OUI je sais pour un communiste français, dont les éléments qui sont le plus à gauche et qui théoriquement ont remporté le dernier congrès, ont dû mener un combat pour organiser un débat au Colonel Fabien le 6 novembre sur le socialisme, Lénine c’est osé!… Ce texte n’est pas difficile mais vu l’état où en est le PCF il faut reconquérir un mode de pensée, l’idéal serait une lecture collective avec une réflexion par rapport aux enjeux de l’actualité. C’est ce que fait le camarade du KPRF, nous en sommes loin. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop).
La Pravda No 86 (31018) 18-21 septembre 2020
Auteur: Viktor TRUSHKOV
Le moment est venu de faire à nouveau la distinction entre l’opposition et les forces révolutionnaires. L’opposition en politique est généralement la résistance au cours dominant au sein d’un système (parlement, parti, organisation publique, etc.). Les révolutionnaires forment une opposition antagoniste au système socio-politique. Il est clair qu’il n’y a pas de Grande Muraille entre l’opposition et la révolution. Lorsque les communistes entrent au parlement bourgeois, ils agissent en son sein comme une opposition. Mais, remplissant la fonction d’opposition parlementaire, ils ne cessent de lutter pour la liquidation du gouvernement bourgeois, du parlement, de l’Etat, c’est-à-dire du système capitaliste dans son ensemble. A moins, bien entendu, que les députés communistes ne renoncent au marxisme-léninisme révolutionnaire. Lénine a toujours été un révolutionnaire – tant avant la victoire de la grande révolution socialiste d’octobre, qu’après. Ses maîtres K. Marx et F. Engels étaient aussi des révolutionnaires, comme ses fidèles étudiants, dont Staline même lorsqu’il dirigeait le parti bolchevique au pouvoir et le gouvernement soviétique.
Sur la base du marxisme révolutionnaire
Lénine a exigé que le Parti communiste (bolchevique) reste révolutionnaire même lorsqu’il a dû faire des compromis avec la bourgeoisie. Nous, communistes-léninistes, devons nous en souvenir tous les jours et, bien sûr, apprendre constamment l’esprit révolutionnaire léniniste, en particulier lorsque nous voulons élargir le cercle de nos alliés et compagnons de route. Il convient de noter qu’en appelant à un large Front populaire, le septième Congrès de l’Internationale communiste (1935) n’a en aucune façon renoncé à l’esprit révolutionnaire léniniste.
S’exprimant lors de ce congrès historique, le secrétaire général du Comité exécutif du Komintern (ECCI), Georges Dimitrov, a noté: «Certains disent que la lutte pour les droits démocratiques peut distraire les travailleurs de la lutte pour la dictature prolétarienne. Il n’est pas inutile de rappeler ce que Lénine a dit à ce sujet:
«Ce serait une erreur fondamentale de penser que la lutte pour la démocratie est capable de détourner le prolétariat de la révolution socialiste, ou de l’éclipser, de l’obscurcir, etc. Au contraire, tout comme un socialisme victorieux qui ne réalise pas la démocratie complète, est impossible, de même le prolétariat qui ne mène pas une lutte globale, cohérente et révolutionnaire pour la démocratie, ne peut se préparer à la victoire sur la bourgeoisie. “
Ainsi, se fixant comme objectif un large Front populaire, l’Internationale communiste, il y a 85 ans, a fermement suivi la méthodologie révolutionnaire léniniste des alliances politiques. Étant donné que le Parti communiste de la Fédération de Russie s’est donné pour mission de former un large front populaire dans la société russe moderne, il ne peut qu’étudier les principes de base de la méthodologie léniniste de ces alliances.
V.I. Lénine a soulevé pour la première fois, le thème de la consolidation des forces contre la réaction politique et économique dans son premier ouvrage largement connu, Ce que sont les «amis du peuple» et comment ils luttent contre les social-démocrates, écrit en 1894. Il y écrit:
«Les travailleurs doivent montrer en détail à quel point ces institutions (héritées du servage – NdT) sont une terrible force réactionnaire, comment elles intensifient l’oppression du capital sur le travail, à quel point elles exercent une pression humiliante sur les travailleurs … Les travailleurs doivent savoir que sans renverser ces piliers de la réaction, ils n’auront aucune possibilité de mener une lutte réussie contre la bourgeoisie, car avec leur existence, le prolétariat rural russe, dont le soutien est une condition nécessaire à la victoire de la classe ouvrière, ne sortira jamais de sa position opprimée, soumise, capable seulement d’un désespoir stupide, et non de protestation et lutte raisonnées et opiniâtres. Et par conséquent, la lutte aux côtés de la démocratie radicale contre l’absolutisme et les États et institutions réactionnaires est le devoir strict de la classe ouvrière, que doivent lui inculquer les sociaux-démocrates (1), sans omettre une minute en même temps de le convaincre que la lutte contre toutes ces institutions n’est nécessaire que comme moyen de faciliter la lutte contre la bourgeoisie.»
Développant cette approche méthodologique, Vladimir Ilitch dans son ouvrage «Les tâches des sociaux-démocrates russes» (1897) a attiré l’attention sur le fait que l’activité des ouvriers rend le prolétariat attractif pour diverses structures politiques cherchant à utiliser ses qualités de combat dans leurs propres intérêts. Il a souligné la nature égoïste et spéculative de l’attention envers les travailleurs des partis et organisations bourgeoises. La vie a montré qu’une telle attitude spéculative envers la classe ouvrière persiste au XXIe siècle. Le dernier exemple est l’effort des forces bourgeoises biélorusses pour utiliser les travailleurs pour éliminer les nombreux éléments d’économie socialiste qui ont survécu dans la république.
Lénine a expliqué en détail la position de principe des marxistes:
«Concernant la solidarité avec les ouvriers de l’un ou l’autre groupe d’opposition, les sociaux-démocrates mettront toujours au premier plan les ouvriers, expliqueront toujours le caractère temporaire et conditionnel de cette solidarité, souligneront toujours la position à part du prolétariat, qui demain pourra se retourner contre ses alliés d’aujourd’hui. On nous dira: “une telle instruction affaiblira tous les combattants de la liberté politique à l’heure actuelle”. Une telle directive renforcera tous les combattants de la liberté politique, répondrons-nous. Seuls sont forts les combattants qui s’appuient sur les intérêts réels conscients de certaines classes, et toute dissimulation de ces intérêts de classe, qui jouent déjà un rôle dominant dans la société moderne, ne fera qu’affaiblir les combattants. C’est la première chose.
Et deuxièmement, dans la lutte contre l’absolutisme, la classe ouvrière doit se distinguer, car elle seule est un ennemi complètement cohérent et inconditionnel de l’absolutisme, les compromis ne sont impossibles qu’entre elle et l’absolutisme, ce n’est que dans la classe ouvrière que le démocratisme peut trouver un partisan sans réserves, sans indécision, sans regard en arrière. Dans toutes les autres classes, groupes, couches de la population, l’hostilité envers l’absolutisme n’est pas inconditionnelle, leur démocratie regarde toujours en arrière. “
Les positions présentées ci-dessus ont une forte charge méthodologique. Lénine considère l’union comme un moyen de rallier dans la lutte de solidarité, des classes socialement proches. Par conséquent, il souligne la nécessité de relations alliées, d’une part, entre le prolétariat urbain et rural, et d’autre part, entre la classe ouvrière et tous les travailleurs exploités, en particulier la paysannerie.
La nécessité d’une approche de classe pour résoudre les problèmes de choix des alliés et des compagnons de lutte – telle est la position dominante de V.I. Lénine. Et dans ce domaine, il agit en adepte convaincu des fondateurs du communisme scientifique. Même F. Engels, dans son premier ouvrage économique «Esquisse d’une critique de l’économie politique», a attiré l’attention sur la dépendance des petits propriétaires fonciers vis-à-vis des grands propriétaires terriens, c’est-à-dire qu’il a noté la stratification des campagnes sous l’influence de la concurrence capitaliste.
Lénine, dans son analyse, a fait un grand pas en avant: il a commencé à voir le paysan-ouvrier comme un allié stratégique de l’ouvrier dans sa lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme. Cela signifiait que dans la formation des syndicats politiques de classe, le travailleur rural deviendrait à long terme l’allié le plus fiable de la classe ouvrière. Dans son ouvrage «Aux paysans pauvres», il écrivait en 1903:
«En tout cas, que ce soit d’une manière ou d’une autre, notre première, notre tâche principale et indispensable est de renforcer l’alliance des prolétaires ruraux et semi-prolétaires avec les prolétaires urbains. Pour cette alliance, nous avons besoin maintenant et immédiatement d’une liberté politique complète pour le peuple, d’une égalité complète des droits pour le paysan et de l’abolition de l’asservissement. Et lorsque cette alliance sera créée et renforcée, alors nous dénoncerons facilement toutes les tromperies avec lesquelles la bourgeoisie attire le paysan moyen, alors nous réaliserons facilement et rapidement contre toute la bourgeoisie, contre toutes les forces du gouvernement, la deuxième, la troisième et dernière étape, alors nous progresserons régulièrement vers la victoire et gagnerons rapidement l’émancipation complète de tous les travailleurs. “
Quant aux relations entre organisations politiques, elles devraient, selon Lénine, être directement et radicalement déterminées par les intérêts de classe des travailleurs urbains et ruraux. Partant de ce principe, il a souligné que “la lutte aux côtés de la démocratie radicale contre l’absolutisme et les États et institutions réactionnaires est le devoir direct de la classe ouvrière, que les sociaux-démocrates doivent lui inculquer”. Mais il a tout de suite souligné que cette lutte pour la classe ouvrière n’est que la première étape et que sa victoire n’est qu’une condition d’une lutte efficace contre le capital.
Et puis une autre instruction méthodologique importante suit: la coopération ne doit en aucun cas conduire à la dilution et à l’affaiblissement du Parti social-démocrate, à la perte de sa pleine indépendance et de ses principes révolutionnaires. Il en résulte que la question de l’alliance du parti marxiste ne peut être envisagée qu’avec les organisations qui ont développé un «solide programme de revendications démocratiques». Mais là aussi, il n’y a pas d’automatisme, comme en témoigne la formulation par Lénine du principe de coopération (un large front populaire):
«La création d’un tel parti démocratique, les sociaux-démocrates la considèrent, bien sûr, comme un pas en avant utile, et leur travail contre le populisme devrait y contribuer, aider à éradiquer tous les préjugés et mythes, grouper les socialistes sous la bannière du marxisme et la formation d’un parti démocratique par le reste des groupes.
Et avec ce parti, bien sûr, les sociaux-démocrates n’auraient pas pu avoir une «fusion», car ils jugent nécessaire d’organiser indépendamment les travailleurs en un parti ouvrier spécial, mais les travailleurs apporteraient le soutien le plus énergique à toute lutte des démocrates contre les institutions réactionnaires. “
Au terme de l’analyse de la coopération du parti du marxisme révolutionnaire avec d’autres opposants à l’autocratie, V.I. Lénine définit clairement la priorité d’une telle coopération: “Le mouvement ouvrier … ne peut être fort que sur la base de la mise en œuvre pleine et entière des intérêts de la classe ouvrière, sur la base de la lutte économique contre le capital, mêlée inséparablement avec la lutte politique contre les serviteurs du capital.”
Fondements idéologiques du front large d’un nouveau type
Le thème des alliés et compagnons de route du parti marxiste dans les œuvres de V.I. Lénine a été développé lors de la préparation du II Congrès historique du POSDR, qui a jeté les bases fondamentales du bolchevisme. Grâce aux efforts de V.I. Lénine et de ses partisans la réalité politique du mouvement social-démocrate et ouvrier international a retrouvé les principes du marxisme révolutionnaire, dont les dirigeants de la IIe Internationale avaient commencé à s’éloigner, souffrant de plus en plus de la maladie du «crétinisme parlementaire» indiquée par K. Marx et tombant dans un compromis social avec la bourgeoisie au pouvoir (avec le déclenchement de la Première Guerre mondiale, elle s’est transformée en chauvinisme social, ce qui signifiait protéger les intérêts du capital contre le prolétariat).
En 1902 est sorti un autre ouvrage léniniste bien connu, Que faire? Outre les questions d’organisation, la place la plus importante a été prise par les questions des fondements théoriques à la fois des activités du Parti ouvrier social-démocrate russe rénové et de son attitude à l’égard des alliances politiques. Lénine a dû d’abord tracer une ligne dont le franchissement serait inadmissible pour un parti marxiste. Le fait est qu’après la mort de F. Engels (1895), une explosion de révisionnisme a eu lieu dans le parti le plus important et le plus influent de la Deuxième Internationale – le Parti social-démocrate allemand.
C’était à la fois naturel et inattendu. D’une part, les sociaux-démocrates allemands s’étaient efforcés de surmonter le multipartisme social-démocrate dans leur pays afin de renforcer le mouvement ouvrier, mais en même temps (et en partie pour cela) ils avaient de plus en plus dévié des traditions révolutionnaires de Marx et Engels. Karl Marx est largement connu pour ses critiques du programme de Gotha (1875) et Friedrich Engels – du projet de programme d’Erfurt (1891).
La surprise fut que l’étendard du révisionnisme – une révision franche des théories de classe et de formation du marxisme – fut levé par E. Bernstein, qui, tout au long des années 1880, éditait le journal Social-Demokrat, l’organe central du parti de la classe ouvrière allemande. Pendant de nombreuses années, il a été considéré comme un compagnon des grands penseurs – les fondateurs de la théorie du communisme scientifique, l’une des rares personnes proches d’Engels à avoir participé à l’immersion de l’urne contenant ses cendres, la dernière volonté du défunt.
Et ce même Bernstein prêchait en 1899 le caractère insensé de fixer un objectif stratégique pour le mouvement ouvrier, le remplaçant par le slogan «Le mouvement est tout, mais le but n’est rien». Le révisionniste proposa en fait que le prolétariat abandonne la lutte contre le système capitaliste, se limitant à la lutte pour les miettes économiques de la table de la bourgeoisie.
Le bernsteinisme a été rapidement repris par les révisionnistes russes du marxisme, les économistes «marxistes légaux». Ils ont proclamé que la classe ouvrière devait se limiter à la lutte économique, abandonnant la politique aux libéraux. Il n’est pas surprenant que l’essence révolutionnaire du marxisme ait suscité une hostilité particulière parmi les «économistes» qui publiaient le journal Rabocheïe Dielo.
En réponse à leurs affirmations, Lénine objecta fermement en 1902:
«Pour son importance pratique et ses réussites pratiques, de nombreuses personnes ont rejoint le mouvement, mais ces personnes étaient très peu et même pas du tout formées en théorie. Par conséquent, on peut juger du manque de tact de “Rab. Delo”quand il avance d’un air triomphant le dicton de Marx:” chaque étape du mouvement réel est plus importante qu’une douzaine de programmes. ” Répéter ces mots à l’ère de la confusion théorique, c’est comme crier “on ne peut pas traîner!” à la vue d’un cortège funèbre. Oui, et ces paroles de Marx sont tirées de sa lettre sur le programme de Gotha, dans laquelle il condamne vivement l’éclectisme dans la formulation des principes: s’il est vraiment nécessaire de s’unir – Marx écrivait aux dirigeants du parti – alors concluez des accords afin de satisfaire les objectifs pratiques du mouvement, mais ne transigez pas sur les principes, ne faites pas de “concessions” théoriques. C’est ce que pensait Marx,et nous avons des gens qui, en son nom, essaient de rabaisser l’importance de la théorie!
Il ne peut y avoir de mouvement révolutionnaire sans théorie révolutionnaire. » (souligné par l’auteur. – V.T.).
Ce rappel de Lénine du même ouvrage “Que faire?” n’est pas moins important:
« Engels reconnaît non pas deux formes de la grande lutte de la social-démocratie (politique et économique), comme il est d’usage dans notre pays, mais trois, plaçant à côté d’elles la lutte théorique. »
Cette controverse politique a conduit Vladimir Ilitch à deux conclusions importantes, qui conservent à ce jour leur signification méthodologique et politico-pratique. Premièrement, il est impossible de contester la conclusion de Lénine, qui a été répétée plus tard à plusieurs reprises dans les documents du parti et les écrits de ses disciples: « Maintenant, nous voulons juste souligner que le rôle de combattant d’avant-garde ne peut être joué que par un parti guidé par une théorie avancée. »
Non moins importante est la deuxième conclusion: «En particulier, le devoir des dirigeants sera de s’instruire de plus en plus sur toutes les questions théoriques, de se libérer de plus en plus de l’influence des expressions traditionnelles appartenant à l’ancienne vision du monde, et de toujours garder à l’esprit que le socialisme, depuis qu’il est devenu une science, exige qu’il soit traité comme une science, c’est-à-dire qu’il soit étudié. La conscience ainsi acquise, de plus en plus claire, doit être diffusée parmi les masses ouvrières avec toujours plus de zèle, et l’organisation du parti et l’organisation des syndicats doivent être consolidées de plus en plus étroitement … »
Ces thèses léninistes qui sont parmi les plus importantes ont été fixées dans les documents du deuxième congrès du POSDR et sont devenues les dominantes du bolchevisme en tant que mouvement, politique et théorique. Dans le même temps, nous avons toutes les raisons d’affirmer que dans les œuvres de V.I. Lénine, créées au tournant des XIXe et XXe siècles, ont été jetées les bases méthodologiques non seulement du parti d’un type nouveau, mais aussi d’un nouveau type d’alliance du parti avec d’autres organisations de lutte politique : le Front populaire.
La théorie à l’épreuve de la première révolution russe
La première révolution russe fut un test sérieux pour ces deux concepts léninistes étroitement liés entre eux : le parti d’un nouveau type et un large Front populaire d’un nouveau type. Pour les deux concepts, il était important de décider des conditions d’adhésion au POSDR. Habituellement, le lien entre la demande de Lénine pour que les membres du parti travaillent dans l’une des organisations du parti et la formation d’un parti d’un type nouveau(léniniste) est vu dans une discipline de parti stricte, sans laquelle l’activité d’un parti illégal est impossible. Cette affirmation est, bien entendu, vraie. Bien plus tard, en 1920, dans son célèbre ouvrage «La maladie infantile du communisme (le gauchisme) », adressé principalement aux délégués du deuxième congrès de l’Internationale communiste, Lénine écrivait:
«… la centralisation absolue et la plus rigoureuse discipline du prolétariat sont l’une des conditions fondamentales de la victoire sur la bourgeoisie …
Seule l’histoire du bolchevisme pendant toute la période de son existence peut expliquer de manière satisfaisante pourquoi il a pu développer et maintenir dans les conditions les plus difficiles la discipline de fer nécessaire à la victoire du prolétariat.
Et tout d’abord, la question se pose : qu’est-ce qui cimente la discipline du parti révolutionnaire du prolétariat ? qu’est-ce qui la contrôle ? qu’est-ce qui l’étaye ? Premièrement, la conscience de l’avant-garde prolétarienne et son dévouement à la révolution, sa fermeté, son abnégation et son héroïsme. Deuxièmement, son aptitude à se lier, à se rapprocher et, si l’on veut, à se fondre jusqu’à un certain point avec la masse la plus large de travailleurs, principalement les prolétaires, mais aussi avec la masse travailleuse non prolétarienne. Troisièmement, la justesse de la direction politique exercée par cette avant-garde, la justesse de sa stratégie et de ses tactiques politiques, à condition que les masses les plus larges soient convaincues de cette justesse par leur propre expérience. Sans ces conditions, la discipline dans un parti révolutionnaire vraiment capable d’être le parti d’une classe avancée qui doit renverser la bourgeoisie et transformer l’ensemble de la société est impraticable. “
Et pourtant, le lien entre le libellé du premier paragraphe de la Charte du POSDR et le parti du nouveau type est multiforme. Premièrement, il a assuré non seulement l’unité organisationnelle, mais aussi idéologique de la social-démocratie russe. Deuxièmement, elle n’a pas limité l’exigence du caractère prolétarien du parti à une déclaration, mais l’a garanti dans la pratique. Il est à noter que la formulation léniniste du § 1 des Règles du Parti a été adoptée au IIIe et confirmée aux IV congrès (d’unification) du POSDR. La révolution a confirmé sa validité, reconnue dans la social-démocratie russe par les partisans de Lénine et de Martov.
Cela signifiait l’approbation non seulement des principes bolcheviques du parti d’un type nouveau, mais aussi du concept léniniste d’un nouveau type de large front, qui était basé sur la nécessité de l’unité de la classe ouvrière et de la base prolétarienne des alliances du POSDR avec d’autres organisations. En plus de l’approche de classe de la formation d’un front populaire pratiquement large au début du XXe siècle, la révolution a confirmé l’exigence de Lénine pour l’unification des forces au niveau non pas des déclarations, mais des activités pratiques, des actes concrets.
Il est impossible de ne pas admettre que la révolution elle-même a constitué la base idéologique de la formation d’un front uni dans la lutte contre l’autocratie. Ainsi, le soulèvement armé de décembre 1905 à Moscou a montré de manière flagrante que l’idée de loyauté à la révolution démocratique devenait le facteur le plus efficace de ralliement des forces, quand les points de vue sur les questions d’importance secondaire par rapport à la révolution étaient différents. Le quartier prolétarien Krasnaya Presnya a été activement défendu par les bolcheviks, les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires et des non-partisans, c’est-à-dire des gens qui n’avaient pas encore déterminé leur choix. Et le détachement de combat qui défendait le dernier bastion du soulèvement a été secouru par le mécanicien socialiste-révolutionnaire Alexei Oukhtomsky.
La première révolution russe a également donné lieu à de nouvelles formes d’union des forces révolutionnaires. C’est au cours de ce processus que les Soviets des députés ouvriers sont apparus pour la première fois dans l’histoire du monde. Leurs activités ont assuré l’unité organisationnelle et idéologique des représentants de différentes nuances politiques qui ont participé à la révolution.
Lénine, notant que les Soviets sont nés en tant qu’organes d’insurrection et organes du pouvoir qui en est issu, a en même temps souligné qu’ils étaient des organes sociaux d’unité de classe. Dans son article «Socialisme et anarchie» (décembre 1905), il notait que le Conseil ouvrier comprenait «sur la base d’un accord militaire temporaire et informel, des représentants du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (le parti du socialisme prolétarien), le parti des«socialistes révolutionnaires»(représentants le socialisme petit-bourgeois, ou l’extrême gauche de la démocratie bourgeoise révolutionnaire), enfin, il y avait beaucoup d’ouvriers «sans parti». Ces derniers, cependant, ne sont pas du tout des non-partisans, mais plutôt des révolutionnaires non partisans, car leur sympathie est entièrement du côté de la révolution, pour la victoire de laquelle ils se battent avec enthousiasme, énergie et altruisme…
Essentiellement, le Soviet des députés ouvriers est une vaste alliance militante informelle de socialistes et de démocrates révolutionnaires et, bien entendu, les «révolutionnaires sans parti» couvrent toute une série d’étapes intermédiaires entre les uns et les autres. La nécessité d’une telle alliance est évidente pour mener des grèves politiques et d’autres formes plus actives de lutte pour les revendications démocratiques vitales reconnues et approuvées par la grande majorité de la population. »
Par la suite Vladimir Ilitch est revenu à plusieurs reprises sur la caractérisation théorique et politique des Soviets. Ainsi, six mois plus tard, il s’est tourné vers ce sujet dans l’article «La dissolution de la Douma et les tâches du prolétariat». Il y a souligné une autre facette importante des soviets, qui leur permet d’être considérés comme une des formes d’un large front populaire dans la lutte contre le système capitaliste:
«L’expérience d’octobre – décembre a fourni les indications les plus instructives sur ce point. Les Soviets des députés ouvriers sont des organes de lutte directe de masse. Ils sont apparus comme des organes de la lutte de grève. Ils sont devenus très vite, sous la pression de la nécessité, les organes de la lutte révolutionnaire générale contre le gouvernement. Ils se sont transformés de manière irrésistible, en raison du développement des événements et du passage de la grève à l’insurrection, en organes d’insurrection. Que tel ait été le rôle joué en décembre par un certain nombre de «conseils» et de «comités» est un fait absolument incontestable. Et les événements ont montré de la manière la plus saillante et la plus convaincante que la force et la signification de tels organes en temps de bataille dépendent entièrement de la force et du succès du soulèvement.
Ce n’est pas une théorie, une proclamation quelconque, une tactique inventée par qui que ce soit, ni une doctrine de parti, mais la force des choses qui a conduit ces organes de masse non partisans à la nécessité d’un soulèvement et en a fait les organes du soulèvement. “
En 1917, les Soviets des députés ouvriers, soldats et paysans, tout en restant une organisation publique de masse comprenant des représentants de partis exprimant les intérêts de différentes couches de la population ouvrière, se sont d’abord transformés par la logique des événements en organes de la révolution et étaient aussi contradictoires que la révolution démocratique bourgeoise de février 1917, puis, au fur et à mesure qu’elle se transformait en une révolution socialiste du prolétariat et du semi-prolétariat, transformés en pouvoir d’État.
Les syndicats étaient un autre type d’organisation de classe du Front populaire de la lutte pour le socialisme, né en Russie avec la révolution de 1905-1907. Leur rôle en tant que structure unissant les travailleurs, indépendamment de leur affiliation à un parti et de leurs positions politiques et idéologiques, a été particulièrement important dans la lutte du prolétariat pour ses intérêts de classe, dans l’élaboration du soutien à la lutte révolutionnaire visant à éliminer l’exploitation de l’homme par l’homme.
En préparation du congrès IV unificateur du POSDR, Lénine a développé une «Plate-forme tactique», comprenant les projets de résolution du prochain congrès. L’une d’elles était consacrée aux syndicats. Il donne une description claire du rôle des syndicats formés par la première révolution russe et définit également clairement leurs tâches en tant qu’organisations unissant la classe ouvrière dans sa confrontation avec les exploiteurs.
“En tenant compte du fait :
1) que la social-démocratie a toujours reconnu la lutte économique comme l’une des parties constitutives de la lutte de classe du prolétariat;
2) que l’organisation la plus appropriée de la classe ouvrière aux fins de la lutte économique est, comme le montre l’expérience de tous les pays capitalistes, de larges syndicats;
3) qu’à l’heure actuelle, les masses ouvrières de Russie aspirent largement à se rallier aux syndicats;
4) que la lutte économique peut conduire à une amélioration durable de la position des masses ouvrières et au renforcement de leur véritable organisation de classe.
Nous reconnaissons et invitons le Congrès à reconnaître:
1) que toutes les organisations du parti devraient promouvoir la formation de syndicats non partisans et encourager tous les représentants de la profession donnée qui sont membres du parti à y adhérer;
2) que le parti doit s’efforcer par tous les moyens d’éduquer les travailleurs participant aux syndicats dans l’esprit d’une large compréhension de la lutte de classe et des tâches socialistes du prolétariat, afin de gagner par son activité un rôle de chef de file de facto dans de tels syndicats, et, enfin, pour que ces syndicats puissent, avec certaines conditions, d’adhérer directement au parti, mais en aucun cas d’exclure les non-membres du parti de son adhésion. »
Quelle que soit l’évolution des formes spécifiques de l’activité syndicale, leur tâche de protection des intérêts de classe des travailleurs reste inchangée. En ce sens, il est légitime de les considérer comme un élément important du vaste Front populaire à venir dans la Russie d’aujourd’hui. Leur participation dans ce Front est souhaitable, sans aucun doute. Les syndicats sont une organisation des travailleurs salariés et exploités, bien que dans la grande majorité des cas, ils soient extrêmement passifs dans la protection des intérêts de ces travailleurs. De plus, ils sont souvent plus proches des intérêts des employeurs. Le large Front populaire les tirera inévitablement vers la gauche, vers une réelle opposition à la classe exploiteuse. Dans son influence sur les syndicats, le Front populaire contribuera également à développer des dirigeants ouvriers.
Il est clair cependant que la formation des associations sociales et politiques a toujours un caractère historique concret. Et ce n’est pas un sujet que l’on peut discuter. Mais l’importance des Fondements méthodologiques développés par Lénine pour la formation et le développement d’un large Front populaire est également indiscutable. Les instructions de Lénine sur ses fondements de classe sont d’une importance capitale; sur une définition claire des tâches qu’il devra résoudre au stade actuel; le rôle de premier plan du Parti communiste; sur le recours constant au marxisme-léninisme révolutionnaire; sur une approche stricte du choix des alliés et des compagnons de route.
(1) social-démocrate signifie ici communiste, et le nom du parti de Lénine est POSDR, Parti ouvrier social-démocrate de Russie, qui deviendra bientôt POSDR (b), c’est-à-dire bolchevik [NdT]
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