Ce qu’il vaut bien mesurer c’est que le gouvernement de KIEV n’a pas entretenu le nazisme et ses bataillons simplement par choix idéologique mais parce que ses oligarques se heurtaient de plus en plus à la résistance des exploités. En Ukraine, comme en France, le choix de la guerre est celui de l’exploitation sans limite des travailleurs, la remise en cause de leurs “conquis”. (note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Shannon Jones
Tandis que la guerre en Ukraine entre dans son quatrième mois, le parlement ukrainien est sur le point d’adopter une révision majeure du Code du travail du pays qui portera gravement atteinte aux droits des travailleurs.
Le parlement ukrainien menace de ramener les travailleurs à l’ère tsariste en déchirant les protections minimales existantes en matière de travail et en donnant aux entreprises un chèque en blanc pour licencier les travailleurs et imposer des conditions de travail inférieures aux normes.
Selon les termes du projet de loi 5371, les travailleurs des entreprises qui emploient 250 travailleurs ou moins seraient soustraits à la protection des lois du travail existantes et placés sous contrat individuel avec la direction et susceptibles d’être licenciés pour n’importe quelle raison. Ces changements toucheraient environ 70 pour cent des travailleurs du pays.
Les partisans de la législation la justifient sous la bannière de la «désoviétisation», c’est-à-dire l’élimination de toute protection résiduelle héritée de l’ancienne URSS. Le Code du travail actuel date de 1971, lorsque l’Ukraine faisait partie de l’Union soviétique, qui est restée un État ouvrier malgré sa dégénérescence bureaucratique extrême sous le stalinisme. Les oligarques ukrainiens, qui, comme leurs homologues russes, sont nés de la privatisation des biens de l’État après la liquidation stalinienne de l’URSS en 1991, sont déterminés à se passer de la moindre protection pour les travailleurs.
L’état périlleux des droits des travailleurs en Ukraine met encore plus à nu les prétextes démocratiques utilisés par les États-Unis et les autres puissances de l’OTAN pour justifier la guerre par procuration qu’ils mènent contre la Russie en Ukraine. Grâce à l’expansion incessante de l’OTAN vers l’Est et à l’armement massif de l’Ukraine, les puissances impérialistes américaines et européennes ont forcé Poutine à mener son invasion réactionnaire, ce qui a créé des millions de réfugiés et dévasté de vastes régions d’un pays qui était le plus pauvre d’Europe avant la guerre.
En mars, peu après le début de l’invasion russe, le parlement ukrainien a adopté un décret de «suspension de l’emploi» dans le cadre de l’état actuel de la loi martiale où les travailleurs ne sont pas techniquement licenciés, mais ils ne travaillent pas et ne sont pas payés. Il a également autorisé les entreprises à suspendre les conventions collectives. Les grèves on tété interdites et les manifestations de rue peuvent être interdites sans décision des tribunaux.
En vertu du décret sur la loi martiale, le temps de travail standard peut être porté à 60 heures par semaine au lieu de 40 heures. Pour des catégories spéciales d’employés, cela peut être porté à 50 heures par semaine. Les «week-ends» peuvent être réduits à 24 heures sans travail.
En outre, on a réduit le nombre de catégories de travailleurs qui ne pouvaient travailler de nuit, et on a élargi la liste des employés qui peuvent être appelés à faire des travaux lourds, des heures supplémentaires, etc.
Parmi les employeurs qui ont «suspendu» les conventions collectives figurent Nova Poshta (Nouvelle Poste), un transporteur postal privé, et le géant mondial de l’acier ArcelorMittal. Chez Nova Poshta, la direction a révoqué 30 dispositions de la convention collective qui couvrent quelque 11.500 travailleurs. Les changements concernaient les conditions de travail et des avantages sociaux, tels que la fourniture d’uniformes et de trousses de sécurité et la garantie d’heures de travail. Quelque 1.500 travailleurs ont vu leur emploi «suspendu», c’est-à-dire qu’ils ont été licenciés.
Début mai, le Syndicat des métallurgistes et des mineurs (Trade Union of Metallurgists and Miners – TUMM) a contacté la direction de l’usine ArcelorMittal de Kryvyi Rih pour se plaindre que l’entreprise avait suspendu certaines parties de la convention collective, notamment la fourniture de prestations sociales aux travailleurs.
On a présenté les propositions de modification du Code du travail ukrainien pour la première fois en avril 2021, soit 10 mois avant le début de la guerre, mais elles sont restées bloquées au Parlement. Toutefois, des responsables ukrainiens ont profité de la guerre pour faire avancer le projet de loi 5371. Le 12 mai, 246 députés ont voté en faveur de la législation, ouvrant ainsi la voie à sa promulgation. Elle pourrait encore théoriquement faire l’objet d’un veto du président Zelensky.
Halyna Tretyakova, chef de la commission parlementaire sur la politique sociale, a déposé le projet de loi à l’origine avec le soutien de plusieurs membres du parti Serviteur du Peuple de Zelensky.
Selon openDemocracy, «le projet de loi a été élaboré par une ONG ukrainienne, le “Bureau des solutions simples et des résultats”, qui a été créée par l’ancien président géorgien Mikheil Saakashvili avec des associations d’employeurs ukrainiennes et un programme de l’USAID».
Ceux qui appellent à un veto de la part de Zelensky font valoir que la législation violerait les normes européennes du travail et les conventions de l’Organisation internationale du travail et pourrait donc retarder l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne.
Un expert cité par openDemocracy a déclaré: «C’est un retour au 19e siècle. En introduisant le droit civil dans les relations de travail, nous pouvons ouvrir la boîte de Pandore».
En novembre 2021, openDemocracy avait rapporté que le ministère britannique des Affaires étrangères avait conseillé le ministère ukrainien de l’Économie sur la manière de faire passer des changements anti-ouvriers au droit du travail. Il a déclaré: «Un plan de communication de 2021 préparé par un cabinet de conseil en développement international et marqué du logo de l’ambassade britannique à Kiev recommande au ministère ukrainien de “souligner” que la libéralisation du droit du travail apportera des “résultats positifs” pour les travailleurs ukrainiens».
Une déclaration du Syndicat européen des services publics sur le projet de loi 5371 a fait remarquer la poussée de l’Ukraine pour «dé-soviétiser» le droit du travail. «Mais moderniser la législation en proposant d’abroger les recommandations et conventions de l’OIT, et de violer les articles de la Charte sociale européenne et les accords d’association avec l’UE, semble indiquer que les auteurs du projet de loi préfèrent l’époque tsariste».
George Sandul, avocat de Labour Initiatives, a déclaré qu’en introduisant des contrats individuels dans les petites et moyennes entreprises, le projet de loi signifierait que «de fait, ce régime suppose que littéralement n’importe quoi peut être inscrit dans le contrat de travail d’un employé, sans référence au Code du travail ukrainien. Par exemple, des motifs supplémentaires de licenciement, la responsabilité, ou même une semaine de 100 heures».
Jusqu’en mai, le soutien parlementaire n’avait pas été suffisant pour faire avancer le projet de loi, mais la situation a changé lorsque le parti politique Trust ainsi que d’anciens membres du parti prorusse Opposition Platform/For Life ont voté pour. Ce dernier a été interdit par le Parlement le mois dernier, et ses représentants parlementaires se sont vu menacer de perdre leurs mandats, peut-être pour les intimider afin qu’ils changent leur vote en faveur de la législation. Le Parlement se prépare à une deuxième lecture du projet de loi dans le cadre d’une procédure accélérée.
Dans un partage sur le blogue «Cross Border Talks», l’auteure Małgorzata Kulbaczewska-Figat note que même sous le Code du travail existant, les conditions des travailleurs en Ukraine étaient atroces.
«Avant l’invasion russe, des millions de travailleurs ukrainiens ont migré vers les pays de l’UE (entre autres), sachant pertinemment que même les plus pauvres d’entre eux – la Bulgarie et la Roumanie – offraient à un travailleur moyen des revenus nettement supérieurs à ceux de son pays d’origine».
«Les bas salaires étranglent pratiquement notre économie», poursuit-elle. En outre, quelque 20 à 30 pour cent des travailleurs ukrainiens sont employés «officieusement».
«Même travailler dans une entreprise d’État, dans un secteur d’économie cruciale, ne garantit pas un salaire stable, permettant de vivre décemment».
Les mineurs, par exemple, faisaient face à des retards dans le paiement des salaires. «Les mineurs organisaient régulièrement des actions de protestation spontanées, y compris le mouvement le plus désespéré: une protestation souterraine. Une autre énorme action de protestation souterraine a eu lieu en 2020 à Kryvy Rih, le centre de l’extraction du fer d’importance transnationale. Un groupe de travailleurs de KZRK, une usine anciennement publique composée de quatre mines de fer et de plus d’usines associées, a passé plus d’un mois à l’intérieur des mines, réclamant une augmentation de salaire».
Elle a cité un expert en droit du travail qui a mis en garde contre le fait que les grandes entreprises peuvent «se scinder artificiellement en entités plus petites de 250 personnes afin que les employeurs les plus grands et les plus forts puissent utiliser une flexibilité maximale».
Le fait que la guerre en Ukraine soit utilisée pour imposer une augmentation brutale de l’exploitation à la classe ouvrière déjà appauvrie du pays est une indication supplémentaire du caractère réactionnaire du conflit. Les travailleurs d’Ukraine, ainsi que leurs frères travailleurs de Russie et des pays de l’OTAN, n’ont rien à gagner de cette guerre, qui contient les germes d’une conflagration mondiale. Les travailleurs de tous les pays doivent s’unir pour s’opposer à la guerre en Ukraine, qui a été déclenchée par l’impérialisme américain et ses alliés dans le cadre de leur campagne pour l’hégémonie mondiale.
(Article paru en anglais le 8 juin 2022)
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Xuan
La différence entre la Russie post soviétique et l’Ukraine post 90 me semble moins liée à la nature d’«État ouvrier malgré sa dégénérescence bureaucratique extrême sous le stalinisme » suivant la terminologie trotskiste, qu’à l’évolution de certains syndicats en Ukraine.
Ceci mériterait quelques éclaircissements.
Je voudrais rappeler le soutien de la CGT à certains syndicats ukrainiens, en précisant que la FPU est la Fédération des syndicats d’Ukraine créée le 6 octobre 1990, et que la KVPU ou Confédération des syndicats libres d’Ukraine est “un des rares syndicats ukrainiens reconnus par l’AFL-CIO américaine comme “indépendant et honnête dans sa représentation des intérêts des travailleurs” ”
[Wikipedia] .
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Les syndicalistes ukrainiens en appellent à la solidarité de leurs homologues européens
PUBLIÉ LE 15 AVR 2022
Le 24 février au matin, Vladimir Poutine a ordonné l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes, déclenchant une guerre qui a déjà fait plusieurs milliers de victimes civiles, enfants comme adultes cibles de guerre… Echange avec Natalya Levytskaya, vice-présidente de la KVPU
La CGT condamne sans appel cette invasion qui viole la souveraineté ukrainienne et la charte des Nations Unies, et assure la population civile et les syndicalistes ukrainiens de son soutien sans faille.
Les deux organisations syndicales ukrainiennes affiliées à la CSI, la FPU et la KPVU, ont appelé à résister à l’agression russe et ont demandé que soit renforcée la pression diplomatique et économique internationale sur la Fédération de Russie et que des sanctions efficaces soit imposées pour faire cesser la guerre.
« Nos militants se mobilisent pour aider les populations déplacées ou touchées par les destructions » indique Natalya Levytskaya, vice-présidente de la KVPU.
Les militants de la fédération de santé livrent des médicaments dans les hôpitaux de Kharkiv ;
les cheminots organisent l’évacuation de la population des zones dangereuses, l’accueil dans les gares ; dans les zones libérées autour de Kiev (Boutcha, Hostomel, Irpin…),
une fédération d’autoentrepreneurs est très active dans la distribution d’aide.
Parallèlement, et bien que de nombreux membres se sont engagés ou ont été appelés sous les drapeaux, la KVPU continue à fonctionner comme un syndicat, en faisant respecter le droit du travail dans les zones où il n’y a pas d’activité militaire.
Hommes et femmes se mobilisent pour expulser l’occupant le plus rapidement possible. « Les femmes ukrainiennes, très libres, très émancipées, très indépendantes en temps de paix, le sont tout autant en temps de guerre » précise Olessia Briazgounova, secrétaire international de la KVPU.
Beaucoup se sont engagées dans les détachements de défense territoriale. Lorsqu’elles sont victimes de viols et de violences sexuelles, les femmes trouvent le courage d’aller témoigner pour que ces crimes de guerre soient reconnus comme tels et ne restent pas impunis.
Pour que cesse rapidement la guerre, l’Ukraine a besoin du soutien urgent d’autres États et nations, et la KPVU de celui des syndicats.
Cette dernière déplore que le FNPR russe ait toujours partagé le discours de propagande orchestré par Vladimir Poutine et se prononce aujourd’hui pour la guerre, contrairement au syndicat indépendant bélarusse BKTP, qui s’en désolidarise, malgré une répression très forte.
La KPVU attend de ses homologues européens des aides matérielles, financières, politiques…
L’intersyndicale française prépare un convoi affrété par train, pour matérialiser sa solidarité avec la fourniture de produits de première nécessité et de médicaments.
Mais le soutien doit aussi être politique : « Nous vous demandons de soutenir la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne, et de continuer à contredire la propagande russe » martèle Natalya Levytskaya.
Le premier mai qui s’annonce aura une coloration nouvelle. Il donnera une autre vision de la solidarité internationale des travailleurs.
Après la victoire, l’Ukraine aura besoin d’une solidarité pour rebâtir le pays : . « Les syndicats pourront user de leur position nationale pour surveiller les programmes d’aides »
Rouge Trégor
Confédération des syndicats libres d’Ukraine ( KVPU) dont le président Mykhailo Volynets par ailleurs membre du parlement de Kiev est en fait proche du groupe néo nazi “bataillon Azov”.
En 2019, des membres du Congrès américain ont envisagé de déclarer le Bataillon d’Azov comme une organisation terroriste. En réponse, Volynets et plusieurs autres membres du parlement ont signé une lettre défendant et faisant l’éloge du Bataillon d’Azov. La lettre souligne également l’idée que l’Ukraine devrait rejoindre l’OTAN à l’avenir.
“Nous sommes tous de fervents partisans de l’approfondissement des relations entre nos nations, jusqu’au point où nous deviendrons finalement des alliés après l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.”