Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Le “bon sauvage” ne tenait pas les mœurs françaises en grande estime…

Les sources : jésuites avec le père Biard qui évangélise les Mic-macs en 1608 et un franciscain Gabriel Sagard une vingtaine d’années après en Huronie, pour les wendats. Toujours selon le livre de David Graeber et David Wengrow, pp 60 et 61… Et là, nos deux auteurs dévoilent leur côté Monty Python autant que leur très british antipathie pour les Français, mais c’est savoureux, on s’y croirait. Et comme aujourd’hui, j’ai décidé de vous parler des “infréquentables” commençons par cette salubre vision de nos moeurs gauloises vues par le bon sauvage… Dans un temps où certains verts commencent à me sortir par les trous des narines par leur art à vouloir pour les autres la nourriture (quand il y en a) sur un feu de bois, quelques baies et racines, pas de vaccin et pour eux le smartphone, le transport en avion et le chic hipster… Sans oublier le feu nucléaire de l’OTAN pour les nations communisantes et rebelles…

photo : musée Huron-Wendat : La forme conique de l’édifice du musée rappelle le fumoir algonquien et l’hospitalité d’un foyer commun entre les nations. Sa structure évoque une palissade tronquée et donc un milieu de paix et d’harmonie où la protection défensive n’est plus nécessaire.

Sachez d’abord que le terme de bon sauvage au 16e et 17e siècle ne signifie pas la bonté mais la noblesse, parce que les observateurs français et anglais pensaient que les Hurons passaient le plus clair de leur temps à la chasse et à la guerre, ce qui était selon eux des activités aristocratiques, ils ignoraient que les mêmes autochtones pratiquaient la culture du maïs, de la courge et haricots et même l’horticulture aux alentours de leurs villages fortifiés peut-être parce que c’étaient des activités féminines et que les hommes étaient pêcheurs chasseurs, forestiers comme ceux bien de chez nous.

Les opinions des Français – celles de missionnaires ou celles des lecteurs enthousiastes de leurs 71 Volumes détaillés (SEGARD) – comme Locke et Voltaire – étaient diverses sur les Hurons, en revanche celles de tous les indiens étaient unanimes, ainsi Biard le jésuite le rapporte :

“ils s’estiment meilleurs.” Car, disent-ils, vous ne cessez de vous entre-battre et quereller l’un l’autre; nous vivons en paix. Vous êtes envieux les uns des autres, et détractez les uns des autres ordinairement; vous êtes larrons et trompeurs; vous êtes convoiteurs, sans libéralité et miséricorde; quant à nous, si nous avons un morceau de pain, nous le partissons entre nous. Telles et semblables choses disent-ils communément[..]


Biard le jésuite, envoyé pour évangéliser d’autres Indiens de langue algonquienne, les Micmacs, ne les tenait pas en grande estime et semble particulièrement irrité de les entendre répéter qu’ils sont plus “riches” que les Français, riches de quiétude, de confort et de temps.

20 ans après, Gabriel Sagard, un frère recollet, envoyé en mission en Huronie, apporte un témoignage équivalent sur les wendats. Certes il est très critique de leurs mœurs jugées immorales (il était persuadé que toutes les femmes en voulaient à sa vertu et ce à cause de leur excès de liberté à ses yeux), mais quand il s’agit des Français, il ne peut s’empêcher de leur donner raison. L’ organisation sociale des hurons était, sans coup férir, supérieure à celle des Français:

[…] ce qui aide encore grandement à leur santé est la concorde qu’ils ont entre eux, qu’ils n’ont point de procès, et le peu de soins qu’ils prennent pour acquérir les commodités de cette vie, pour lesquelles nous nous tourmentons tant nous autres Chrétiens, qui sommes justement et à bon droit repris de notre trop grande cupidité et insatiabilité d’en avoir par leur vie douce, et tranquillité de leur esprit”.

Tout comme les micmacs, décrits par Biard, les wendats étaient spécialement choqués par le peu de générosité dont faisaient preuve les Français les uns envers les autres:
ils se rendent l’hospitalité réciproque, et assistent tellement l’un l’autre qu’ils pourvoient à la nécessité de chacun, sans qu’il y aucun pauvre mendiant parmi leurs villes et villages, et trouvent fort mauvais entendant dire qu’il y avait en France grand nombre de ces nécessiteux et mendiants, et pensaient que cela fut faute de charité en nous, et nous en blâmaient grandement”.

Sagard avait découvert avec stupéfaction l’éloquence de ses hôtes et leur grande maîtrise de l’argumentation rationnelle – des compétences acquises dans les palabres publiques quasi quotidiennes pour gérer les affaires communes. On peut certes s’en inspirer au niveau local et réapprendre à gérer ensemble mais il y a aussi une question d’échelle et donc de représentativité… Il est difficile d’imaginer les un milliard trois cent mille chinois rassemblés sur la place Tian an men, mais peut-être avant de juger selon notre ancestrale habitude faudrait-il connaître. Ainsi vous seriez surpris des formes réellement démocratiques de la société cubaine avec son parti unique et des débats qui y sont à l’honneur de la base au sommet. Peut-être n’attribueriez-vous alors plus au goût excessif pour les dictateurs des Russes, leur nostalgie grandissante de l’URSS, simplement ils ont comme les Hurons subi notre conception de la démocratie et du pseudo débat public…

Les wendats, en revanche, avaient des opinions tout à fait défavorables des mœurs françaises en matière de débat public. Ils “retenaient surtout le fait qu’ils semblaient tous parler en même temps sans s’écouter, s’interrompant constamment pour avancer des arguments médiocres” – en un mot comme en cent, ils ne leur paraissaient pas briller par leur intelligence.

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