Tout cela est bel et bien, mais il faut mesurer que la Pologne est loin d’être unanime derrière l’idéologie du président polonais. Ici aussi, l’essentiel est de ne pas identifier les peuples aux dirigeants. Non seulement il existe la même nostalgie d’une part de la population à l’égard du socialisme que l’on trouve dans tous les ex-pays socialistes, mais les Polonais ont été parmi ceux qui se sont le plus obstinés à voter pour les anciens communistes, devenus les plus grands privatiseurs sociaux-démocrates ce qui a achevé les malheureux Polonais et encouragé l’abstention, autant que le conservatisme. En outre, l’enthousiasme à l’idée d’affronter la Russie est plus que modéré dans le peuple. Certes, vu l’obsession antisémite polonaise, on attribue aux Juifs la plupart des malheurs survenus dans l’évolution de la situation polonaise, ce travers imbécile national ne va pas jusqu’à l’adhésion à un retour à la Grande Pologne féodale, donc si les Etats-Unis croient trouver en la Pologne l’adhésion totale qu’ils n’ont pas en Europe occidentale, ils risquent de déchanter. (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
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Explication de texte
L’article dont suit la traduction a été publié le 09.02 par le site italien CONTROPIANO. Son grand intérêt est de donner à voir les coulisses géopolitiques du conflit ukrainien où s’accélère la grande transformation du monde entamée ne l’oublions pas en 2000-2001 par la résurrection d’une Russie passée tout prés de la faillite et l’installation de la Chine dans le grand jeu des échanges mondiaux par son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce.
L’article s’attache plus particulièrement à décrypter les relations entre la Pologne et l’Ukraine voisine. Ce qu’il fait surtout ressortir c’est l’antériorité historique de la Pologne et indirectement le fait connu que l’Ukraine est la résultante relativement récente de rapports internationaux instables dans cette zone orientale de l’Europe.
L’article fait référence à la Rzeczpospolita expression polonaise inspirée de la RES PUBLICA romaine mais souvent traduite en anglais par Common Wealth. Il s’agit en fait d’une république nobiliaire dans laquelle une aristocratie terrienne exerce sa domination sur la société à travers une Diète, assemblée de grands féodaux qui choisissent parmi eux un souverain.
La Rzeczpospolita instaurée en 1569 rassemble sur un vaste territoire la Pologne, la Lituanie ; la Biélorussie une partie de la Lettonie et la Galicie, province occidentale et quelques autres morceaux de l’Ukraine contemporaine. Cette « république polono-lituanienne » aussi appelée “La république des deux nations” est une sorte d’apogée de la Pologne qui sera progressivement victime de la montée en puissance de la Prusse à l’Ouest et de la Russie tsariste à l’Est.
(Nota : Il s’agit en fait de la première Rzeczpospolita puisque le terme sera repris pour désigner la Pologne ressuscitée par le traité de Versailles qui durera jusqu’à son invasion par le Reich en 1939)
Un premier affaiblissement a lieu au milieu du XVII° siècle quand les cosaques zaporogues conduits par Khmelnitski se rebellent contre la République des deux nations, demandent la protection du tsar et l’obtiennent en 1654 par le Traité de Perejaslav. Bien que les cosaques zaporogues bénéficient d’une large autonomie de gestion de leur territoire par rapport au pouvoir tsariste, l’Ukraine de l’est séparée de la Pologne devient de facto un protectorat russe. La guerre entre la Pologne et la Russie est inévitable, elle va durer jusqu’en 1667 et se conclut par le second traité de Perejaslav qui intègre tout l’Est de l’Ukraine, Kiev compris, à la Russie. Un siècle plus tard en 1795 la Pologne, encore plus affaiblie, disparait de la carte jusqu’en 1918
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Le “Cinquième Reich” sera proclamé à Varsovie…
par Fabrizio Poggi
Selon le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius (SPD), l’Ukraine recevra plus d’une centaine de vieux léopards.1A5, fournis par divers pays européens, dont au moins trois bataillons devraient être équipés. Cela se produira, au minimum, au deuxième trimestre de 2024.
Entre-temps, cependant, Washington a déjà décidé la vente d’armes à la Pologne pour 10 milliards de dollars ; le paquet comprend 18 lanceurs HIMARS, 19 missiles GMRS d’une portée de 90 km, Missiles balistiques ATACMS d’une portée de 300 km. Selon l’agence Reuters, Varsovie ne pourra pas remettre ces armes à des pays tiers sans le consentement étasunien.
La question polonaise, bien que délibérément mise en sourdine dans les “nouvelles” grandiloquentes en provenance de Kiev n’est pas aussi pacifique que ce qu’ils ont toujours (ou du moins depuis quelques siècles) essayé de le faire croire à Varsovie, où aujourd’hui, avec ce “pathos de résistance” qui s’exprime notamment à l’occasion des délibérations “historiques” du parlement européen, la Pologne a pris l’habitude de se dépeindre comme l’éternelle victime des ambitions impériales de ses voisins, tant orientaux qu’occidentaux.
Dans ces discours, ils “oublient”, bien sûr, leurs propres ambitions impériales, passées, présentes et futures. En particulier, vers l’Est. Mis temporairement de côté le Belarus, dont la stabilité interne (à Varsovie on continue d’entraîner et d’armer les opposants “démocratiques” à Loukachenko) semble tenir le coup et ses liens avec Moscou en font un os à ronger, encore trop dur, avec l’Ukraine la question prend un autre visage
Derrière l’aide matérielle et l’incitation verbale continue à faire la guerre contre l’“ennemi commun” détesté, se cache (à peine) l’objectif d’être capable de saisir le plus possible de ce qui sera tôt ou tard une bête abattue et écartelée.
Si Washington a un intérêt à ce que la guerre continue “jusqu’au dernier Ukrainien”, dans le but d’affaiblir le grand concurrent géopolitique russe, à Varsovie on pousse consciemment au dépeçage de l’Ukraine afin d’en saisir le meilleur “morceau” et de pouvoir ensuite aspirer avec des bases plus solides à ce rôle de bastion yankee exclusif et puissant en Europe ce dont ils ne se cachent pas du tout.
A ce moment-là, l’Ukraine, avec les territoires à l’est de la ligne Odessa-Tchernigov passés sous contrôle russe, le morceau restant à l’Ouest, n’ayant plus de débouché sur la mer, permettrait d’agrandir la Pologne, la Roumanie, la Hongrie et peut-être même la Slovaquie, Kiev et son étroit territoire environnant étant réduit à un simple “Grand-duché” polonais ou “voïvodie autonome”.
Cela dit, cela n’empêche pas l’ancienne animosité ukraino-polonaise d’exploser dès que l’occasion se présente. Les services de renseignement de la milice du DNR (i.e.Donbass) ont signalé une unité ukrainienne qui, dans la nuit entre dimanche et lundi derniers, aurait tué un groupe de mercenaires polonais à Ougledar lesquels se battaient pour Kiev. Selon les messages radio interceptés et les témoignages de prisonniers de guerre, les affrontements entre des unités ukrainiennes et polonaises, déjà signalés à l’automne dernier ont augmenté ces dernières semaines.
Mais le président polonais Andrzej Duda est un homme aux visions prospectives et qui regarde vers l’avenir, de sorte que dans ses déclarations il se réfère de plus en plus à l’ancienne Rzeczpospolita qui comprenait, avec la Pologne, l’Ukraine et le Belarus (appelés Kresy Wschodnie : territoires orientaux), la Lituanie et aussi la Lettonie.
Il l’a également fait à l’occasion de la célébration du 160e anniversaire du début du “soulèvement de janvier” en Pologne contre l’Empire russe. Lors de la rencontre avec la communauté polonaise de Riga, Duda a déclaré que “grâce à notre soutien conjoint […] des peuples de l’ex-Rzeczpospolita, les Ukrainiens vaincront l’ennemi détesté”.
A une autre occasion, sans se soucier de l’histoire et s’adressant à Vladimir Zelensky, il lui a rappelé comment “autrefois nos chemins s’étaient séparés ; mais maintenant, quand vous vaincrez la Russie, quand les russes viendront à genoux pour signer la paix, trainez-les à Perejaslav, pour effacer toutes les années d’influence soviétique et russe”.
Il se trouve en effet qu’avec le premier traité de Perejaslav de 1654, conclu par l’ataman cosaque Bogdan Khmelnitsky avec un représentant du tsar russe Alexei Ier, les Cosaques ont prêté serment d’allégeance au tsar : l’Ukraine cosaque, rappelle le quotidien polonais Rzeczpospolita, a maintenu une “certaine indépendance dans les affaires intérieures, en se subordonnant pratiquement complètement à la Russie en matière de politique étrangère. Le (ndt: second traité, celui de 1667) traité de Perejaslav a été la cause de la guerre russo-polonaise”.
Et le portail polonais naTemat rappelle la lettre dans laquelle Bogdan Khmelnitsky a remercié le Tsar Alexei Mikhailovich pour avoir “daigné accepter toute l’armée de Zaporojie et tout le monde orthodoxe russe sous sa main royale, forte et suprême”.
Ainsi, note Oleg Khavic dans Vzgljad, au XVIe siècle, “il n’y avait pas d’“Ukraine”, ni d’“Ukraine cosaque”, les serments au tsar russe ayant été prêté par l’armée de Zaporojie,(cosaques Zaporogues) qui contrôlait à l’époque une partie des régions de Kiev, Tchernigov, Tcherkassy, Poltava et Vinnitsa, c’est-à-dire les voïvodies de Kiev, Tchernigov et Bratslav de la Rzeczpospolita. Ainsi, du point de vue de Varsovie, Bogdan Khmelnitsky n’était rien d’autre qu’un séparatiste, tout comme l’actuel dirigeant de DNR, Denis Pouchiline, du point de vue de Kiev”.
Khmelnitsky lui-même se considérait comme le libérateur d’une partie du peuple russe de l’occupation polonaise. Il n’est pas surprenant que divers historiens polonais considèrent que la révolte de Khmelnitsky, qui s’est terminée avec le transfert d’une partie des terres soumises à Varsovie sous le sceptre de Moscou marque le début de l’effondrement de la Rzeczpospolita.
Par conséquent, lorsque Duda a exhorté Zelensky à annuler les résultats de la Rada (traité) de Perejaslav, il n’a fait que l’inviter à ramener les territoires de Kiev dans l’ancienne Rzeczpospolita commune. Ce n’est pas par hasard, observe encore Khavic, que le jour même du discours de Duda à Riga, la vice-première ministre ukrainienne, Irina Verešchuk, a annoncé des plans pour l’introduction de la langue polonaise dans les écoles ukrainiennes, en l’expliquant par la nécessité d’une union étroite entre l’Ukraine et la Pologne.
Elle aurait dû dire : préparer les travailleurs ukrainiens à devenir une main d’œuvre bon marché pour les pan-polonais, tandis que Varsovie pousse Kiev vers l’abîme. Il est vrai qu’en Pologne, ces derniers jours sont apparus des propos contre le conflit en cours en Ukraine avec le slogan “Ce n’est pas notre guerre”. Mais, apparemment, derrière ses auteurs, Sebastian Pitoń et Leszek Sykulski (ce dernier, désormais considéré comme pro-russe, a travaillé auparavant à la chancellerie du président Lech Kaczyński et à l’administration de l’État ; en 2021 a reçu la Croix de bronze du mérite d’Andrzej Duda), qui exhortent à ” arrêter la prétendue ukrainisation de la Pologne”, il ne semble pas y avoir un mouvement de masse fort capable de changer, comme le souhaitent Pitoń et Sykulski, la “politique aventureuse de confrontation avec nos voisins et la poursuite des intérêts stratégiques de Washington”.
Dans le volume “Towards a New Europe. Perspectives pour les relations entre l’Union européenne et la Russie” (Ku Nowej Europie. Perspektywa zwazku Unii (en anglais) Europejskiej i Rosji, Ed. ‘Alfa 24’, Częstochowa, 2011), Sykulsky, considérant que la politique de Varsovie est trop “occidentaliste”, l’incite à rejoindre un futur axe Paris-Berlin-Moscou qui initie un “nouvel ordre”, impliquant la Turquie, la Russie, l’Allemagne, l’Italie et la France. Cependant, à l’heure actuelle, parler d’un “nouvel ordre”, sur la base de l’expérience acquise par le passé, n’est pas une solution. Dans le portail “Ukraina.ru” Vasilij Stojakin déclare que la Pologne se prépare à devenir le nouveau Reich.
En effet, lorsque le Premier ministre Mateusz Morawiecki parle d’un “nouvel ordre mondial” (il l’a fait le 6 février à Varsovie, à l’occasion de la Conférence permanente d’examen du soutien à l’Ukraine), il ne prend pas la peine de cacher le fait que, dans la situation actuelle, “nous sommes confrontés à un choix clair : soit la victoire de la Russie et la défaite de l’Occident, soit la renaissance de la civilisation occidentale”, dirigée précisément par une Pologne prête à devenir, selon Stojakin, “le”…nouveau III – plus précisément IV ou même V, si l’on compte l’UE – “Reich”.
Varsovie est candidate à sa direction, car il n’y a pas d’espoir pour le reste de l’Europe, puisque l’Occident a “troqué” les droits de l’homme contre ceux de l’Europe, la lutte pour la liberté avec des contrats avec l’oligarchie russe” c’est à dire fournir du gaz à “une Europe velléitaire, tenue en laisse par Vladimir Poutine”.
Parole de Morawiecki, qui dit sans ambages que “nous devons revenir au réalisme politique et montrer la priorité de la géopolitique sur l’économie”. Pourquoi ? Parce que si l’Europe s’éloigne de la géopolitique économiquement, elle cessera de rivaliser avec les États-Unis : c’est ce que l’agent d’influence américain Morawiecki exige de l’UE.
La réalisation du “nouvel ordre” dépend des résultats de la guerre en Ukraine : “Ce n’est pas le moment de faire un cessez-le-feu ; aujourd’hui, l’Ukraine a besoin de notre soutien et de notre l’espoir ; cet espoir nait en Pologne. L’espoir est la graine à partir de laquelle un ordre géopolitique complètement nouveau peut se développer. La Pologne a été la première à se ranger du côté de l’Ukraine et la première à montrer que ce n’est pas une guerre avec l’Ukraine, mais une guerre pour l’avenir de l’Europe et de l’Union européenne, de l’ensemble du monde libre”, jure Morawiecki, qui n’exclut pas une guerre mondiale.
Mais, note Stojakin, tout ceci semble un défi non seulement pour l’UE, mais aussi pour les États-Unis : après tout, au moins en paroles, Biden répète que son but est précisément d’empêcher l’escalade au niveau d’une guerre mondiale.
D’autres politologues russes notent que les États-Unis tendent – oui – à rester en dehors d’un conflit mondial, mais ne s’opposent pas à l’implication de l’Europe et voient également une participation de la Pologne au conflit mais sans recourir à la “solidarité” de l’OTAN.
En bref, grâce au conflit ukrainien – citons à nouveau Morawiecki – “le moment présent peut être défini comme une période de lutte pour un nouvel ordre mondial”, pour la formation duquel la Pologne est “prête à assumer une responsabilité conjointe”. La Pologne est prête pour devenir l’un des maillons essentiels de l’Europe post-impériale”.
C’est-à-dire une Europe qui reconnaît les USA comme seul centre impérial possible, avec la Pologne comme superviseur des colonies européennes des États-Unis.
Et Stojakin de conclure: le discours de Morawiecki est excellent car il dit ouvertement ce à quoi peu de gens en Russie veulent penser, c’est que “il ne s’agit pas d’une opération militaire sur le territoire ukrainien, mais de la guerre du “monde civilisé” pour détruire la Russie et dans laquelle se cache une autre guerre : celle des Etats-Unis pour détruire l’Europe”.
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Conclusion COMAGUER
Ce positionnement de la Pologne est repris dans d’autres sites étrangers mais l’article ci-dessus est spécialement riche en matière de contextualisation historique. Son intérêt principal est de faire un point d’étape sur le conflit ukrainien un an après le début de l’opération spéciale russe.
Pour les Etats-Unis les jours de l’Ukraine dans son périmètre actuel officiel sont comptés et l’Ukraine résiduelle, dévastée, dépeuplée (15 millions d’ukrainiens ont quitté le pays entre 1991 et 2021 et d’autres départs ont eu lieu en 2022) dont les capacités industrielles sont massivement passées dans le territoire russe ne sera pas en capacité d’incarner une OTAN anti-russe. La remplacer par une Pologne agrandie et politiquement docile est le choix qui est en train d’être opéré. La Pologne le sait et adhère totalement au projet.
Mais la viabilité de ce projet exige que ce soit la seule Pologne qui soit installée comme menace permanente contre la Russie. En effet l’OTAN où s’applique la règle de l’unanimité ne peut pas trouver d’accord sur cette politique : manqueront toujours à l’appel la Turquie et la Hongrie, la Croatie flanche, la Bulgarie et la République tchèque sont incertaines. La marche triomphale de l’OTAN vers l’Est est achevée. Ce qui se profile est bien une satellisation de la seule Pologne par les Etats-Unis et la Pologne où la russophobie est toujours bien vivante et entretenue se retrouve à jouer le même rôle qu’elle a joué dans le crépuscule de l’URSS avec Karol Woijtila le pape polonais, Solidarnosc et Walesa. L’armée US a déjà installé en permanence 10 000 soldats sur le sol polonais, la base du Kosovo est dépassée.
Quant à l’UE elle ne peut que constater l’inanité de ses discours sur une politique étrangère et une politique de défense communes au moment où un de ses membres devient l’exécutant de la politique de Washington et revendique cette position. Bien que non nommé un processus du Polexit est lancé et avec lui la fragmentation de l’espace de l’UE et son affaiblissement.
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Franck Marsal
Il est clair que la Pologne est la plaque tournante des intérêts américains et britannique en Europe. C’est ce pourquoi l’Angleterre pouvait se permettre le Brexit : même partis, ils sont encore là … avec un droit de véto par délégation sur les politiques de l’UE.
La Pologne + l’Ukraine permettent de contrôler toutes les lignes commerciales entre la mer Baltique et la mer Noire, entre l’Europe et la Russie. Les tentatives de contournement par Nord Stream ont fait long feu, faute de capacité à sécuriser la mer Baltique. De plus, la Pologne est en train de constituer une armée de premier niveau dans l’OTAN, donc elle est un gendarme crédible de toute velléité de l’Allemagne de s’émanciper de la tutelle américaine. Réciproquement, la Pologne, sans l’appui anglo-américain est piégée entre les mors de l’étau : Allemagne d’un côté et Russie de l’autre. Mais, cette situation fragile peut justement pousser la Pologne à acquérir une force dissuasive et à s’en tenir là. Car, si la situation dégènère, elle se retrouvera, à l’instar de l’Ukraine aujourd’hui, transformée en champ de bataille et en chair à canon.
Dans l’hypothèse d’une défaite rapode de l’Ukraine et d’un effondrement de ce pays, elle est néanmoins en effet un recours logique pour prendre en charge les territoires occidentaux de l’Ukraine. Il ne faut cependant pas perdre de vue la Roumanie, tentée elle aussi de profiter de la situation par l’annexion de la Moldavie.
L’entrée ouverte de la Pologne en guerre contre la Russie (ou l’entrée de la Roumanie) ne ferait que pousser plus loin et plus large la menace de guerre. C’est aussi faire voler en éclat tous les beaux discours qu’on nous sert depuis un an et c’est le risque d’ouvrir radicalement la boite de Pandore des vieilles histoires de l’Europe : l’implication directe et ouverte de la Pologne poserait inévitablement la question de Kalinigrad qui est liée à celle des pays baltes. La Roumanie ouvre vers les Balkans encore incandescents. Il y a des mouvements politiques imperceptibles dans les petits pays: Tchéquie, Slovaquie, Moldavie, Bulgarie … Il n’est pas impossible qu’on assiste à des manoeuvres de subordination croissante de ces petits pays par l’un ou l’autre des plus grands.
Cela nous renvoie aux causes de tous ces mouvements profonds de la géopolitique. Au fond, c’est la crise du capitalisme, la baisse tendancielle du taux de profit, la fragilisation croissante des états provoquée par les politiques néo-libérales et la spéculation intensive. L’équilibre est devenu de plus en plus instable. Tout bouge. Ce qui était solide ne tient plus qu’à un fil. A un moment ou à un autre, un fil romp, puis un second et tout s’accélère. Il ne s’agit pas de chercher qui a tort et qui à raison, mais de trouver la voie vers un autre avenir.
Car tout cela ne qui peut réouvrir toutes les vielles querelles européennes enterrées en 45 … Sauf que cette fois-ci, on ne pourra plus (et tant mieux !) aller chercher par la force dans les colonies des bataillons d’opprimés pour mener les combats. Et le reste du monde (plus seulement les USA, mais la Chine, l’Inde et l’essentiel de l’Afrique, …) regardera, avec le mépris qu’il mérite, ce continent arrogant s’entretuer une nouvelle fois.