AU FIL DES JOURS ET DES LECTURES
Après un pape comme Jean Paul II ouvertement proche de la CIA, le fait que l’église veuille se détacher d’une logique de la guerre froide n’est pas apprécié par le gouvernement américain, et encore moins par Pompeo, un évangéliste en concurrence ouverte avec ladite église, voici ce que cet article traduit de l’italien nous raconte de cette situation. Au passage, il nous explique comment le voyage du dit Pompeo avait pour but de faire renoncer l’Europe à la 5 G. Son assaut a été précédé d’une diffusion dans les réseaux sociaux de délires “écologistes” ou supposés tels contre la dite 5G. En fait ces réseaux obscurantistes comme ceux contre les vaccins ou sur la non dangerosité de l’épidémie semblent directement pilotés par la maison blanche comme nous l’avions analysé ici à partir d’un article en provenance de Cuba. Les jésuites, ordre du pape, ont sans doute beaucoup de défauts selon l’imaginaire mais ils ne jouent pas dans la xénophobie et l’obscurantisme scientifique (note de Danielle Bleitrach).
Comaguer – 07 Octobre 2020 –
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L’article dont suit la traduction a été publié par le site italien Contropiano après la visite à Rome du secrétaire d’Etat étasunien Mike Pompeo. Avec une référence historique à un empereur chrétien d’Orient * il souligne que le Vatican n’a aucunement cédé aux pressions de Pompeo visant à dégrader les bonnes relations entretenues entre la République populaire de Chine et le Vatican. Ces relations ont débouché voici deux ans sur un accord concernant la nomination des évêques catholiques en Chine. Cet accord a été critiqué par le département d’Etat qui y voit une soumission de l’église catholique au pouvoir communiste et à l’ennemi désormais principal : la Chine.
Il faut toute l’inculture et la brutalité de l’évangéliste Pompeo pour ne pas comprendre qu’un pape jésuite comme le pape François ne saurait avoir que de bons rapports avec la Chine et son gouvernement.
Arrivés en Chine en 1582 les jésuites y ont été accueillis, s’y sont installés, ont appris le chinois, ont étudié l’histoire du pays et en ont observé les mœurs. Ils ont été les principaux porteurs en Occident d’une connaissance approfondie et d’une compréhension de l’empire du milieu et de sa vision du monde qui n’a jamais été et n’est toujours pas une vision religieuse.
Sur cette question l’ouvrage du sinologue Jacques Gernet : « Chine et christianisme, Action et réaction. » Gallimard 1982, fait autorité.
*Marcien (latin Marcianus) empereur de l’empire chrétien d’Orient de 450-457 a résisté à Attila qui voulait rançonner l’empire. Rude comparaison pour Pompeo.
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Les diktats de Pompeo ont trouvé “du fer” au Vatican et “de l’or” dans le gouvernement italien.
Sergio Cararo.
Les historiens racontent que Marcien, empereur d’Orient au tournant des IVe et Ve siècles après J.-C., face aux raids et aux demandes continues de tribut des Huns, a envoyé dire qu’il avait “de l’or pour les amis et du fer pour les ennemis”.
Les diktats et les demandes continues d’alignement sur ses propres intérêts font partie intégrante de l’histoire des relations de subordination de l’Italie avec les États-Unis. La visite du secrétaire d’État Mike Pompeo en Italie n’a pas dérogé à ce schéma, bien au contraire. Et de ce point de vue, alors qu’au Palais Chigi (ndt : siège du Premier ministre) on accueillait Pompeo avec de l’or, au Vatican on l’accueillait avec du fer.
C’est évidemment une métaphore forcée, car la diplomatie est faite de protocoles mais aussi de mille nuances et d’autant de détails. Emblématique, en ce sens, la première page de “L’Avvenire”, le journal de la CEI, la conférence des évêques italiens. Mike Pompeo, par exemple, n’est pas un chef d’Etat mais un ministre des affaires étrangères. Les discussions protocolaires doivent donc se faire avec ses pairs : le cardinal Parolin est en fait secrétaire d’État du Vatican (en pratique, le ministre des affaires étrangères) et Di Maio est le chef de la Farnesina (ndt : Ministère des Affaires étrangères). Il est donc juste que le Pontife saute la réunion, mais que Conte (ndt : premier ministre italien) ait rencontré Pompeo et reconnu son rôle comme supérieur à sa propre compétence est une faute.
Lors des deux réunions, Mike Pompeo avait des diktats à mettre sur la table et une seule cible : la Chine. L’administration américaine a déclaré la guerre au Vatican depuis longtemps, et pas seulement en raison de l’accord conclu avec la Chine sur la nomination des évêques dans ce pays lointain. Aux États-Unis (mais aussi en Amérique latine et en Asie), l’influence et le poids des sectes évangéliques qui voient dans le pape et l’Église catholique un rival à anéantir se sont considérablement accrus. Et la guerre n’a pas commencé avec le pape François mais était déjà bien visible au moment de la guerre contre l’Irak et le Pnac (Project for a New American Century).
Après la mort d’un pontife comme Woijtila, (ndt : Jean Paul II) ouvertement collaborateur de la CIA et des États-Unis, le détachement de l’Église catholique de la logique de la guerre froide et une certaine critique des excès du libéralisme n’ont jamais été appréciés par le consensus de Washington et le modèle de vie américain. Dans cette contradiction, les sectes évangéliques ont agi pour accroître la distance entre les États-Unis et le Vatican, c’est-à-dire ceux qui ont été définies dans les années 90 comme “les deux seules puissances mondiales restantes”.
L’attaque complètement déplacée et gratuite de Mike Pompeo contre l’autorité du Vatican si celui-ci maintenait son accord avec la Chine a été filmée sur Twitter mais aussi dans les pages d’un magazine religieux conservateur. Il s’ensuit que son arrivée en Italie et au Vatican ne trouve chez ce dernier que sourires et protocoles de circonstance. Au contraire, le gouvernement italien commet un premier acte de subordination en acceptant que Conte – en plus de Di Maio, de rang égal à Pompeo – rencontre également Pompeo. Un signe de faiblesse est clairement apparu dans les discussions.
Selon certains rapports, Pompeo avait un ton très cordial envers l’Italie en tant qu'”exemple pour tous” (mais pas pour les États-Unis, comme on le sait, ndlr) dans la gestion de la pandémie de Covid 19, mais aussi un ton plus rude concernant les risques des relations avec la Chine.
“Nous avons beaucoup parlé”, a déclaré M. Pompeo lors de la conférence de presse tenue à la Farnesina avec le ministre Di Maio, “des préoccupations des États-Unis concernant le fait que le parti communiste chinois tente d’utiliser son influence économique pour servir ses objectifs stratégiques : lorsqu’ils investissent, ils ne le font pas pour établir des partenariats sincères dans l’intérêt mutuel (ndt : sont visés les investissements chinois liés aux nouvelles routes de la soie en particulier dans les ports italiens). Les États-Unis – a-t-il ajouté – demandent au gouvernement italien de considérer avec soin la sécurité nationale et la confidentialité des données de ses citoyens”.
Selon l’Ispi (Institut d’études politiques internationales), l’objectif de Washington est de “pousser les alliés européens à imiter le Royaume-Uni, qui interdit dès l’année prochaine aux entreprises de télécommunications d’acheter la technologie 5G à Huawei, et prévoit de démanteler tous les réseaux 5G fournis par le géant chinois d’ici 2027”.
Conte et Di Maio ont tous deux informé Pompeo que l’inclusion du dossier sur la 5G au niveau européen, a pour fonction d’assurer une plus grande sécurité des données et une concurrence plus saine entre les différentes entreprises dans les États membres. La réponse de Di Maio à Pompeo a été interprétée différemment par deux journaux italiens très importants.
Selon La Stampa qui cite Di Maio, l’Italie “est fermement ancrée aux États-Unis et à l’Union européenne, auxquels nous sommes unis par les valeurs et les intérêts communs des pays de l’OTAN”, même s’il est clair qu’un pays dynamique comme le nôtre est ouvert aux investissements même lorsqu’ils proviennent de Chine”.
Selon Il Sole 24 Ore, Di Maio a déclaré que l’Italie “est fermement ancrée aux États-Unis et à l’UE, auxquels nous sommes unis par les valeurs et les intérêts communs de l’OTAN et des démocraties. Pour l’Italie” – a-t-il également ajouté – “il y a des alliés, des interlocuteurs et des partenaires économiques. Un pays comme le nôtre est ouvert aux opportunités d’investissement, mais jamais en dehors des frontières de l’Alliance atlantique”.
En bref, deux conclusions très différentes et même opposées. Selon Il Sole 24 Ore, les investissements chinois sont également bons pour le gouvernement italien, mais seulement ceux qui ne dépassent jamais les frontières de l’Alliance atlantique.
Soit Conte et Di Maio parlaient des langues différentes, soit les journalistes présents à la conférence de presse ont interprété les déclarations différemment. Nous entêtant à y voir clair et n’ayant pas trouvé la déclaration officielle sur le site de la Farnesina, nous sommes allés écouter le discours de Di Maio à la conférence avec Mike Pompeo. Et à 3 minutes 50, nous avons eu confirmation. Il Sole 24 Ore fait des rapports plus précis que ceux de La Stampa.
Dans le premier cas, le gouvernement italien se serait comporté comme l’empereur Marciano, dans le second comme un vassal.
Traduction COMAGUER
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