Hier 13 aout 2021, à Marseille nous avons célébré à notre manière l’anniversaire de Fidel, en envoyant un second voyage de médicaments vers Turin. La première fois il y avait quatorze cartons, la seconde, quinze jours après c’était une vingtaine, plus une chaise roulante et un déambulateur. Il faut dire que la solidarité a pris de l’ampleur et concerne de plus en plus de gens dont la plupart n’appartiennent à aucun parti, aucune organisation mais qui pensent que l’existence d’un blocus empêchant les enfants et vieillards cubains d’avoir des médicaments est une indignité. Dans le quartier où s’exerce en priorité la collecte, dans le centre ville de Marseille l’indignation est partagée y compris par des gens de droite: “ces américains sont insupportables à vouloir imposer au monde leur volonté!” Il n’y a même pas quinze jours, nous sommes partis Gilbert et moi porter les premiers colis et déjà nous avons de quoi faire un second convoi… Katia est l’âme de cet élan… Moi je la suis, avec la même conviction qui depuis des années m’a jeté dans les aventures les plus invraisemblables… autour du monde… à la rencontre de Cuba, mais je sais aussi à quel point l’aventure, celle qui crée la chaleur humaine, le meilleur de notre espèce est au coin de la rue… Cuba c’est cette portion de l’humanité que chacun porte en lui et le pousse à faire pour “l’amour de tous”…
Comment vous dire, toutes ces bonnes volontés qui ont surgi, ces mains qui se tendent avec deux ou trois paquets de doliprane, ces sourires et même ces poings qui se lèvent… en se moquant mais en approuvant aussi parce que c’est pour les pauvres… les victimes de l’injustice… Les communistes sont des révolutionnaires, du côté des pauvres… C’est aussi simple que ça et ça revient très vite… un savoir qui quand il plonge ses racines dans la vie est vite réactualisé… Pas si éloigné de la campagne de Roussel, même si nous ne parlons jamais de politique… simplement nous ne cachons pas être communistes…
Résultat, nous avons trouvé un nouveau chauffeur. Abraham, un éthiopien qui s’inquiète pour son pays, dans lequel menace une guerre civile. Abraham a une quarantaine d’année, il est beau, hiératique, souriant. Il est croyant dans la religion assez particulière de ses ancêtres, des descendants de l’union de Salomon et de la reine de Saba… il est donc chrétien et juif, c’est un culte célébré par Bob Marley et la jamaïque, les rastas, qui attribuent à ces éthiopiens un droit moral à diriger le monde… Abraham ne veut pas en abuser, et m’explique qu’il faut se diriger soi-même, Il se souvient que jadis les Cubains sont venus les aider comme tant de peuples d’Afrique. Abraham est d’un calme olympien, toujours souriant et son attitude tranche sur l’agitation qui semble s’être emparée de notre groupe derrière Katia la Cubaine, qui n’a pas arrêté nuit et jour de remplir les paquets, établir des listes en coller un double sur les cartons, et nous constituer des dossiers. Elle a dormi un minimum et a vécu sur les nerfs tant que la cargaison le 13 aout à 5 heures du matin n’a pas été descendue de son cinquième étage sans ascenseur jusque dans la fourgonnette.
Elle a mobilisé les voisins, l’épicier du coin, son association d’amis des animaux, tous présents pour aider au chargement à 5 heures du matin, il y a son fils Arturo, toujours là et qui est parti avec Abraham en Italie et est resté là-bas chez des copains… Kathia m’explique “Arturo est comme ça quand il est bien quelque part, il s’incruste, et il faut le virer, un vrai Cubain… même s’il est né en France…
Kathia a trouvé son alter ego en la personne d’Hamid, mon gendre, un organisateur né qui a encore étendu la collecte au quartier Belzunce. Grace au secours populaire et au café où se réunissent tous les Algériens de Marseille, un lieu de solidarité et d’échange politique, nous sommes en train de retrouver l’intercontinental alors que l’Algérie, la Kabylie brûle, ses enfants pensent aussi à Cuba. Cuba a la cote auprès des Algériens autant ou presque que les Américains sont détestés. Cuba les a aidés, quand l’Algérie se battait pour son indépendance face à la France. Hamid qui est bénévole avec ma fille Djaouida au secours populaire a prévenu le Secours de leur aide internationale. Et la nouvelle qu’il se fait quelque chose à Marseille court, dans un département proche… Hier tandis que j’attendais et suivais le retour d’Abraham, Djaouida qui était en vacances avec “les copains du monde”, les enfants du quartier Belzunce dans une petite ville des Alpes maritimes, m’a téléphoné et passé le maire un communiste que j’avais connu jadis. Et il m’a dit qu’il voulait lui aussi agir pour Cuba. Nous restons en contact…
Collecter a été plein de péripéties, de petits présents… Tous les jours quand je passais chez Paul, mon copain qui tient un magasin de café, il me tendait un cadeau quotidien : des médicaments, une dizaine mais aussi des chocolats pour moi, pour m’encourager… Paul est brésilien, cardiologue à la retraite il a créé cette boutique de vente de café et machine à dose qui est devenu le lieu de ralliement du quartier et c’est là que j’ai recruté Abraham, l’éthiopien… Paul un Brésilien d’origine africaine, qui joue de la guitare et qui a fait le tour du monde adore la Havane, ne peut pas ne pas aider contre le blocus. Sans se connaitre, tous ceux qui discutent autour d’un café, agissent comme les infirmières qui récoltent les médicaments un à un…
Comme le dit un client “nous sommes tous Marseillais, c’est-à- dire que nous venons d’ailleurs!”
Je vous économise le problème des vaccinés et non vaccinés, moi en train d’expliquer à Abraham pourquoi le vaccin est un don du dieu de Spinoza (c’est la chose la plus proche de ses croyances, l’idée que la science et la connaissance de la nature sont une prière), mais en attendant il se fait un test … négatif… C’est drôle alors que dans les réseaux sociaux on s’engueule, là notre discussion avec Abraham se la joue pilpoul talmudique, ce qui fait dire à Paul le Brésilien: “on croirait des discussions de francs-maçons” et je pense au rôle joué par la francmaçonnerie à Cuba, le siècle des lumières sur un trottoir marseillais…
Nous avons la veille du départ tenu une dernière réunion, avec une nouvelle recrue qui habite le quartier Romain Migus le bien connu ami du Venezuela et qui au titre des médias appuie son ami Comaguer de radio galère… Wilma, qui revient de Cuba nous décrit la situation, très difficile mais aussi la solidarité, le partage du peu… Elle tente de nous mettre en garde contre la difficulté à vaincre le blocus. Le convoi part d’Italie et rejoint Madrid, de là le relais s’opère vers Cuba… Nous l’écoutons à peine, nous expliquer que l’avion de la Cubana aviacion est parti vers la Chine… Mais le lendemain, la veille du départ alors que je reviens avec Hamid de louer la camionnette, Kathia est au bord de l’explosion. Elle m’explique que le convoi italien est bloqué parce que l’avion de Cuba est parti en Chine et qu’il faut en louer un en Italie, ce qui coute 130.000 euros. Où les prendre? Elle ne doute de rien, il faut absolument ces 130.000 euros ou alors aller chercher notre précédent convoi et l’apporter à Barcelone, pourquoi les Français ne font-ils rien ? … Là, je craque… Et je l’engueule pour qu’elle se calme et je propose que nous téléphonions à Turin. A partir de là, le contact est établi dans le sabir qui me tient lieu d’espagnol: non ils n’attendent pas après nous, ils ont déjà à peu près la somme et le 14 aout ils signent le contrat. Un grand élan de solidarité s’est emparé de l’Italie en souvenir de l’aide des médecins cubains, des lits, des appareils médicaux sont là, un hangar est plein, et nos envois partiront avec…
Les camarades italiens me téléphonent le lendemain à sept heures, le 13 jour anniversaire de Fidel… oui le convoi est parti et ils seront là… Le camarade trouve mon espagnol tout à fait limpide vu qu’il est truffé d’italien voire de latin, et nous nous reconnaissons tous frères héritiers de l’empire romain, tous en lutte avec Cuba… fuerte abrazo me dit-il en matière d’au revoir…
Quand Arturo, Abraham et le convoi est arrivé à bon port c’est l’enthousiasme général. Hamid me téléphone “mission accomplie”… Et chacun se passe l’autre au téléphone: “on a gagné, on va gagner, c’est sûr Biden n’a qu’à bien se tenir!” et il est vrai que ce qu’apportent les Italiens est énorme, un hangar plein…
Mais ils sont heureux de voir les Français les rejoindre… Katia me passe un total inconnu et m’explique “c’est Fafa!’ Va pour Fafa, il crie de joie :”Ça y est le travail d’équipe a payé!”
Au retour Abraham s’est perdu du côté de Barcelonnette et nous avons commencé Hamid, Katia et moi le suivi de son trajet… “ne t’inquiète pas Abraham, on s’en fout de payer un supplément de location, repose-toi! prends ton temps... ” C’est vrai que cette histoire est un gouffre … Toute la folie du blocus… tout revient dix huit fois plus cher, y compris notre modeste contribution mais l’amitié, la chaleur que nous éprouvons les uns pour les autres ça c’est le cadeau de Cuba…
Wilma, la sage et l’efficace Wilma a un principe “je ne juge pas, je ne demande pas qui est qui… celui qui veut faire quelque chose pour mon pays, je le remercie“… Katia et moi ne sommes pas aussi indulgentes, depuis des mois certains nous ont “gavées”… Wilma a maintenu le contact avec des Cubains d’Italie, nous la chargeons Katia et moi de gérer les relations avec les institutions officielles françaises en particulier l’Université d’été du PCF… Wilma sait s’y prendre et nous la laissons tenter de soulever la pesanteur bureaucratique des antipathies et sympathies accumulées, l’art du parler pour nerien faire en se disputant la présence sur la photo où il y a plus d’organisations que de présents ayant peu à peu gagné toute la satellite du noyau central aux groupuscules. Wilma a déjà commencé avec l’aide d’un camarade du Vaucluse, un de ceux qui bien qu’épuisé continue à agir, qui est intervenu pour que nous ayons un stand dans cette fichue université.Une “université”qui par la censure, ‘entre-soi déshonore son titre, un club qui ne veut pas de moi pour membre pour des raisons connues des seuls copropriétaires, ce dont tout le monde sauf Katia s’accommode aisément… La direction des relations internationales du PCF, la librairie de la Renaissance, la direction de la fédé des Bouches du Rhône, tous ces conformistes, en plein accord dans l’inertie avec les groupuscules, autant d’obstacles à surmonter quand on est Danielle Bleitrach et qu’a découvert katia avec stupéfaction, je lui dis “trente ans que ça dure faut faire avec!”. Ils sontentre ceux qu savent… A la veille du départ, l’un d’eux a téléphoné pour nous mettre en garde, parfois des colis disparaitraient… Katia commente : “Si on a besoin de nous pour tenir un stand si l’université d’été laisse Cuba avoir un stand…. si… si… tous ces gens-là daignent faire autre chose que tirer dans les pattes des autres, exclure tel ou tel et bien nous serons là!“…
Katia, alors que nous suivons au téléphone le périple du retour d”Abraham sur le pont de la Durance, me dit “Nous allons créer d’autres communistes, comme à Cuba, et ceux qui voudront faire, comme à Cuba, nous ne leur tirerons pas des coups de pied, nous ne les découragerons pas… et peut-être ça les aidera à changer!”
D’ailleurs c’est déjà commencé, quelques communistes asont là: il y a mon ex-camarade de cellule, Nicole, tous les amis du secours populaire, y compris celui des Alpes maritimes qui m’a glissé au téléphone ‘Nous avons voté pour Roussel“, avec tous ceux qui veulent faire…
On y arrivera… comme l’expliquait Mao il faut la longue marche, celle qui envahit les centres …. depuis la marge… La France entière en a besoin… et pas seulement pour Cuba, pour reprendre pied dans le peuple pour y retrouver le sens de la justice et du “faire”… pour les autres pas pour sa pomme, pas pour diffuser ses écrits, pas pour son petit commerce, pas pour jouer les notables… etc… merci Cuba…
Danielle Bleitrach
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kath
Je garderais a jamais et prés de mon coeur cette belle frase de Danielle Bleitrach : la chaleur humaine, le meilleur de notre espèce est au coin de la rue… Cuba c’est cette portion de l’humanité que chacun porte en lui et le pousse à faire pour “l’amour de tous”…