Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Quand les bolcheviks ont failli être vaincus

Domaine public Les forces antibolcheviques sont presque venues à bout des bolcheviks à l’automne 1919. Elles n’étaient qu’à quelques centaines de kilomètres de Lénine et des autres dirigeants rouges du Kremlin… A tous ceux qui se croient communistes et qui pensent qu’ils peuvent donner des leçons à tous ceux qui ont combattu et qui combattent encore, dites-vous bien que pour le moment vous seriez incapable de faire ce dont sont capables de vrais révolutionnaires et je ne connais personne en France du moins qui soit en état de rivaliser avec ceux qui ont défendu la Révolution russe, avec ceux qui défendent aujourd’hui Cuba. (Danielle Bleitrach)

Dans les tranchées de la ligne avancée près de Petrograd. L'offensive de l'armée du Nord-Ouest du général Nikolaï Ioudenitch en automne 1919

Dans les tranchées de la ligne avancée près de Petrograd. L’offensive de l’armée du Nord-Ouest du général Nikolaï Ioudenitch en automne 1919МАММ/МDF/russiainphoto.ru

À l’été 1919, à l’apogée de la guerre civile, la jeune République soviétique de Russie était entourée d’ennemis. Dans le nord-ouest, Petrograd (comme on appelait alors Saint-Pétersbourg) était menacée par le général Nikolaï Ioudenitch, dans l’ouest il y avait des combats contre les Polonais, et dans l’est – contre les troupes d’Alexandre Koltchak, reconnu par toutes les forces blanches (contre-révolutionnaires) comme le souverain suprême de la Russie. Côté sud, l’Armée rouge était opposée aux Forces armées du sud de la Russie (FASR) placées sous le commandement d’Anton Denikine, qui avait décidé de porter au bolchevisme un coup décisif, en lançant la prise de Moscou.Été 1919. Taganrog. De gauche à droite, le général Ivan Romanovski, le général Anton Dénikine, Nikolaï Sokolov. Debout - Nikolaï Astrov, Nikolaï Savitch

Été 1919. Taganrog. De gauche à droite, le général Ivan Romanovski, le général Anton Dénikine, Nikolaï Sokolov. Debout – Nikolaï Astrov, Nikolaï Savitch Domaine public

La directive N°08878 sur la « campagne contre Moscou » a été signée par Denikine le 3 juillet 1919, quelques jours après la prise d’un grand centre industriel et pôle de transport sur la Volga – Tsaritsyno (futur Stalingrad). Les actions réussies de ses troupes au printemps et les soulèvements à grande échelle contre le régime soviétique des cosaques et des paysans ont permis de créer dans le sud du pays un tremplin pour se projeter dans la partie centrale de la Russie. « Moscou était, bien sûr, un symbole », écrivait Denikine dans Essais sur le Temps des troubles russe « Tout le monde rêvait de marcher sur Moscou, et tout le monde avait cet espoir ».Le général Piotr Wrangel part après la messe de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski à Tsaritsyne (Volgograd aujourd'hui)

Le général Piotr Wrangel part après la messe de la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski à Tsaritsyne (Volgograd aujourd’hui)Domaine public

En réalité, tous les dirigeants blancs ne partageaient pas cet optimisme. Le commandant de l’armée du Caucase, le général Piotr Wrangel, estimait que les modestes forces de la FASR (60 000 hommes) n’étaient pas capables d’une telle campagne, et qu’elles auraient dû renforcer leurs positions et s’unir à Koltchak, dont les armées, vaincues à ce moment-là, se retiraient à travers l’Oural. Bien plus tard, déjà en exil, il a décrit la directive « militairement insensée » de Denikine comme « une condamnation à mort des armées du sud de la Russie ».

>>> Cent ans de l’Exode russe, héritage amer de la guerre civile sans merciL’Armée des volontaires

L’Armée des volontaires Domaine public

Néanmoins, lors de la rapide offensive des FASR de l’été-automne, Poltava, Odessa, Kiev, Voronej et Orel ont été prises. Des patrouilles de cosaques blancs sont apparues dans la province de Toula, à 250-300 km de Moscou. Après avoir percé à l’arrière du front sud de l’Armée rouge, le 4e corps du Don du général Konstantin Mamantov y a semé la panique et le chaos pendant plus d’un mois, brûlant des entrepôts, et saisissant des armes et des munitions.Des bolcheviks déjeunent près du feu

Des bolcheviks déjeunent près du feu Archives centrales d’État de documentation cinématographique/russiainphoto.ru

En raison des renforts en soldats venus des territoires occupés, les effectifs des FASR sont passés à 150 000 personnes. Environ 70 000 d’entre eux se sont dirigés vers Moscou, où ils faisaient face à plus de 115 000 soldats ennemis, inférieurs, cependant, à ceux de Denikine en termes d’entraînement au combat. De plus, les hommes de l’Armée rouge étaient grandement démoralisés par une série d’échecs constants.Des détachements communistes sont envoyés au front, Moscou

Des détachements communistes sont envoyés au front, MoscouPetr Otsup/МАММ/МDF/russiainphoto.ru

À Moscou, Lénine a publié la proclamation Tous contre Denikine !, dans laquelle il soulignait que « l’un des moments les plus critiques, selon toute vraisemblance, le plus critique de la révolution socialiste » était arrivé. Comme le commandant en chef des forces armées de la République, Sergueï Kamenev, l’a écrit des années plus tard dans ses mémoires : « Je ne me souviens pas d’une situation plus compliquée pendant toute la période de la guerre civile ». En plus de cela, des nouvelles alarmantes arrivaient de Petrograd début octobre : ​​pour soutenir l’offensive de Denikine dans le sud, l’armée du Nord-Ouest du général Ioudenitch, assistée des troupes estoniennes et de la flotte britannique, avaient lancé l’opération Epée blanche pour s’emparer de l’ancienne capitale de l’Empire russe.Pavel Dybenko et Nestor Makhno

Pavel Dybenko et Nestor Makhno Petr Otsup/МАММ/МDF

À la mi-octobre, cependant, l’offensive de Denikine a commencé à s’essouffler. Ayant occupé de vastes territoires de la côte de la mer d’Azov à Orel, ses forces n’étaient pas suffisantes pour les contrôler efficacement. En conséquence, dans le sud-est de l’Ukraine, la soi-disant armée insurrectionnelle révolutionnaire de l’anarchiste Nestor Makhno a brusquement percé les positions affaiblies des FASR et s’est approchée de Taganrog, où se trouvait le quartier général du général Denikine. Au moment le plus décisif de l’offensive blanche sur Moscou, des régiments ont dû être retirés du front pour sauver la situation à l’arrière.Un train blindé de l'Armée rouge

Un train blindé de l’Armée rouge Viktor Bulla/МАММ/МDF/russiainphoto.ru

Tandis que les Blancs perdaient des hommes, le nombre des bolcheviks augmentait. L’Armée rouge a reçu un renfort inattendu du front polonais. Le principe de « Russie une et indivisible », que Denikine et les autres dirigeants du mouvement blanc prônaient sans relâche, entrait en contradiction avec l’idée d’un renouveau national de la Pologne. Le dirigeant polonais Józef Piłsudski observait avec appréhension les succès des FASR. Bien que l’armée polonaise progressât avec succès en Biélorussie, il a conclu de manière inattendue une trêve temporaire avec les bolcheviks, ce qui a permis à ces derniers de transférer des dizaines de milliers de soldats à Moscou.Cavalerie rouge, 1919

Cavalerie rouge, 1919 Domaine public

Après de féroces batailles pour Orel à la mi-octobre, les troupes du front Sud ont lancé une contre-offensive à grande échelle. Malgré la supériorité numérique des Rouges, les Blancs se repliaient en ordre, évitant d’être encerclés et infligeant des contre-attaques sensibles à l’ennemi. « Moscou a déjà disparu pour nous. La Russie (…) est prise par des hordes de bolcheviks. Au plus profond de leur âme, beaucoup ressentaient un sentiment de malheur », a écrit l’officier Anton Tourkoul dans ses mémoires.Évacuation de l'armée du général Wrangel de la Crimée

Évacuation de l’armée du général Wrangel de la Crimée Domaine public

Les armées blanches ont été vaincues à la fois dans le sud et dans le nord (en novembre, Ioudenitch a été vaincu près de Petrograd). La retraite ordonnée des FASR s’est progressivement transformée en fuite en panique, accompagné de désertions massives. La dernière ligne de défense des Blancs dans le sud était la Crimée, dans laquelle ils ont tenu jusqu’en novembre 1920. Le mouvement blanc en Russie n’aurait plus jamais de chance d’écraser les bolcheviks, comme cela avait été le cas près de Moscou en octobre 1919.

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