Mais de quoi ont-ils eu si peur ? Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer à Marseille le 8 septembre 1926.
CE LIVRE date de 2016, un moment dont on nous apprendra que les prémisses d’un renouveau sont là malgré la débâcle social démocrate ou à cause d’elle. Il s’agit de raconter le passage à Marseille de trois auteurs juifs, qui fuient le nazisme mais aussi des visuels, qui concilient ou prétendent concilier marxisme et utopie. Il y a leur propre situation, leur peur mais aussi leur attirance pour les lieux desquels on s’échappe, les passages, les ports. Ils sont ceux où l’on se cache, mais aussi qui portent le principe espérance, Marseille ou l’ailleurs. C’est un sujet que j’ai beaucoup travaillé quand j’ai écrit mon livre sur Brecht et Lang face au nazisme, à l’exil.
Les auteurs, Christine BRETON en particulier ont eux aussi une approche “visuelle” et urbanistique. J’ai donc lu et apprécié le texte comme sa mise en forme dans cette édition raffinée.
Ce qui m’intéresse dans cette littérature, dans cette production de livres différents, plus politiques à leur manière, avec un papier, des illustrations qui recherchent la beauté, renouent souvent avec le surréalisme, c’est ce qu’elle recèle d’aspirations. Il y a des aventures intellectuelles un retour à l’utopie, par laquelle des intellectuels tentent d’échapper à la marchandisation dans leur pratique. Cette marchandisation de la littérature que Balzac dénonce dans Illusions perdues: “Balzac représente ce processus de la transformation en marchandise de la littérature dans toute son ampleur , dans sa totalité: depuis la production du papier jusqu’aux convictions, pensées et sentiments des écrivains, tout devient marchandise” (Gyorgy Lukacs – Balzac et le réalisme français)
Ce n’est donc pas un hasard si par un retour à l’artisanat, cette entreprise prétend créer une alternative à la marchandisation en commençant par le papier, l’objet livre. Mais que dit cette expérience ? il y a déjà sous la Restauration, en province, une tentative de mettre en cause la marchandisation par un romantisme débridé, une vision aristocratique de son art. C’est vrai que déjà dans Illusions perdues, Angoulême tente de s’opposer au cynisme parisien, mais faute de s’être préoccupée du public l’opération se condamne à vendre des états d’âme subjectifs et ampoulés à une petite aristocratie locale. Et il suffit que PARIS vous reconnaisse pour que certains idéalistes comme Lucien de Rubempré devienne pires que les autres, on a vu ça avec mai 68 et la corruption de Lang et Mitterrand, mais il y a eu aussi des résistances, je pense à BERNARD SOBEL, des gens qui ne se sont pas laissés corrompre, ils avaient trop mauvais caractère pour se laisser séduire comme les autres. D’autres tout aussi sincères un tantinet jansénistes on cru pouvoir être élitistes pour tous sans avoir la conscience d’un Aragon qui jusqu’au bout a tenté de riposter avec les armes et la conscience de son temps. C’est de cela qu’il faudrait peut-être parler. Reprendre le véritable projet du réalisme socialiste et admettre que c’est en dépassant la marchandisation, l’effet de masse que l’on peut avancer, Walter Benjamin a travaillé là-dessus comme il a lu les foules urbaines comme une libération, un autre regard.
Le fait est qu’il y a des gens aujourd’hui qui tentent quelque chose d’équivalent, de briser les codes et cela fait partie de tout ce qu’il faudrait retisser ensemble. Cela se passe dans la région provençale mais aussi à Lyon et ailleurs, il faudrait que ceux qui mènent cette aventure et je sais qu’ils sont lecteurs de ce blog viennent nous en parler et en particulier nous disent ce que je perçois leur relation entre l’écriture, le visuel et la politique au sens où nous l’entendons ici.
Est-ce indifférent que les références qui peuvent encore porter cet élargissement sont celles de ce temps-là et comment en renouveler la force en prétendant nous économiser ce qui peut la porter?
Surtout comment ils espèrent vaincre ce qui tue les “muses du département”, l’absence d’un public qui s’élargit politiquement. La dernière grande idée culturelle, la décentralisation ayant été portée par le développement des services publics sur le territoire autant que par l’éducation du public populaire avec son engagement politique. Je sais qu’ils sont conscients de tout cela et qu’ils voient les possibles comme les obstacles. Qu’ont-ils à nous dire ?
(note de Danielle Bleitrach pour histoire et société)
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Mais de quoi ont-ils eu si peur ? Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer à Marseille le 8 septembre 1926
20,00 €
Christine Breton
Editions Commune
260 pages
Parution : 19/11/2016
Disponible sur commande Mais de quoi ont-ils eu si peur ? Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer à Marseille le 8 septembre 1926 Ajouter au panier EAN : 9791091248136 Rayon : Social Étiquettes : Christine Breton, Disponible, Editions Commune
Résumé de l’éditeur
Le livre de Christine Breton et Sylvain Maestraggi retrace le séjour des
philosophes allemands Walter Benjamin, Ernst Bloch et Siegfried Kracauer à
Marseille en septembre 1926, à l’occasion de la publication d’un article
d’Ernst Bloch dans la revue “Les Cahiers du Sud”. Il est conçu en deux
parties : d’un côté, un conte urbain, récit de l’événement par Christine
Breton, conservateur honoraire du patrimoine et historienne de l’art ; de
l’autre, un corpus de leurs correspondances (notamment avec Marcel Brion et
Jean Ballard) et de textes inédits ou nouvellement traduits, réunis et
commentés par Sylvain Maestraggi, philosophe, éditeur et photographe. Au
centre, un cahier de photographies, Marseille, telle que l’ont vue les
trois auteurs… Comment ce qu’ils ont découvert à Marseille a-t-il été déterminant dans l’évolution des oeuvres et dans l’écriture des trois penseurs ?
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lib regain
Merci Danielle pour ta lecture !
sun tzu
Merci pour la présentation de ce livre. Sigfried Kracauer est probablement le moins connu des trois mais son livre sur Offenbach est passionnant car il montre comment l’opérette est sous l’empire (second) une critique publique féroce et la seule possible des moeurs impériales.
Danielle Bleitrach
krcauer est surtout un des plus grands théoriciens du cinéma…