèse est prise par les Latins. Toutefois en 1245, le prince franc de l’Achaïe, Guillaume II de Villehardouin que nous avons déjà vu à Mystra, entreprend le siège de la ville par terre et par mer ; après trois années de blocus, il réduit la place par la famine. Les survivants sont dispersés dans la campagne. En 1262, pour payer sa rançon au basileus byzantin Michel VIII Paléologue, le prince latin d’Achaïe doit rendre la place ; le gouverneur impérial et commandant militaire grec utilise Monemvasia comme point d’appui pour la reconquête du Péloponnèse sur les barons « francs », et pour la constitution du despotat grec de Morée ; elle sert aussi de port-abri pour la flotte génoise alliée aux Grecs (tandis que les Vénitiens sont les alliés des barons francs) et pour les corsaires crétois qui attaquent les navires de la principauté franque comme d’ailleurs les Catalans.En 1333, les pirates turcs d’Umur Bey pillent à leur tour la ville : c’est la première fois que les Turcs se présentent dans la région. En 1464, Monemvasia se place sous protectorat vénitien ; les doges en font un de leurs comptoirs. Puis l’Empire ottoman la conquiert en 1540. Elle est alors quasiment vidée de ses habitants, qu’une garnison turque remplace. Plusieurs tentatives de Venise pour récupérer Monemvasia se soldent par des échecs, et c’est seulement au terme d’un siège de quatorze mois qu’elle est reprise, en 1690, en même temps que tout le Péloponnèse, au cours de la guerre de Morée. Les Turcs reprennent la ville en 1715 lors de leur reconquête du Péloponnèse. Assiégée par les Grecs pendant plusieurs mois au début de la Guerre d’indépendance grecque, elle capitule début août 1821, et une population grecque s’y installe à nouveau. Depuis 1920, le château n’est plus habité. Pendant la Première Guerre mondiale, elle subit des canonnades de navires allemands, austro-hongrois et turcs. Port stratégique bien que modeste, pendant la Seconde Guerre mondiale elle est occupée par les Italiens de juin 1941 à octobre 1943, par les Allemands d’octobre 1943 à octobre 1944, puis par les Britanniques d’octobre 1944 à octobre 1949. Après avoir été assez isolée dans les années 1950, Monemvasia a vu récemment un accroissement de son activité touristique : nombre de bâtiments médiévaux ont été restaurés, dont certains reconvertis en hôtels.Résultat la fille de Ritsos ne peut pas payer les impôts dans ce lieu devenu extraordinairement luxueux et la maison de Ritsos
(2) Olivier Mateu, le leader de la CGT marseillaise accompagné d’un cheminot est venu célébrer le premier mai à Athènes. Comme le secrétaire général du KKE qui parle un très bon français était venu saluer les travailleurs français dans une manifestation contre la réforme de la retraite au mois d’avril 2023. Le tout sans le moindre contact avec la direction du PCF qui désormais a repris complètement la ligne de tous ceux qui l’ont précédé en matière de politique internationale. La nomination de Vincent Boulet au 39e congrès confirme cette permanence et de fait l’alignement sur Tsipras.
(3) Je dois dire en toute simplicité que pour une communiste comme moi, la main mise sur le PCF d’un groupe qui n’a plus rien à voir avec ce qu’était ce parti relève – au delà des hypothèses sur les marionnettistes- d’une situation d’abus de faiblesse d’un vieillard et cela malgré la volonté manifeste d’un grand nombre de communistes impuissants devant cette situation, leurs espoirs sans cesse trahis… Il y a dans tout celà une tragédie.
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