Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Au sujet de la destruction de l’URSS, par Ivan Nikitchouk

https://kprf.ru/ruso/215831.html

Voici encore un texte fondamental produit par les communistes russes qui devrait avoir toute sa place dans les travaux du 39e Congrès. Cela contribuerait à secouer cette chape de plomb, cette “marginalisation” intellectuelle autant que politique dont le PCF, comme toute la gauche française, souffre et qui contribue au “déclin” français. Ce déclin ressenti ne tient pas compte des possibilités réelles pour peu que la France soit à la fois souveraine et ait l’audace de ses coopérations. Ce déclin est celui d’une pensée qui tend à être un simple alignement sur les Etats-Unis, eux-mêmes tentant de s’accrocher à une hégémonie contestée. Les manifestations les plus évidentes de cette actuelle incapacité à penser le basculement historique du monde étant le choix de la guerre sous couvert des droits de l’homme, la manière de ne même pas oser aborder la question, la contribution à la sinophobie et à d’autres formes de racismes, les libertés individuelles entrant en contradiction avec la lutte contre l’exploitation pour mieux être abolies, l’absence de stratégie en vue du socialisme. Tout cela qu’on le veuille ou non est lié à l’incapacité à penser la destruction de l’Etat soviétique et le rôle conscient dans la transformation nécessaire : “Après 66 ans, Gorbatchev et ses partisans ont tout fait pour utiliser le XXVIIIe Congrès du PCUS pour répudier à la fois le serment prononcé au cercueil de Lénine par Staline au nom des communistes, le léninisme et la classe ouvrière – la base de classe et la base sociale du Parti communiste, et le caractère communiste du Parti”, il ne s’agit pas d’un simple parti, il s’agit de la capacité à la transformation révolutionnaire. Est-ce que cette question n’est pas de fait au cœur du 39e congrès et invite à réfléchir de quel parti nous avons besoin dans la crise de nos sociétés? Pourtant la censure, le verrouillage, une bigoterie intellectuelle qui n’est que consensus avec la pensée bourgeoise continue, et tient en lisière les analyses, l’intervention populaire, mais il dépend de tous les communistes, encartés ou non de pousser les fers au feu. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

Les événements de la fin des années 1980 et tout ce qui est lié à la destruction de l’État soviétique, dont nous avons récemment célébré le 100e anniversaire de la fondation, font encore l’objet de discussions entre communistes, sympathisants et personnes qui ne sont pas indifférentes. Chacun d’entre nous tente de répondre aux questions suivantes : comment cela a-t-il pu se produire ? Pourquoi la classe ouvrière ne s’est-elle pas levée pour défendre son État ?


7 janvier 2022
Ivan Ignatievitch Nikitchuk

Il n’est pas facile de donner une réponse catégorique à ces questions. Mais examinons ce problème sous un angle plus historique.

La première chose à noter est que la fin tragique du socialisme dans notre pays est étroitement liée au rejet de la dictature du prolétariat, acté au XXIIe Congrès du PCUS, lorsqu’il a adopté en 1961 le troisième programme du Parti. Pour contrebalancer le postulat marxiste bien connu, une nouvelle disposition a été introduite selon laquelle la dictature du prolétariat n’était plus nécessaire dès avant l’extinction de l’État. C’était un élément sérieux de révisionnisme.

D’autant plus qu’à partir du tournant des années cinquante, l’émergence d’éléments petits-bourgeois et bourgeois dans la société devient perceptible, qui ne pouvaient être combattus que dans les conditions de la dictature du prolétariat. Le dogmatisme et le formalisme sont devenus de plus en plus présents dans le travail idéologique et éducatif du Parti pour l’éducation de l’homme nouveau, un homme avec une conscience socialiste. Bien que Lénine et Staline aient tous deux considéré l’éducation de l’homme nouveau comme la tâche primordiale du Parti. Lénine a dit : “Le travailleur n’a jamais été séparé de la vieille société par une muraille de Chine. Et il a conservé une grande partie de la psychologie traditionnelle de la société capitaliste. Les travailleurs construisent une nouvelle société, non pas en se transformant en de nouvelles personnes débarrassées de la boue de l’ancien monde, mais encore enfoncés dans cette boue jusqu’aux genoux. On ne peut que rêver de se débarrasser de cette boue. Ce serait une profonde utopie de penser que cela peut être fait immédiatement”.

D’ailleurs, dans “Que faire ?” Lénine définit la conscience socialiste des masses ouvrières comme “la seule base qui puisse assurer notre victoire”. Cette même pensée a été exprimée par Staline dans son dernier ouvrage, “Les problèmes économiques du socialisme en URSS” : “En dernière analyse, la chose la plus importante, essentielle pour la victoire du nouveau système, c’est une masse humaine nouvelle, pleinement développée, un homme nouveau du socialisme.”

Avec le temps, cependant, le PCUS a commencé à “oublier” les “tares originelles du capitalisme”, objectivement inhérentes à l’étape de la construction socialiste, qui se sont manifestées dans l’éveil de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie de la société, y compris au sein du Parti, lorsque les frontières entre l’esprit d’initiative et l’esprit d’entreprise, le zèle et l’affairisme ont commencé à s’estomper. Ces “tares” ont pénétré dans le parti lui-même, ainsi que chez ses adhérents, lorsque la classe ouvrière a commencé à être délibérément poussée vers des “rôles secondaires” dans la vie politique de la société, en invoquant l’accélération du progrès scientifique et technologique, la complexité croissante des processus sociaux, etc. Mais il est clair que la dictature du prolétariat ne peut exister sans la classe ouvrière elle-même.

Comment Lénine et Staline ont-ils imaginé la place de la classe ouvrière dans les conditions de la dictature du prolétariat ?

La question du mécanisme permettant à la classe ouvrière d’exercer sa dictature au sein du Parti a été largement discutée au début des années 1920. A proprement parler, le sujet de discussion était précisément le problème de trouver un sujet politique à travers lequel le prolétariat pourrait exercer sa dictature. Lénine et ses compagnons d’armes partaient du principe que ce rôle serait mieux rempli par les conseils des députés ouvriers et le parti bolchevique qui les dirigeait. Après la mort de Lénine, Staline a pris le relais pour défendre et mettre en œuvre cette position de principe. Dans “Questions de léninisme”, il soulignait non seulement le rôle dirigeant du PCR(b), mais aussi le fait que le Parti était un outil entre les mains de la classe ouvrière. Il a écrit : “Le parti est la forme la plus élevée d’organisation du prolétariat. Le Parti est le principe directeur de base au sein de la classe du prolétariat et parmi les organisations de cette classe. Mais il ne s’ensuit pas que le parti puisse être considéré comme une fin en soi, comme une force autocratique. Le parti n’est pas seulement la forme la plus élevée de l’association de classe des prolétaires, il est en même temps un instrument entre les mains du prolétariat pour faire gagner la dictature quand elle n’a pas encore gagné, pour renforcer et étendre la dictature quand elle a déjà gagné”.

Néanmoins, certains hommes éminents du parti doutaient que le parti soit l’avant-garde du prolétariat car, comme ils le pensaient, il n’en constituait qu’une minorité. Deuxièmement, la classe ouvrière disposait de ses propres organisations, plus massives. Staline, dans son ouvrage ” Questions de léninisme “, attire également l’attention sur ce fait que ” le prolétariat dispose de toute une série d’autres organisations sans lesquelles il ne peut mener une lutte victorieuse contre le capital : les syndicats, les coopératives, les organisations d’usines et de fabriques, les groupes parlementaires, les associations féminines sans parti, la presse, les organisations culturelles et éducatives, les syndicats de jeunesse, les organisations révolutionnaires et de combat, le Soviet des députés comme forme d’organisation étatique, etc. “. Ils a cependant souligné que c’était “le Parti qui est la forme la plus élevée de l’organisation de classe du prolétariat”.

En effet, le Parti était présent dans toutes ces organisations. Il a créé des groupes composés de ses membres qui travaillaient dans ces organisations, qui ont développé une position consolidée et qui ont cherché à l’appliquer dans ces organisations, à y appliquer la ligne du parti. En même temps, aucune des autres organisations de travailleurs n’avait l’expérience pratique et la capacité d’organiser ces activités comme le faisait le Parti. Incidemment, le PCUS a abandonné la création de groupes de ses représentants dans les organisations de travailleurs, de jeunes, de femmes et autres organisations publiques dans les années 1960.

Staline est convaincu que le parti bolchevique dispose de toutes les données pour mener à bien son rôle. En particulier, il soutenait que cela était possible parce que “premièrement, le Parti est le point de rassemblement des meilleurs éléments de la classe ouvrière, qui ont des liens directs avec les organisations hors-parti du prolétariat et les dirigent très souvent ; parce que, deuxièmement, le Parti, en tant que point de rassemblement des meilleurs éléments de la classe ouvrière, est la meilleure école pour produire des dirigeants de la classe ouvrière capables de diriger toutes les formes d’organisation de leur classe ; parce que, troisièmement, le Parti, en tant que meilleure école de dirigeants de la classe ouvrière, est, par son expérience et son autorité, la seule organisation capable de centraliser la direction de la lutte du prolétariat et de mettre ainsi à son service toutes les organisations non-parti de la classe ouvrière, organes et courroies de transmission”.

Les événements de 1924, après la mort de Lénine, constituent la preuve la plus convaincante du lien étroit entre le parti bolchevique et la classe ouvrière. Déjà dans le numéro du 24 janvier 1924, la Pravda a commencé à imprimer des lettres collectives d’ouvriers demandant à être admis dans le parti léniniste. Le flux qui avait commencé augmentait de jour en jour. Le 31 janvier, le Plénum du Comité central du PCR(b) a adopté une résolution sur le projet léniniste. Il s’agissait d’un document unique sur l’admission des ouvriers d’usine au sein du Parti. Le Comité central a décidé que lors de l’Appel de Lénine [campagne d’adhésions, NdT], 90 % des personnes acceptées dans le PCR(b) devaient être des “ouvriers d’usine”, et les 10 % restants devaient être des paysans des classes pauvres et moyennes, en particulier ceux qui avaient participé à la guerre civile. La deuxième particularité était que le Comité central permettait d’examiner les demandes collectives d’admission dans les rangs du PCR(b), mais de décider de la question de l’admission de chaque personne individuellement. Le Comité central a recommandé aux cellules du Parti d’admettre les ouvriers d’usine au sein du Parti lors de réunions ouvertes, en donnant aux travailleurs non membres du Parti le droit de participer à la décision sur la question de l’admission individuelle de tel ou tel camarade en particulier.

Au moment de cet Appel, dans son ouvrage “Sur les fondements du léninisme”, Staline écrivait : “Deux cent mille nouveaux membres issus des travailleurs ont récemment été admis dans notre Parti. Ce qui est remarquable ici, c’est que ces personnes ne sont pas tant venues au Parti elles-mêmes qu’elles y ont été envoyées par le reste de la masse hors Parti, qui a pris une part active à l’admission de nouveaux membres et sans l’approbation de laquelle aucun nouveau membre n’était accepté. Ce fait montre que les larges masses de travailleurs sans parti considèrent notre Parti comme leur Parti, un Parti qui leur est proche et cher, dans l’expansion et le renforcement duquel ils ont un intérêt direct et à la direction duquel ils confient volontairement leur sort. Il va sans dire que sans ces fils moraux insaisissables qui relient le Parti aux masses non partisanes, le Parti ne pourrait pas devenir la force décisive de sa classe. Le Parti est une partie inséparable de la classe ouvrière”.

Cette approche de la formation des organisations dirigeantes, avec les masses non partisanes impliquées dans le processus, était un prototype du retour d’information nécessaire de la société vers la classe dirigeante, dont la nécessité peut être entendue aujourd’hui par certains auteurs d’ouvrages de sociologie, de sciences politiques, etc. pour le bon fonctionnement de la société. Cette approche a été accueillie favorablement par le parti et a trouvé une application dans d’autres domaines du fonctionnement de l’État, par exemple, dans la formation des conseils des députés du peuple, lorsque les candidats aux postes de députés étaient désignés par le collectif de travail où le futur député travaillait.

Pendant l’Appel léniniste, 350 000 demandes ont été soumises au Parti. À la suite de discussions individuelles lors de réunions avec une participation massive des travailleurs, 241 mille personnes, dont 92% d’ouvriers d’usine, les 8% restants étant des paysans, ont été acceptées comme candidats au PCR(b).

Le 17 juin 1924, alors que l’Appel de Lénine vient de s’achever, Staline fait un rapport “Sur les résultats du 12e congrès du PCR(b)” pour l’école des secrétaires de districts auprès du Comité central du Parti communiste. Dans ce rapport, il résume en quelques mots le résultat politique de l’action qui s’est achevée : “Je ne m’étendrai pas sur le fait que l’Appel de Lénine, c’est-à-dire le fait que 250 000 nouveaux membres issus des travailleurs ont été admis dans notre Parti, témoigne de la démocratie profonde de notre Parti, du fait que notre Parti est, en fait, un organe élu de la classe ouvrière. En ce sens, la signification de l’Appel de Lénine est sans aucun doute énorme.”

Après 66 ans, Gorbatchev et ses partisans ont tout fait pour utiliser le XXVIIIe Congrès du PCUS pour répudier à la fois le serment prononcé au cercueil de Lénine par Staline au nom des communistes, le léninisme et la classe ouvrière – la base de classe et la base sociale du Parti communiste, et le caractère communiste du Parti.

Il conviendra ici de rappeler la thèse de Staline contenue dans “Sur les fondements du léninisme” : “On a coutume de noter le caractère exclusivement militant, exclusivement révolutionnaire du léninisme. C’est tout à fait correct. Il y a deux raisons à cela : premièrement, parce que le léninisme a émergé de la révolution prolétarienne, dont il porte l’empreinte, et deuxièmement, parce qu’il s’est formé et renforcé dans la confrontation avec l’opportunisme de la Deuxième Internationale, contre lequel la lutte était une condition préalable nécessaire à la réussite de la lutte contre le capitalisme. Nous ne devons pas oublier qu’entre Marx et Engels d’une part, et Lénine d’autre part, se trouve toute une époque de domination sans partage de l’opportunisme de la IIe Internationale, contre laquelle une lutte sans merci ne pouvait que constituer l’une des tâches les plus importantes du léninisme”.

Aujourd’hui, on entend souvent la question suivante : comment se fait-il que le parti, qui avait hérité des principes du bolchevisme, ait suivi les renégats ? Staline a expliqué cela en utilisant l’exemple des partis de la Deuxième Internationale comme suit : ” Les opportunistes se sont adaptés à la bourgeoisie en raison de leur nature opportuniste et petite-bourgeoise – les “orthodoxes” se sont à leur tour adaptés aux opportunistes dans le but de “maintenir l’unité” avec les opportunistes, dans l’intérêt de la “paix dans le parti”. Le résultat a été la domination de l’opportunisme, car la chaîne entre les politiques de la bourgeoisie et celles de l'”orthodoxie” était bouclée. Cette explication du glissement à droite des partis sociaux-démocrates puis communistes est sans aucun doute méthodologiquement correcte et productive. C’est ce qui est arrivé au PCUS.

Une déviation par rapport à l’essence du pouvoir soviétique

Le pouvoir soviétique était incontestablement le pouvoir des ouvriers, des travailleurs. Le pouvoir soviétique était une forme de dictature du prolétariat et avait un caractère anti-exploitation. Il s’efforçait en effet d’enseigner aux tourneurs, aux laboureurs et aux cuisinières comment gérer – sinon l’État tout entier, du moins les entreprises publiques. Il les formait sur le tas et en les dirigeant vers les facultés ouvrières et paysannes [Rabfak], les universités communistes, la PromAcademia [Académie industrielle, NdT], les centaines de collèges techniques, pédagogiques et agricoles et les écoles techniques qui avaient été ouverts.

Ses largesses étaient spartiates. Un morceau de tissu comme récompense, ce n’est pas une invention. Il existe encore des personnes vivantes qui ont reçu de tels prix pour leur travail de choc, pour leurs réalisations et innovations de Stakhanovistes. En période de pénurie, l’État confirmait de cette manière qu’il était un État ouvrier-paysan, que le travail en URSS était une question d’honneur, une question de gloire, de valeur et d’héroïsme.

Grâce à son caractère ouvrier et paysan, le régime soviétique ne permettait pas au chef d’entreprise, ni même à un ministre, de disposer d’un revenu cent et mille fois supérieur à celui d’un ouvrier, comme on peut l’observer partout aujourd’hui. En 1970, en RSFSR, le salaire moyen d’un ouvrier était de 152 roubles 90 kopecks et celui d’un ministre républicain était de 450 roubles. En 1980, le salaire moyen d’un ouvrier avait augmenté de 52 roubles 30 kopeks et celui d’un ministre de la RSFSR de 50 roubles. Oui, le ministre bénéficiait également d’un bon de voyage annuel dans un sanatorium et même, dit-on, d’une prime. Mais au total en Russie en 1980 dans les sanatoriums et les maisons de repos se sont reposés 23 millions 237 mille ouvriers et employés. Beaucoup plus d’ouvriers que d’employés, d’ailleurs. Et la majorité avait leur voyage payé. En 1970, 877 000 familles russes ont reçu de nouveaux appartements gratuitement, en 1975 – 1 million de familles, et en 1980 – 985 000 familles. Et là encore, les travailleurs ont été prioritaires pour recevoir des appartements.

Mais l’essentiel était que chaque ouvrier, agriculteur ou employé avait le sentiment que sa vie s’améliorait chaque année. Les prix étaient stables. Il n’y avait pas de risque de chômage et il y avait même une incitation à améliorer les compétences (et par conséquent les salaires).

Tout cela, cependant, était avant la Perestroïka. Aujourd’hui, nos adversaires dans le débat sur le socialisme aiment citer des faits et des chiffres uniquement des cinq dernières années de l’État soviétique, lorsqu’il a de plus en plus cessé d’être soviétique et a renoncé à être ouvrier et paysan.

Tout en soulignant les problèmes créés artificiellement au cours des années de la perestroïka, il faut admettre qu’ils s’ajoutaient aux erreurs et aux défauts qui s’étaient accumulés au cours des décennies précédentes. Le taux de production des biens de grande consommation était constamment en retard sur le taux de croissance des moyens de production. Dans les années 1950, l’écart était de plus du double, dans les années 1960, il était multiplié par 2,5, dans les années 1970, il approchait du triple et dans les années 1980, il était presque triplé.

Le choix d’une croissance économique extensive était naturel et compréhensible au cours des quinquennats d’avant-guerre et du premier quinquennat d’après-guerre. Mais par la suite, il a commencé à entraver de plus en plus le développement de l’économie. Dans les années 70, la croissance annuelle de la production industrielle dépassait 8 % ; dans la première moitié des années 80, elle est tombée à peine à 3 %. Il est vrai que la croissance régulière et pluriannuelle de 3 % de la production industrielle serait considérée comme une manne céleste par les autorités russes d’aujourd’hui.

Il n’est pas question, bien sûr, de stagnation dans l’économie de l’ère Brejnev. Cela ne nécessite même pas de calculs économiques : il suffit de se rappeler la création de complexes industriels territoriaux dans l’Oblast d’Irkoutsk et le Kraï de Krasnoïarsk, le complexe pétrolier et gazier de Sibérie occidentale, le complexe industriel territorial du Tatarstan oriental, la construction du BAM, etc. Mais le temps exigeait une transition vers d’autres méthodes intensives de gestion économique, l’introduction des réalisations modernes de la science et de la technologie, des réalisations du progrès scientifique et technologique. Et lorsque Gorbatchev a annoncé une politique d’accélération du développement socialiste, le peuple soviétique l’a d’abord accueilli avec des applaudissements.

Mais très vite, la classe ouvrière, le parti et le secrétaire général lui-même ont découvert que l’accélération ne concernait que le flot de paroles et de rhétorique vide. La nouvelle équipe dirigeante n’a pas pu se hisser à la hauteur nécessaire. Elle manquait de connaissances, d’expérience ou de compétences. Et d’ailleurs ses objectifs étaient autres.

Pendant ce temps, l’ambition et le pouvoir de Gorbatchev avaient soif de gloire mondiale. C’est à cette époque que le mot peu significatif “perestroïka” a été inventé. La classe ouvrière, comme tous les travailleurs habitués à la création, a d’abord pensé qu’il s’agissait d’un moyen d’accélérer les choses, mais elle a vite été déçue : la perestroïka de Gorbatchev était chargée de destruction parce qu’elle s’attaquait aux structures de soutien du socialisme soviétique. Et son premier objectif était de pousser la classe ouvrière vers les marges sociopolitiques, ce qui nécessitait de la fragmenter, de détruire son unité et, par conséquent, l’unité du parti.

Rappelons-nous quelle a été la première mesure réelle prise par les architectes et les contremaîtres de la perestroïka ? C’était la création de coopératives. Ils ont promis de fournir au pays les biens et services les moins chers dans un délai de six mois à un an. Le résultat économique de l’innovation a été négligeable, mais le résultat politique a pris des proportions destructrices sans précédent.

L’objectif des coopératives était de fragmenter la classe ouvrière en groupes sociaux orientés vers le mode de vie bourgeois. Les nouvelles coopératives n’ont pas inondé le pays de marchandises comme promis. Au contraire, elles ont proliféré sur la base des sections de l’usine dont l’ensemble de la production était le plus dépendant technologiquement. En conséquence, ces coopératives ont commencé à dicter leurs conditions à l’ensemble de l’usine. Cela incluait également l’aspect financier. En outre, les coopératives, contrairement à la pratique soviétique, ont obtenu le droit procéder à des encaissements.

En général, l’écart salarial entre les ouvriers d’usine et les ouvriers des coopératives exerçant la même profession et possédant les mêmes qualifications était deux, trois fois ou plus important. Ainsi, la politique de Gorbatchev a créé artificiellement des fractures au sein de la classe ouvrière. Mais la politique anti-ouvrière ne s’est pas limitée aux coopératives. Des coentreprises avec des entreprises étrangères ont été créées. Le niveau des salaires dans ces entreprises était 2 à 3 fois plus élevé et la productivité du travail seulement 10 à 15% plus élevée.

Les travailleurs ont exprimé leur mécontentement, mais Gorbatchev et ses associés avaient maintenant besoin d’une scission dans la classe ouvrière pour détruire le parti, pour le transformer en une social-démocratie au service du capital.

Une subversion similaire a été réalisée dans le domaine de l’idéologie. Les médias, y compris ceux du parti, ont été chargés de fournir un soutien idéologique à la formation de sentiments antisocialistes de masse. À cette fin, la direction du Comité central a procédé à un changement total des rédacteurs en chef. Un rôle particulier a été attribué au magazine Ogoniok, dont on a nommé au poste de rédacteur en chef V. Korotich, auteur récent de poèmes sur Lénine et désormais ardent anti-soviétique, et aux Nouvelles de Moscou (E. Yakovlev, rédacteur en chef). Les responsables de presque tous les journaux centraux ont été remplacés. Par exemple, I. Frolov, secrétaire général adjoint du Comité central du PCUS, a été nommé rédacteur en chef de la Pravda à la place de V. Afanasyev, un philosophe talentueux de première ligne. Au lieu du professeur R. Kosolapov, communiste convaincu, on a nommé à la tête du magazine Kommunist N. Bikkenin, commode pour les gens de Gorbatchev, et son premier adjoint a été O. Lacis, qui ne cachait pas son opportunisme. Ces processus ont été activement menés par A. Yakovlev.

Le travail d’organisation pour la destruction de l’unité socialiste a été effectué d’abord par les dissidents ayant une longue expérience, qui se sont regroupés autour de l'”Union démocratique”, puis le relai a été pris par la “Plate-forme démocratique dans le PCUS” inspirée par A. N. Yakovlev, d’où est sorti ensuite le Parti démocratique.

Le knout de la pseudo-démocratie et de la “glasnost”.

Le tournant des années 1980-1990 a donné de nombreux exemples d’utilisation des procédures démocratiques contre les intérêts de la classe ouvrière et de l’ensemble de la société soviétique. Par exemple, l’élection de directeurs d’usine dans l’industrie a entraîné non seulement une rupture totale de la discipline du travail, mais aussi de la discipline technologique.

Une parodie de démocratie a été la loi sur l’élection des députés du peuple de l’URSS, qui stipulait qu’un député sur trois devait représenter… des organisations publiques individuelles. Ainsi, les membres du Comité central du PCUS, du Conseil central des syndicats de l’Union, du Comité central du Komsomol, les académiciens et les membres correspondants de l’Académie des sciences de l’URSS, etc. bénéficiaient de certains privilèges. Pas un seul collectif de travail n’a bénéficié d’un tel privilège.

Les procédures démocratiques les plus cyniques ont été utilisées pour la nomination des délégués au XXVIIIe Congrès du PCUS. Pour la première fois dans l’histoire du parti, ils ont été élus non pas lors de conférences du parti, mais de manière absolument démocratique : au scrutin secret direct et nécessairement sur une base compétitive. Il n’y avait pas de limite au nombre de candidats pour les délégués. Leurs programmes et leurs débats sont devenus le principal outil de sélection. Le résultat ne s’est pas fait attendre : ceux que Gorbatchev et ses sbires voulaient avoir au congrès ont été promus grâce à cette procédure retorse, qui a en fait donné l’avantage aux professeurs, directeurs et autres maîtres incontestés de la “parlote”.

A. Manaenkov, président de la Commission de vérification des pouvoirs du XXVIIIe Congrès du PCUS, a indiqué que sur 4683 délégués, “543 ouvriers, soit 11,6% de l’ensemble du corps des délégués, et 255 kolkhoziens, soit 5,4% de l’ensemble des délégués, ont été élus au Congrès”. En comparaison, sur 5002 délégués au XXVIIe Congrès (1986), il y avait “1370 travailleurs de l’industrie socialiste” et “877 travailleurs de l’agriculture”. Il s’avère qu’au dernier congrès du PCUS, la part des représentants de la faucille et du marteau était de 17% des délégués, alors qu’au congrès précédent – 45%. Comme on dit, sentez-vous la différence ?

Il s’agissait d’une excommunication délibérée de la partie ouvrière et paysanne du parti pour résoudre les problèmes globaux de changement de la base économique de la société soviétique. Le renégat Gorbatchev et ses associés avaient peur des travailleurs communistes.

Afin de susciter le ressentiment des travailleurs à l’égard du régime soviétique, Gorbatchev est même allé jusqu’à créer des pénuries artificielles d’un certain nombre de produits dans le pays. Est-il concevable que, suite à la “négligence” de quelqu’un, toutes les usines de détergents domestiques aient été mises simultanément en maintenance pendant plusieurs mois ? En conséquence, la demande de lessive en poudre est montée en flèche dans tout le pays, suivie par celle de savon. Il est plus exact de supposer qu’il s’agissait d’une subversion politique des classes supérieures. D’ailleurs, cela s’est vite répété : toutes les manufactures de tabac se sont arrêtées pour réparation. La colère n’a pas explosé dans les cuisines des ménagères, mais chez les ouvriers des ateliers, des mines et des chantiers. Rappelons le sabotage de la centrale nucléaire de Tchernobyl, qui devait démontrer l’incapacité des autorités à assurer la sécurité des installations nucléaires. Et quel homme d’État sensé proposerait une lutte contre l’alcool dans un contexte de déficit budgétaire fortement aggravé par la chute sans précédent des prix du pétrole – l’une des principales sources de devises de l’État ? Et quels motifs sociaux et politiques ont pu pousser à la vente de vodka sur coupons ? À la même époque, Alexandre Nevzorov a montré des reportages en direct sur la destruction de saucisses et l’enfouissement de viande dans l’émission de télévision populaire de l’époque “600 secondes”, mettant en œuvre le slogan “Plus de Glasnost”. Les faits de création artificielle de pénurie par les partisans du pouvoir de Gorbatchev et les “démocrates” qui se sont précipités au pouvoir ces dernières années ont été documentés par M. Poltoranin, G. Popov et un certain nombre d’autres personnalités de l’ère Gorbatchev.

La protestation des travailleurs

Fin mai 1989, le premier congrès des députés du peuple de l’URSS s’ouvre. Les députés du peuple y rapportent la douleur de leurs électeurs. Voici ce qu’a déclaré le contremaître de la mine “Raspadskaya” de Mezhdurechensk (région de Kemerovo), le député du PCUS V.M. Gvozdev : “Aujourd’hui, le niveau de vie, surtout des mineurs du Kouzbass, diminue beaucoup. Et il est impossible de juger uniquement sur les salaires, car ils ne déterminent pas entièrement le niveau de vie. Avec leur argent durement gagné, les mineurs ne peuvent pas acheter des choses simples : des bottes en feutre, des manteaux, des vêtements chauds, des chaussures qui sont indispensables en Sibérie. Les réfrigérateurs, les machines à laver et les téléviseurs sont en grande pénurie”. Alors que très récemment, en 1982, la consommation de viande et de produits carnés dans le Kouzbass était beaucoup plus élevée que la moyenne nationale. Au début des années 1980, rares étaient les mineurs qui prenaient le savon de ménage qui leur était alloué en tant que mineurs : ils préféraient l’acheter dans les magasins. Dans les garde-manger et les cantines des mineurs, il y avait toujours en vente 2-3 variétés de saucisses, du lard, du jambon, des gâteaux de 3-4 sortes, du lait, du kéfir, du lait caillé. Les vêtements et les articles ménagers pouvaient être achetés librement.

La tension dans la société augmentait. À Donetsk, les mineurs tiennent leur premier congrès, qui décide que les mineurs doivent quitter le PCUS, retirer les organes du parti des entreprises et nationaliser les biens du parti. Le congrès des mineurs pouvait difficilement être appelé une manifestation ouvrière, puisqu’il privait les mineurs du droit de choisir leur propre position politique. Et pourtant, même ici, des voix lucides se sont fait entendre, comme celle de N. N. Sidorkin, secrétaire du comité du parti de Pechenganickel : “Les gens n’anticipent plus tant avec leur esprit qu’avec leur cœur le désastre imminent. L’incrédulité puis l’irritation ne peuvent qu’apparaître lorsque les rayons des magasins sont vides et que les files d’attente pour des produits en pénurie totale sont interminables, le temps et la santé de la nation sont consommés, le chaos économique s’intensifie”. Les cheminots et les métallurgistes qui ont pris la parole n’ont pas soutenu les mineurs dans leur intention d’organiser une grève générale politique, voyant dans leurs revendications les intérêts de ceux qui convoitaient le pouvoir.

Seul, peut-être, le président du Conseil central des syndicats de l’Union, G. I. Yanayev, a fait un diagnostic politique de ce qui se passait : “Camarades, nous avons perdu l’initiative politique. Nous livrons la classe ouvrière à toutes sortes de personnes qui poursuivent des objectifs politiques plus que douteux. Diverses sortes de forces anticommunistes tentent de faire lever le mouvement ouvrier sur leurs plates-formes et s’y engouffrent littéralement”.

Les travailleurs ont été les plus véhéments lorsque le XXVIIIe Congrès du PCUS a discuté de la question de la transition vers une “économie de marché”. Les délégués ouvriers ont compris avec leur instinct de classe qu’il ne s’agissait pas d’améliorer les mécanismes des relations de production socialistes, dont le marché socialiste fait partie. Non, sous l’étiquette du marché, le parti, l’État et le peuple se voyaient imposer le capitalisme. Ce n’est pas une coïncidence si Gorbatchev, Ryzhkov, Abalkin et d’autres étaient fréquemment interrogés : le marché du travail, de la main-d’œuvre, sont-ils envisagés dans l’économie qu’ils proposaient ? Et quand les travailleurs n’entendaient pas de réponse négative, ils comprenaient, ressentaient, sentaient l’odeur de la contre-révolution. En outre, les nouvelles coopératives spéculatives donnaient l’occasion de sentir l’avant-goût de ce marché, de sentir son odeur de pourriture.

Dans leurs discours, les travailleurs d’usine ont dénoncé les plans antisoviétiques de Gorbatchev. Par exemple, le contremaître du combinat Karachay-Cherkesskstroi, A.I. Skorikov, était un fervent partisan du marché, mais pas celui dont la main invisible mettait tout à sa place et résolvait tous les problèmes (en faveur des gros bonnets), mais un marché socialiste contrôlé. Il a exigé de manière prolétarienne : “Si nous parlons d’un marché réglementé, nous devons établir des moyens de régulation économique de l’échange naturel, et non pas faire du profit sur la rareté. En général, nous devons enfin commencer à appliquer des mesures juridiques, économiques et administratives dans la gestion de l’économie nationale”.

Il fut soutenu par le maître ajusteur de l’usine métallurgique de Cherepovets nommée après le 50e anniversaire de l’URSS, Y.V.Arkhipov : “Nous considérons comme politiquement erronées les actions de la direction du parti dans certains domaines ces dernières années. Il s’agit notamment de réformes économiques hâtives, d’une campagne anti-alcool mal conçue au lieu de mesures spécifiques pour l’éducation culturelle et morale, d’erreurs de calcul dans le développement du mouvement coopératif, etc. Le peuple n’acceptera pas un marché qui commence par des prix plus élevés. Cela suscite une proposition : le Parti devrait établir l’ordre dans lequel tous les grands programmes doivent d’abord être discutés en bas, dans les organisations primaires, puis, en tenant compte des propositions des communistes et des collectifs de travailleurs, être examinés par le Comité central et soumis au Soviet suprême. De cette manière, c’est dans les faits et non en paroles, que le pouvoir des masses du parti fonctionnera et la démocratie intra-parti s’affirmera”.

V.A. Gaivoronsky, soudeur électrique chez Azovmash (région de Donetsk), poursuit : “Le moment déterminant est de savoir qui la classe ouvrière va suivre. Le flou qui entoure la plate-forme du PCUS à cet égard est alarmant. Et voici pourquoi. Une situation dans laquelle la classe la plus influente et la plus nombreuse n’aura pas d’avant-garde pour défendre et faire valoir ses intérêts politiques n’est pas normale. Toute déclassification du parti conduira inévitablement les travailleurs à créer leur propre parti. Un parti est un parti parce qu’il ne rassemble pas absolument tout le monde sous sa bannière.”

Les délégués ouvriers se sont fermement opposés à la scission du parti imposée par les opportunistes. “Notre délégation venait ici au congrès avec le plus grand espoir”, a déclaré I. N. Isachenko, conducteur du port commercial maritime de Klaipeda, “de préserver l’intégrité de notre parti communiste… Notre parti communiste s’est scindé en deux dans la république, mais il n’a pas accru son influence, c’est-à-dire que nous avons perdu notre autorité, pour ainsi dire, au sein du peuple”. Nous avons perdu aux élections, cela s’est vu de manière flagrante. Si nous étions restés le parti monolithique et avions sauvé notre unité, nous n’aurions pas perdu les élections de la république et n’aurions pas ce triste résultat que nous avons maintenant”.

L’électricien de Bratskgorstroi G.A. Pershin est revenu sur le problème du marché imposé d’en haut : “Pourquoi la question de la transition vers l’économie de marché n’est-elle pas discutée largement et publiquement ? De nombreuses personnes ne savent tout simplement pas ce qui se cache derrière l’économie de marché, et le programme du gouvernement est présenté comme le seul acceptable pour aujourd’hui. Mais les gens doivent pouvoir choisir ce qui leur convient le mieux. Et pour cela, ils ont besoin d’une alternative. Le discours du camarade Ryzhkov à la télévision centrale sur la transition vers une économie de marché n’a pas été moins une surprise pour le pays que l’atterrissage de Rust sur la Place Rouge dans la capitale… il a été immédiatement suivi d’un raid dévastateur sur les comptoirs des magasins déjà vides”.

I. M. Boltovsky, chauffeur de l’association de production “Mosavtolegtrans”, a exprimé une position claire des travailleurs communistes : “Personne ne conteste que le marché doit être régulé. La question est de savoir qui va le réguler : soit les travailleurs, soit les propriétaires privés… Il faut donc préciser qui va réguler le marché. Nous devons écrire que le marché sera régulé par des collectifs de travail. Et le pouvoir économique dans les collectifs de travail est basé sur la propriété publique. Nous devons donc indiquer le principe de la suprématie de la propriété sociale et le principe de l’autogestion des collectifs de travail. Alors ce sera un document socialiste”.

Sh. Mukhamediev, mécanicien au département de construction de maisons de Termez (RSS d’Ouzbékistan), a déclaré : “Camarades, je suis un guerrier-internationaliste. Ils tentent sans cesse de nous imposer l’idée de dépolitiser les institutions de l’État, y compris l’armée et la marine. Où nous pousse la nouvelle démocratie entre guillemets ? Que nous incitent-ils à faire ? A-t-on déjà vu une armée dépolitisée, sans parler des services de sécurité et d’ordre public, qui remplissent certaines fonctions dans un État ? En effet, l’État est un ordre social, il est politique. A notre avis, la formulation même de cette question vise à saper notre système”.

Le brigadier de la cimenterie de Semipalatinsk, V.S. Belousov, a fait la seule conclusion possible : “Il devrait être écrit dans nos documents que le Parti revient aux positions de classe et procédera à partir des intérêts de la classe ouvrière, de tous les travailleurs. N’est-il pas clair qu’aucune couche de la société ne peut être heureuse et prospère sans tenir compte des intérêts de l’ouvrier ou au détriment de ses intérêts. C’est d’un point de vue de classe qu’il nous est plus facile d’évaluer ce qui se passe dans le pays, les phénomènes et processus déroutants. Je ne suis pas d’accord avec le camarade Yakovlev A.N. pour dire qu’aujourd’hui l’approche de classe dans l’évaluation des phénomènes doit être remplacée par des valeurs universelles. Une classe d’ouvriers, une classe de paysans, l’intelligentsia, mais maintenant nous avons aussi une classe de millionnaires clandestins. Mais je ne veux pas être dans la même classe qu’eux. La scission du Parti ne vient pas d’en bas, pas de nous, les communistes ordinaires, mais d’en haut, du centre. Et il est également nécessaire que le Parti lui-même se tienne fermement sur les positions de la doctrine léniniste, sans permettre une révision du marxisme-léninisme.”

Malheureusement, après s’être lancée dans la relance du capitalisme, la direction du Parti n’a pas écouté la voix des travailleurs.

Les positions des délégués des travailleurs qui se sont exprimés au XXVIIIe Congrès reflétaient la vision politique de leur classe. L’attitude des travailleurs communistes, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du congrès et après, envers la direction de Gorbatchev du PCUS était clairement négative. La classe ouvrière a rejeté le changement de cap proposé. Mais elle est restée sans son parti. Le PCUS dirigé par Gorbatchev a rejeté la classe ouvrière. Leurs routes ont divergé. Même la Pravda, éditée par l’ardent gorbatchévien I. Frolov, a été obligée d’écrire à ce sujet. Par exemple, le 15 août 1990, le journal a publié un article de l’ouvrier de Kiev V. Gritsenko, dans lequel il écrivait : “C’est une honte et une insulte pour la direction du PCUS, qui nous appelle, nous communistes ordinaires, aux relations de marché, mais pour dire les choses crûment – à la sortie du socialisme. Tous les discours des journaux sont maintenant remplis d’appels hystériques à la liberté d’entreprise et de commerce. En y réfléchissant, il s’agit ni plus ni moins d’un rejet de notre idéologie communiste”.

Le GKChP : qui soutenir ?

Comme nous pouvons le constater, la direction du Parti communiste de l’Union soviétique a durement repoussé la classe ouvrière, en le faisant au nom du parti.

Mais la question se pose : le prolétariat ne s’est pas déclaré le 19 août 1991, lorsque le GKChPK est apparu, lorsqu’il avait la possibilité de changer la situation, de sauver le Parti et l’État soviétique ? Effectivement, la majorité de la classe ouvrière n’a pas caché sa satisfaction quant aux déclarations publiées par le Comité d’État sur l’état d’urgence.

Rappelons les événements de cette époque. D’abord, toutes ces déclarations n’étaient que des mots. Il n’y a pas eu de mesures décisives permettant à la classe ouvrière, au peuple soviétique travailleur de croire que c’était sérieux. La population ne croyait pas que ce groupe de personnes était déterminé à prendre des mesures décisives. De plus, les Gekachepistes ont assuré que Gorbatchev reviendrait. Alors, sur quelles bases la classe ouvrière devait-elle apporter son soutien ?

Deuxièmement, quels étaient ces gens qu’il aurait fallu soutenir ? G.I. Yanayev était connu dans le pays non pas parce qu’il était un homme correct et honnête, mais parce qu’il avait été placé en force par Gorbatchev pour devenir vice-président. Dans l’esprit populaire, il était un Gorbatcheviste incontestable.

Et à quel point V.S. Pavlov était-il meilleur dans la perception populaire, même si nous oublions la réforme monétaire ornée de son nom ? Pour nous tous, il était l’homme qui avait accepté la liquidation du gouvernement soviétique et qui dirigeait une sorte de Cabinet des ministres créé à la place du Conseil des ministres de l’URSS sous la direction du président. Pouvait-il être perçu comme un adversaire de Gorbatchev ?

Il en va de même pour A.I. Lukyanov, qui a toujours été présenté comme un ami personnel de Gorbatchev depuis l’époque où il était étudiant. En fait, nous n’avons appris qu’en 1992 que c’est un autre Lukyanov qui était son ami. Et le comportement du président du Soviet suprême de l’URSS dans les jours d’août, lorsqu’il était nécessaire d’affronter la contre-révolution, ne s’est pas distingué par son esprit de décision. Pour le peuple soviétique, il était un membre de l’équipe de Gorbatchev.

D.T. Yazov n’est pas non plus devenu un héros national, faisant entrer des chars dans la capitale on ne sait pourquoi.

V.A. Kryuchkov ? Ou ceux qui se sont rendus à Foros pour rendre hommage à Gorbatchev ? Ils faisaient eux-mêmes mine d’être des oisillons du même nid que “l’homme à la tache”.

Alors quel était l’intérêt pour la classe ouvrière de les défendre ? La question est rhétorique et la réponse est évidente.

La classe ouvrière se sent-elle coupable ?

Absolument. Cependant, il ne s’agit pas de trouver des excuses. Mais le plus triste est de se rendre compte de la culpabilité de chacun d’entre nous, de ceux qui sont restés de fervents communistes, qui n’avaient pas brûlé publiquement leur carte de membre du parti, qui ne se sont pas précipités pour courir au Kremlin quasiment à genoux….

Mais peu importe : on ne refera pas l’hitoire. Mais il ne faut pas non plus oublier le passé. Il faut tirer les leçons du passé. Le parti communiste doit être le parti de la classe ouvrière. Et il doit être rendu tel par la classe ouvrière elle-même. Elle n’a pas d’autre choix.

Faisant le bilan de l’Appel de Lénine aux ouvriers d’usine au RCP(b), Staline déclara fièrement que le parti bolchevique était devenu l’organe élu de la classe ouvrière. Sous Khrouchtchev, Brejnev, Andropov, Tchernenko et Gorbatchev, il a cessé de l’être. Les vannes ont été ouvertes et le Parti s’est progressivement dégénéré, rempli de carriéristes, d’opportunistes et même de traîtres au pouvoir soviétique. Les tentatives des travailleurs pour le sauver ont échoué. C’était trop tard ! C’est ainsi que la contre-révolution bourgeoise s’est produite.

Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Le peuple de Russie se rend progressivement compte qu’il n’y a pas d’alternative au socialisme, que seul le socialisme donne à l’ouvrier la possibilité de se réaliser en pleine démocratie, de vivre pleinement dans le respect de son travail et dans la prospérité. De nombreux sondages d’opinion en témoignent ces jours-ci. La tâche des communistes d’aujourd’hui est de soutenir les travailleurs dans leurs besoins urgents en dirigeant le mouvement pour la renaissance de la Russie socialiste, et de vaincre.

Ivan Nikitchuk,

Président du Conseil central de la Société des Chercheurs d’Orientation Socialiste (RUSO).

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