Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Il n’y a pas de honte à être russe en Chine, par Vadim Tchekounov

Ceux qui ouvertement ou secrètement sont des Russes qui sous divers prétextes trahissent leur pays ont du mal à le faire ouvertement mais ils ne craignent pas de citer Lénine ou de mettre en avant une opinion publique internationale qui serait contre la Russie. Ils en profitent pour montrer que la Chine resterait neutre, ce qui est vrai mais cela n’empêche pas la Chine comme la majeure partie du monde de considérer que ce sont les USA et l’OTAN qui sont les fauteurs de guerre et qui attisent le conflit au lieu de chercher à le résoudre par les voies diplomatiques. La Chine et la population chinoise savent par ailleurs que les USA agissent de même envers elles. Article très intéressant. (note de danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)

https://vz.ru/opinions/2022/5/5/1156884.html

Vadim Tchekounov
Écrivain, critique littéraire (Shanghai)

5 mai 2022, 09:04

“La Chine n’est pas notre amie !”, “L’Empire céleste nous a abandonnés !”, “Les Chinois nous ont lâchés !”…

Il va sans dire que pratiquement chacun de ces sinologues à la manque est allé en Chine – quelques semaines en tant que touriste ou quelques mois avec un visa d’affaires, et leur niveau de chinois ne dépasse pas le “nihao” et le “siesie”. Cependant, on ne peut exclure le fait que derrière tous ces “faits” activement diffusés se cachent des personnes instruites et compétentes, qui dosent savamment le niveau de leur prochaine “révélation”.

OK, essayons de comprendre ce qui se passe en général et ce que les Chinois pensent vraiment de nous et des événements actuels.

Commençons par la Chine “officielle”. Son image nous est familière : des fonctionnaires asiatiques en lunettes et costumes de prix, avec des noms impossibles à retenir et des discours inintéressants à écouter – tant leurs interventions étaient prévisibles et ennuyeuses. Au moins jusqu’à récemment.

Aujourd’hui, une nouvelle note est apparue dans la rhétorique de Pékin. Des sentiments et des points de vue anti-américains ont été exprimés ouvertement et de manière assez tranchante par des responsables gouvernementaux. La situation entre l’Ukraine et la Russie est considérée avant tout comme le résultat des activités hostiles des États-Unis – c’est ce pays que les Chinois accusent de provoquer une nouvelle guerre et de pousser les deux nations l’une contre l’autre. Il suffit, par exemple, de trouver la page Twitter de l’ambassade de Chine en Russie et de voir des illustrations avec des bombardiers américains et la légende “N’oubliez jamais qui est la véritable menace pour la paix”.

En gros, la tendance est la suivante : alors qu’auparavant, les critiques à l’égard des États-Unis étaient plutôt des coups de gueule occasionnels, on entend désormais des déclarations fortes sur tous les fronts politiques. Apparemment, des actions sur les fronts économiques, pour le moins, viendront bientôt s’y ajouter.

La Chine officielle ne tolère pas la critique des actions de la Russie par principe. Le mot “guerre” lui-même n’est absolument pas utilisé dans les discours des autorités, et la Chine refuse de reconnaître ce qui se passe comme une “invasion”. Wang Yi, le chef du ministère chinois des affaires étrangères, a exprimé à plusieurs reprises l’espoir d’obtenir un “cessez-le-feu et une cessation des hostilités”. Le terme “hostilités” en langue chinoise est dépourvu de toute connotation évaluative. C’est une notion neutre qui est souvent utilisée dans les rapports provenant de divers “points chauds”.

Et il n’y a certainement aucune trace d’hystérie anti-russe dans les médias chinois. Et personne ici ne veut des mises en scènes déchirantes que les médias occidentaux diffusent. C’est-à-dire qu’en occupant officiellement une position de neutralité, la Chine apporte en fait un soutien important à la Russie – elle coupe court aux déballages d’informations sans scrupules, et lors des réunions de l’Assemblée générale des Nations unies, elle s’abstient de voter avec les appels à condamner “un acte d’agression russe” et ne soutient pas la demande de retrait des troupes russes.

Vous devez comprendre que pour l’Empire céleste, qui est entouré de nombreux côtés par des pays qui ne lui sont pas très favorables, la Russie est très importante en tant que partenaire géopolitique fiable. Vous pouvez donc être sûr que la Chine ne nous souhaite que la victoire. Les Chinois ne sont pas idiots, ils ne songeraient pas à contribuer à la défaite et à l’effondrement de la Russie – ils ont besoin d’un voisin fort et loyal, ce que nous sommes. Une situation chaotique et dangereuse venant du nord ne feraient certainement pas du bien à la Chine.

Et le tollé provoqué par tel ou tel refus de la Chine de coopérer avec la Russie… Il faut savoir que lorsqu’une certaine usine chinoise ne parvient pas à un accord avec ses clients russes en raison de différences de prix ou de conditions de livraison, il s’agit d’une affaire commerciale privée, rien de plus. Cela arrive tout le temps. Après tout, lorsque je ne parviens pas à négocier avec profit sur le marché de Shanghai et à m’acheter des chaussettes au rabais, je n’écris pas un article dans les médias disant “La Chine s’est jointe aux sanctions mondiales contre les Russes !”

Bien sûr, il existe des cas de refus dans le secteur bancaire ou dans d’autres domaines – mais là encore, il s’agit de pur bizness, et la réticence de certaines banques et entreprises chinoises à tomber sous le coup des sanctions américaines est compréhensible. Toutefois, tout est loin d’être catastrophique, surtout si l’on considère que les Chinois eux-mêmes ont bien compris que leur dépendance à l’égard des États-Unis ne peut que se retourner contre eux et qu’ils doivent se libérer de cette pression dès maintenant.

Dans les médias chinois non officiels, la terminologie du conflit est moins contrôlée, mais on y trouve également peu de critiques à l’égard de notre pays. En tout cas, je n’ai pas vu de tels articles. Bien sûr, il y a aussi des cas sporadiques de “corbeaux blancs” ici. Il faut bien faire le buzz, et certains utilisateurs affichent leurs photos avec un fond peint en jaune et bleu. Le seul problème est que ces drapeaux faits maison sont souvent tenus à l’envers. Cela en dit long sur le degré d'”engagement” et de “compréhension” de ces militants et les rend ridicules aux yeux des autres utilisateurs.

Le site de réseautage social Weibo est rempli de messages et de commentaires de soutien. Des millions d’utilisateurs admirent sans équivoque le président de la Russie, nos troupes et le peuple russe en général. Poutine est une personnalité incroyablement populaire en Chine, littéralement un modèle d’homme politique déterminé pour de nombreux habitants.

J’ai été abordé à de nombreuses reprises dans les rues de Shanghai par des Chinois ayant entendu que je parlais russe, qui levaient le pouce ou disaient : “Bravo !”, “Poutine est génial !” et “Les Russes sont un peuple combatif !”. Je dis “abordé” au passé parce que nous sommes maintenant tous en quarantaine stricte pour le deuxième mois en raison de l’épidémie de covid. Les rues sont maintenant vides, et pour les habitants, la question de la nourriture et de la survie en général est devenue plus pressante. Mais même dans ces moments-là, ils ne nous ont pas oubliés et tentent de nous soutenir. Même avant, en février, ils achetaient toutes les denrées alimentaires russes pour nous aider économiquement. Et maintenant, avec une offre très limitée, ils ne se découragent pas et ne nous abandonnent pas. Par exemple, sur WeChat, dans l’une des communautés d’acheteurs, j’ai vu cet appel : “Pour soutenir la paix dans le monde et soutenir la Russie, dépêchons-nous de commander la glace de Poutine !” Et nous avons commandé des glaces d’un producteur russe. Et les prix sont maintenant gonflés en raison des pénuries d’approvisionnement, mais cela n’a pas arrêté les gens.

Oui, cela peut sembler naïf. Mais il faut reconnaître que c’est plutôt touchant, surtout si l’on tient compte du fait que les Chinois ont une attitude extrêmement respectueuse, voire révérencieuse, envers la nourriture et les produits alimentaires en général. Jusqu’à une date récente, les Chinois avaient l’habitude de se demander, en guise de salut, “Avez-vous mangé ?”. C’est en partie la raison pour laquelle les Chinois sont si sceptiques à l’égard de l’Ukraine et de ses nouveaux “amis-partenaires” qui fournissent le pays en armes plutôt qu’en aide alimentaire. Les réseaux sociaux regorgent de blagues amères sur la façon dont les “amis occidentaux” cyniques de l’Ukraine ont depuis longtemps décidé d’envoyer la population du pays à l’abattoir, raison pour laquelle ils ne veulent pas dépenser d’argent pour les convois humanitaires.

D’autre part, les Chinois observent de très près et avec une grande sympathie la vie dans les territoires libérés, l’armée russe fournissant à la population les choses nécessaires et aidant les gens, y compris les prisonniers de guerre blessés.

Ils nous traitent chaleureusement ici. J’ai une casquette de baseball avec les armoiries et le drapeau russes. Hier, l’un des travailleurs médicaux en visite m’a vu le porter alors que je faisais la queue pour le test PCR quotidien dans notre complexe résidentiel. Il s’est approché de moi, m’a dit bonjour et m’a demandé si je venais de Russie. Ayant répondu par l’affirmative, il a sorti son téléphone et m’a montré une photo de lui et de sa femme sur la place Rouge. Il a dit que nous avions un grand pays et un grand peuple. Nous ne pouvions pas nous serrer la main – le médecin portait une combinaison de protection et ce n’est pas recommandé en raison de la pandémie. Par conséquent, nous nous sommes simplement souhaité l’un à l’autre : tout ira bien !

Il n’y a pas de honte à être russe en Chine.

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1 Commentaire

  • hommealamer
    hommealamer

    Ce n’est pas “l’opinion internaltinale” qui décrète les Russes sous-hommes à haïr, mais la coterie politico-médiatique. Un groupuscule de carriéristes, arrogants et acquis aux USA par corruption, idéologie malthusianiste et/ou égoïsme.
    Ce n’est pas pour rien qu’on a pas un seul referendum sur ce qu’il faut bien appeler des déclarations de guerre de fait. Au contraire les Macron de l’UE tte entière s’en éloignent et préparent, via la guerre d’Ukraine, un écrasement des Etats en supprimant déjà le principe d’unanimité des décisions pour les décisions qui engagent l’UE entière. Et nous avons à l’avant-garde une Van der Leyen, égérie du patron de Pfizer concentré d’autorisme, de stupidité et d’arrogance, bref, la vieille baderne au féminim.

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