Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Ethnographie des frayeurs boutiquières…par danielle Bleitrach

SCIENCE SANS CONSCIENCE N’EST QUE RUINE DE L’ÂME !

Je ne suis pas virologue mais il y a des comportements que rien n’excuse…

La semaine dernière,  j’ai pris le soin d’écouter  Raoult. Je l’ai fait parce que le marchand de journaux de mon quartier, son magasin est une sorte d’annexe du Rassemblement national, a exposé ses oeuvres complètes. Le marchand interdit quasiment le masque dans sa boutique et ricane dès qu’avec ses copains il est question de mesures de protection. Il partage d’ailleurs ce scepticisme avec tous les marchands de fruits et légumes, boucher hallal et autres services de proximité qui ont envahi le quartier. Dans les deux cas,les comportements sont assez proches, ils envahissent le trottoir et vous obligent à descendre sur la chaussée pour éviter leur mini-rassemblement hostile à toute mesure de protection. Ils savent et vous imposent leur conviction, il y a chez une sorte de conservatisme rebelle qui caractérise le boutiquier.

Donc je me suis dit, au vu de tels comportements et de leur adhésion aux thèses de Raoult, qu’il fallait que j’entende l’individu qui provoquait une telle confiance dans ces temps de légitime incertitude. Au nom de quelle science une telle incivilité ?….

Disons que pour avoir pris de la nivaquine pendant des années chaque fois que je me rendais en Afrique j’étais au départ peu convaincue par l’idée qu’il s’agissait d’un médicament nocif. Mais peu à peu la manière dont il est devenu le drapeau de pratiques catastrophiques en temps d’épidémies m’est devenu suspecte et j’ai proposé de parler d’autre chose. Mais voici qu’il est de plus en plus pris dans un courant d’extrême-droite qui ratisse large et nie l’existence de l’épidémie et de la nécessité de mesures de protection. Donc j’ai voulu l’écouter sérieusement et je ne peux toujours pas devenir virologue mais je peux toujours décrire des comportements et leurs effets sociaux.

C’est un chercheur,incontestablement, une caricature de savant fou tel qu’on les rêvait au XIX e siècle. Par rapport à ces épris du progrès et pourtant créateurs de catastrophe, proscrits de leurs propres oeuvres, il a certains traits du docteur Frankestein: “une créature intéressante, ses yeux ont généralement une expression d’égarement et même de folie“, à la seule différence près que personne ne vit chez lui comme chez le docteur de Mary Shelley “à certains moments, si on lui témoigne quelques bontés, ou si on lui rend le moindre service toute sa physionomie s’illumine, pour ainsi dire, d’un rayon de bienveillance“.Raoult a rarement pour ainsi dire jamais la moindre de lueur de bienveillance. Tout chez lui respire la conviction d’être un individu d’exception face à une humanité dénuée d’intérêt.

Les moments les plus intéressants de son intervention n’avaient à la limite rien  à voir avec ce qui suscite l’angoisse du petit peuple,les dangers réels.  Il est parti dans un exposé sur les effets physiques du placebo. Emporté dans une sorte de rêve éveillé sur les nouvelles technologies, il semblait l’inventeur de Metropolis dont les alambics et les cornus de l’alchimiste étaient remplacés par  l’électricité, pour animer la créature des révoltes ouvrières, le cheveu gras et la blouse usée disant assez le peu de soin accordé à sa personne. emporté par son sujet, il nous expliquait que grâce aux perfections de l’imagerie on pouvait voir que le placebo agissait sur la même zone du cerveau que le médicament. L’humain n’a plus besoin de parler, de dire son mal, son corps est discours pour qui sait entendre l’observation des organes… Le rêve du positivisme intégral est réalisé.  L’homme neuronal est en voie de remplacer l’homme social… On finit par se dire qu’au point où il en est, on se demande s’il n’a pas tenté de faire jouer à l’hydrocloroquine le rôle d’un placebo des foules. L’important n’est-il pas d’atteindre la zone du cerveau qui attend, espère? Celle de mon marchand de journaux  et des vendeurs de boucherie hallal de mon quartier, tous les Bouvard et Pécuchet du conservatisme révolté? Sans parler du rêve secret de nombre de médecin, éliminer le sujet parlant et ne conserver que le corps objet… Il y a un mois j’ai dû expliquer à mon cardiologue qu’il n’était pas vétérinaire et que m’entendre faisait partie de son diagnostic. Raoult est bien conscient que l’humanité souffrante et parlante dit l’inconnu, mais il n’y a plus que lui qui soit le verbe.

Si selon Einstein, Dieu, quel que soit ce que l’on met sous ce nom, ne joue pas au dès , pour le professeur Raoult toute intervention curative est soumise au calcul des probabilités. C’est parfois onirique comme quand il ose dire qu’actuellement en Afrique, il y a plus de séquelles dues au vaccin contre la poliomyélite qu’à la poliomyélite elle-même,faut pas pousse… Là nous sommes dans une conception outrée de l’expérimentation, une hypothèse audacieuse,  qui renvoie au paternalisme colonialiste. On pense aux effets brésiliens du médicament cher à Bolsonaro ou encore à la manière dont aux Etats-Unis, indiens, latinos, africano-américains sont visés en priorité…On pense aussi aux crétins qui sur les réseaux sociaux opposent les morts de l’épidémie à ceux de la faim, de la misère, les petits bourgeois qui se la jouent dame patronnesse du Tiers monde pour mieux justifier l’inqualifiable, leur égoisme, leur révolte petite bourgeoise réactionnaire… Il y a effectivement une logique dans cette vision du monde. Un formidable égocentrisme et Raoult mène le bal…

Parce qu’avec ce positionnement “mégalomane” sur les vaccins, calcul des probabilités entre les inconvénients et les avantages, on joue la variole et autres maux à la roulette russe.   Les faits sont là,un vaccin est d’autant plus efficace qu’il est partagé massivement… Avec ces comportements qui coÏncident si bien avec les eaux glacées du calcul égoïste du capital, non seulement la rougeole tue à nouveau mais les autres virus tenus en lisière sont en train de se répandre y compris Ebola…

J’allais oublier le professeur Raoult pense également que les alarmes sur le climat sont de fausses alertes…IL dit ne pas faire de politique, mais cela fait pas mal de temps qu’il publie ses élucubrations dans le Figaro, le POint avec le jeu provocateur consistant à se construire comme l’unique et toute puissante référence scientifique. Là encore, ce n’est pas la science mais c’est la science positiviste et concurrentielle telle que notre époque la produit.

Que le professeur Raoult et tous les scepticismes sur les mesures de protection fassent flores chez tous les boutiquiers réactionnaires passe encore mais qu’il se trouve des gens pour les diffuser au nom de la lutte des classes, des communistes, des syndicalistes, trop c’est trop… En plus,ces gens-là sont convaincus que cela empêche les luttes,les rassemblements , les manifestations, non ce qui empêche d’aller dans ces rassemblements ce sont les discours obscurantistes, anti-protection. Tant que le doute existera sur la protection que l’on peut espérer vous ferez croître la peur, les angoisses tout aussi irrationnelles. Au contraire pour appeler à des manifs , à des actions collectives, il faut créer les conditions de la sécuroté, exiger le remboursement des masques,prévoir pour tous. Parce qu’il y a au moins une chose avec laquelle je suis d’accord avec Raoult, quand il dénonce la peur comme principal danger, mais ce qu’il dit est justement générateur de peur et d’inconséquence. Puisque nous sommes dans les effets placebo et la révolte des foules,il faut accepter le minimum de discipline et la sécurité collective. Si quelque chose doit être dénoncé c’est bien un pouvoir et des médias qui jouent avec des angoisses qui ont d’autres sources que la peur de l’épidémie parce que nous sommes dans une époque historique digne de la chute de l’empire romain.

danielle Bleitrach   

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2 Commentaires

  • Daniel Arias
    Daniel Arias

    J’ai du mal avec un personnage adulte qui arbore aux doigt une totenkopf. Médecin de plus.
    Sinon sur librairie des tropiques quelques articles sur le COVID par Badia Benjelloun:
    http://www.librairie-tropiques.fr/tag/badia%20benjelloun/

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    • Xuan

      Raoult a sans doute eu raison de dénoncer le lobbying de Gilead mais c’est la seule chose qu’on peut mettre à son actif.
      Par contre sa théorie de la “courbe en cloche” s’est effondrée. La propagation du virus de façon latente avant son apparition ouverte en Chine, la multiplication des communications et des échanges à l’échelle mondiale, combinées avec le développement inégal d’une région à l’autre, ont créé plusieurs vagues successives et des interactions ou des importations d’un pays à l’autre. On ne peut plus parler de “courbe en cloche” aujourd’hui.
      Son médicament n’est pas efficace sur les cas graves, mais c’est précisément dans les cas de détresse respiratoire que l’on a besoin d’un remède.
      Pour finir son rejet des mesures de protection est aussi criminel que la propagande officielle des premiers mois, sur l’inutilité du masque, des tests, des prises de température et sur le virus “grippette”.
      Cette propagande est à l’origine des dérives facho-libertaires que l’on connaît aujourdhui.

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