Voici un article traduit par Marianne dans lequel le parti communiste d’Ukraine fait la démonstration du rôle de l’UE et de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) dans les ex-pays socialistes. Nous sommes devant la réactualisation du projet hitlérien de conquête des terres slaves et pas dans la façade démocratique que l’UE prétend se donner. A travers cet exemple qui concerne la Moldavie, qui a toujours été la terre de prédilection de conquête du fascisme roumain allié de l’Italien et du nazisme, on comprend mieux pourquoi les “héros de la liberté” promus par les USA, l’UE et l’OTAN ont cet étrange profil de néo-nazis ? Pourquoi il est besoin de réveiller les fantômes de l’anticommunisme et de l’antisémitisme (même quand l’opération comprend des propagandistes comme Glucksman, Cohn-Bendit et BHL). Comme l’a très bien vu le texte que Staline adressait aux communistes allemands dans les années 1925: les USA fournissent une aide aux Allemands qui leur permettent de reconstituer leur industrie et la social démocratie s’attribue ce mieux face à la classe ouvrière, mais ce qui est occulté c’est l’absence de marché et de terres à piller à laquelle se heurte l’Allemagne et cela engendre le nazisme avec sa ruée vers l’est. L’UE dès le plan Marshall s’est constituée sur la même logique et la banque qui accompagne sa ruée vers l’est est le même instrument de domination. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)
28.05.2021
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La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a acheté l’entreprise stratégique la plus importante de Moldavie – le port de Giurgiulesti, qui était le seul accès à la Mer Noire pour le pays. Les Européens ont en fait confisqué la clé de la souveraineté moldave pour dettes, privant la république d’une possibilité même théorique de se soustraire à leur diktat.
L’exemple de la Moldavie est encore plus triste et instructif que notre “contemporanéité” ukrainienne. Elle montre clairement quel sort attend un pays post-soviétique dont on a “castré” la souveraineté.
Une circoncision mortelle
Avoir son propre port avec un débouché sur la mer Noire est la clé de l’indépendance de la Moldavie. Et la perte de son contrôle n’est même pas une félonie ni de la “prostitution d’État”, mais plutôt la vente des organes sains de son propre corps encore vivant.
On peut comprendre qu’une personne désespérée décide de vendre son rein ou son poumon pour sauver la vie de son enfant ou dans un autre but noble. Mais lorsque l’État le fait pour régler des dettes avec des créanciers, c’est un crime blasphématoire ! Tant de la part de celui qui s’est laissé “découper vivant” que de la part du “chirurgien” qui a pratiqué l’opération.
Mais de telles analogies n’apparaissent que dans un cerveau sain qui pense en termes de moralité humaine. Quant aux autorités moldaves actuelles, on peut dire avec certitude que le corps (c’est-à-dire les personnes) est toujours vivant, alors que le cerveau est dans un coma prolongé depuis longtemps.
La Moldavie est pour nous l’exemple le plus frappant à cet égard. Il s’agit d’un pays dont le président possède la nationalité d’un autre pays.
C’est un pays où un parti réclamant la transformation du pays en une province d’un pays voisin a été enregistré et se présente aux élections.
Un pays où les décisions fondamentales sont prises par les ambassades occidentales.
Un pays où le transport ferroviaire est au bord de l’arrêt complet et où son principal élément stratégique en matière d’approvisionnement de l’économie nationale et de communication avec le reste du monde a été vendu à des étrangers pour cause de dettes. Vous ne voyez pas d’analogies ?
Alors laissez-moi vous dire comment l’Ukraine, à son détriment, a “ouvert une fenêtre dans la mer pour la Moldavie”.
Une fenêtre sur la Moldavie
Le port franc international de Giurgiulesti est situé à l’embouchure de la rivière Prut, à l’endroit où elle se jette dans le Danube. Du port à la Mer Noire, il y a 134 kilomètres en aval du Danube. Il est en eaux profondes et navigable même pour les navires de mer.
Les frontières de la Moldavie avec la Roumanie et l’Ukraine convergent à cet endroit. Tant que ce port n’existait pas, la Moldavie devait utiliser les services du Galati roumain (pendant une très courte période d’indépendance) ou de nos ports de la région d’Odessa. Odessa, Ilyichevsk, Izmail et Reni sont les points clés par lesquels transitaient tous les flux de marchandises et de passagers moldaves.
Avoir son propre port a non seulement donné à la république des possibilités alternatives, mais a également permis de planifier de grands projets d’infrastructure.
Par exemple, toutes les importations de pétrole et de produits pétroliers passent désormais par le terminal de chargement de pétrole du port de Giurgiulesti. Le port dispose d’une liaison régulière directe avec Istanbul, d’où part un flux incessant d’importations turques et chinoises vers la Moldavie.
Dans le Bosphore, il est transbordé depuis les géants océaniques sur des navires moldaves. Et même de nombreux flux de fret ukrainiens d’exportation et d’importation ont quitté maintenant les ports de Reni et d’Izmail pour la plate-forme de transport moldave, moins chère et plus loyale en termes de contrôle écologique et douanier, laissant la Danube Shipping Company sur sa faim.
Ce n’est pas sans raison que le conflit territorial de longue date entre Chisinau et Kiev est lié à “Giurgiulesti”. À l’époque soviétique, la République socialiste soviétique de Moldavie n’était pas intéressé à avoir son propre port – les communications maritimes de la république avec le monde extérieur passaient sans problème par Odessa. L’éclatement de l’URSS a confronté Chisinau à une décision politique inévitable : la Moldavie ne pouvait être un État indépendant de facto tant que son accès au monde extérieur et les importations et exportations moldaves étaient contrôlés par d’autres pays. Elle avait besoin d’un accès à la Mer Noire !
La seule issue possible était la construction de son propre port dans le cours inférieur du Danube. Une telle conclusion découlait logiquement du fait même de la proclamation de l’État moldave indépendant. Cependant, il n’y avait pas de sortie sur la rive du Danube. c’est là que l’Ukraine est venue en aide à sa voisine. Il y a eu un échange de territoires entre les deux pays. Ensuite, la construction du port de marchandises et de passagers, des voies d’accès pour les automobiles et les chemins de fer sur les terres reçues de l’Ukraine près du village de Giurgiulesti est devenue le plus grand projet d’infrastructure de la Moldavie post-soviétique.
Et qu’a obtenu l’Ukraine en retour ? Huit kilomètres de la route reliant Odessa à la région du Danube, près du village moldave de Palanca, qui traversaient le territoire moldave, et plusieurs kilomètres carrés du cours supérieur de l’estuaire du Dniestr, que les agriculteurs moldaves n’acceptent pas de céder malgré la décision prise jusqu’à présent par leur gouvernement. Parce qu’ils n’ont nulle part ailleurs où faire paître leur bétail. Si l’on tient compte du fait que c’est le seul moyen de relier l’Ukraine “continentale” aux régions de Bessarabie situées entre le Dniestr et le Danube, à l’exception du pont basculant de Zatoka, qui n’est comparable qu’à l’isthme de Crimée, l’idée stratégique est claire. Mais si l’on considère le type de concurrent que l’Ukraine a amené dans ses ports, l’intérêt économique de l’échange de territoires est très douteux.
D’autant plus qu’elle sera désormais en concurrence non pas avec son petit et pauvre voisin mais avec la plus puissante structure financière européenne.
Qui a bu la “mer de Moldavie” ?
Depuis 1995, la BERD (Banque européenne pour la reconstruction et le développement) est l’un des principaux sponsors de la construction du port franc international de Giurgiulesti. Et ces dernières années, elle a activement racheté les dettes des autres créanciers de Chisinau. En conséquence, la Moldavie ne doit plus Giurgiulesti qu’à la seule Banque européenne ! Le pays n’a évidemment pas les moyens de payer ses dettes et, par conséquent, la BERD a pris 100 % du capital de Danube Logistics Group, qui est l’exploitant du port. Et ce faisant, elle a enlevé à la Moldavie la clé de sa souveraineté et de son indépendance.
La BERD a été créée en 1991 pour favoriser la transition vers l’économie de marché dans les pays d’Europe centrale et orientale qui ont subi l’effondrement du socialisme. Avec la Banque mondiale et le FMI, elle est immédiatement devenue un investisseur important dans la région post-soviétique et dans les anciens pays du Pacte de Varsovie. La différence avec le FMI étant qu’elle est contrôlée non pas par des Américains mais par des Européens de l’Ouest. Les principaux actionnaires sont l’Allemagne et d’autres pays donateurs de l’UE.
Si l’on en juge par la désindustrialisation de toute l’Europe de l’Est, la faillite et la vente pour rien des entreprises les plus importantes au cours des 30 dernières années et leur transformation ultérieure en ferraille, le véritable objectif des “investisseurs” occidentaux était de prendre le contrôle de toute la région postsocialiste et d’y réduire en cendres toute concurrence possible à leurs fabricants. L’histoire du port moldave est une exception qui ne fait que confirmer la règle. Dans ce cas, l’Occident n’a pas détruit l’objet stratégique, mais a contribué à le construire… pour le reprendre plus tard.
Pourquoi les banquiers occidentaux avaient-ils besoin de la jonction de transport à la frontière moldave ? Pour garantir le contrôle politique de l’ancienne république soviétique et l’éloignement stratégique des intérêts économiques russes de cette région. Si les Européens n’avaient pas donné d’argent à Chisinau pour construire le port, les Moldaves auraient pu se tourner vers la Russie. Elle a construit une centrale atomique en Biélorussie à la demande de Loukachenko. Et un port construit par la Russie à l’embouchure du Danube aurait marqué la présence stratégique de Moscou dans la région, une présence comparable, peut-être, à la base de la flotte de la mer Noire en Crimée.
Ainsi, les Européens, avec leurs cadeaux, avaient deux véritables objectifs. Et ces deux objectifs ont été atteints aujourd’hui.
Et qu’est-ce que ça nous rapporte à nous, en Ukraine ?
Pour nous, c’est une leçon qui nous fait prendre conscience de ce qu’est réellement notre soi-disant “choix européen”. Et de réaliser que c’est l’abandon de notre souveraineté et de notre indépendance à l’Occident qui nous a conduits à l’état déplorable dans lequel nous nous trouvons actuellement. Et de nous demander : “Est-ce vraiment de cela que nous avions besoin ?”
Bogdan Potchaynov
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