Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

L’Allemagne est devenue la grande puissance de l’Europe et le prochain chancelier doit en préciser les buts

Les élections qui vont avoir lieu en Allemagne et dont nous n’avons que peu d’échos sont en fait un des moments déterminants du devenir de la prétention à l’hégémonie occidentale et voici entre autres pourquoi… Derrière la figure de Madame Merkel a surgi une autre Allemagne qui devra préciser ce qu’elle fait de sa puissance. Quand on voit Macron, comme l’aurait ironisé de Gaulle sauter comme un cabri en criant “Europe, Europe” on se demande qui il dupe… sans parler de l’antienne reprise par le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire qui a plaidé samedi à Cernobbio, en Italie, pour “une Europe plus forte” qui construise son “indépendance politique” et une “souveraineté technologique” au lieu de se cantonner à un rôle de “marché commun”. Le paradoxe est que dans cet atlantisme il y a deux dupes : la grande Bretagne et la France et la défaite en Afghanistan dans laquelle l’image de leurs cercueils accompagne celui des USA n’est pas dénué de cruauté… Il serait effectivement temps pour la France de se choisir un autre destin…

Madame Merkel va avoir un successeur au moment où se pose un certain nombre de choix dont certains sont déjà engagés. L’Allemagne depuis sa réunification a changé en particulier sur le plan militaire. Si on mesure bien sa suprématie économique celle-ci est confrontée à la nécessité de changements à l’ère numérique comme d’ailleurs à des liens avec la Chine qui se présente pourtant avec la Russie comme le terrain privilégié des hostilités politiques et militaires. En effet, un des principaux changement de l’Allemagne est en matière militaire.

En 2020, les investissements de défense allemands s’élevaient à 46,3 milliards d’euros, les propulsant ainsi à la 7e place mondiale, devant la France.

Il faut également voir la logique de cette montée en puissance militaire, il ne s’agit pas de renforcer une défense européenne comme le rêve Macron (qui finit toujours par s’aligner) mais de jouer à plein l’alliance atlantique et l’Otan.

C’est parce qu’ils sont assurés de cette dépendance stratégique que les Etats-Unis lui laissent une capacité d’autonomie qu’ils n’autorisent pas à la France et à la Grande-Bretagne. Au regard de la levée récente des sanctions américaines contre les entreprises impliquées dans le pipeline russe et les récentes interactions de Joe Biden et Angela Merkel aux sommets du G7 et de l’OTAN, Berlin est désormais consacré comme le premier partenaire européen de Washington.

Mais en revanche, il est probable qu’il attend un durcissement par rapport à la Chine. L’Allemagne a vu se multiplier les acquisitions d’entreprises stratégiques par la Chine. Le parallèle avec ce que nous analysons par ailleurs entre les Etats-Unis, le Japon et la Chine est pertinent pour comprendre ce qui se passe en Allemagne. Surtout qu’avec la fin de Merkel, l’illusion de stabilité d’un régime qui pouvait servir ses intérêts économiques et grandir derrière l’alliance atlantique sans prendre sa part du maintien de l’ordre impérialiste est révolu. La puissance militaire allemande dépassant celle de la France va-t-elle faire de ce pays un des principaux piliers du maintien de l’hégémonie occidentale menacée de toute part et vivant de fortes déstabilisation internes avec les choix bellicistes et autoritaires ?

C’est en tous les cas ce qui parait probable.

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1 Commentaire

  • Xuan

    Jusqu’ici l’Allemagne s’est beaucoup moins impliquée que la France dans les aventures atlantistes, et ses liens économiques avec la Russie et la Chine peuvent l’expliquer.

    Il serait intéressant de comparer les échanges commerciaux entre l’Allemagne et l’Eurasie d’une part et ceux entre l’Allemagne et les USA.
    L’Allemagne a importé pour 103,8 milliards d’euros des USA et 95,9 de Chine Populaire. Dans l’export, c’est l’inverse, la RPC est premier partenaire et les USA sont en seconde position.
    Egalement, l’Allemagne est le premier partenaire commercial de la Russie devant l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Finlande et la France.

    Pour afficher un semblant d’unité avec le second monde, Biden a dû céder sur le Nord Stream II, au risque de creuser davantage les divisions au sein de l’UE.
    Pourtant l’affaire Navalny avait failli dissuader Merkel de poursuivre, Macron lui avait aussi tordu le bras pour qu’elle cède aux USA. Mais c’est Biden qui a dû céder, en échange d’un accord de principe sur l’unité occidentale, mais sans engagement militaire.

     
    Si on veut comparer l’Allemagne et notre pays, dans ce tableau, les écarts en faveur de l’Allemagne apparaissent dans le PIB, l’endettement, le déficit, le commerce extérieur et le taux de chômage. Il est probable que la crise sanitaire doublée de la crise inflationniste frapperont l’UE et particulièrement notre pays.
    Inversement dans le secteur bancaire et au niveau des actifs, la Deutsche Bank est en 8e position après BNP, Crédit Agricole et Société Générale. On oublie trop souvent que la France est un des plus grands requins financiers.

    Naturellement l’Allemagne se trouve dans le camp occidental, mais les capitalistes regardent d’abord leur portefeuille, avec la crainte de se faire manger par plus gros. Mais cela vaut autant avec pour Chine que pour les USA.

    Depuis la création de l’Union Européenne, l’Allemagne a été présentée comme un cheval de Troie des USA en Europe, mais depuis, les rapports entre les pays impérialistes ont évolué, l’Allemagne a dû subir des pressions et des sanctions de son allié américain. Et à plusieurs reprises ces dernières années, c’est la France qui s’est retrouvée à l’avant-garde de l’atlantisme, au point de se retrouver en position de hors jeu en face de la Syrie.

    Reinhard Butikofer, membre allemand du Parlement européen, déjà sanctionné par la Chine, joue la carte de l’UE contre la Chine, par opposition à la politique traditionnelle de l’Allemagne plus modérée. Le ministre lituanien des Affaires étrangères Gabrielius Landsbergis se distingue en tentant un rapprochement avec Taiwan. Mais c’est tout particulièrement Le Drian et son comparse Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, qui montent régulièrement au créneau pour infléchir l’UE dans une position hostile à la RPC.

    En définitive, et contrairement aux assertions de Macron, il n’y a pas de troisième voie entre les USA et l’Eurasie. Les capitalistes européens cherchent à se mettre du côté du manche, mais ce manche est de plus en plus pourri, et la déculottée de Kaboul a dû les faire réfléchir. Il n’est pas dit que ces pays prennent le risque de participer réellement à une guerre pour le roi de Prusse Joe Biden.

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