Il y a tout un discours qui n’émane pas du KPRF mais comme ici de sites plutôt proches du pouvoir qui se moque de la manière dont les républiques, qu’il s’agisse du Caucase ou des Baltes ont cru qu’en se séparant de l’URSS, ils atteindraient le paradis. Cela s’est en général doublé de russophobie et de tropisme pro-européen, mais 30 ans après le bilan est totalement négatif et les anciennes républiques courent en vain derrière l’URSS sans avoir la centralité russe à leur disposition. On peut dire que la Biélorussie est une des rares réussites du processus parce qu’elle a réussi grâce à Loukachenko à conserver l’industrialisation étatisée et qu’elle a géré tout un temps avec équilibre la relation entre Russie et UE. Mais aujourd’hui visiblement l’UE et les États-Unis veulent la contraindre à choisir le même destin que l’Ukraine, les pays baltes… (note de Danielle Bleitrach et traduction de Marianne Dunlop)
https://vz.ru/opinions/2021/3/19/1090263.html
19 mars 2021
Cela fait 30 ans que j’attends les mots sur la “réindustrialisation”. Et maintenant, c’est arrivé ! Pour commencer, voici une citation du discours du Premier ministre letton : « Comment pouvons-nous devenir une nation riche, un pays riche ? Comment pouvons-nous atteindre un niveau de prospérité souhaitable, qui se rapproche de celui des pays nordiques ? Je crois que nous pouvons le faire, et que nous pouvons y parvenir grâce à ce que l’on appelle la réindustrialisation intelligente. »
Miracle ! Les Lettons ont soudainement remarqué, après 30 ans, que leur pays n’est pas très bon d’une certaine manière. Après s’être libérés de l’URSS, ils n’ont pas réussi à créer quelque chose qui tienne la route à partir de la petite Lettonie. Il en est de même, d’ailleurs, des deux autres républiques baltes – l’Estonie et la Lituanie. Ils n’ont réussi à devenir ni des “nations riches”, ni des “pays riches”, ni même atteindre un “niveau de bien-être” élémentaire. Et pourtant, quels rêves magnifiques ils avaient : sortons de l’URSS, et vous allez voir comment nous allons prospérer !
Laissez-moi vous parler de moi. Il y a trente ans, avant de partir pour le journalisme, j’ai travaillé à l’association de production “Radiotekhnika” en tant qu’ingénieur de conception, pendant 15 ans. Ma “Radiotekhnika” a été un grand succès dans toute l’Union soviétique. Il y avait des files d’attente pour chaque nouveau modèle de notre équipement radio de Kaliningrad à Vladivostok.
La Lettonie était l’une des républiques les plus développées industriellement de l’URSS. Je ne comprends pas vraiment pourquoi, mais l’URSS a versé des milliards énormes pour le développement de ses périphéries nationales. Et clairement au détriment de la partie russe de l’URSS. Ainsi, en 1991, la Lettonie possédait la plus puissante industrie radiophonique (usines VEF et Radiotekhnika), sa propre industrie automobile (usine RAF – microbus), sa propre usine ferroviaire – RVR, dont les trains parcourent encore les étendues d’un sixième de la surface terrestre. Ainsi que les industries de la microélectronique, de la pharmacie, de la chimie, de la métallurgie, de l’industrie légère et de l’alimentation. Les mobylettes Riga étaient le rêve de tout enfant en URSS. Je pourrais continuer pendant des heures à énumérer les marques lettones nées en URSS. Tout cela a disparu depuis longtemps.
À la fin des années 1980, il y a eu la perestroïka, puis, dans les années 1990, l’indépendance. Savez-vous quand a sonné le premier signal d’alarme ? Quand soudain, des foules de paysans aux préoccupations nationalistes ont commencé à se promener dans ma Riga industrielle russe avec des banderoles disant “A bas le métro !” Qu’est-ce que le métro a à voir avec ça ? Laissez-moi vous dire. À la fin des années 1980, Riga comptait près d’un million d’habitants. En Union soviétique, il était de règle de construire un métro dans chaque ville d’un million d’habitants. Et les autorités centrales de Moscou ont commencé à le faire. Ils ont fait venir des ingénieurs à Riga, ont commencé à forer des puits et à dessiner des projets. Une usine de construction de métro a été construite non loin de l’endroit où j’habitais à l’époque, où l’on était censé couler des coffrages en béton pour les futurs tunnels du métro de Riga.
Photo : Mikhnovsky/RIA Novosti
C’était bien, non ? La grande URSS, à partir de son budget central, a décidé d’aider les Lettons à gérer tant bien que mal les problèmes de transport dans la capitale exiguë et surpeuplée. Mais ça n’allait pas se passer comme ça ! Les Lettons, fiers et indépendants, ont commencé à protester contre la construction du métro. Vous demanderez – pourquoi ? La réponse est à pleurer. Les Lettons avaient simplement peur que des milliers de constructeurs russes venus de toute l’Union soviétique arrivent soudainement à Riga – pour creuser des tunnels. Et il y aura encore plus de Russes à Riga, et c’est très mauvais. Le fait est que l’industrialisation de la Lettonie, qui a débuté dans les années 1950, s’est accompagnée d’un afflux massif d’immigrants – travailleurs qualifiés, ingénieurs, enseignants, médecins, scientifiques. La grande URSS a construit des usines, des ports, des centrales électriques, a développé la science, l’éducation et l’industrie dans la RSS de Lettonie. En une trentaine d’années, des années 1950 aux années 1980, la République socialiste soviétique de Lettonie est devenue une république industrielle. Mais voilà le problème – les Russes. Il y en avait trop ici, de l’avis des Lettons.
Et donc la première chose que les gens qui sont arrivés au pouvoir dans leur pays indépendant au début des années 1990, c’est déclarer la désindustrialisation. Sous la devise : “Notre petit pays n’a pas besoin des monstres industriels soviétiques”. Nous allons vivre tranquillement. Planter des pommes de terre biologiques, élever des vaches biologiques et prospérer grâce à cela. Et quand nous aurons fermé toutes les usines soviétiques, ces ouvriers, ingénieurs, scientifiques russes détestés partiront d’ici. Nous n’en avons pas besoin. Nous sommes bien sans eux. En tant qu’ingénieur, j’ai vu de mes propres yeux, en “temps réel”, comment se déroulait la désindustrialisation de la Lettonie. Dans les années 1990, la Lettonie était le premier exportateur européen de métaux ferreux et non ferreux. D’où la Lettonie tirait-elle le métal alors qu’il n’y avait pas de minerai en Lettonie… du fumier peut-être? En fait, voilà d’où ça venait : les Lettons ont découpé toutes leurs usines soviétiques VEF, REZ, RAF, RVZ, mon Radiotech en ferraille avec des chansons :
Et ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. Près de la moitié de la population a quitté la Lettonie indépendante en 30 ans. Pour partir Dieu sait où. En Russie, en Europe, en Amérique. Et, ce qui est choquant, les Russes et les Lettons ont fui la Lettonie de manière approximativement proportionnelle. Il s’est avéré que les jeunes Lettons n’étaient pas tous prêts à tordre la queue des “vaches écologiques” pour le reste de leur vie. La Lettonie indépendante s’appauvrit à vue d’œil, faisant eau de toute part. Encore dix ans et il ne restera plus ici que des retraités et des fonctionnaires. Et aussi quelques “vaches écologiques”.
Et voilà que ce se produit un miracle : le premier ministre de Lettonie, 30 ans après la “désindustrialisation”, annonce soudainement la “réindustrialisation” du pays. C’est-à-dire qu’il faut tout ramener : les usines, des centaines de milliers de travailleurs qualifiés, des ingénieurs, des scientifiques, des enseignants, des médecins. Il serait curieux de savoir où le Premier ministre letton va trouver de l’argent et des spécialistes pour cela. L’URSS n’existe plus depuis 30 ans, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de volonté d’investir dans la “réindustrialisation” des fiers Lettons indépendants. Et il n’y en aura jamais plus.
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etoilerouge commune
excellent.
Bosteph
Ces conséquences, nos merdias n’ en parlent surtout pas ! Ceci dit, dès le milieu des années 90, où la censure n’ était pas encire aussi visible que maintenant, quelques reportages “5-6 ans plus tard” m’ avait fait comprendre qu’ il existait une frange importante “de déçus du capitalisme” dans les “anciens pays de l’ Est”.