Ce texte analyse ce qui est souvent reproché à la Chine par les occidentaux à savoir “la manipulation de sa monnaie”, mais il explique également que la Chine, deuxième puissance du monde et paradoxalement pays en développement ne peut pas se permettre un taux de change flottant. En fait on peut se demander qui peut se le permettre sans renoncer à sa souveraineté sauf les Etats-Unis qui en fait ont le contrôle du système (note de Danielle Bleitrach).
La Chine n’a pas un taux de change flottant de sa devise. Est-ce un cas isolé ? Non, la majorité des pays dans le monde n’ont pas adopté ce système.
Comment est fixé le taux du yuan ?
La banque centrale le détermine tous les matins à 9H15 en fonction principalement de deux facteurs, le taux de clôture de la veille et les fluctuations d’un panier de devises, composé notamment du dollar qui pèse 21,59%, de l’euro 17,40% et du yen 11,16%. Toutes les monnaies du panier :
A 9H, treize établissements financiers font des cotations et le taux moyen est le taux fixé à 9H15. Les transactions peuvent commencer à 9H30 avec une fluctuation maximale de 2% à la hausse ou à la baisse autour de ce cours pivot. En août 2015, les autorités avaient laissé fluctuer le yuan, une baisse de la devise et une chute de 15% de la bourse de Shanghai en deux jours avaient suivi. Face à la sortie massive de capitaux de 2016, la banque centrale en 2017 a mis des mécanismes pour éviter les mouvement trop forts, appelés « facteurs de régulation anticycliques 逆周期调节因子 ».
Plus d’élasticité?
Une partie du monde financier chinois souhaite une plus grande élasticité de la devise chinoise. Pour Sheng Songcheng, ancien directeur du bureau des statistiques de la Banque du peuple, ce n’est pas une bonne idée de passer d’une marge de fluctuation de 2% à 3%, voire 4%. 2% est déjà un mouvement très important. L’économie et les entreprises ont besoin d’espoir et de stabilité. De telles amplitudes ne vont pas dans le bon sens.
La Chine, un cas isolé?
Il rappelle que les contrôles de monnaie ont toujours existé sous diverses manières. Le gouvernement japonais intervient quand les conditions le demandent. En 2003, afin d’éviter la hausse du yen, la Banque du Japon a acheté 150 milliards de dollars sur les marchés. Durant la crise de la dette européenne, la monnaie helvétique s’est envolée. La Banque nationale de Suisse a acquis massivement des euros pour freiner l’ascension de sa devise. En septembre 2011, elle a même fixé un cours plancher : « La surévaluation actuelle du franc est extrême. Elle constitue une grave menace pour l’économie suisse et recèle le risque de développements déflationnistes. La Banque nationale suisse (BNS) vise par conséquent un affaiblissement substantiel et durable du franc. Dès ce jour, elle ne tolérera plus de cours inférieur à 1,20 franc pour un euro sur le marché des changes. »
Un contrôle des changes similaire au système chinois est exercé dans de nombreux pays et selon les données du FMI 46,4% des pays dans le monde le pratiquent contre 34,6% en 2009. Par ailleurs, Le National Bureau of Economic Research de Cambridge aux Etats-Unis va encore plus loin en plus loin. Sur un échantillon de 196 pays, il estime qu’en dépit des grands discours de principe, 80% ont un régime de flexibilité limité avec des taux de change peu flexibles.
Taux de change flottant, luxe
Bien entendu, je ne suis pas sourd. La chaîne Fox répète depuis au moins 15 ans que la Chine manipule sa monnaie, ce que beaucoup répètent sans connaître vraiment la situation. Un taux de change flottant et une convertibilité de sa monnaie sont considérés comme un luxe dans les pays émergents. Certes, la Chine a dépassé ce stade, mais elle ne peut pas encore se permettre une telle liberté. Elle est peut-être la seconde puissance mondiale, mais 70% de sa population a des revenus inférieurs à 2 000 yuans par mois et les problèmes structurels sont légion.
Les quelques ouvertures ont montré des fuites de capitaux et des fluctuations qui perturbent l’économie. L’objectif du gouvernement n’est pas de répondre aux exigences de Washington, mais il doit d’abord protéger le pays des risques. Des fluctuations permises, indexées sur un panier de devises, avec un cours pivot et une marge de fluctuation de 2%, est pour l’instant le seul luxe que peut se permettre Pékin. Mais, on prépare l’avenir avec une internationalisation progressive du yuan et l’instauration de la monnaie numérique. La convertibilité et le taux flottant ne sont pas encore à l’ordre du jour, même s’ils font objets de débats. Dans cinq ans, dix ans ? Aux calendes grecques?
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