C’est un film distrayant, agréable à voir. Je vais vous donner mon avis sur les films que vous pouvez aller voir sans crainte et même parfois avec intérêt. C’est un film “à la française” qui bénéficie de bons acteurs, d’une mise en scène soignée et surtout d’un scénario de base avec unlivre hilarant qui n’est pas trahi. Vous pouvez aussi emporter le livre à la plage. Cet article inaugure une rubrique cinéma,exposition et livre de l’été.(note de danielle Bleitrach pour histoireetsociete)
6/24/2021
“Le discours” – Ecran et toile (ecran-et-toile.com)
Comment inscrire dans un métrage de moins d’une heure trente les différentes histoires et anecdotes confiées par Adrien dans un petit roman grinçant et diablement efficace ? Si le défi était de taille, on peut déjà écrire que Laurent Tirard s’en sort avec les honneurs et notamment grâce à l’excellente interprétation de Benjamin Lavernhe (« Pong » dans « Mon inconnue ») et les étonnantes prouesses techniques de toute l’équipe.
Dans la tête d’Adrien
Adrien est ce qu’on appellerait un gentil foireux. Celui que ses collègues appellent Aurélien a une petite vie ordinaire ponctuées de jolies rencontres amicales et amoureuses mais aussi de fabuleuses foirades dont on se délecte dans l’écriture de FabCaro. Maladroit ou malchanceux, le jeune homme n’a cessé d’accumuler les déconvenues, les gênes, les bourdes, le rendant tantôt attachant, tantôt agaçant. Mais ce qui préoccupe le plus Adrien au moment où nous le rencontrons, c’est l’absence de réponse au message envoyé à Sonia quelques heures avant le traditionnel dîner de famille durant lequel il ne va cesser de se torturer.
Echafaudant des plans dans sa tête, le jeune homme n’est pas totalement de la fête et lorsque son futur beau frère lui demande de réaliser un discours de mariage pour faire plaisir à sa sœur, c’est le coup de poignard ultime : que va-t-il pouvoir raconter et dire dans son discours alors qu’il est lui-même dans une impasse amoureuse sans issue ?
Le décor planté, Laurent Tirard peut s’amuser dans une réalisation ultra soignée où le spectateur est en permanence convié. Brisant en permanence le quatrième mur, le réalisateur de « Un homme à la hauteur », « Le Petit Nicolas », « Molière » ou encore « Astérix et Obélix : Au service de sa majesté » parvient avec aisance à traduire les émotions et questionnements de son héros dans des monologues face caméra ultra appréciables.
Car sa mise en scène est sans conteste l’une des forces majeures de film : donnant un rythme énergique à un écrit difficilement adaptable sur grand écran, les différents points de vue, apartés, mises en situation permettent non seulement de cerner la personnalité d’Adrien mais aussi celles des membres de sa famille assis autour d’une table recouverte d’une toile cirée. Aussi saccadée que celle du roman, la dynamique permet de ne pas lasser, de se faire surprendre, de s’amuser et de vivre pleinement la vie d’un personnage principal qu’on a l’impression d’avoir déjà côtoyé. Si quelques effets tombent à plat par manque d’installation ou d’explication (l’anecdote de l’auto-stoppeur, la chanson de Claude Barzotti, la fuite dans les toilettes ou dans la rue) et que d’autres sont créées de toutes pièces pour les besoins du film, l’ensemble est hautement appréciable et très agréable à suivre.
Benjamin Lavernhe se révèle un peu plus encore dans cette comédie fantaisiste et renforce les situations comiques par ses mimiques, incarne à merveille cet Adrien dont on a esquissé les traits lors de notre lecture et prend toute la lumière d’un film où chaque comédien s’est donné sans compter. Il est d’ailleurs bon de noter que l’exercice de style est loin d’être une facilité car les différents comédiens en place dans les scènes de repas n’ont jamais bénéficié d’un montage particulier. Tout a été tourné en live et simultané, les dialogues se sont superposés pour obtenir ce rendu bien plus difficile à mettre en place que supposé.
Fidèle au roman d’origine et jouissive, la comédie de Laurent Tirard est une belle réussite. On regrette bien sûr quelques petits oublis (parmi lesquels la scène de la FNAC qui nous avait tant fait rire dans le récit) et quelques longueurs mais on apprécie le choix narratif et l’angle choisis, le nouveau montage fait de cette vie anodine et la fraîcheur qui se dégage de ce métrage hautement recommandable. Un pari réussi qui vous donnera peut-être l’envie de (re)découvrir l’œuvre de FabCaro, auteur de romans et bande dessinée français mordant et formidablement ancré dans notre époque.
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