Le travail de Françoise La rouge, de l’importance du regard… Ne croyez pas que j’ai choisi de vous parler du sujet sous la pression de mon chat qui ressemble à s’y méprendre aux chats du samedi de Françoise, le chat est une passion commune pour les cabotins de toute espèce et pour être plus aimables avec tous ceux qui acceptent d’être photographiés sans rien réclamer en vous laissant continuer votre chemin. Tout occupés, comme les chats peuvent l’être, à transgresser le convenable et celui-là sur la photo brave l’interdit. Il s’agit dans le fond d’une conception du “regard” sur le monde, en ayant eu la chance d’avoir suivi certains maîtres avec leur appareils ou leurs caméras et ce qu’ils m’ont aidé à en percevoir. (note de danielle Bleitrach)
J’ai eu la chance de connaitre Willy Ronis et lors d’un voyage en croisière autour de la méditerranée où nous étions tous les deux invités. Lui parlait de la photographie et moi du cinéma de fellini. Cela rapproche! Nous nous étions rencontrés auparavant au Comité central, place du colonel Fabien. Il souhaitait confier au PCf la sauvegarde de son oeuvre, c’était au début de l’ère Mitterrand, le temps des ralliements et des courtisaneries. Lui ne se laissait pas avoir, en tant que gamin des quartiers populaires de Paris, en tant que juif, ceux en qui il avait confiance était les membres du parti communiste. Dans la croisière, il m’a donné le loisir de le suivre. je me souviens de cette promenade dans Palerme. C’est alors que j’ai perçu la manière dont il fonctionnait. Il trouvait un décor, un lieu qui pouvait convenir à une micro mise en scène: par exemple une flaque d’eau qu’il fallait enjamber et qui apportait un reflet donnant de l’espace à l’intimité du geste. Et il se plantait là des heures, attendant l’événement. Mais ce qui le caractérisait était de la bienveillance envers les petites gens, l’amour de la beauté, celle de la plénitude d’une femme. A ce propos, si l’un de vous peut me rendre un service: il m’avait prise en photo à Fabien, il avait réussi à me rendre d’une beauté iréelle, seule et avec Ralité et lucien Marest, avec pour seul décor de grands rideaux du réfectoire. j’ai perdu ma photo, comme j’ai perdu tant de choses, mais je pense que Marest devrait avoir conservé ce souvenir. Certes Marest a toujours été teigneux, et depuis pas mal de temps nous n’avons pas tout à fait la même vision du monde, y compris la nécessité du socialisme, je peux rêver et espérer qu’il m’en fournisse une copie. Si quelqu’un peut lui transmettre ma demande, on ne sait jamais, un instant de relâchement dans la censure et dans le goût de me faire payer mes désaccords…
Mais revenons-en à la photographe que je vous présente aujourd’hui, je trouve que Françoise La rouge, ressemble par certains côtés à Willy Ronis, mais avec des goûts pour l’arabesque, le géométrique qui eux feraient plus songer à Henri Cartier Bresson dans son voyage en Chine ou même à Man ray qui m’est plus étranger… Encore que comme on le voit sur cette photo d’enfants à Paris, Willy Ronis sait aussi structurer sa photo en de multiples plans pour mieux diriger notre regard sur les jeux humains, ceux dont il demeurait cousu d’enfance, avec la bienveillance du “plus jamais ça”…
Françoise est dans cette tradition et elle combine de multiples influence et il lui reste peut-être à introduire le mouvement dans l’instant, mais en disant cela j’exagère, le mouvement chez elle est déjà dans la tension, dans l’intensité. Elle aussi l’héritière de l’apport des plans fixes à la Godard, un autre temps. Elle hésite entre bienveillance et fascination pour le travesti, elle suit des heures durant le peuple en lutte, les infirmières , les gilets jaunes, les sapeurs pompiers, les fêtes de l’humanité, aux gestes du travail avec les travailleurs de la mer… La ville s’est gadgétisée même si Françoise y déambule toujours avec ceux qui résistent…
Mais voici qu’avec le temps du confinement la ville s’est arrêtée… le temps immobile , celui des statues… la ville devenue un grand cimetière avec ses stèles sculptés et ses écriteaux commémoratifs…
Mais il y a aussi chez elle, le déguisement comme une chimère . On est constamment déstabilisé en étant obligé d’aimer les ruptures, les temps de l’inconnu, ceux où l’on n’a plus triomphé du fascisme comme avec Willy Ronis, il pointe son museau et le clown, le travailleur en lutte dit le temps suspendu … le paysage urbain se hérisse de barrières, de grilles… Le couple de Doisneau ne s’embrasse plus, leur ombre est prisonnière… Paris devenu une annexe du père Lachaise.
Mais il y a ce que j’aime, toujours ce jeu entre le réalisme et le fantasmagorique, qui représente pour moi le réalisme socialiste à la Grémillon, le réalisme socialiste donc avec le rêve en plus, le rêve en tant que potentialité du réel.. On commence à savoir devant une de ses photos ce que l’on éprouve devant les grands quels que soient les changements de sujet, de style, on se dit “c’est une photo de Françoise” c’est une question de cadrage qui comme Courbet à Palavas dit ce goût de la liberté… C’est paradoxal parce que souvent le sujet humain paraît à la fois au centre et écrasé dans un décor qui le pénètre de ses verticales et horizontales à l’infini parfois le mobiliser urbain, escaliers, poteaux, ombres devient une geole, parfois la nature au contraire avec ses mouvements, vagues, végétaux lui offre l’émancipation rêvée, mais c’est le même rapport, l’individu prométhéen. .
mais aussi ce goût du bricolage des enfants qui ont dû fabriquer leurs jouets…
Alors voilà prenez le temps de regarder ce qu’elle vous présente ici de son travail, nous manquons tant depuis ce foutu virus d’aliments pour notre imaginaire, alors qu’il faudrait innover , créer d’urgence…
François dédie son travail
Je dédie cette vidéo aux personnes qui ont bien voulu poser pour moi
cette année. Je leur suis si reconnaissante de m’avoir ainsi permis de
continuer mon chemin de photographe. J’ai aussi une pensée pour celles
et ceux qui y apparaissent malgré eux, qui me voient les photographier
et qui me laissent tranquillement passer mon chemin. Il devient de plus
en plus compliqué de photographier les parisiens. Jeudi 31, j’ai encore
été harponnée au marché par une femme de mon âge qui m’avait vu prendre
une photo et qui ne voulait surtout pas être dedans. Raison de plus pour
envoyer une pensée affectueuse à celles et ceux qui jouent le jeux.
Françoise Larouge Photographies | Le chat du samedi 2 janvier 2021 ©FrancoiseLarouge (tumblr.com)
Vues : 323
Françoise
Merci Danielle. Les mots me manquent.