Voici un blog dont nous n’avions plus de nouvelles depuis quelques temps, amoureux de la Chine mais aussi de son adhésion au marché et un peu moins au socialisme, pour la nouvelle année il nous a adressé cette référence aux temps anciens, ceux de Confucius (contemporain de Socrate mais dont tous les descendants sont connus, ce qui est une preuve de la permanence d’une telle civilisation mais -selon moi- de sa dialectique, sa dynamique assumée des contradictions). Et c’est pourquoi, nous renvoyons nos lecteurs non seulement dans cette immersion, mais aussi à ce texte (ci-dessous) que nous avons publié ici dans lequel Xi Jinping s’adresse à une société de disciples de Confucius pour leur expliquer que même Confucius doit comprendre le socialisme et la “dictature du prolétariat”, une manière d’unifier la CHINE. Mais aussi une manière une fois de plus de faire comprendre à nos lecteurs occidentaux qu’il n’est pas facile de s’initier à des millénaires d’histoire derrière une révolution socialiste… Sans parler de l’essentiel la colère d’un peuple… (note de Danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
Printemps et Automne 春秋
Je poursuis mon exploration de la Chine antique avec un article de Cho-Yun Hsu ”The Spring and Autumn Period in The Cambridge History of Ancient China “( p.545 à 586). J’ai rédigé un résumé.
Période charnière
La période des Printemps et Automne (770 à 481 Av. J.-C.) marque le passage :
- D’un système féodal des Zhou à un système de multi-états
- De l’expansion des Zhou dans le bassin de drainage du Fleuve Jaune à la Chine qui s’étend aux fleuves Jaune et Yangzi, aux montagnes du Nord et de l’Ouest
- D’une économie à la gestion féodale à l’économie de marché.
- D’une société basée sur la famille à davantage de mobilité sociale.
- Par ailleurs, le plus important développement tient dans la percée intellectuelle. Les valeurs de Confucius sont le terreau d’une réinterprétation novatrice de l’éthique féodale. Les intellectuels non seulement serviront le gouvernement mais exerceront une profonde influence sur le sens de l’existence et les idéaux de la société, qui mènera vers le développement d’une identité collective, la civilisation chinoise.
La chute des Zhou Occidentaux – vers les Zhou Orientaux
Le règne de presque trois siècles de la dynastie des Zhou occidentaux prit fin avec l’assassinat du roi You – 771 par une alliance des États vassaux et une tribu non-Zhou, les Quan Rong 犬戎 (Voir l’article sur l’histoire Zhou de l’Ouest). Après la mort du roi et une lutte avec son frère, Ping monta sur le trône et transféra la cour à l’est à Chengzhou 成周, l’actuel Luoyang 洛阳, place-forte dans l’est du royaume, qui jouait un rôle logistique important. Le déménagement est motivé par deux raisons principales : 1. Le domaine royal de l’ouest, 宗周, avait été affligé par les désastres naturels et les guerres. 2. Le roi souhaitait être proche de ses alliés de l’Est. La dynastie des Zhou orientaux exista nominalement jusqu’en 256 Av. J.-C. tout en affichant un pâle reflet de la période précédente des Zhou orientaux. Les deux siècles et demi du début de la dynastie ont pris le nom de « Printemps et Automne 春秋», titre des chroniques du pays de Lu 魯, qui couvrent les années 722 à 481 avant notre ère. La source la plus importante est son commentaire le Zuo Zhuan 左傳.
États Zhou
Le Zuo Zhuan mentionne cent quarante-huit États. Ils avaient été fondés par les descendants de la famille royale. La plupart, de petite taille, a été annexée par leurs voisins puissants. Quinze principaux pays sont dénombrés : Qi 齊, Jin 晉, Qin 秦, Chu 楚, Lu 魯, Cao 曹, Zheng 鄭, Song 宋, Xu 許, Chen 陳, Wei 衛, Yan 燕, Cai 蔡, Wu 吳 et Yue 越.
La population non-Zhou
Les Zhou avaient également des États vassaux avec des populations non-Zhou. Les principales tribus étaient les Man 蠻, Yi 夷, Rong 戎 et Di 狄. Les locaux étaient appelés 野人 (gens des champs) et les colons Zhou 國人 (gens du pays). Voir les articles sur la graphie 夷 ici.
La formation du système Ba 霸
Le leadership de Zheng
Le pays de Zheng était un nouveau membre des pays de l’Est. Son premier souverain Zheng Huan Gong (806-771 av. J.-C.), frère du roi Xuan, fonda cet État, qui grâce à sa position géographique, servait de protection à la capitale Zhou. La puissance de Zheng ne tient pas seulement à sa proche relation avec la cour des Zhou, mais aussi à sa capacité à obtenir des terres des États voisins pour se renforcer. Le Zuo Zhuan montre bien sa puissance, notamment avec le troisième souverain Zheng Zhuang Gong 鄭武公 (743-701 Av. J.-C.). Après l’attaque de plusieurs États par Zheng, ce dernier devint le leader des Etats vassaux et même si le titre de 霸 n’existait pas encore, Zheng devint le premier à obtenir ce titre de leader. Après la mort de Zhuang Gong, une guerre de succession et une guerre civile, Zheng perdit son premier rang.
J’ai étudié une partie des textes sur Zhuang Gong dans la catégorie chinois classique, le premier texte est ici.
Le leadership de Qi
Zhuang Gong n’eut pas le temps de mettre une vraie structure du système 霸. Le royaume de Qi, qui monta en puissance face au déclin du Zheng, s’en chargera. Voisin du pays de Lu dans la province du Shandong, l’ascension de Qi s’explique par plusieurs facteurs : 1. L’annexion de pays voisins.2. Sa position sur des axes de commerce majeurs. 3. Les lacs salés de la côte lui donnèrent d’importantes ressources, tout comme la pêche et la production textile. 4. Sa place à la frontière est du monde Zhou lui donnait l’opportunité de s’étendre au-delà de la sphère Zhou. Les populations Rong, Di et Yi, qui avaient maintenu une indépendance culturelle et politique, ont été absorbés par Qi. Des États comme Cai, Wei, Song et Zheng ne jouissaient pas d’un tel potentiel. Le roi Qi Huan Gong et son conseiller Guan Zhong 管仲 ( 730-645 Av. J.-C.) élevèrent le pays de Qi à ce premier rang. Ils réussirent à réorganiser le royaume et à poser des définitions claires de la mission du 霸.
Cette réorganisation est certainement la première des nombreuses réformes des Printemps et Automne et des Royaumes Combattants. Les États vassaux Zhou étaient organisés dans un système hiérarchique pyramidal, dans lequel chaque membre de la noblesse gérait son propre fief. Le dirigeant pouvait demander à ses subordonnées des contributions à la hauteur de ses ressources. Les aristocrates avaient des liens de parenté. En théorie, tous les nobles étaient des vassaux du roi. La réforme de Guan Zhong allait changer cette structure.
Le territoire fut divisé en quinze régions appelées 鄉. Le seigneur et deux ministres gouvernaient chacun cinq 鄉. La population était divisée en cinq groupes. Les fonctionnaires de tous niveaux étaient jugés en fonction de leur réalisation, avec punition et récompense. Le Qi disposait d’une capacité à mobiliser les ressources humaines et matérielles avec beaucoup plus d’efficacité que la Cour des Zhou peu structurée. Elle dépendait en partie de l’assistante militaire du puissant pays de Qi. L’un après l’autre, les grands royaumes suivirent Qi. En 667 avant notre ère, Huang Gong convoqua les dirigeants de Lu, Song, Chen et Zheng pour l’élire comme chef des pays de Zhou.
Sommet Inter-États
Lors de ces réunions, la cour des Zhou envoyait un émissaire de haut rang. Le roi de Qi et Guan Zhong montraient le plus grand respect, attestant la volonté de restaurer l’autorité royale. Des accords sur les frontières, l’irrigation, le stockage des grains et des mesures qui garantissaient la coopération entre eux étaient mis en place. Qi stoppa les avancées des populations non-Zhou, comme les Rong et les Di au Nord et l’émergence de l’Etat de Chu au Sud. En 645 avant notre ère, Guan Zhong disparut et Huang Gong ne parvint pas à garder les rênes de son État. Il le suivit en trouvant la mort en -643.
Le leadership de Jin
Les enfants de Huang Gong ne parvinrent à conserver l’hégémon au profit de Jin Wengong 晉文公. Tangshu Yu 唐叔虞, fils du roi Wu des Zhou, fonda Jin au début de la dynastie dans le sud du Shanxi afin de protéger la capitale orientale de Chengzhou des tribus du Nord. Au milieu du VIIe siècle, le monde Zhou est dominé par quatre pouvoirs : Qi 齊/齐, Jin 晋, Qin 秦 et Chu 楚, positionnés à la périphérie à la différence des États centraux : Zheng 鄭/郑, Song 宋, Lu 魯 et Wei 衛/卫. Jin et Chu monteront en puissance et joueront les rôles principaux les deux cents prochaines années. Jin mettra d’abord en place un système d’hégémon solide, qui soutiendra la royauté Zhou.
Chu et Jin devront constater l’émergence de Qin et de Qi, et devront accepter un équilibre des pouvoirs. Les Chu au Sud durent affronter les pays de Wu 吳et Yue 越, tous deux émanations des premières décennies des Zhou Occidentaux.
Dans le cercle violet, les États centraux : Zheng 鄭/郑, Song 宋, Lu 魯 et Wei 衛/卫.
La transformation du système 霸 l’hégémon
Ce système avait été lancé par Qi. Jin le contrôla durant quatre-vingts ans, malgré une courte période de contestation par Wu et Yue. Le but de ce système était de restaurer l’autorité royale, mais en fait il l’a remplacé par l’hégémon.
Il devait être le protecteur des Etats Hua Xia dans la région centrale, le défendeur de sa culture contre les influences barbares et étrangères. En fait, depuis l’effacement de l’État de Zheng, tous les États qui ont soutenu le système ba ne sont pas de la plaine centrale. Certains (Chu, Wu et Yue) n’étaient pas d’origine Hua Xia et même Qi et Jin ont absorbé de nombreuses ethnies non-Zhou comme les Yi, Rong et Di.
Voir l’article sur la graphie de 霸 ici.
Administration de l’État
La structure a changé avec l’accroissement de la population. Les anciens États Zhou étaient principalement des garnisons. Chacun était constitué d’une capitale et de villes fortifiées. Le terme 國 se référait probablement à la capitale, alors que 野 désignait le territoire alentour. La population était divisée en deux groupes, les 國人 peuple de l’État, de la capitale et des villes et 野人 peuple des champs. Les premiers comprenaient certainement les soldats de la garnison et leurs descendants, menés par les chefs et l’élite. Les seconds regroupaient des natifs, installés bien avant l’arrivée des garnisons Zhou.
Administration locale
Chu est vraisemblablement le premier à avoir institué le district 縣 au VIIe siècle, dirigé par un gouverneur, qui reportera au souverain. Jin lui emboîtera le pas et les autres emprunteront cette nouvelle voie administrative. Le Zuo Zhuan mentionne plus de quarante gouverneurs 尹. Plus tard, Jin en -537 comptera au moins 49 districts.
Les territoires 野 furent intégrés à la structure de l’État, qui eut besoin de davantage d’administrateurs. Ainsi, les ministères augmentèrent en nombre et en influence.
La fin de la période n’assista pas à une simple réorganisation du pouvoir. Elle fut le témoin d’une complète désintégration du système féodal des Zhou, qui s’accompagne d’un début de transformation de l’État et de la société, qui s’achèvera sous la période suivante des Royaumes Combattants.
Développements économiques
Lorsque le féodalisme dominait sous les Zhou, la terre représentait l’unique source de richesse. L’envoi de populations Zhou pour vassaliser de nouvelles terres offrait un moyen simple pour obtenir une source de richesse avec l’occupation militaire. A côté, les échanges durant les visites, les mariages, les cadeaux ou les tributs participaient à la redistribution des richesses.
Régime foncier et production
Le maître accordait une terre à un subordonné. A la base de la pyramide, le paysan travaillait pour la ferme. En retour, il était nourri et habillé.
Le système des champ et des puits 井田制度, qui fonctionnait déjà dans le premier siècle de la dynastie, était idéalement utilisé. Symbolisé par le caractère 井, on divisait en neuf parties (私田 sur l’illustration) une terre, huit familles travaillaient chacune son terrain et ensemble, elles s’occupaient de la partie centrale (公田)dont la production revenait au seigneur. Le paysan avait une servitude, plutôt qu’un loyer.
Avec l’affaiblissement du système féodal, les états vassaux conquièrent et annexèrent des petits états sans considérer l’autorité royale. Le régime foncier accompagna ces changements et on commença à voir des taxes sur la production. La première mention vient de l’an 594 avant notre ère dans l’État de Lu. Ces changements ont affecté seulement les territoires des Guoren 國人 et non ceux des Yeren 野人. La transformation totale s’est effectuée durant la période des Royaumes Combattants.
Commerce
Les progrès dans les domaines agricole et industriels, avec l’essor d’une économie de marché ont suscité une nouvelle économie.
Les guerres fréquentes, tous comme les visites des cours ont entraîné d’importants échanges interrégionaux.
L’apparition de la monnaie
Les inscriptions sur bronze des Zhou mentionnaient des présents en terme de cauris 貝qui représentaient des unités de richesse. La valeur d’un bien immobilier pouvait être donnée en nombre de collier de cauris. L’or, les métaux précieux et le cuivre pouvaient être utilisés dans les échanges.
A la fin de la période, une monnaie en bronze commençait à circuler 布. 布 signifie à l’origine pièce d’étoffe, tissu.
L’apparition de la monnaie témoigne de l’accroissement des échanges et du commerce. Les commerçants d’ailleurs devenaient, grâce à leurs voyages et échanges, des informateurs importants du pouvoir. L’un des plus importants et des plus fameux 端木 Duan Mu est connu sous le nom de 子貢 Zi Gong, comme disciple de Confucius.
Développements intellectuels
L’époque a connu une percée intellectuelle, l’émergence du confucianisme et la transformation des soldats (appelés 士) en intellectuels.
Sous les Zhou, le 士 recevait une éducation dans les six arts : les rites 礼/禮, la musique, 乐/樂, le tir à l’arc 射, l’écriture idéographique 书/書, les mathématiques 數 et la conduite des chars 御. Il devait servir le gouvernement comme soldat et fonctionnaire tout en ayant une formation complète. Confucius venait de cette classe. Le terme 賢 xián, qui embrassait les compétences intellectuelles et l’intégrité morale, devint un critère de sélection pour les fonctionnaires. Le 士 devait avoir ces caractéristiques avec ce nouveau critère d’excellence. Cette nouvelle élite culturelle montrait une nouvelle conscience de leur responsabilité pour servir le monde.
Avec les transformations sociales et l’apparition de nouvelles formes de pensée, la tradition commençait à perdre de l’importance, les rites étaient moins respectés. Confucius apportait un nouvel idéal à point nommé.
Cho-Yun Hsu me laisse un peu sur ma faim sur la partie intellectuelle de cette période. En effet, c’est une période charnière en proie à la dislocation du pouvoir des Zhou. Le pouvoir du ciel perd de sa puissance et les intellectuels se trouvent obligés de reconceptualiser la légitimité du pouvoir pour conserver la domination de l’autorité centrale. Ainsi, ils étendront la pratique des rites à la société.
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