Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Comment le KPRF a bravé les interdictions et les répressions : l’histoire communiste méconnue…

Rien n’a jamais été donné aux communistes, tous qu’ils soient Cubains, Chinois, Vietnamiens, Russes ou de n’importe quel peuple du monde, l’ont payé au prix fort, il y a eu ceux qui renonçaient et ceux qui luttaient. On ne sait si on est communiste qu’à la fin d’une vie. Voici la description de ce qui s’est réellement passé à la “chute” de l’URSS dans la fédération de Russie. Alors qu’Eltsine interdisait le parti communiste par deux décrets consécutifs et que Gorbatchev désavouait publiquement le parti qu’il dirigeait, tout cela en suivant les ordres du maitre étasunien et de ses monopoles financiarisés qui partout s’emparaient des richesses du pays, que pouvaient faire les communistes puisque la trahison venait de leurs propres dirigeants? Ce que les dirigeants communistes français, à cette époque dirigés par un Robert Hue et autres du même type, nous ont caché c’est qu’il y avait comme ici des luttes à la base, qu’avec un Ziouganov ces luttes trouvèrent un dirigeant pour les coordonner. Le fait que le KPRF soit aujourd’hui la principale force d’opposition dans la fédération de Russie n’a été octroyé par personne. Cela a été arraché par la lutte des communistes eux-mêmes, et ils continuent. Cela fait partie de notre histoire, de nos luttes passées présentes et à venir que de la savoir, quand est-ce qu’on lira ce type de récit dans la presse qui n’est plus celle du Parti communiste mais se prétend encore celle des communistes (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociété)

https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/217385.html

Une interview de Sergei Levchenko dans la Pravda

Sergei LEVCHENKO, premier secrétaire du comité régional d’Irkoutsk du KPRF, s’entretient avec Viktor KOZHEMYAKO, observateur politique de la Pravda

De Moscou jusqu’aux confins de notre pays, comme le dit la célèbre chanson, après le funeste mois d’août 1991, s’est déroulée une lutte épique pour le rétablissement du parti communiste. Sur une vague de contre-révolution fomentée par des traîtres, alors que la confusion s’était emparée des esprits, Eltsine s’est empressé de publier deux décrets consécutifs interdisant le PCUS et le parti communiste de la RSFSR. Et Gorbatchev a publiquement désavoué le parti qu’il dirigeait.

Cependant, les vrais communistes ne pouvaient s’accommoder de cette mesure arbitraire. Je m’entretiens avec Sergei Levchenko, qui dirige depuis de nombreuses années le comité régional du KPRF, sur la façon dont les choses se sont passées à l’époque dans la région d’Irkoutsk.

Appelé par la vie elle-même

– Je pense qu’il est utile, au moins brièvement, que les lecteurs sachent comment vous en êtes venu à travailler pour le Parti. Je sais que vous êtes sibérien de naissance et bâtisseur de profession…

Oui, après avoir terminé mes études dans ma ville natale de Novossibirsk, j’y ai également fréquenté l’Institut de la construction. Lorsque le moment des affectations est arrivé, j’ai choisi Krasnoïarsk. C’était au milieu des années 70, et c’est là que se déroulaient les plus grands projets de construction. J’ai travaillé comme contremaître, conducteur de travaux et chef de chantier sur un site dont avaient la responsabilité les Komsomols [jeunesses communistes, NdT] et, avec mes camarades, j’ai construit la fonderie d’aluminium de Krasnoïarsk.

– Et cinq ans plus tard, un événement important s’est produit dans votre biographie : la direction générale a nommé l’ingénieur de vingt-sept ans que vous étiez directeur général du plus grand département de construction et d’assemblage de la ville d’Angarsk, dans la région d’Irkoutsk ! Le terme “hors catégorie”, utilisé pour décrire l’entreprise, indiquait qu’il s’agissait en fait de la plus grande. En d’autres termes, sur une échelle de travail supérieure à la première catégorie, c’est-à-dire officiellement la plus élevée. En parlant d’échelle, celle que vous aviez connue à Krasnoïarsk était, comme on dit, pas mal non plus ?

– C’est vrai. Outre les halls d’électrolyse de l’aluminium, mon département a entamé la construction d’une énorme usine d’excavation, d’une usine métallurgique et d’un certain nombre d’autres entreprises. Nous nous occupions du montage de structures en acier et de structures particulièrement complexes en béton armé. Le département que je devais diriger était responsable de la construction non seulement dans toute la région d’Irkoutsk, mais aussi bien au-delà de ses frontières – à Alma-Ata et Novokouznetsk, Lipetsk et Khabarovsk…

– À l’âge de 27 ans, vous êtes devenu le plus jeune directeur de ce niveau parmi les grandes entreprises du ministère du Montazhspetsstroy. La confiance qui vous a été accordée n’est pas le fruit du hasard. Tout comme cinq ans plus tard, lorsque vous dirigerez le pouvoir soviétique dans le plus grand (encore le plus grand !) district d’Angarsk – vous deviendrez le président du comité exécutif du district du Sud-Ouest. Deux ans plus tard, en 1989, vous deviendrez le deuxième secrétaire du comité du parti de la ville d’Angarsk. Au début de l’année 1990, à un moment très difficile pour le pays et pour le parti, vous remplacerez Victor Konstantinovich Khudoshin, décédé subitement et qui était votre mentor bienveillant dans le travail soviétique et le travail du parti.

– En effet, le travail au sein du parti, à partir de là et pendant longtemps, jusqu’à aujourd’hui, sera ma vocation, celle d’un “technicien” autochtone.

Et c’est la vie elle-même, pourrait-on dire, qui en a décidé ainsi. A partir d’août 1991, j’ai dû littéralement défendre le comité de ma ville et lutter pour le rétablissement du parti interdit. Puis, lorsque j’ai été élu premier secrétaire du comité régional d’Irkoutsk du KPRF en février 1993, j’ai dû reconstruire la section régionale du parti.

Tenir bon

– Pour autant que je sache, Sergei Georgievich, vous et vos camarades de l’organisation du parti de la ville d’Angarsk, en août 1991 ou plus tard, n’avez pas abandonné votre comité municipal. Comment cela s’est-il passé ?

– Après le décret d’Eltsine sur l’interdiction du parti, j’ai réuni les dirigeants et nous avons décidé à l’unanimité qu’il s’agissait d’une injustice flagrante à l’égard de la majorité absolue des membres du PCUS. Je connaissais ces gens dans ma ville ! Des travailleurs honnêtes qui étaient vraiment un exemple pour tout le monde à bien des égards. Mais comme j’étais le premier secrétaire du parti et que personne ne m’avait déchargé de la responsabilité de l’organisation du parti dans la ville, j’ai posé la question suivante directement aux communistes : que devons-nous faire ?

La décision fut unanime : nous n’abandonnerons pas le comité du parti ! Les portes ont été enchaînées et une veille permanente a été mise en place à l’intérieur de l’immeuble…..

– C’était les 22 et 23 août ?

– Oui, tout à fait… Il y a eu des tentatives d’assaut du bâtiment. Des chiens ont été lancés sur nous. Il y a eu des menaces au téléphone.

Mais il y a eu aussi un grand nombre d’appels pour nous soutenir ! Les gens proposaient leur aide : “Dites-le et nous viendrons vous protéger”. J’ai répondu que ce n’était pas nécessaire pour le moment, que nous allions essayer de nous débrouiller seuls.

– Entre-temps, une véritable bacchanale contre les comités du parti se déroulait dans tout le pays à cette époque. À commencer par le Comité central. Les bâtiments ont été saisis, les documents et les biens du parti ont été confisqués, et les gens ont tout simplement été mis à la porte. Comment avez-vous réussi à tenir ?

– Il devait y avoir dans la ville une atmosphère de grand respect pour le Comité de la ville et ses dirigeants. Une bande de soi-disant démocrates ne pouvait rien faire contre eux.

– Mais la police, le nouveau gouvernement…

– Eh bien j’ai remarqué que la police n’a pas fait beaucoup d’efforts non plus. Ils me connaissaient depuis des années. Ils connaissaient les autres membres du comité municipal. Ils me respectaient aussi, je suppose.

– Quelles ont été les étapes suivantes ?

– J’ai commencé à intenter des actions en justice. Jusqu’à la Cour suprême, que j’ai pu alerter à l’été 1992.

– Le bâtiment du comité municipal était toujours votre propriété à cette époque ?

– Oui, toujours.

– Dites-nous, s’il vous plaît, qui était avec vous à l’époque, à vos côtés. Vous n’étiez pas seul à vous battre, n’est-ce pas ?

– Non ! Je pense que notre ville a eu beaucoup de chance. C’est une ville ouvrière. Ici, on découvre vite qui est qui, et on n’est pas jugé sur les belles paroles, mais sur les actes. Au comité de la ville, au bureau du comité de la ville, ils sont tous très honnêtes et fiables. Pour la plupart. Je vous le dis : la grande majorité de ce bureau est restée active au sein du parti même après ces événements.

– Vous aviez donc eu raison de les admettre comme membres du PCUS ?

– Oui, nous avions eu raison. Youri Vladimirovich Burtsev, Vera Egorovna Stenkina, et beaucoup d’autres…

– Je pose la question non pas en termes historiques, mais en termes strictement contemporains. Il faut tirer les leçons du passé pour aujourd’hui et pour demain. Et derrière les faits dont nous parlons maintenant, il y a le sujet de la conviction d’un communiste. C’est la conviction idéologique profonde qui dicte le comportement dans les situations les plus difficiles et qui empêche de trahir la cause que l’on sert. Pas pour l’argent ni le profit. Ou, comme on dit, pas guidé par la peur, mais par la conscience. Dans le contexte actuel, où les jeunes deviennent de plus en plus pragmatiques et où les motivations carriéristes ou matérielles (comme se faire inscrire à tout prix sur une liste électorale, etc.) surgissent soudainement, même chez des gens de qui on n’attendait pas ça, nous devons nous souvenir plus souvent de ces exemples d’un autre genre. L’altruisme, le désintéressement, le désir de défendre la justice pour tous et non son propre intérêt. Êtes-vous d’accord avec moi ?

– Bien sûr, c’est très important, et comme on dit à juste titre qu’un homme est mis à l’épreuve par les difficultés, nous avons tous traversé une telle épreuve lorsque le parti a été interdit et lorsqu’il a été réanimé. Nous savons que tout le monde n’a pas tenu bon. Mais le parti vit, fonctionne, et c’est grâce aux personnes qui ne l’ont pas trahi.

Volonté et recherche collectives

– Comment s’est déroulée la renaissance chez vous ?

– Le besoin d’organisation était évident. Nous cherchions comment nous organiser dans les conditions où le parti communiste était interdit. Une délégation de six personnes s’est rendue à Moscou et à Leningrad pour établir des contacts. Ensuite, j’ai réuni à nouveau nos militants à la Maison de la Culture du Bâtiment et j’ai proposé que, puisque nous étions interdits, nous participions à la création d’une branche du Parti socialiste des travailleurs. J’ai précisé que dès que nous aurions obtenu la levée de l’interdiction, je serais le premier à retourner dans mon parti.

J’ai été soutenu par plus de trois cents personnes dans la salle. J’ai été envoyé au congrès du PST à Moscou. En conséquence, j’ai pris la tête de la branche régionale du parti, en novembre 1991. En même temps, nous avons créé une branche de l’association “Défense des Droits des communistes” et on m’a demandé également d’en prendre la direction.

– Et de quoi viviez-vous ?

– C’est une bonne question. Pendant six mois, j’ai vécu avec ce que j’avais gagné auparavant. Je ne pouvais rien faire d’autre que de m’occuper des affaires urgentes du parti. Puis une délégation de mon ancien lieu de travail est arrivée et m’a demandé de revenir.

– En tant que directeur général du département de la construction et de l’installation ?

– Oui, à l’époque, cela s’appelait encore “Stalkonstructia”, comme avant. J’ai reçu mes camarades dans le bâtiment du comité municipal, que nous avions gardé pour nous. Les représentants de l’équipe ont parlé des difficultés, de l’aggravation de la situation et du fait que mon retour était souhaitable. J’ai répondu : laissons la parole à l’ensemble du collectif. Et lors de assemblée générale, ils ont voté pour moi.

Je suis revenu. J’ai commencé à travailler. Mais je n’ai pas quitté les affaires du parti. Au cours de l’été 1992, lorsque j’ai dû me rendre à la Cour constitutionnelle en tant que témoin au nom de la région d’Irkoutsk, j’ai pris un congé sans solde de deux mois. Svetlana Alexandrovna Perfilieva, qui était également membre du parti socialiste à cette époque et qui avait été auparavant la première secrétaire du comité du district de Nizhne-Ilimsk du PCUS, a pris l’avion avec moi. À nous deux, nous avons représenté les communistes d’Irkoutsk lors de ce procès. Il y avait tant à dire !

Lorsque, à l’automne, nous avons reçu un appel de Moscou nous informant qu’une décision positive était attendue sur la question de l’abrogation de la majorité des paragraphes du décret d’Eltsine interdisant le parti communiste, les communistes d’Angarsk et d’autres districts de la région n’ont pu que se réjouir. Une nouvelle période de grand travail a commencé à rassembler l’organisation régionale du parti. Sous la devise : “Tous ceux qui sont honnêtes, soyez avec nous !”

Un comité d’organisation du parti régional a été créé. J’ai été élu président. Ensuite, en deux étapes, il y a eu une conférence régionale du parti. D’abord, nous avons élu des délégués au deuxième congrès extraordinaire (d’unification et de restauration) à Moscou. À notre retour, notre conférence était déjà en phase de reconstruction. C’était en février 1993.

– C’est à cette époque que vous avez alors été élu premier secrétaire du comité régional ?

– Absolument.

Dans des conditions complètement différentes

– Vous aviez déjà participé au travail du parti. Mais vous avez dû tout recommencer dans des conditions complètement différentes. Alors, si vous regardez le chemin que vous avez parcouru jusqu’à aujourd’hui, quelles sont les étapes que vous pouvez distinguer ?

– Sur les conditions vous avez raison : elles ont changé du tout au tout. Il y avait un parti au pouvoir, mais il est maintenant dans l’opposition et, depuis tant d’années, il se trouve dans une confrontation difficile avec les autorités.

Et si l’on parle des étapes… Tout d’abord, comme je l’ai dit, nous devions rétablir les organisations du parti au niveau local. En un an, nous avons réussi à le faire dans toutes les villes et tous les districts. Ensuite, nous avons continué à travailler dans les petits villages et les hameaux.

En même temps, nous avons réalisé que nous avions besoin d’une tribune pour étendre notre influence. En 1994, je me suis présenté à l’Assemblée législative régionale et je suis devenu député. L’année suivante, la secrétaire du comité de l’oblast, Vera Savchuk, a été élue à la Douma d’État en tant que notre candidate, puis en tant que députée.

– Mais vous aussi avez été député à la Douma d’État ?

– C’était plus tard, de 1999 à 2003. Mais à l’époque, je devais me concentrer sur la reconstruction et le renforcement des organisations du parti. Et à l’Assemblée législative de la région, il y avait quelque chose que je ne voulais pas abandonner à mi-chemin.

– De quoi s’agissait-il ?

– Par exemple, à cette époque, j’avais lancé une initiative pour discuter du développement des forces productives de la région, en tenant compte des propositions des différents partis politiques. Vous souvenez-vous qu’à l’époque soviétique, tous les cinq ans, des conférences scientifiques étaient organisées dans les régions, consacrées aux perspectives d’avenir de leur développement ? Très sérieusement, avec la participation de représentants de divers ministères, départements, institutions, organes soviétiques et du parti. Leurs recommandations étaient ensuite synthétisées et prises en compte par le Gosplan. Et bien que le Gosplan ait malheureusement disparu, j’ai trouvé qu’une conversation similaire était utile dans les circonstances actuelles.

– Et votre proposition a été acceptée ?

– J’ai réussi à prouver que cela valait la peine d’organiser une telle conférence. J’ai fait une présentation de notre vision, puis le premier vice-gouverneur Nozhikov a fait son rapport. Ensuite, après une discussion (plus de trois cents personnes se sont réunies !), un groupe a été mis en place pour faire des recommandations. Au final, la grande majorité des propositions que j’avais présentées dans le rapport ont été adoptées et incluses dans ces recommandations.

– Ils ont donc bien compris votre position ?

– Je pense que oui. Une analyse socio-économique approfondie du bilan des autorités de notre région au cours des cinq dernières années a été préparée et publiée dans une brochure.

– Et quel était le bilan ?

– Triste. Après le bouleversement contre-révolutionnaire, l’économie et la sphère sociale de la région et du pays tout entier s’étaient effondrées. Il suffit de dire que plusieurs centaines de nos entreprises, y compris les plus importantes, avaient complètement cessé d’exister. Un vrai désastre. Les choses se rétablissaient, mais très lentement, presque imperceptiblement.

– Avez-vous perçu véritablement ce qui pouvait être fait pour améliorer la situation plus rapidement ?

– Oui, très concrètement. C’est pourquoi nous avons entamé la lutte pour le pouvoir dans la région avec autant de détermination. Même si nous devions partir de très bas.

Comme vous le savez, les premières élections après le coup d’État ont eu lieu en 1993. Imaginez un peu, nous avions le résultat le plus bas de Russie en termes de listes de partis. Seulement 9 % !

– Pourquoi donc ?

– Parce que dans une région aussi vaste, nous n’avons pas été en mesure de renouveler toutes les organisations de notre parti en peu de temps, d’établir toutes les connexions, de nous renforcer financièrement et techniquement. Mais je dirais d’emblée que lors des élections à la Douma d’État de 2021, notre résultat sur les listes de partis a été l’un des plus élevés du pays – 28 %. Et nous avons également obtenu l’un des meilleurs résultats lors des élections à l’assemblée législative régionale : le KPRF a obtenu 36 % des voix et a battu Russie unie.

– Le plus impressionnant a été votre élection comme Gouverneur en 2015. Vous aviez déjà brigué ce poste à deux reprises auparavant, n’est-ce pas ?

– Oui, en 1997 et en 2001.

– Vous êtiez arrivé deuxième les deux fois, et en 2001, le chef sortant de l’administration régionale vous avait battu de moins de deux pour cent au second tour. Y avez-vous cru ?

– Bien sûr que non. Dans la plupart des villes, où le dépouillement se terminait plus tôt que dans les campagnes, j’ai gagné partout avec une large marge.

– Et après ?

– Comme c’est généralement le cas aujourd’hui dans ce genre de situation. À trois heures du matin, les lumières se sont éteintes, et lorsque les nouveaux résultats ont été rendus publics à huit heures, mon adversaire était déjà en tête. L’avance était minuscule, certes, mais elle était aussi truquée.

– Oui, les autorités ne veulent pas laisser les communistes diriger le pays et les régions.

– Cela devrait être absolument évident pour tout le monde maintenant. Permettez-moi de vous rappeler que lorsque le parti communiste et ses candidats ont commencé à prendre de l’avance lors de ces mêmes élections au poste de gouverneur de 2001, le gouvernement a pris des mesures sans précédent pour empêcher les candidats les plus forts du parti communiste de prendre part à la course. Sous tous les prétextes les plus farfelus ! Finalement, on a cessé de courir le risque d’élections goubernatoriales en les annulant pour un temps.

– Mais la pression sur les communistes s’est poursuivie sous différentes formes.

– Bien sûr ! Les tactiques ont simplement changé, devenant encore plus rusées, larvées, silencieuses ou quelque chose comme ça.

La victoire avec une touche empoisonnée

– Et pourtant, malgré les nombreux obstacles et difficultés, notre parti continuait de travailler. Et dans votre oblast d’Irkoutsk, il travaillait activement, intelligemment et systématiquement. Lors de mes voyages d’affaires, j’ai vu beaucoup de choses de mes propres yeux et, franchement, je les ai sincèrement admirées.

– Nous avons fait de notre mieux. Comme on dit, “sans attendre un temps favorable”.

– À en juger par les résultats du scrutin de septembre 2015, les habitants de la région ont apprécié le travail de la section de votre parti et de vous-même.

– J’ai alors été le premier dans le pays à remporter les élections gouvernatoriales directes nouvellement introduites. Les autorités ont dû estimer qu’elles avaient déjà résolu tous les principaux problèmes liés à cette question et qu’il était désormais possible d’autoriser de telles élections. Naturellement, nous avons tiré le meilleur parti du potentiel que nous avions accumulé.

– Si je me souviens bien, vous avez d’abord remporté un succès impressionnant aux élections municipales.

C’est exact. D’abord à Angarsk, où 11 des 15 candidats ont gagné, puis aux élections directes des maires de Bratsk et d’Irkoutsk. Vous savez, le nombre total d’électeurs dans ces trois villes représente plus de la moitié de tous les électeurs de la région d’Irkoutsk. Ces victoires et la victoire aux élections gouvernatoriales qui ont suivi n’étaient donc en rien accidentelles.

– Quel était l’écart entre vos résultats et ceux du gouverneur sortant ?

– Un écart énorme, du simple au double. Et ils n’ont osé “annoncer” qu’environ 16 %.

– On ne peut oublier l’enthousiasme qu’a suscité dans notre parti une victoire aussi impressionnante du communiste Levchenko ! Voyons ce que vous avez réalisé par la suite.

– Tout d’abord, comme je le pensais à l’époque, la possibilité de mettre en œuvre à l’échelle régionale l’idée la plus importante que j’avais en tête. À savoir, conduire le processus de changement pour le mieux dans la sphère socio-économique sur la base d’un plan, c’est-à-dire un programme prospectif strictement spécifique coordonné avec les districts, les villes et les localités. Unir réellement les efforts des travailleurs à tous les niveaux de gouvernement et faire en sorte que le plus grand nombre possible de personnes de la région soient informées de ce programme et puissent donc en suivre la mise en œuvre. C’est ainsi qu’est né notre Gosplan [Mot-à-mot, “Plan d’Etat”].

– J’en avais entendu parler, bien sûr. Je me souviens avoir pensé à l’époque : quel bon début pour Sergei Georgievich !

– L’organe portant ce nom soviétique a été créé par un décret de moi, et le premier plan quinquennal a été élaboré en tenant compte non seulement de la vision du gouvernement régional, de l’assemblée législative et du gouverneur, mais aussi des propositions émanant du terrain. Il a été discuté et approuvé partout, y compris par les représentants des municipalités. Plus d’un millier de députés et de chefs d’administration ont participé aux réunions de groupe que j’ai organisées.

– Le plan quinquennal a-t-il progressé avec succès ?

– Oui, tous les grands indicateurs de la région à l’époque le montrent.

– J’ai remarqué qu’au cours des deux premières années de votre mandat, même les services sociologiques [ de sondage] les plus proches du Kremlin vous ont attribué de bonnes notes. Comment expliquez-vous cela ?

– Ils ne pouvaient pas ignorer nos réalisations si évidentes tout d’un coup ! Mais n’oubliez pas qu’en même temps, dès les premiers pas du gouvernorat, une campagne visant à me discréditer a été lancée.

– Pouvez-vous en donner les raisons ?

– Ce sont en fait les mêmes que celles qui expliquaient notre joie. Il s’agit des succès obtenus dans le développement de la région. Afin d’empêcher leur association avec le gouverneur communiste, ils ne voulaient pas me permettre d’occuper la position de leader. Et comme cela n’a pas fonctionné, ils ont décidé de me mettre à l’écart de cette manière. Et en fin de compte, ils ont obtenu ce qu’ils voulaient ! Comme on dit, par la force des choses.

Les communistes en Russie ne doivent pas être des parias !

– Il faut admettre qu’une telle méthode de “travail avec les cadres”, à laquelle vous venez de faire référence, a été appliquée par le pouvoir et continue d’être appliquée non seulement à vous.

– Bien sûr, je ne prétends pas être original ou exceptionnel. D’ailleurs, dans mon subconscient, j’éprouve même une certaine satisfaction à l’égard du rang dans lequel, du point de vue des autorités, je m’insère. Il s’agit de personnes qui, en raison de leurs qualités de travail, sont considérées comme dangereuses “au sommet”. Parce qu’elles s’opposent à ce “sommet” et représentent une menace réelle de concurrence avec lui. C’est pourquoi elles sont réprimées pour des raisons farfelues – au lieu d’être soutenues et promues.

N’est-ce pas confirmé, par exemple, par ce qui arrive à Pavel Groudinine, qui, même avec le système actuel, a obtenu 10 millions de voix à l’élection présidentielle ? En fait, bien sûr, il en a obtenu beaucoup plus, et ils ont eu peur. Et ils ont tout fait pour le discréditer.

Ou encore l’exemple de Nikolai Bondarenko dans l’oblast de Saratov. Combien il a été tourmenté, combien de tribunaux différents, d’amendes et d’autres punitions il a dû endurer ! Ils ont tout fait pour l’empêcher de devenir député à la Douma régionale de Saratov.

– Vous avez raison, il n’y a pas moyen de le nier.

– C’est la réalité de la situation actuelle, dans laquelle je me trouve. À cause de l’injustice criante, bien sûr, je suis amer et blessé au plus profond de moi-même. Surtout quand je vous rappelle qu’ils se sont vengés sur mon fils en le mettant en procès et derrière les barreaux.

Mais l’essentiel n’est même pas une rancune personnelle. Ma question est la suivante : quel est l’effet de cette situation sur mon travail, sur les résultats de mon travail ? En effet, une approche partiale, soupçonneuse et injuste se manifeste avant tout envers les membres et les sympathisants de notre parti, qui se sentent souvent comme des parias. Et cela, je crois, rend un très mauvais service à l’ensemble des affaires publiques.

– La question que vous soulevez est en effet de la plus haute importance. Et aujourd’hui, dans les conditions de l’opération militaire spéciale, alors que les autorités insistent sur la nécessité d’unir la société, elle devient particulièrement aiguë.

– D’une manière générale, trente ans après le soulèvement antisocialiste dans notre pays, il est manifestement nécessaire d’examiner attentivement où nous en sommes et où nous pourrions aboutir si le changement de cap cardinal qui s’impose depuis longtemps n’est pas mis en œuvre. Il est temps que les autorités prennent ces propositions avec le plus grand sérieux.

– Comment vont les choses dans la région d’Irkoutsk depuis que vous avez été contraint de démissionner de votre poste de gouverneur ?

– Pour dire les choses franchement, malheureusement, le glissement vers l’abîme socio-économique a recommencé. Par exemple, le budget est à nouveau déficitaire, alors que nous avions réalisé un excédent budgétaire au cours de mes quatre années et trois mois de mandat. Les recettes ont commencé à diminuer fortement. La dette de la région avait presque été divisée par trois sous ma présidence, et maintenant elle a quadruplé !

– Je pense que la section de votre parti a préparé et publié un document très intéressant, et surtout nécessaire, sur le travail du gouverneur de la région d’Irkoutsk, Sergei Levchenko, pour la période 2015-2019. Les chiffres et les faits rendent irréfutables les résultats impressionnants qui ont été obtenus. Il y a beaucoup à apprendre !

– C’est l’objet de cette publication. La vie continue, et notre lutte pour une vie meilleure pour le peuple, nous les communistes, continuera. Et cette lutte requiert toutes nos forces et nos grandes compétences, y compris l’apprentissage à partir de notre propre expérience.

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