Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Sacha Bergheim: mais pourquoi diable refusent-ils de voir à qui ils ont affaire ?

J’ignorais tout de Sacha BERGHEIM, mais c’est grâce à Facebook que j’ai eu connaissance de ses écrits. Impossible de savoir réellement qui est cet Israélien qui écrit en français, mais en le lisant premièrement j’ai fait l’hypothèse qu’il s’agit d’un héritier revendiqué du “Bund”, ce qui n’est pas plus mon choix en matière de socialisme que celui du sionisme parce que l’identification peuple ETAT conduit au déni de l’autre comme on le voit ces derniers jours avec des gens confrontés à l’insupportable de l’existence des Palestiniens, une armée et une police qui n’est pas tout le peuple israélien, ni le peuple ukrainien mais qui en représente la force de négation. Mais il est clair qu’il fait partie de ces gens respectables qui ne s’en laissent pas compter par la passion belliciste. Sacha BERGHEIM, en souvenir de ce qui a été subi et qui a débouché sur le sionisme, considère le conflit entre Polonais, Russes et Ukrainiens avec suspicion, en se disant que tous ces pays ont un passé d’antisémitisme assez gratiné. Ce qui n’est pas faux, mais Goebels – orfèvre en la matière – a déploré dans son journal que le soviétisme communiste ait affaibli l’admirable propension de ces peuples à l’antisémitisme. Deuxièmement, ledit Sacha Bergheim est aussi critique sinon plus avec le capitalisme et l’impérialisme américain. Il s’interroge sur les raisons qui ont voulu que l’Europe et les Etats-Unis dans leur ancrage capitaliste aient promu de francs nazis dans la guerre froide. Ayant gagné celle-ci pourquoi s’obstinent-ils à soutenir ces gens-là au lieu de promouvoir des démocrates vertueux? ils en sont aujourd’hui à falsifier l’histoire au point d’interdire que l’on mette à jour la réalité de l’Ukraine et des forces que l’on encourage en Europe pour y mener une guerre par procuration. Je me retrouve assez dans une part de ces interrogations fort bien argumentées, simplement si ses interrogations sont innocentes et s’il espère en la vertu du capitalisme, je ne partage pas. Je dois dire que déjà des communistes qui portent la cocarde de ce gouvernement otage de l’Otan et de néonazis, c’est un choc, mais des juifs qui encouragent pareille dérive je n’en reviens toujours pas même si je crois que si le nationalisme se substitue au socialisme pour mieux s’ouvrir au capitalisme tous les peuples peuvent devenir fascistes, surtout si la nation est conçue sur la base de la haine de l’autre. Les Cubains se sont toujours gardés de cela et fêtent le 4 JUILLET pour affirmer leur amitié pour le peuple américain, je suis d’accord. (note de Danielle Bleitrach)

J’aime beaucoup l’histoire. Cela permet de mieux ancrer nos pieds dans le réel: il y a cette interview de mai 2019 consécutive à l’élection de Zelenski, le président ukrainien, je crois avoir besoin de le préciser, personne ne semble le connaître lol

https://incident.obozrevatel.com/…/dmitrij-yarosh-esli…

On y apprend que Dmitri Yarosh indique simplement que si Zelenski n’adopte pas la position de l’extrême droite, il finira pendu. Mais qui est ce Yarosh? Ancien membre de l’extrême droite Tryzub, fondateur de “Secteur droit”, il devient député en 2014, conseiller du ministre de la défense, assistant du chef d’Etat-major Viktor Mujenko, et continue sa fonction militaire comme commandant du groupe paramilitaire d’extrême droite “l’Armée des volontaires d’Ukraine”: un groupe paramilitaire en charge des OAT (opérations anti-terroristes). Derrière ce vocable se cachent les exactions des milices néonazies accusées par HRW ou Amnesty d’exactions contre les civils russophones ou les militants de gauche.

Le 21 novembre 2016, le commandant Yarosh est décoré pour son courage à la tête des opérations contre les civils de l’ordre Bohdan Khmelnitski.

Fait curieux, Khmelnitski, chef cosaque se révolte contre la domination… polonaise et se rapproche de…. Moscou avec qui il signe le traité de Pereiaslav. Surtout, Khmelnitski est connu dans l’histoire juive pour ses massacres à grande échelle, dont la brutalité sadique est décrite dans Yeven Mezulah de l’érudit Nathan ben Moses Hannover en 1653.

C’est en effet curieux de voir deux facettes de l’histoire ukrainienne réunie dans une même continuité où la quête d’indépendance se fait par la violence, la xénophobie, sur fond d’antisémitisme.

Il n’est donc pas anodin de constater que les gouvernements dits pro-européens en Ukraine vont criminaliser (https://www.telegraph.co.uk/…/Ukraines-history-laws…) la critique des “héros de l’Ukraine” dont des organisations génocidaires, responsables du massacre de dizaines de milliers de Polonais et de Juifs (https://www.thedailybeast.com/ukraine-tears-down-soviet…).

Les institutions sont convoquées pour créer une mémoire collective qui exonère les criminels de guerre ukrainiens (https://foreignpolicy.com/…/the-historian-whitewashing…/), soutient des expositions d’une organisation collaborant avec l’Allemagne nazie (https://amp.strana.ua/…/149998-v-rade-otkrylas-vystavka…), dans un négationnisme délirant qui va jusqu’à faire des SS ukrainiens des “victimes de la guerre” (https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=10209192728874791&id=1217668243) selon le directeur de l’Institut pour la mémoire nationale.

Les collaborateurs nazis sont ainsi publiquement honorés lors de festivals (https://www.jpost.com/…/Ukraine-city-to-hold-festival…), avec des slogans ouvertement antisémites (https://www.jta.org/…/ukrainian-marchers-in-kiev-chant…) dans un effort permanent de réhabilitation du nazisme ukrainien et un révisionnisme historique flagrant (http://www.worldjewishcongress.org/…/world-jewish…) et pour couronner le tout, des enfants sont endoctrinés dans cette idéologie délétère (https://www.apnews.com/94fe1c68205a43ca96fcc89c88a7cc9f…). Puisqu’on a un jour férié commémorant les nazis (https://www.haaretz.com/…/ukraine-designates-national…), on peut aussi ériger des statues en l’honneur de meurtriers de juifs, puisqu’ils ont été blanchis (http://www.worldjewishcongress.org/…/world-jewish…https://www.newsweek.com/ukraine-nazi-collaborator…) et toute critique ou expression mettant en cause ce nouveau récit national est confrontée à un interdit digne des dictatures (https://www.theguardian.com/…/stalingrad-author-anthony…).

Dans ce contexte, les actions violentes contre les minorités ne semblent plus choquantes: elles concrétisent un discours ethno-nationaliste radical où la différence se voit traitée par la violence (https://www.ushmm.org/…/museum-expresses-deep-concern…).

Comme 70 ans en arrière, ce sont les Juifs ou les Roms qui en sont la cible première (https://www.aljazeera.com/…/attacked-abandoned-ukraine…https://www.theguardian.com/…/they-wanted-to-kill-us…https://www.thejc.com/…/ukrainian-general-calls-for…).

Quand la presse n’hésitait pas à remplir son rôle, elle dénonçait les “crimes similaires à Daesh” commis par des volontaires nationalistes ukrainiens (https://www.newsweek.com/evidence-war-crimes-committed…).

Enfin, pas toute. Dès 2014, certains réseaux d’influence hésitaient déjà entre le déni (https://www.politico.com/…/putins-imaginary-nazis-105217/) ou la complaisance (https://www.atlanticcouncil.org/…/understanding…/).

Il est vrai qu’on ne saurait attendre du Think Tank Atlantic Council une approche neutre… et qu’on retrouvait déjà quelques années auparavant une certaine Anna Makanju dans l’orbite de Biden (https://puck.news/inside-bidens-ukraine-war-room/) dont le propre fils, après avoir été lobbyiste à Washington en faveur d’entreprise dont le père soutenait les intérêts, avait su trouver grâce auprès d’oligarques ukrainiens pour siéger dans une compagnie douteuse, pour monnayer à n’en pas douter le numéro de téléphone de papa… Mais nous sommes tous trop petits pour mesurer les enjeux du problème.

Signalons simplement au passage que la loi Lend / Lease qui permet la fourniture quasi illimitée d’armées à l’Ukraine avait été présentée par quatre sénateurs américains AVANT l’invasion russe (https://www.govinfo.gov/app/details/BILLS-117s3522is), même si le président ne l’a signée que le 9 mai, de façon à croire que ce serait un choix quasi forcé. J’admire la force d’anticipation du congrès américain, ou son sens peut-être de l’opportunisme, qui sait, son devoir patriotique de soutenir des entreprises américaines, à raison de 320.000$ le système Javellin, il est certain que le carnet de commande de certaines entreprises a de quoi rassurer les actionnaires (https://responsiblestatecraft.org/…/how-pentagon…/).

Mais nous nous éloignons du sujet. Le problème à la fois heuristique, politique et historiographique est de savoir pourquoi une telle complaisance envers une mouvance, qui ne représente pas les Ukrainiens dans leur variété et leur ensemble, pourquoi un tel déni, pourquoi un tel revirement où le journalisme devient un simple porte-parole de campagnes politiques. Ce problème du néonazisme n’est certainement pas un casus belli légitime, et n’est encore moins un problème de relations internationales: dans le pire (ou meilleur, je devrais dire) des cas, ce serait à l’Ukraine, et non à la Russie, de procéder à une dénazification de son armée et de son système politique. Et elle serait salutaire pour envisager l’après conflit, ce que la plupart des experts semblent avoir oublié.

Il y a un problème spécifique posé par le nationalisme ukrainien, que ce soit son ancrage antisémite marqué par des exactions brutales contre les communautés juives désarmées allant de la période de Khmelnitski jusqu’à Simon Petlioura ou Stepan Bandera, mais aussi par la concurrence mémorielle que certains milieux nationalistes exilés après la 2e guerre mondiale vont promouvoir en se demandant “Pourquoi un holocauste vaut-il plus qu’un autre?” (https://catalogue.nla.gov.au/Record/7862818?lookfor=subject:(Yeshivah%20Gedolah%20Odesa%20Ukraine)%20%7Bsubject-cluster:%22World%20War,%201939-1945%20–%20Ukraine%22%7D&offset=9&max=24) à propos de la famine de 1933, sans parler du révisionnisme actuel que nous venons d’évoquer où le simple fait d’évoquer la réalité historique des assassinats perpétrés par les organisations paramilitaires ukrainiennes durant la seconde Guerre Mondiale fait l’objet d’une censure et d’un interdit absolu.

Il y a trois pistes de réflexion:-la première renvoie vers le soutien apporté par les USA aux ultra-nationalistes ukrainiens, notamment après guerre, comme l’a révélé la mise à disposition du public des archives de la CIA (https://www.cia.gov/…/nazi-war-crimes-disclosure-act) .

Bien que le Counter-Intelligence Corps de l’armée américaine ait décrit Mykola Lebed comme un pervers sadique et collaborateur pro nazi, il est soutenu dans son projet de Conseil Suprême de Libération de l’Ukraine (UHVR) destiné à s’opposer à partir des régions de l’ouest à la réinstauration de la République Socialiste d’Ukraine. Fuyant Rome où il s’était réfugié, il est accepté dans le réseau Gehlen avant d’être exfiltré aux USA en 1949. Soutenu personnellement par le fondateur de la CIA, Allen Dulles, il dirige un groupe d’influence pro-fasciste, Prolog Research and Publishing Association, destiné à produire une littérature de propagande. Recrutant parmi les 250.000 exilés ukrainiens, dont la majeure partie sympathisants ou ex membres de l’UPA (l’armée insurrectionnelle ukrainienne) elle produit brochures, finances essais, pamphlets, destinés dans un premier temps à contrer la soviétisation de l’Ukraine, avant de prendre, dans les années 1980 de l’importance sur consigne du conseiller du président Carter, Zbigniew Brzezinski, en offrant une réécriture complète de l’histoire des différents pays en passe de prendre leur indépendance.

A plusieurs reprises, l’immigration américaine ou le département de la justice enquêteront sur Mykola Lebed et ses réseaux, mais ils seront protégés par les activités de la CIA qui avait besoin de leurs services. Tout cela pour insister sur le fait que ce n’est pas un hasard si la plupart des cadres ukrainiens (“les pro-européens”) se réfèrent à l’ethno-nationalisme xénophobe comme une référence parce que cela provient du fait qu’il y a eu en Occident toute une littérature de référence, purement de propagande, mais qui a formé le cadre de développement d’une identité politique ukrainienne détachée du monde russe / soviétique. Ce n’est pas Taras Shevchenko qui forme la référence, c’est Bandera.

-La seconde piste se trouve dans la difficulté à forger un récit national qui ne soit pas, même partiellement intégré à celui du monde russe. La langue ukrainienne elle-même connaît plusieurs dialectes, certains très proches de la langue russe, d’autres plus proches du polonais. La notion même d’Ukraine est objet de débats intenses, certains estimant même que le concept d’Ukraine est un produit de négation de l’identité “rusyn” (d’où est issu le terme ruthénien) que la “Moscovie” se serait approprié par quasi génocide culturel (“Stolen Name. Why Rusyns turned into Ukrainians” de Yevgen Nakonechni). Y a-t-il une Ukraine ou des Ukraines? Quelle part donner à un territoire dont aucune frontière n’est “naturelle” ou “historique” à proprement parler? Le pays a été forgé par l’histoire, ses habitants en sont le produit d’influence multiples, et son territoire actuel inclut des régions qui ne sont pas ukrainiennes historiquement (comme le sud ouest d’Odessa, roumain). La posture révisionniste et nationaliste permet à la fois de tisser une continuité par-delà les épisodes de passivité ou de recul dans l’histoire, et de créer une frontière idéologique et culturelle avec le monde russe.

De fait, l’Ukraine devient ainsi la marche de l’Europe, le front entre la civilisation et la barbarie: Serhii Plokhy écrit une histoire de l’Ukraine appelée “Les portes de l’Europe”.

-La troisième hypothèse concerne la réalité du pouvoir et de la société ukrainienne dont les enjeux ne sont fondamentalement pas ceux de l’identité nationale ou de l’affrontement civilisationnel avec l’Eurasie barbare mais la recherche de meilleures conditions de vie, la paix sociale, la mobilité internationale, la liberté d’expression. Et précisément, c’est sur la promesse d’une lutte sans merci contre la corruption et l’instauration d’une paix avec des Ukrainiens russophones effrayés par l’ethno-nationalisme qui les exclut, que Zelenski a été élu. Le soutien européen est décisif dans l’émergence de l’Ukraine comme nation contemporaine, depuis les premiers essais sur “la Question ruthénienne en Galicie” de 1919, et a fermé les yeux sur les dérives politiques, sécuritaires et idéologiques d’un système politique de prédation économique. Il existe une communauté juive globalement stable, avant guerre, malgré la détérioration de la qualité de vie, il y a un régime compétitif où les élections pluralistes fonctionnent que chez les deux voisins / ennemis les plus proches. Le pays est loin d’être réduit à sa composante néonazie, mais c’est sur elle que les Occidentaux ont fait le pari, parce que c’est la partie la plus radicalement anti-russe et la plus à même d’ancrer le pays dans le giron occidental.

Cet opportunisme politique de mauvais aloi permet de saisir le décalage entre une population appauvrie par des années de corruption et d’incompétence, qui, à l’exception de Lviv, sait manier plusieurs langues et cultures sans renoncer à soi-même, et une politique militante destinée à accélérer l’émergence d’une identité collective de mobilisation, servant de prétexte à une politique violente qui réprime dorénavant toute expression publique divergente. C’est finalement la revanche de l’UPA et de sa version ethno-nationaliste qui prend le pas, en trahison des valeurs de la Mitteleuropa ou de la tradition culturelle ukrainienne de cette vaste terre de brassage et de passage.

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1 Commentaire

  • Michel Bouchet
    Michel Bouchet

    Article très intéressant pour le métèque franco-ukrainien que je suis ! Mon seul regret est de ne pas pouvoir, faute de temps, suivre tous les liens contenus dans l’article !

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