Il est tout à fait possible que je ne vois pas ce film, d’abord parce que cette semaine nous avons pour une fois quelques films incontournables dont j’espère vous faire un compte-rendu. Il y a le maintien du très beau dessin animé sur les réfugiés de la guerre d’Espagne Josep, ne le ratez pas. Il y “salut les cons” de l’inclassable Dupontel et le Michel Ange de Kochanlovski. Vous aurez ici des critiques de ces deux-là en attendant voici des nouvelles du cinéma kazakh et de l’Asie centrale qui n’en finit pas d’avaler le post-soviétisme, une destruction sous autoritarisme. Ne pas oublier que celui qui prit les destinées de ce pays en main fut un des complices d’Elstine et des deux autres secrétaires du parti (biélorusse et Ukrainien) qui décidèrent un soir de beuverie d’en finir avec l’URSS. Il avait commencé comme mineur dans le Donbass, il a fini tel un satrape oriental avec une famille déjantée et un sérail encombrant. Ensuite, Je me méfie du film, son scénario, le rôle joué par la journaliste des droits de l’homme tout cela pue le produit conçu pour les festival de l’occident. Le deal ignoble de la “cinéphilie” auquel Konchalvski a fini par dire son fait et cela ne lui sera pas pardonné. Si un lecteur l’a vu et veut me contredire ce sera avec plaisir. (note de danielle Bleitrach)
Le septième film du cinéaste kazakh Adilkhan Yerzhanov, A Dark, Dark man, est sorti le 14 octobre dans les salles françaises. Il narre le retournement progressif d’un policier corrompu contre l’injustice, dans un paysage austère aux couleurs hivernales.
Dans la campagne du Kazakhstan, un enfant, orphelin, a été violé et tué. La police mène l’enquête, ou plutôt, fait semblant de la mener. Le coupable est tout trouvé : on choisira le simplet du village, Pukuar (Teoman Khos) pour le charger d’un crime qu’il n’a pas commis. Pourquoi ne pas tout simplement inculper les vrais responsables du drame ? Le spectateur de A Dark, Dark man découvre, notamment grâce à la parole d’un enfant témoin, que le meurtrier est une figure politique locale, qui exerce le pouvoir de façon autoritaire.
Pour son septième film depuis 2011, dans les salles françaises depuis le 14 octobre dernier, le réalisateur kazakh Adilkhan Yerzhanov a voulu entrer dans le quotidien des villages au Kazakhstan. Le film connaît de nombreux changements de rythme, oscillant entre des scènes lentes et feutrées – parfois violentes – et des scènes rapides et brutales.
Le rapport de forces au cœur du film
Le rapport de forces est un axe central du film, avec de multiples déclinaisons. C’est un enfant orphelin, le plus faible d’entre les faibles qui est assassiné par le baron local. Le policier, Bekzat (Daniyar Alshinov), est chargé de l’enquête sans pour autant être appuyé par sa hiérarchie, qui, contre quelques billets, comprend bien qu’il est dans son intérêt de classer l’affaire aussi vite que possible en accusant un attardé mental incapable de se défendre, un marginal au ban de la société.
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Bekzat a appris la corruption en même temps que son métier et a maintes fois participé au maquillage d’affaires non résolues. Ce personnage est un homme très, très sombre, le héros éponyme du film qu’il traverse tout de noir vêtu. Mais cette fois, un élément vient perturber ce sinistre équilibre. Cet élément, c’est une jeune femme, Ariana (Dinara Baktybayeva). La journaliste, une citadine occidentalisée, vêtue d’un trench blanc – les contrastes et les symboles sont bien rendus –, débarque dans cette campagne reculée pour enquêter sur les pratiques de ce commissariat gangrené par la corruption.
Le retournement d’un homme blasé
C’est la rencontre fortuite de deux mondes que tout oppose. L’univers merveilleux de Heidi-les-droits-de-l’homme qui fait irruption dans la forêt vierge de l’injustice. C’est la présence difficile à supporter de cette femme qui le suit à la trace qui va obliger Bekzat le taiseux à mener, pour la première fois de sa carrière, une enquête honnête. Ses préjugés sont remis en cause par les questionnements parfois naïfs et pénibles de cette journaliste fouinarde.
Ce qui le pousse à opérer un revirement progressif concernant ses méthodes. Il bascule imperceptiblement dans l’autre camp. Il refuse de commettre l’injustice. Et sa vie commence à être menacée. Par le politique qui ne comprend pas pourquoi ce petit flic refuse de classer l’affaire. Et par ses collègues qui commencent à le trouver encombrant. La solitude de ce personnage, qui tranche avec la bouffonnerie des autres policiers, est magnifiquement mise en relief par la caméra d’Adilkhan Yerzhanov. Il devient le cowboy solitaire qui évolue dans une steppe aride. Certains plans y font explicitement référence, parfois avec une forme d’humour noir particulièrement bien trouvé.
Un monde sombre où l’humour n’est pas mort
Une atmosphère grise et sombre émane de ce film, qui débute par un plan sur un champ de maïs aux plantes sèches et jaunies, après la récolte. La ville est triste et sale. Les policiers, kalachnikov à la main, jouent à se faire des passes avec un vieux bidon en plastique. La temporalité du film se situe entre l’automne et l’hiver. Toute forme d’espoir semble vaine et engloutie par la vaste steppe, tantôt sépia, tantôt enneigée.
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Dans ce monde, la violence se produit sans bruit et de façon répétitive. La justice est un idéal inaccessible, un objet non identifié que tout le monde, sauf Ariana, a évacué de son champ de réflexion. Bekzat et Ariana finissent par avoir un point commun : leur quête de sens dans un univers absurde. Les nombreux jeux auxquels se livrent Pukuar, l’idiot, et sa jeune amie, finissent par apparaître comme la meilleure parade possible à la pourriture du monde dans lequel ils vivent. Cet idiot touchant ressemble aux innocents de la littérature russe, et provoque le rire autant qu’il laisse songeur. Certaines scènes sans paroles, servie par la bande originale signée Galymzhan Moldanazar, illustrent ces moments de candeur puérile.
Un cinéaste à succès
Plus largement et au-delà de A Dark-Dark man, les films d’Adilkhan Yerzhanov ont régulièrement attiré le regard de la critique internationale. Certains remportent du succès dans les festivals, comme La Tendre Indifférence du monde qui avait été sélectionné dans la catégorie Un certain regard au festival de Cannes 2018.
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Le cinéaste de tente-huit ans présente régulièrement ses films dans divers festivals européens et asiatiques. « Ceux qui vont voir ses films sont principalement des spectateurs de festivals, européens, asiatique ou américains, mais son public majoritaire n’est pas kazakh », explique Guillaume de Seille, co-producteur du film qui connaît le réalisateur kazakh depuis dix ans. « Au Kazakhstan, les films diffusés en salles sont des blockbusters américains ou des films de Bollywood. Mais en dehors du pays, Adilkhan est peut-être le cinéaste kazakh le plus reconnu et apprécié. » Reste à savoir quelle sera la réception de ce film durant ces semaines de couvre-feu, alors qu’Adilkhan Yerzhanov est déjà en train de terminer son prochain film, Yellow Cat.
Eléonore de Vulpillières
Rédactrice pour Novastan
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