Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Un succès éclatant : la nationalisation du gaz et de l’électricité – Intervention du communiste Pierre Girardot à l’Assemblée Constituante, 22 mars 1946

Le débat sur la nationalisation de l’électricité et du gaz en 1946. Frank Marsal nous apporte chaque jour le véritable débat qui devient de plus en plus central en France, à savoir comment sans le moins du monde avoir besoin de la guerre, les divers gouvernements ont bradé nos fleurons industriels et l’indépendance française. Au-delà de la sinistre comédie que certains histrions nous jouent depuis trente ans pour faire ignorer ce que le peuple français, la résistance avec son parti communiste avaient réussi à créer et qui a été bradé. Les pitres qui continuent à occuper les plateaux de télévision autour des dernières expéditions de l’OTAN ne peuvent plus masquer la réalité du débat: jusqu’à quand allons-nous jouer à l’atlantisme pour satisfaire nos oligarques locaux et brader ce que notre peuple a conquis. Merci Franck Marsal, oui nous devons imposer dans les débats du congrès d’autres choix, d’autres alliances, un autre projet, le socialisme. ( note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Pour jeter un premier pont entre cette période cruciale de 1935 à 1950, durant laquelle la France a traversé une crise profonde, existentielle, s’en est relevée et en est sortie largement modernisée et la période que nous vivons, je vous propose de nous pencher sur la discussion à l’Assemblée Nationale (Assemblée constituante) en mars 1946 qui aboutit à la loi de nationalisation de l’électricité et du gaz. Les députés, durant la discussion générale du texte (avant la discussion des amendements) ont fait trois interventions, dont la première (ci-dessous) est celle de Pierre Girardot, député communiste des Alpes de Haute Provence (à l’époque Basses Alpes) de 1945 à 1951, puis de 1956 à 1958 et enfin de 1978 à 1981.

Pierre Girardot est ouvrier agricole. Responsable du rayon communiste de la Durance dès 1934, il est très actif pendant la campagne du Front Populaire. Arrêté en 1940, évadé en 1942, il sera un des dirigeants locaux des Francs-Tireurs et Partisans.

Le principe de la nationalisation du secteur de l’électricité a été adopté par Conseil National de la Résistance. A la libération, la mémoire de la collaboration par les trusts et les industriels, celle de la crise des années 30 sont très fortes. Il est difficile de s’opposer frontalement à cette proposition, massivement soutenue par les ouvriers de l’électricité et par le peuple dans son ensemble. L’opposition se manifestera sous trois formes principales :

1) différer l’opération

2) réduire son champ et sa portée, en maintenant autant que possible des mécanismes de marché (remplacement de la nationalisation par une sorte de tutelle ou de réquisition, maintien de productions autonomes à l’extérieur, tant sous la forme de petite production que pour les productions qui sont partiellement ou totalement adossées à des consommations : barrages détenus par la SNCF ou par les trusts Ugine et Pechiney, usines thermiques des houillères),

3) Obtenir l’indemnisation la plus généreuse possible des grands industriels (en prenant prétexte de protéger les petits épargnants).

Le deuxième axe sera le cœur de la stratégie employée dans les années 1990 et 2000 pour défaire le service public national de l’électricité. Cela confirme (s’il en était besoin) que les députés communistes avaient amplement raison de combattre ces coups de canifs dans la nationalisation. La SHEM (Société Hydroélectrique du Midi) qui détenait les barrages de la SNCF sera vendue en 2003 à Suez, qui rachètera ensuite GdF (avec l’aide de Nicolas Sarkozy et de la Caisse des Dépôts) pour former le « concurrent » d’EdF.

Comme l’explique Pierre Girardot, la nationalisation de l’électricité et du gaz fait l’objet d’un compromis entre les grands partis de l’époque : PCF, SFIO et MRP. Il ne s’agit pas d’édifier des « déjà-là » du communisme, mais de porter une avancée sociale majeure et de répondre aux besoins du pays. « Nous avons fait ces sacrifices pour ne pas permettre que soit différée plus longtemps cette grande réforme tant attendue, persuadés que le bon sens et les nécessités de la vie corrigeront, en marchant, les imperfections du projet qui sera voté. » nous dit Pierre Girardot.

L’argumentation portée par les députés et par le ministre communiste va donc dans le sens de convaincre l’assemblée de maintenir et d’améliorer ce compromis. Il s’agit d’obtenir le périmètre le plus large, le mieux consolidé, l’unité du service public et de sortir l’ensemble de ce secteur des griffes du capital. Le texte sera notamment complété plus tard par le statut des électriciens et gaziers, un autre texte très important de cette période.

En choisissant la nationalisation la plus totale, les communistes ont imposé de sortir la fourniture de gaz et surtout d’électricité du sacro-saint « marché ». Le prix de l’électricité n’est plus établi par les lois du marché et de la concurrence. Les décisions d’investissements ne sont pas prises en fonction des critères de rentabilité du capital investi. On continue à vendre et acheter, mais ce n’est plus un marché capitaliste, c’est une relation d’échange administrative.

Dans son intervention très détaillée et très argumentée, Pierre Girardot montre que les critères de marché ont abouti à placer la France des années 30 et 40 en situation de sous-production, de sous-exploitation de ses ressources notamment hydro-électriques. Sous-produire, ne pas exploiter une partie des ressources, c’est faire monter les prix artificiellement et garantir une meilleure rentabilité.

La voie intermédiaire, appelé à l’époque la voie de la réquisition, considérait que la production devait toujours être au moins en partie gérée par le capitalisme. Que l’état ne devait pas se substituer au capital, mais simplement le contraindre, le réquisitionner, on dirait aujourd’hui le réguler. Les plus audacieux de cette voie intermédiaire appelait à constituer une partie de la production par les moyens de l’état aux côtés d’une production qui resterait aux mains des capitalistes.

Nous ne sommes pas très loin aujourd’hui de cette « voie intermédiaire », l’obstacle étant que les électriciens et gaziers, grâce à leur travail, leur sérieux, leur inventivité et leur sens du service public, ont placé la barre très haut. Les capitalistes privés, malgré les aides énormes déversées par l’état, ne parviennent pas à développer significativement de nouveaux moyens de production. C’est pourquoi l’état (et l’UE, main dans la main) ont imposé la possibilité pour les capitalistes de racheter à bas prix une partie de l’électricité d’EdF, le fameux ARENH. C’est pourquoi la quasi-quasi-totalité des sociétés qu’on appelle « fournisseurs alternatifs d’élecricité » ne sont pas des producteurs, mais des revendeurs (des traders, comme l’a dit Henri Proglio, devant la commission Souveraineté Energétique).

A l’inverse, en sortant le secteur de l’électricité des griffes du marché et du capital, Electricité de France a doté le pays de moyens répondant massivement et à bas prix aux besoins tant des ménages que des industries. Elle fut, comme les communistes l’avaient prédit et souhaité, le levier irremplaçable du développement et de la modernisation. Maurice Thorez, Marcel Paul et l’ensemble des communistes de 1946 ont fait faire à la France un bond de géant en matière d’énergie et de développement. Partant d’une industrie sous-développée et morcelée, contrôlée dans leur seul intérêt par quelques trusts, ils ont établi les conditions d’un immense progrès économique, technique et social.

En nationalisant non pas quelques entreprises, mais l’intégralité d’un secteur et en l’organisant en vue du bien public et de l’intérêt national, ils ont sorti cette branche de l’économie des mécanismes du marché capitaliste. C’est pour cela que cette nationalisation (la SNCF, nationalisée en 1938, sera également réorganisée de la sorte à la libération) diffère radicalement de toute autre nationalisation. Avec la nationalisation intégrale, ni le marché capitaliste, ni le prix de marché n’existent plus. Le prix d’achat de l’électricité devient un outil de gestion administrative et comptable. Il peut baisser en dessous de la norme qui serait établie par l’exigence de rentabilité du capital privé. De même, le statut des électriciens et gaziers fait sortir partiellement ces travailleurs du marché du travail. Leur relation avec leur employeur n’est plus simplement la « vente de leur force de travail » et dans l’EdF telle que la veut et la met en place Marcel Paul, ces salariés par l’intermédiaire de leur organisation syndicale ont toute leur place à la direction de l’entreprise.

Les communistes d’aujourd’hui doivent monter sur les épaules de ces géants. Depuis bientôt 80 ans, l’économie a continué à se développer, les relations sociales, économiques et techniques forment un tissu plus serré que jamais. Pour répondre aux enjeux du nouveau cycle de crise et de changements qui atteint aujourd’hui le monde, il ne faut pas se situer en-deçà de Marcel Paul, mais bien au-delà. Il ne faut pas moins de socialisation, mais davantage. Ce fut le grand défaut des nationalisations menées en 1981, et dont quasiment plus personne ne se souvient : elles se limitaient à faire exister des entreprises publiques au sein du marché capitaliste. Ces entreprises étaient donc contraintes dans leur politique par les critères de rentabilité des marchés (tant du point de vue de l’écoulement des marchandises, que du financement ou de l’acquisition des matières premières).

Nous devons avoir la même audace. C’est à dire voir plus loin encore que ces visionnaires ne l’avait fait à leur époque.

Oui, nous devons à nouveau sortir la production et la distribution de l’électricité des griffes du marché. Non pas créer un « pôle public », qui devrait donc coexister avec un « pôle privé ». Non pas accepter la voie intermédiaire de la « régulation du capital par l’état ».

Non, nous devons revenir au schéma simple et efficace de 1946 : un service public national, unifié, porté par ses salariés et leur sens de l’intérêt national, ayant donc pour seul et unique objectif de produire une électricité bon marché et abondante. Ce schéma, nous devons aussi envisager comment l’élargir et l’approfondir : l’élargir en l’appliquant à tous les secteurs dans lesquels les trusts dominent aujourd’hui : logement, mobilité, communications, … et l’approfondir en attaquant les deux grands marchés qui instituent et fondent le capitalisme : le marché du travail et le marché du capital.

Intervention de Pierre Girardot :

Le projet qui est actuellement en discussion devant l’Assemblée répond à la volonté des patriotes français qui ont lutté pour la libération de la patrie et affirmé, dans le programme du conseil National de la Résistance, la nécessité du retour à la nation des grandes industries-clés.

L’électricité et le gaz, sources complémentaires d’énergie, sont, sans contestation possible, des industries-clés dont le développement conditionne toute l’économie de la nation. L’expérience des années passées a démontré le danger de laisser entre les mains d’intérêts privés un secteur aussi important de la vie nationale»

Le peuple français, dans son immense majorité , sait que, seule , la nation sera capable d e mobiliser les richesse s naturel les que sont l’eau et la houille pour des buts d’intérêt général, en équipant lepays en considération de ses besoins .

L’Assemblée consultative provisoire , dans sa séance du 3 août 1945, a adopté une proposition de résolution contenant un projet établi par le conseil National de la Résistance avec la collaboration de la fédération nationale des travailleurs de l’éclairage au sein d e l a C. G. T.; de la confédération française des travailleurs chrétiens, de l’union des techniciens et ingénieurs français et de dirigeants de la fédération nationale des collectivités concédantes et régies. Le congrès des maires de France, réuni à l’hôtel de ville de Paris le 15 novembre, a approuvé, à l’unanimité, ce projet dans les termes suivants:

« Le Congrès national rappelle la résolution adoptée par l’Assemblée consultative le 3 août 1945 , tendant à ce qu’il soit procédé à la mobilisation et à la nationalisation industrialisée de la production, du transport et de la distribution de l’électricité et du gaz, dans le respect des droits et intérêts légitimes des épargnants et de ceux des collectivités locales.

« Demande que cette résolution soit mise en application dans le plus bref délai, par l’intervention d’un texte législatif approprié. »

Répondant à l’appel des maires, le Gouvernement déposa, le 18 janvier, un projet de loi conforme aux intérêts généraux et locaux que, seuls, des intérêts particuliers inavouables pouvaient, sous le couvert d’arguments tendancieux, combattre comme ils le firent. Ce projet du Gouvernement était le fruit de longues discussions, au sein du ministère, entre les ministres appartenant aux trois grands partis de la majorité, qui se mirent d’accord sur un texte bien étudié.

La crise ministérielle retarda la discussion du projet, qui ne vint devant la Commission de l’Equipement National que lorsque le nouveau gouvernement eut affirmé son accord complet et unanime. La commission étudia le projet, mais de graves divergences apparurent entre les représentants des différents partis et lorsque, après quinze jours de discussion, le rapporteur présenta son rapport, celui-ci fut repoussé.

La nationalisation de l’électricité semblait compromise ou renvoyée à des temps meilleurs. Mais, de toutes parts, les travailleurs de l’éclairage ainsi que toutes les organisations syndicales ouvrières et le bureau confédéral de la C. G. T. manifestèrent leur volonté de voir aboutir sans tarder cette grande réforme démocratique qui aidera puissamment au relèvement de la France.

Le président Félix Gouin prit l’initiative d’une conférence réunissant les représentants des trois grands partis aux côtés du ministre de la production industrielle, du ministre des travaux publics et des transports, du ministre de l’économie nationale et des finances et du président et du rapporteur de la commission de l’équipement national.

Ces conversations aboutirent à un accord et M. le rapporteur, confirmé dans son mandat par la commission, présenta un texte qui fut adopté à la majorité. Ce texte donne-t-il satisfaction à tout le monde? Evidemment non. Pour sa part, le parti communiste déclare avoir fait un certain nombre de concessions importantes, et nous tenons à expliquer ce que nous aurions voulu que fût la nationalisation de l’électricité et du gaz. Mais nous avons fait ces sacrifices pour ne pas permettre que soit différée plus longtemps cette grande réforme tant attendue, persuadés que le bon sens et les nécessités de la vie corrigeront, en marchant, les imperfections du projet qui sera voté.

Les sources de la production de l’énergie électrique et du gaz: l’eau de nos fleuves, de nos rivières, de nos torrents, de même que le charbon de notre sous-sol, sont des richesses naturelles qui appartiennent à la nation et non pas seulement à quelques grands financiers. La plupart des grands ouvrages ont été construits à l’aide de subventions de l’Etat et des collectivités locales et il est profondément immoral de voir exploiter, pour le seul bénéfice d’une poignée d’individus, ce qui appartient à tous les citoyens.

La récente crise et les restrictions qui en ont été la conséquence nous ont montré quelle place l’électricité avait prise dans notre existence. En 1938, la production de la France était de l’ordre de 20 milliards de kilowatts-heure, dont 60 p. 100 d’origine hydraulique et 40 p. 100 d’origine thermique. Nous importions, avant guerre, de 20 à 25 millions de tonnes de charbon. Que penser des hommes qui, ayant présidé pendant de si longues années aux destinées de l’industrie électrique française, ont laissé notre pays, si abondamment pourvu en ressources hydrauliques, tributaire d’importations de charbon de l’étranger?

Un grand fleuve comme le Rhône, dont les possibilités sont évaluées à 8 milliards de kilowatts-heure annuels , est , jusqu’ à présent , entièrement inutilisé . Le premier barrage , Genissiat, dont la production sera de 1 milliard 500 millions de kilowatts-heure ne sera achevé qu’en 1941. Les ressources énormes des rivières et des torrents des Alpes sont peu utilisées. C’est un paradoxe de voir les trains de l’ancien réseau de Paris à Lyon et à la Méditerranée, qui desservent la région du Rhône et des Alpes, si prodigieusement riche en houille blanche, brûler du charbon dans leurs locomotives. Les hommes des trusts ont préféré équiper d’abord les rivières du centre de la France, parce que cela revenait moins cher et rapportait plus rapidement.

Interruption de M. Joseph Laniel : Il fallait bien commencer par ce qui semblait le plus urgent et qui était le plus rentable.

Interruption de M. Maurice Krîegel-Valrimont : Vous vous sentez visé dès que l’on parle des trusts.

M. Joseph Laniel : Un peu de bon sens, messieurs !

M. Pierre Girardot: Ils ne se sont pas souciés d’un juste équilibre entre les équipements des rivières du centre, plus sensibles au régime des pluies, et les équipements dans les Alpes, plus onéreux, mais bénéficiant des réserves des glaciers et des neiges éternelles. La conséquence de cette politique de profits à courte vue, nous l’avons subie avec la sécheresse de l’automne dernier qui aurait pu être “catastrophique et causer l’arrêt des chemins de fer électrifiés, si le ministre de la production industrielle (ndlr : le communiste Marcel Paul) n’avait mobilisé l’ensemble de nos ressources d’énergie sur le plan national.

On est bien obligé de constater qu’en France, les trusts ont pratiqué une politique de freinage, de malthusianisme économique, une politique d’investissements rentables, sans se préoccuper des intérêts généraux de la nation. De puissantes sociétés se sont rendues propriétaires des droits sur certains cours d’eau, même avant que la concession n’en ait été envisagée ou signée, afin d’éviter une concurrence ou d’imposer, le cas échéant, des clauses favorables. Bien entendu, comme Péchiney dans la vallée de l’Arve, ce sont les chutes les plus faciles à installer qui ont été l’objet de cette main-mise.

M. Joseph Laniel : Fallait-il commencer par les plus difficiles ?

M. Pierre Girardot : Les centrales thermiques ne sont pas toutes dans les bassins miniers ou les bassins métallurgiques afin de récupérer le gaz des cokeries ou des hauts-fourneaux. Beaucoup sont loin des bassins miniers et des usines et brûlent uniquement ce charbon dont nous sommes si pauvres et qu’au surplus il faut transporter à de longues distances. L’importance des installations thermiques par rapport aux installations hydrauliques, dans un pays comme le nôtre pauvre en charbon et riche en houille blanche, démontre qu’on n’a pas suivi une politique nationale. Les hommes des trusts ont décidé depuis longtemps : le moins possible de centrales hydrauliques et le plus possible de centrales thermiques. En effet, la centrale thermique exige moins de dépenses de premier établissement que la centrale hydraulique, mais elle exige plus de machines et elle consomme régulièrement du combustible, tandis que la centrale hydraulique n’a à supporter que des frais d’entretien avec un personnel réduit .

Les magnats des houillères, les grands producteurs de machines et matériels électriques dominent l’industrie de production et de distribution de l’électricité où ils sont associés à ceux des banques d’affaires et des assurances. Ils sont donc leurs propres clients. Comme producteurs d’électricité ils achètent du matériel qu’ils fabriquent comme industriels et cumulent ainsi les profits en produisant de l’énergie chère avec du charbon cher. (ndlr : les grandes autoroutes françaises ont été concédées il y a quelques années à des trusts du BTP selon la même logique)

Les comptes rendus de certaines grandes réunions économiques d’avant guerre contiennent des aveux cyniques. C’est ainsi qu’une personnalité bien connue dans les milieux de l’électricité déclarait, à la troisième conférence mondiale de l’énergie électrique, réunie à Washington au mois de septembre 1936:

« Pour l’alimentation même du territoire, l’énergie hydraulique, compte tenu des frais de transport, n’arrivera que difficilement dans les grands centres de consommation, à des prix de revient inférieurs à ceux qu’on obtient aujourd’hui dans les grandes usines thermiques modernes. Il en résulte, d’une part, qu’une grande prudence est nécessaire dans les nouveaux aménagements, pour lesquels les prix de revient doivent être pris en très sérieuses considérations.

« Il en résulte, d’autre part, que, du moins au point de vue du prix de revient, on ne peut pas dire que partout, en tout temps et en tout lieu, l’énergie hydraulique soit plus avantageuse d’emploi que l’énergie thermique. C’est de ces trois considérations que l’on doit tenir compte dans les directives économiques présidant à l’aménagement des chutes d’eau en France. »

A la même conférence, une autre personnalité, encore plus importante, déclarait:

« L’avantage présenté par les chutes d’eau, en ce qui concerne l’économie des ressources en charbon mises par la nature à la disposition de l’homme, est à peu près théorique et n’a guère qu’une importance pratique bien hypothétique. Comme corollaire, il est permis d’en déduire que, dans le choix des équipements à réaliser, il n’ y a guère lieu de tenir compte de cet avantage théorique. Il faut, en première ligne, comparer les prix de revient de l’énergie rendue aux lieux de consommation, suivant qu’elle est produite par des usines thermiques ou par des usines hydroélectriques, sans accorder à ces dernière s un coefficient de préférence a priori. »

Et la même personnalité poursuivait: « Ces quelques remarques montrent, de toute évidence, que, pour chaque pays, il doit exister un rapport harmonieux à déterminer entre l’ampleur des équipements de l’une et l’autre espèce, mais que le développement exclusif ou seulement excessif des équipements hydroélectriques, risque d’entraîner de très graves déséquilibres économiques et sociaux. »

Nous devons bien constater que ces directives ont été appliquées avec zèle en France et que nous n’avons pas connu chez nous un développement excessif des équipements hydroélectriques. Dans le même discours, on relève encore les phrases suivantes :

« A cet égard l’industrie hydroélectrique possède une tendance appréciable à agir dans le sens de l’aggravation des crises économiques.

« L’industrie électrique échappe, dans une certaine mesure, aux lois de l’offre et de la demande parce qu’elle est soustraite à l’action de la libre concurrence. La véritable concurrence entraînerait, en effet, outre de s difficultés matérielles, un tel sur-équipement qu’elle serait rapidement ruineuse pour le public qui en ferait tous les frais, soit comme client, soit comme actionnaire. Cette dernière phrase reconnaît le monopôle de fait qui est aux mains du trust de l’électricité et ose prétendre que les progrès hardis de l’équipement électrique amèneraient la ruine !

Dans les rapports présentés en 1933 par la section « Industrie » du conseil national économique, on retrouve parmi leurs auteurs, les mêmes hommes et les mêmes conceptions. C’est ainsi que je lis:

« La sagesse est de prendre la situation telle qu’elle est et de s’efforcer de l’améliorer. Pour cela, il faut trois choses. Il faut d’abord ne pas l’empirer, c’est-à-dire ne pas ajouter au déséquilibre actuel en créant prématurément de nouveaux moyens de production. C’est pourquoi notre chambre syndicale a demandé qu’avant de concéder ou de laisser entreprendre de nouveaux aménagements, fût-ce par le canal d’entreprises à forme d’économie mixte, l’administration se préoccupât de l’état du marché et des débouchés nouveaux auxquels était destinée l’énergie produite».

Et plus loin :

« L’industriel raisonnable qui aménage la chute pour l’exploiter plus tard à ses risques et périls,mais sans disposer de débouchés au moment de la concession, comprendra que son intérêt est d’attendre, surtout si la même injonction est faite aux entreprises d’économie mixte, plus dangereuses peut-être que les autres, au point de vue qui nous occupe, parce quelles sont moins sensibles aux préoccupations du bon équilibre financier en raison de l’aide que leur a promise le Trésor ».

Ainsi, pour ces personnages, il fallait être prudent, il ne fallait pas entreprendre de nouveaux équipements. Et quel souci de conserver le monopole de prix élevés et de grands profits en perdant peu ! Dans les rapports annuels de la chambre syndicale des forces hydrauliques, on trouve bien des choses intéressantes. Dans le rapport sur l’année 1933, le manque de dynamisme des producteurs hydrauliques ressort de la déclaration suivante :

« Le nombre de concessions demandées au ministère des travaux publics n’a pas excédé 5, contre 12 en 1932, avec une puissance de 30,135 kwh seulement, contre 98.448 l’année précédente ».

La raison majeure invoquée pour justifier ce ralentissement d’activité peut être trouvée dans l’aveu qui suit : « L’élévation du taux de l’intérêt est le frein le plus efficace à l’aménagement des chutes d’eau. Cette élévation provient, d’une part, des appels de l’Etat au crédit, mais surtout de la répugnance qu’éprouve l’épargne, dans toutes les périodes troublées, à s’investir dans des placements de longue durée ». Pour les banquiers, l’industrie électrique n’était plus un placement intéressant. Ils préféraient exporter leurs capitaux.

On a parlé d’une querelle entre les thermiciens et les hydrauliciens. On pourra juger que cette querelle n’a pas été bien vive, à lire cet extrait des mêmes rapports au conseil national économique : « On notera que cette expansion de l’énergie hydraulique a été dirigée de telle sorte qu’elle ne se fasse pas, autant que possible, aux dépens des- houillères. On constatera, d’ailleurs, qu’au total la part revenant au charbon et celle revenant à la houille blanche restent sensiblement constantes. On ne peut donc pas accuser notre industrie de s’être propagée et de chercher à se propager au détriment des houillères françaises » Il est donc facile de se rendre compte que cette querelle — ou cette entente, comme on voudra — n’avait d’autre objet que de retarder l’arrivée du courant d’origine hydraulique dans les régions de l’Ouest et du Nord que les thermiciens considéraient comme leur fief.

Le souci dominant de tous ces personnages est d’éviter un avilissement des prix. Cette attitude suffirait, à elle seule, à expliquer les erreurs dont” nous supportons aujourd’hui les conséquences. Une telle politique n’a tenu aucun compte des nécessité de la défense nationale. Au cours des années qui ont précédé la guerre le réseau de transport de la région de l’Est et les moyens de production d’énergie hydraulique sont restés inférieurs aux besoins signalés par l’autorité militaire. Le programme dit des trois milliards a été trop retardé pour qu’il ait pu avoir un effet important au cours de la guerre de 1939. Il s’agissait d’une intervention directe de l’Etat qui, d’ailleurs, fournit les moyens financiers. Au début de 1940, les besoins des usines d’armements atteignaient un niveau tel que les possibilités des centrales électriques ou du réseau de transport y suffisaient à peine. Si les opérations militaires s’étaient prolongées sur le territoire national, selon un front continu, comme en 1914-1918, il serait apparu avec évidence que l’industrie électrique était intérieure à la mission qu’elle avait prétendu assumer. Nos importations de charbon auraient bien pu cesser brusquement et une grande partie de nos usines d’armement manquer de la force motrice.

Il est vrai qu’en ce temps-là l’esprit de Munich dominait et que les trusts sans patrie se souciaient bien peu de l’intérêt national. Ils ont donné une preuve supplémentaire de leur trahison lorsque, dans notre pays écrasé sous la botte ennemie, ils ont mis au service de l’Allemagne toutes nos ressources. Il n’est pas étonnant que la consommation d’électricité par tête d’habitant soit, e n France , l’une des plus faibles . En 1937 , elle est de 436 kilowatts-heure par tête d’habitant en France, contre 50 9 en Angleterre , 1.26 9 en Suède , 1.64 3 en Suisse , 2.464 au Canada et 2.760 en Norvège. On a dit qu’on pouvait juger le standard de vie d’un peuple à sa consommation d’électricité Il y a une part de vérité dans cette affirmation, si l’on considère les avantages de la cuisine électrique, du chauffage électrique et de tous les conforts que l’électricité apporte. En France, nous avons surtout besoin de produire de l’électricité pour faire tourner nos industries, pour la reconstruction de notre pays, ce qui demande un long et persévérant effort dont l’usage généralisé de l’électricité dans les besoins domestiques sera l’une des récompenses d’ici quelques années.

Si la consommation d’électricité par tête d’habitant, en France, était en retard, cela n’a pas empêché les trusts de l’électricité de réaliser de copieux bénéfices. Les sociétés d’électricité ont drainé , en effet , des centaines de millions, chaque année. La C. P . D . E . a réalisé 691 millions de bénéfices en 10 ans ; elle a distribué 9 millions de tantièmes.

M. Joseph Laniel: Pour quel capital ?

M. Pierre Girardot: Ses bénéfices accumulés, au 31 décembre 1943, se chiffrent à 767 millions.

L’Ouest-Lumière, pour les mêmes périodes de référence, a réalisé 204 millions de bénéfices, distribué 10 millions de tantièmes et ses bénéfices accumulés se chiffrent à 544 millions .

M. Joseph Laniel : Dites nous par rapport à quel capital.

M. Pierre Girardot: Nord-Lumière : 285 millions de bénéfices en dix ans, 19 millions de tantièmes et 858 millions de bénéfices accumulés.

L’Electricité de Paris-: 355 millions de bénéfices en dix ans, 22 millions de tantièmes: 710 millions de bénéfices accumulés;

L’Energie Electrique du littoral méditerranéen: 375 millions de bénéfices en dix ans; 8 millions de tantièmes; 460 millions de bénéfices accumulés.

La Lyonnaise des eaux: 738 millions de bénéfices en dix ans; 28 millions de tantièmes; 2 403 millions de bénéfices accumulés.

Ces six entreprises totalisent un capital de 2 228 millions. Elles ont réalisé 5 742 millions de bénéfices en dix ans,soit une moyenne de 57 4 million s par an , ou 26 p. 100 .

M. Fernand Grenier : Beaucoup de ces bénéfices doivent être , d’ailleurs, distribués en ce moment .

M . Pierre Girardot : Les administrateurs se sont partagé 98 millions , soit 9 millions par an, et si l’on additionne bénéfices et réserves, on arrive au total de 8 495 millions en dix ans, pour un capital de 2 223 millions, soit près de quatre” fois le capital. On comprend mieux, en présence de ces chiffres , la campagne .acharnée qui est menée contre les nationalisations, et l’on s’explique les lettres adressées aux députes par certains « modestes » actionnaires» Mais la cause est désormais entendue, la nationalisation véritable se fera pour le plus grand bien de la France et des Français . L’étendue de la nationalisation a été l’objet de vives et longues discussions à la commission de l’équipement national. Le projet du Gouvernement donnait mission aux ministres de la production industrielle et des finances de laisser en dehors de la nationalisation les entreprises dont l’utilité pour le service public serait jugée accessoire .

Le parti communiste était d’accord avec cette conception, soucieux de mobiliser toutes nos ressources, même les plus modestes, au maximum, dans cette période où le manque d’énergie se fait cruellement sentir et conditionne la reprise de nos principales industries. La majorité de la commission a préféré fixer des chiffres au-dessous desquels les entreprises ne seront pas nationalisées. Ces chiffres sont de 6 millions d e mètres cubes de production annuelle pour le gaz et de 12 millions de kilowatts-heure pour l’électricité. En ce qui concerne le gaz, nous ne croyons pas qu e la nouvelle disposition soit heureuse . Un grand nombre dé petites usines à gaz appartiennent, en fait, à de grosses sociétés et le but louable de préserver les petits industriels n’est pas atteint . Certaines autre s appartiennent à des sociétés petites ou moyennes , ayant une exploitation très dispersée et les frais généraux sont beaucoup plus élevés qu’ils ne le seraient avec un regroupement opéré par les organismes intercommunaux.

Le rendement de ces petites usines à gaz est mauvais. Un ouvrier y distille un tonne de charbon par jour, alors qu’il en traiterait dix tonnes dans une cokerie moderne. Le rendement en gaz est défectueux aussi. C’est un gaspillage de charbon. Nous n’avons pas le droit, dans notre pauvreté actuelle, de négliger même ces installations périmées, mais, en les nationalisant, on pourra envisager, progressivement, de les alimenter par gaz transporté.

Sur ces deux points, toutefois, nous avons décidé de répondre à l’appel à la conciliation qui nous a été adressé par le mouvement républicain populaire et par nos camarades socialistes. Nous avons accepté les dérogations qu’ils nous demandaient. Nous avons, en revanche, combattu énergiquement une proposition qui nous était faite de réaliser la nationalisation par paliers successifs et nous avons eu la satisfaction de voir se rallier à notre point de vue la majorité de la commission. Un grand débat a eu lieu sur le problème posé par les centrales de la Société nationale des chemins de fer français, les centrales thermiques des houillères et les centrales des usines électro-chimiques et électro-métallurgiques, qui appartiennent pour la plupart, au trust Péchiney et Ugine.

L’ensemble de ces centrales électriques produit environ 7 milliards de killowatts-heure par an, soit le tiers de notre production totale. C’est dire que le problème est d’importance. Cette production se décompte comme suit :

  • Société nationale des chemins de fer français: 1 milliard de kilowatts-heure par an. Déversement sur le réseau général: 1OO millions de kilowatts-heure ;
  • Centrales des houillères: 2 milliards 500 millions de kilowatts-heure. Déversement sur le réseau général: 1 milliard de kilowatts-heure ;
  • Alais Froges et Camargue, 1.600 millions de kilowatts-heure. Déversement sur le reseau général 300 millions de kilowatts- heures :
  • Ugine : 1 milliard de kilowatts-heure. Déversement sur le réseau général: 180 millions de kilowatts-heure;
  • Electro-chimie diverse: 800 millions de kilowatts-heure. Déversement SUT le réseau générai: 140 millions de kilowatts-heure.
  • Sidérurgie : 640 millions de kilowattsheure. Pompage sur le réseau général: 340 millions de kilowatts-heure.

Les réservoirs hydrauliques appartenant à ces industries ont une capacité de 450 millions de kilowatts-heure, soit 45 p. 100 des réserves totales. Aucun argument technique sérieux ne peut être retenu pour laisser ces installations en dehors du mécanisme général de l’électricité. La plupart de ces centrales sont reliées au réseau général et les usines dont elles sont la propriété consomment du courant de ce réseau général. Les trains électrifiés se seraient arrêtés pendant la dernière crise, lorsque les barrages de la S. N. C. F., qui se trouvent presque tous dans les Pyrénées, étaient à sec. Mais ils ont continué à rouler grâce au courant produit dans les Alpes, qui jusque là, n’avaient jamais eu cette destination. De nombreuses centrales de l’électro-chimie et de l’électro-métallurgie sont éloignées des usines de fabrication et la moitié de la consommation de ces usines emprunte un réseau concédé pour aller de la centrale à l’usine de fabrication.

Le parti communiste pense que le rôle des cheminots est de transporter des marchandises et des voyageurs, et que celui des électriciens est de produire du courant électrique. A chacun son métier. Dans le domaine de l’électricité, il faut, à notre avis, une direction unique, qui mobilise toutes nos ressources dans un but unique: produire davantage de courant. Certains ont prétendu qu’il n’était pas à l’échelle humaine de réaliser une pareille direction. Ils n’ont qu’à examiner le système actuel depuis la réquisition, qui comporte une direction unique. Mais cette direction unique, sans la nationalisation, se heurte aux gens qui sont maîtres chez eux et dont le but est non pas de produire davantage de courant mais seulement de produire du courant pour leurs besoins et de” déverser le surplus sur le réseau général s’ils ont ce surplus. Nous sommes trop pauvres pour nous permettre de laisser les producteurs d’électricité agir de cette façon. Nous avons fait cependant des concessions importantes dans ce domaine.

L’accord réalisé laissera à la S. N. C. F. et aux houillères leurs centrales respectives , mais elles seront gérées par un comité mixte sous l’autorité du service national compétent. Quant aux centrales appartenant aux trusts Pechiney, Ugine et similaires, elles sont nationalisées; le texte ne laisse aucun moyen de tourner la question. A leur égard, la nationalisation ne fait qu’anticiper puisque ces centrales auraient fait retour à l’Etat à partir de 1994 en vertu des clauses des concessions .

Ainsi l’Assemblée va avoir à se prononcer sur un texte qui est le résultat d’un long travail où rien n’est resté dans l’ombre. Une fois la loi votée, il faudra l’appliquer rapidement dans tous les domaines et briser la résistance des hommes des trusts si leur malfaisance se manifeste.

Le Gouvernement peut compter sur les ouvriers et les techniciens de l’éclairage, sur les municipalités et leurs maires, enfin sur tous les Français qui ne ménageront pas leurs efforts pour que la nationalisation de l’électricité et du gaz soit un succès éclatant et aide la réalisation des autres nationalisations indispensables pour assurer le redressement économique et l’indépendance de la France.


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2 Commentaires

  • Michel BEYER
    Michel BEYER

    Je suis en colère. Je suis un ancien agent EDF (distribution). L’écoute des anciens présidents d’EDF/GDF devant la commission parlementaire est révélatrice du sabotage organisé contre nos 2 entreprises. La commission européenne a servi d’outil pour mettre en place ce sabotage.
    Tous ces personnages de l’Etat qui nous ont mis dans cette situation devraient passer au tribunal du peuple pour “haute trahison”.
    Après le covid, on nous fait le coup des économies d’énergie, rendant le peuple français responsable de cette situation. Alors qu’il est clair que cela aura peu d’incidence sur la consommation d’énergie. Sauf à culpabiliser les usagers.

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  • Xuan

    Les liquidateurs enterrent le socialisme et ressuscitent la NUPES

     

    Entre l’interview au Times le 18 novembre 1946, où Thorez déclarait :

    «… A l’étape actuelle du développement de la société, nous avons la conviction que les nationalisations – le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés – constituent un progrès dans la voie du socialisme. Les nationalisations portent atteinte à la toute-puissance des oligarchies financières, elles limitent les possibilités légales de l’exploitation de l’homme par l’homme, elles placent entre les mains d’un gouvernement démocratique des moyens appréciables pour l’œuvre de redressement économique et social du pays… ».

    Et la déconvenue du 4 décembre où la présidence du Conseil échoit au « catholique social » Auguste Champetier de Ribes, ancien du cabinet Daladier de 1939 à 1940 puis MRP,
    l’Humanité écrit :

    « Les nationalisations ne sont pas des mesures socialistes … La première condition de l’introduction du socialisme dans un pays, c’est l’institution d’un État socialiste. »

    Aujourd’hui l’Humanité réécrit l’histoire en publiant un modèle d’hypocrisie sous le titre « Urgence de communisme ».

    Il faut lire page 13 le « bilan » des présidentielles pour mesurer la papelardise achevée des liquidateurs, quand on sait qu’eux-mêmes ont ouvertement saboté la candidature de Roussel et soutenu Mélenchon :

    « Le débat existe parmi les communistes sur les causes de notre affaiblissement. L’absence de can­didat lors des présidentielles de 2012 et 2017 fait partie des hypothèses avancées. De ce point de vue la candidature de Fabien Roussel, qui a incontestablement gagné en notoriété, entamerait donc notre retour. Aujourd’hui, force est de constater que cet objectif n’est pas atteint. Personne ne nie que dans un régime hyper-présidentialisé comme le nôtre, la visibilité d’une telle campagne joue un rôle important. Mais les causes de notre affaiblissement historique sont plus profondes. »

     

    Puis s’ensuit une attaque en règle du socialisme, enterré dans la fosse commune de toutes les victimes du capital :

     

     

    “La question centrale d’une nouvelle alternative au capitalisme

    Le problème auquel nous sommes confrontés est beaucoup plus fondamental. Au XIXe et au XXe siècles, le mouvement ouvrier – puis plus largement salarié – a pris la tête du combat émancipateur en dénonçant le capitalisme et en proposant un autre système, le socialisme, vu comme une étape vers un idéal communiste lointain. Dans les faits, au-delà même des crimes staliniens, le “socialisme” s’est iden­tifié au régime dévoyé, étatiste et non démocratique de l’URSS. Ce régime a échoué et s’est effondré dans les années 80, avec la chute du Mur de Berlin. Ce n’était pas du communisme. Le travail historique et théorique qui le démontre doit être poussé à son terme pour en finir avec l’assimilation de cet échec avec celui du communisme. Nous mènerons à bien ce travail.

    Cet échec de la première tentative d’alternative au capitalisme a ruiné la crédibilité de ce projet socialiste et, plus largement, hypothéqué pour longtemps tout projet de dépassement du capitalisme. C’est bien autour de cette époque que s’est accéléré le déclin continu de nos forces, entamé en France avec la rupture du programme commun de gouvernement.

    Aujourd’hui, les impasses systémiques du capitalisme financier et mondialisé, ainsi que les besoins de partage pour assurer l’avenir de la planète changent la donne, et donnent une nouvelle actualité à l’idée d’un monde du commun, de biens communs. En tant que combat pour l’émancipation humaine, le communisme, rivé aux luttes sociales et contre toutes les formes de domination, retrouve toute sa pertinence.

    Pour une part importante de la population, il est intimement lié à de grandes conquêtes sociales et fait toujours sens. D’ailleurs, dans de nombreuses conquêtes comme la Sécurité sociale, et dans des luttes actuelles pour les biens communs, nos adversaires, en particulier du grand patronat, voient déjà du communisme à combattre pour ne pas laisser prospérer ces formes nouvelles d’organisation sociale. »

    On cherchera longtemps les causes « plus profondes » de « l’affaiblissement historique », bien antérieures à 1991. La clique Laurent et Cie se fait la Voix de son maître, se fonde sur les allégations de Stéphane Courtois et incrimine « l’étatisme ». Jamais il n’est question de la contre-révolution bourgeoise en URSS, quand chacun sait quelle classe y a pris le pouvoir ensuite.

    La restauration du capitalisme en URSS démontre que la lutte des classes se poursuit dans la société socialiste, sous des formes diverses, généralement pacifiques mais parfois aigües et antagoniques.
    Elle démontre que le renversement du capitalisme nécessite la dictature du prolétariat jusqu’à la société sans classe communiste, et qu’il est impossible d’établir un “communisme” candide demain matin par la magie de nationalisations.
    Nationalisations dont le mot est proprement expurgé lui aussi.

    Ecartant le bilan de plusieurs décennies d’électoralisme, de soumission aux pires anti communistes, d’abandon et de rejet de l’organisation révolutionnaire des masses, le crétinisme parlementaire des liquidateurs revient au galop sans honte pour déterrer les zombis et les ectoplasmes de la NUPES comme dans un clip de Michael Jackson.

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