Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Karl Marx en manga chinois

Les jeunes chinois ont des cours de marxisme mais lors de l’anniversaire de la naissance de Marx en 2018, nous avions présenté ce dessin animé que le parti communiste chinois avait commandé pour célébrer les deux cent ans de la naissance de Karl Marx à la jeunesse chinoise, nous le publions à nouveau pour l’autre anniversaire celui de sa mort mais aussi des 150 ans de la Commune qui l’a inspiré politiquement en lui faisant découvrir au-delà de la lutte des classes la nécessité de la dictature du prolétariat. Marianne en avait réalisé une traduction en sous-titres. Nous découvrions alors que la Chine était bel et bien socialiste et depuis ce temps, nous avons été confrontés à l’existence de divers courants du marxisme en Chine, du parti communiste à ceux qui regrettent la révolution culturelle, ou comme le cinéaste Wang Bing dans des documentaires racontent de la Chine contemporaine et de la façon dont les Chinois anonymes, pauvres, rarement «visibles», y survivent. Il est à noter qu’en dehors des islamistes terroristes (minoritaires) dans le Xinjiang et de la jeunesse dorée qui tente de créer des violences sous drapeau américain à Hong Kong, la contestation en Chine se veut de “gauche” et feint de s’attaquer aux méfaits capitalistes plus encore qu’à vanter la démocratie occidentale en nette perte de vitesse dans l’opinion publique.

Souvenez-vous de ce dessin animé chinois présentant la vie et l’œuvre de Marx, dont Marianne Dunlop avait traduit en français les sous titres. Il est aisé de le reconstituer puisque à la fin de chaque épisode apparait en fenêtre le suivant même si le début reste le même.

Ce n’est pas le seul exemple

Pour concurrencer les drames d’époque, les jeux vidéo et les films hollywoodiens, le parti s’est allié aux forces commerciales pour transformer ses idéologies en jeux télévisés, en chansons pop et, en dessin animé. Une industrie chinoise du cinéma se développe sous de multiples formes qui emporte de plus en plus l’adhésion du public chinois, elle mêle les films à grand spectacle, les documentaires sur la vie des héros et héroïnes prolétariennes avec une dimension à la fois patriotique et romantique, les dessins animés en font partie mais après avoir copié, la Chine cherche de plus en plus son mode d’expression spécifique. Il se passe en matière d’industrie cinématographique et autres bien culturels, le phénomène que le gouvernement chinois décrit comme celui de la”double circulation” Utiliser l’énorme marché chinois comme le moyen de peser sur les thèmes et les formes diffusées à l’exterieur avec des choix de collaboration dans lesquels s’affirme de plus en plus une créativité spécifique chinoise.

Le premier épisode de 23 minutes de « The Leader », a été publié sur le site de diffusion en continu d’animation le plus populaire du pays, Bilibili, il couvre l’enfance et la jeunesse de Marx et a innové en présentant Marx sous des aspects de jeune homme romantique. Cela dit après ce premier épisode le dessin animé ne fait pas seulement rêver et ni apprendre aux garçons à séduire la femme qu’ils aiment. Il y a un véritable effort conceptuel et présenter un manga qui initie réellement à la philosophie, et aux textes fondateurs du Marxisme n’est pas évident, le pari est assez réussi.

La date: les années 1830 Le lieu: la ville allemande de Trèves. Un jeune et beau Karl Marx prend part à un bal donné par la noble famille von Westphalen. Tout le monde dans la pièce regarde de travers ce prétendant de la classe moyenne – tout le monde sauf la belle Jenny von Westphalen.

Hypnotisé par Jenny, une figure de princesse aux cheveux auburn, aux yeux roses et à la robe bleu clair, Marx l’invite à danser pendant que le frère de Jenny regarde la scène avec colère.

«Il veut que j’épouse un noble, mais je ne t’ai que toi dans mon cœur», dit Jenny à Marx alors qu’ils discutent dans le jardin après le bal, les mains entrelacées.

«Quand vas-tu te marier?» Dit Marx. «Dis-moi quand tu décideras pour que je puisse t’épouser.»

Le jeune et beau Marx décrit dans « Le Guide » contraste avec le vieux Marx barbu que connaissent la plupart des Chinois mais on le voit peu à peu s’identifier au titan théoricien et combattant.


Le dessin animé a provoqué beaucoup de réactions sur les forums chinois, et pas seulement favorables. Sur Bilibili, de nombreux fans de dessins animés ont déploré le manque de qualité de la production par rapport aux dessins animés japonais.

Certains se sont également plaints du fait que le site de streaming permettait aux abonnés payants de regarder le prochain épisode avant tout le monde. «Les capitalistes doivent donc regarder en premier?» A commenté un utilisateur de Bilibili.

Chen Daoyin, politologue basé à Shanghai, dit que dans l’ensemble, ce dessin animé sera un moyen efficace d’éduquer les jeunes à la version du marxisme par les dirigeants chinois : «Les adolescents seront plus enclins à accepter le marxisme s’ils apprennent à connaître Marx en tant que personne, en premier lieu», a déclaré Chen. « Le but ultime est de leur faire reconnaître l’idéologie officielle du parti et sa légitimité à gouverner. »

Il y a en effet quelque chose que l’on découvre dans le numéro du Point dont nous parlons par ailleurs. Le diplomate politologue de Singapour dont nous reproduisons des extraits de l’entretien insiste beaucoup là-dessus, il parle à des hommes d’affaires français capitalistes: “Tout observateur asiatique qui connait la Chine sait que le but du PCC n’est pas de ressusciter ou d’exporter le communisme dans le monde. Ce dernier n’est qu’un instrument utilisé par les dirigeants chinois pour gouverner. Le rêve de ces dirigeants est de rendre sa grandeur à la Chine.” On retrouve chez ce politologue à plusieurs reprises le fait que les dirigeants doivent traduire les volontés de leur peuple, il fait référence bien sûr à la sinophobie officielle de Biden, mais tout autant à la population chinoise qui ne supporterait pas que son gouvernement renonce à Taïwan et soit de nouveau humilié comme durant les suites de la guerre de l’opium, et qui sur le fond adhère au socialisme et veut aller vers ce qui lui parait la voie du progrès autant que de l’indépendance nationale. Donc les dirigeants chinois doivent être communistes s’ils veulent conduire la Chine vers “le rêve chinois”.

Danielle Bleitrach

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