Histoire et société

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Russie, Chine face à l’agressivité US dans la zone Pacifique

Un jeu d’échec qui vise à empêcher la guerre tout en jouant sur les collaborations possibles économiques.

Les deux articles que nous envoie Andrei Doultsev sur le rôle militaire de la Russie et sur l’intervention de Poutine au forum de Vladivostok doivent être lus à la lumière de la stratégie des Etats-Unis dans la zone pacifique. Alors qu’en Europe les USA tentent de renforcer l’OTAN et de faire monter le pangermanisme contre la Russie, la même stratégie se joue en Amérique latine, en Afrique, en Asie centrale et surtout en extrême-orient en particulier avec le Japon. Il y a là une sorte de jeu d’échec où chacun dispose ses pièces pour interdire les mouvements de l’adversaire. Sur toute la planète mais en particulier dans le Pacifique se joue non seulement la paix mondiale face à une guerre hybride déjà à l’œuvre mais le développement des peuples et la possibilité d’affronter ensemble les défis de notre temps, par Danielle Bleitrach pour histoire et societe.

  1. Les Etats-Unis obligent leurs alliés, le Japon en particulier à gonfler leurs dépenses d’armement

L’autorité de défense du Japon a proposé un budget record pour 2022, qui correspond à une future expansion militaire du japon sous couvert de coopération avec la stratégie américaine et les préoccupations des tensions du détroit de Taïwan. Les USA et leurs alliés font grand bruit sur Taïwan et accusent la Chine pour pouvoir justifier un renforcement militaire qui se heurte à une forte opposition dans leur opinion publique. La proposition de budget, publiée mardi par le ministère japonais de la Défense, vise un budget annuel de 5,48 billions de yens (49,93 milliards de dollars), soit une augmentation de 2,6% par rapport à l’année précédente et la hausse la plus forte depuis 2018. Le ministère vise également à installer des missiles pour renforcer les capacités militaires autour de la chaîne d’îles du sud-ouest du pays, près des îles Diaoyu en Chine.

C’est en outre selon un schéma en usage partout une fort bonne affaire pour les sociétés d’armement. Reuters a rapporté que les factures comprennent 130 milliards de yens pour 12 chasseurs furtifs F-35 de Lockheed Martin Corp et 105 milliards de yens pour le développement de son premier nouvel avion de combat national. Le budget comprend également la construction d’un nouveau camp sur l’île d’Ishigaki au sud-ouest d’Okinawa, où il prévoit de déployer des batteries de missiles sol-air et antinavires et 570 soldats,
les demandes américaines pour que le Japon joue un rôle plus important dans la sécurité régionale sont à l’origine du budget croissant de la défense du Japon.

La pression médiatique destinée à inventer l’agressivité de la Chine fait totalement partie de la stratégie que l’impérialisme US tente d’imposer à une opinion publique qui ne veut pas la guerre mais qui est prise dans un jeu institutionnel où les luttes de faction remplacent les alternatives dans un pays devenu un pion dans la stratégie des USA. Là encore il y a à peu près partout les mêmes méthodes à l’œuvre avec peut-être un resserrement sur certains pions privilégiés pour leur puissance économique comme le Japon, l’inde et l’Allemagne.

2) L’instabilité politique au Japon
Une autre constante des alliances que tente de nouer contre la Chine les USA est l’instabilité des gouvernements alliés, accrue par leur gestion défaillante de l’épidémie.

Le Premier ministre japonais Yoshihide Suga a fait une annonce surprise vendredi, affirmant qu’il ne chercherait pas à se faire réélire à la tête du Parti libéral-démocrate (PLD) au pouvoir, de fait il renonce à rester Premier ministre du Japon. Suga est devenu Premier ministre après la démission de Shinzo Abe en septembre dernier, il doit convoquer des élections générales et diriger le PLD d’ici le 28 novembre, ce qui signifie que son mandat peut durer au plus un an et deux mois. S’il abandonne c’est que les factions ne le soutiennent pas en particulier à cause de sa gestion du COVID-19 et du désaveu populaire, tous se joue autour de la promotion médiatique du candidat de droite.
Les cas quotidiens de COVID-19 au Japon ont dépassé les 20 031 mercredi. La société japonaise est beaucoup plus inquiète du virus que les sociétés européennes et américaines et l’organisation des jeux n’a rien amélioré.. Le retrait de Suga a été salué par le marché boursier japonais qui a fortement augmenté. Le premier ministre devra faire face à une tâche difficile et les troubles politiques sont prévisibles.

Les relations entre la Chine et le Japon n’ont cessé de se déteriorer sous la pression des Etats-Unis qui joue de l’inquiétude d’un pays qui se sent en perte de vitesse. Si en 2008, le PIB du Japon était en avance sur celui de la Chine, aujourd’hui le PIB chinois est trois fois supérieur. L’antagonisme entretenu par les Etats-Unis entre la Chine et le Japon a aussi cette dimension de rivalité interne. Même si la coopération économique entre la Chine et le Japon est énorme et si la Chine table sur cette coopération pour non pas calmer le jeu, ce qui semble difficile mais pour créer les conditions d’une difficulté d’une confrontation militaire.

3) La coopération sino-russe s’élargit au plan commercial et se diversifie

À l’heure actuelle, l’administration Biden accélère ses efforts pour contenir le développement de la Chine et de la Russie en recourant à une série de mesures économiques coercitives.
Par exemple, le gouvernement américain a non seulement coupé les principales entreprises chinoises de haute technologie de l’approvisionnement en composants clés, mais a également imposé des sanctions aux entreprises impliquées dans le gazoduc Nord Stream 2 pour entraver les ventes de gaz de la Russie sur le marché européen. Les États-Unis sont également engagés dans la reconstruction de leur réseau de chaînes d’approvisionnement, mais il y a de plus en plus de signes que leur objectif n’est pas seulement de garantir la sécurité de leur propre chaîne d’approvisionnement, mais aussi de saper les chaînes d’approvisionnement chinoises et russes.

Le 6e Forum économique de l’Est (FEE) se tient actuellement à Vladivostok, en Russie, du jeudi au samedi.
Après la tenue du premier FEE en 2015 en tant que nouvelle plate-forme pour promouvoir la coopération économique dans la région Asie-Pacifique, y compris l’Extrême-Orient russe

La Chine envoie traditionnellement une délégation d’affaires à grande échelle pour assister aux sessions de l’EEF, et l’ouverture du 6ème EEF a également provoqué un grand intérêt dans les milieux d’affaires chinois et les principaux médias dans un contexte particulier qui est celui de l’endiguement.

La Chine et la Russie ont un énorme potentiel économique et commercial dans de nombreux domaines.
En 2020, le commerce bilatéral a dépassé les 100 milliards de dollars pour la troisième année consécutive. Au cours des quatre premiers mois de 2021, le commerce sino-russe a atteint 40,21 milliards de dollars, en hausse de 21,2% par rapport à la même période en 2019 et dépassant 40 milliards de dollars pour la première fois au cours des quatre premiers mois de l’année. On s’attend à ce que le commerce bilatéral maintienne sa forte dynamique, avec un nouveau record de volume des échanges attendu à la fin de cette année.
En ce qui concerne la structure des échanges, les deux économies partagent des complémentarités.
La Chine importe principalement des produits de ressources comme le pétrole, le gaz naturel et le minerai de fer de Russie, tandis que la Russie a besoin d’exportations chinoises de produits mécaniques et électriques. A ces échanges traditionnels s’ajoutent d’autres complémentarités dans le cadre de la nécessité commune de restructurer les chaînes industrielles face à la pression des USA.

4) Mais la dimension stratégique militaire n’est pas absente : le discours de Poutine sur les îles Kouriles :

Le différend relatif aux îles Kouriles (en russe : Спор о принадлежности Курильских островов), aussi connu sous le nom différend relatif aux territoires du Nord (en japonais : 北方領土問題, Hoppō Ryōdo Mondai), est un contentieux entre le Japon et la Russie sur la souveraineté des Kouriles du Sud. Les îles contestées, annexées par les forces soviétiques lors de l’invasion soviétique de la Mandchourie à la fin de la Seconde Guerre mondiale et actuellement sous administration russe en tant que raïon de Ioujno-Kourilsk de l’oblast de Sakhaline (Сахалинская область, Sakhalinskaya oblast), sont réclamées par le Japon qui les appelle Territoires du Nord (北方領土, Hoppō Ryōdo?) ou Chishima du Sud (南千島, Minami Chishima?), comme faisant partie de la sous-préfecture de Nemuro de la préfecture de Hokkaidō.


Le président russe Vladimir Poutine s’adressant à une session plénière du sixième Forum économique de l’Est vendredi, a déclaré que les investisseurs russes et étrangers, y compris japonais, seraient éligibles à des avantages fiscaux, douaniers et administratifs sur les îles Kouriles, a rapporté TASS.

L’objectif principal de la Russie est en fait d’attirer plus de résidents nationaux et de ressources pour stimuler l’économie locale en introduisant des politiques préférentielles. Selon TASS, le ministère russe de la Défense a annoncé en août un plan visant à construire 51 autres infrastructures militaires sur les îles.

Cette annonce qui pose sur le fond une revendication territoriale est aussi certainement une manière de marquer la limite des avancées possibles du Japon et derrière lui des Etats-Unis.

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