Histoire et société

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REPORTAGE. Climat : en manifestant contre les jets privés, des scientifiques dénoncent un système “intenable” qui favorise les “ultrariches”

Au titre de la prise de conscience qui s’accélère, dans une dizaine de pays, des membres du collectif Scientist Rebellion ont mené des actions de désobéissance civile pour dénoncer le mode de vie polluant des catégories les plus riches de la population, responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre. Quand de partout monte l’idée et mieux les actions qui prouvent que “ceux d’en bas” ne veulent plus être gouvernés par “ceux d’en haut” parce qu’ils en dénoncent non seulement l’injustice mais aussi l’incompétence la situation est révolutionnaire…(note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)

Franceinfo – Hier à 20:08Réagir5 commentaires|18

ilustration : Une manifestante du collectif Scientist Rebellion arrêtée par la police allemande, le 28 octobre 2022, à Munich (Allemagne). (ALEXANDER POHL / SHUTTERSTOCK / SIPA)

Dans une dizaine de pays, des membres du collectif Scientist Rebellion ont mené des actions de désobéissance civile pour dénoncer le mode de vie polluant des catégories les plus riches de la population, responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre.

Pour protester contre les jets privés, ils convoquent les sciences “dures”, les sciences “molles” et des avions en papier. Ils sont astrophysiciens, économistes, biologistes, écologues… Une trentaine de scientifiques du collectif Scientifiques en rébellion ont manifesté, jeudi 10 novembre, devant le siège de Dassault Aviation, sur les Champs-Elysées, à Paris, dans le cadre d’une journée de mobilisation organisée dans une dizaine de pays pour demander “l’interdiction des jets privés, la taxation des grands voleurs”, afin de “faire payer les grands pollueurs”.

Alors que la COP27 bat son plein à Charm el-Cheikh (Egypte), les scientifiques multiplient ces “actions de désobéissance civile non violente”. A Berlin et à Munich, dans les showrooms des marques de luxe BMW et Porsche, ou sur le tarmac réservé aux vols d’affaires de l’aéroport Schiphol d’Amsterdam, ils visent les symboles d’un mode de vie que leurs travaux ont déterminé comme incompatible avec la lutte contre le réchauffement climatique.

“Il faut que les efforts de sobriété viennent d’en haut”

“On n’est pas dans la dynamique de dire aux individus de mettre des cols roulés.” Docteure en écologie à l’université de Rennes, Kaïna Privet n’en est pas à sa première action militante. Après Munich, en Allemagne, c’est à Paris, à deux pas des Champs-Elysées, qu’elle se présente aujourd’hui, blouse blanche sur le dos et mégaphone à la main. “Il faut aussi que les efforts de sobriété viennent d’en haut”, poursuit-elle. En haut, très haut, dans les hautes sphères, parmi les utilisateurs d’un moyen de transport réservé à une élite : en 2018, un rapport intitulé “The Jet Traveler”, réalisé par le secteur, estimait qu’un propriétaire de jet possède en moyenne une fortune de 1,5 milliard d’euros. Et ce, alors que “80% de la population mondiale n’a jamais mis les pieds dans un avion, et je ne parle même pas de ceux qui ont déjà volé à bord d’un jet privé”, relève l’écologue.Cms-ContentHasMedia_6442083© Fournis par franceinfo

A l’échelle individuelle, “les individus au statut socio-économique élevé contribuent de manière disproportionnée aux émissions et ont un plus grand potentiel de réduction”, écrivent les auteurs du Giec dans leur dernier rapport. Mais dans le détail, en France, les seules émissions de gaz à effet de serre des jets privés représentent autour de 0,1% des émissions territoriales du pays. “C’est peu, mais comparé au faible nombre de personnes à l’origine de ces émissions et aux services rendus à la société par cet usage, c’est énorme”, pointe le sociologue Milan Bouchet-Valat.

Vidéo associée: Quelles solutions à la crise climatique ? Des experts débattent en marge de la COP27https://geo.dailymotion.com/player/x8v0l.html?video=x8fdmwv&mute=true&loop=false

Le chiffre, en apparence dérisoire, porte une haute valeur symbolique, à l’heure où les citoyens sont appelés à faire des efforts. “Un vol de quatre heures [en jet] émet plus qu’un Européen sur une année”, détaille ainsi le collectif, qui a choisi de qualifier les utilisateurs de ces avions de “grands voleurs”.

“Le réchauffement climatique exacerbe les inégalités partout”

“Ce ne sont pas les individus, les personnes riches en tant que telles que nous visons, mais bien un modèle de société”, précise pour sa part Ariane Lambert-Mogiliansky, économiste et chercheuse associée à l’Ecole d’économie de Paris. Selon elle, les discours relativisant l’impact des vols en jet privé font écho à ceux qui défendaient l’arrosage des golfs alors que la France traversait cet été un épisode de sécheresse d’une ampleur inédite. Car, dit-elle, “le réchauffement exacerbe les inégalités partout : entre les pays, et à l’intérieur des pays, où ce sont les plus pauvres qui souffrent de l’explosion de leurs factures d’énergie. Un système qui satisfait les intérêts de 0,01% de la population, c’est intenable.”

Ces inégalités entre les plus riches, dont le mode de vie est le plus polluant, et les plus pauvres, qui subissent le plus durement les conséquences du réchauffement climatique, sont d’ailleurs au menu des discussions de la COP27. Elles s’incarnent notamment dans la question du financement des “pertes et dommages”, c’est-à-dire les dégâts que subissent les pays en développement en raison de la hausse des températures, responsables de la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes, telles que les sécheresses et les inondations.

Mais parmi les scientifiques rassemblés devant le siège de Dassault Aviation, le pessimisme règne quant à l’issue du sommet climatique : “Les gouvernements des pays développés avaient promis en 2009 de donner 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 aux pays en développement pour financer l’adaptation au changement climatique. Aujourd’hui, on constate que le compte n’y est pas et que les promesses visant à réduire les inégalités dans le monde ne sont pas respectées”, souffle l’écologue Lauranne Gateau.

“Toutes les formes d’action sont importantes”

Ainsi, ces scientifiques espèrent inciter la population à faire pression sur leurs gouvernements pour qu’ils tiennent leur promesse, y compris à destination des plus vulnérables, chez eux, comme à l’autre bout du monde. “Longtemps, la mission des scientifiques a été d’informer les décideurs. Aujourd’hui, ces derniers ont l’information et n’en font rien”, continue la chercheuse. “On continue de ne mettre en avant que la croissance, alors que la population veut avant tout un toit, pouvoir se nourrir, se chauffer et élever ses enfants dans un monde vivable”, ajoute-t-elle.Cms-ContentHasMedia_6442104© Fournis par franceinfo

Le temps médiatique offert par la COP27 et par la crise énergétique qui frappe le continent européen, ainsi que le souvenir encore frais d’un été hors norme, offrent une occasion idéale de porter ce message de convergence entre environnement et enjeux sociaux. Quitte à décontenancer l’opinion par ce mode d’action, la désobéissance civile, qui tranche avec la réserve qu’observent traditionnellement les scientifiques. “Toutes les formes d’action sont importantes, estime Milan Bouchet-Valat. Les actions en justice, les activités de recherche qui permettent d’avancer sur les connaissances (…) On fait feu de tout bois.”

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2 Commentaires

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    Les utilisateurs de jet privés ne sont pas seulement nuisible par leur consommation, mais bien plus par leur position de donneurs d’ordre, de dirigeants effectifs de la production capitaliste.

    Ce sont eux qui choisissent et favorisent par leurs réseaux et leurs moyens financiers les dirigeants politiques de nos démocraties formelles ; ce sont eux qui choisissent les cadres d’entreprises qui prendront les décisions concernant la production et l’organisation du marché.

    Ces mêmes dirigeants redevables ne vont pas enlever le pouvoir de ces capitalistes bien au contraire.

    Les effets sur le climat des jets, certes souvent inutiles, ne sont rien en comparaison des choix de transport et de localisation dans la chaîne de production de nos marchandises les plus banales et la stratification de la société.
    Le transport des personnes représente 41% des émissions de CO2, les camions 22%, l’aviation 8%.

    Quelques exemples:

    La CFDT a gagné le CE d’une entreprise contre la CGT, la CGT dans les œuvres sociales du CE favorisait les colonies de vacances de qualité et accessibles sur le territoire français. La CFDT victorieuse suite à la délocalisation de la production dans les pays de l’Est sert une clientèle de cadres et les colonies proposaient allaient jusqu’au Vietnam avec des coûts prohibitifs pour les ouvriers. Une pratique à la fois inégalitaire et ségrégationniste.

    Dans le transport des chaînes logistiques ce qui prime est la chasse aux coûts et les parts de marché. En France sans intervention de l’État les poids lourds encombrent les autoroutes quand les marchandises pourraient être posée sur des trains.

    Autre exemple intéressant celui du yaourt où dans un cas d’étude une grande part du lait collecté provient des fermiers voisins, ce qui est très bien, mais le complément peut venir d’autres laiteries ou acheté sur le marché mondial. La raison en est l’optimisation de l’usage des équipements industriels, il est plus rentable de produire plus de yaourts que ne le permet la production de lait locale, quitte à augmenter la pollution par CO2.

    Dans l’informatique l’obésité des systèmes est devenue ahurissante, sans ajouter de nouvelles fonctionnalités c’est l’inflation des volumes en octets, poids des photos et des vidéos et même des documents textes bien plus lourds qu’il n’est nécessaire pour l’usage, entraînant un gaspillage au niveau du stockage. La grande majorité des sites Web sont construits d’une manière aberrante par manque de réflexion et de compétence des développeurs.

    Dans le matériel informatique la mode est aux barrettes de mémoires et aux ventilateurs avec des LEDs de couleur qui n’apportent strictement rien de fonctionnel, si ce n’est une esthétique et des effets de mode, mode qui entraîne le gaspillage.

    La classe sociale relativement importante qui utilise le plus l’avion pour leurs loisirs est la classe moyenne, celle qui accède à un certains luxe et bénéficie sans être propriétaire des bien fait du capitalisme. C’est aussi dans ces classes où quand la possibilité d’épargner le permet que le gaspillage est le plus important.

    Une des caractéristiques de ces couches sociales supérieures et moyennes et le goût du luxe, du bling bling, une attirance qui joue aussi sur les classes modestes par le matraquage massif de la publicité entravant la transformation rationnelle de la société.

    Pour une prise en compte sérieuse des modifications du climat et de l’environnement nous avons certes besoin de la science, des opérations de propagande indispensables, de la technologie ; mais sans prise de conscience de la nature de l’État dans son ensemble et de l’idéologie dominante nous n’arriverons à rien.

    La seule solution est une révolution pour mettre en place un gouvernement au service de tous , appeler les dirigeants bourgeois corrompus et intéressés à changer leurs habitudes est stupide. Le gouvernement des Riches par les Riches ne peut être la solution.

    Les individus les plus révolutionnaires dans la société doivent travailler ensemble, prendre le pouvoir et imposer les changements nécessaires. Les travailleurs les plus actifs doivent prendre la direction des usines et des entreprises, les citoyens imposer des décisions et demander des comptes à leurs représentants.

    Tout cela demande de l’action, de la décision de l’implication de ceux qui souhaitent le changement. Il faudra transformer la manière de gouverner, de produire et promouvoir une nouvelle culture.

    Le lieu de cette coordination peut être le Parti Communiste à condition de se débarrasser en interne de ceux qui poursuivent des intérêts individuels, les carriéristes et les liquidateurs.

    Faisons feu de tout bois ! Oui, mais organisés et si possible en masse.

    L’organisation des luttes est ce qui manque le plus actuellement, les compétences techniques pour le changement et le ras-le-bol sont là.

    Comme du temps de Lénine où la Russie ne manquait pas de marxistes et de révolutionnaire, leurs actions étaient inefficaces tant que l’organisation dans un Parti majoritaire, Bolchevique, était absente.

    La Révolution de 17 a su donner des opportunités aux bannis du pouvoir minorités religieuses, prolétaires tout en laissant une place aux aristocrates qui ont accepté ou même aidé la Révolution.

    ___________________________________________

    Étude scientifique de chaînes logistiques du yaourt et du Jean:

    https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00546042/file/2005_dest_rizet_chaines_logistiques_et_consommation_energie_P.pdf

    Émissions de CO2 par type de transport:

    https://www.statista.com/statistics/1185535/transport-carbon-dioxide-emissions-breakdown/

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  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    La fabrique de l’ignorance :

    https://www.france.tv/france-5/la-fabrique-de-l-ignorance/4144909-emission-du-lundi-10-octobre-2022.html

    Un documentaire qui nous présente les attentes vis à vis de la vérité mais aussi la lutte (des classes) entre les industriels et scientifiques “indépendants”. Lutte entre intérêts privés et l’intérêt général qui nécessite la vérité. Cette lutte se mène dans les deux camps sur le champs scientifique et médiatique.

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