***75° anniversaire du bombardement d’Hiroshima
Bien qu’elle ne soit pas assez souvent mise en avant, la menace d’une guerre nucléaire n’a pas disparu et continue à obscurcir l’horizon de l’histoire de l’humanité. Les Etats-Unis qui ont ouvert seuls ce chapitre dangereux pour la survie de l’espèce humaine continuent, pour imposer par la peur leur domination de la planète, à moderniser leur arsenal (bombes et vecteurs) à coup de centaines de milliards de dollars. Le choix de l’URSS – que la Russie a maintenu – de refuser dès 1945 cette menace d’extermination lui a couté fort cher mais s’il n’a pas empêché d’autres guerres il a évité le renouvellement des 2 bombardements d’Aout 45.
(Pour mémoire la France de Macrozy continue de jouer chichement au grand pour sauvegarder son empire colonial et modernise elle aussi son armement atomique).
Mais il existe aujourd’hui un traité international d’interdiction des armes nucléaires. Déjà ratifié par 40 Etats il ne lui manque plus que dix ratifications pour entrer en vigueur. Nous nous en félicitons car cette interdiction, venant après la renonciation de toute l’Afrique et de toute l’Amérique Latine à l’arme atomique, pèsera de plus en plus dans les relations internationales et dans les opinions publiques. Pour marquer cette date Comaguer a choisi de traduire un article récent du célèbre journaliste australien John Pilger qui souligne les dangers de la période.
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Un autre Hiroshima arrive… À moins que nous l’arrêtions maintenant
Par John Pilger
04 juillet 2020 “Information Clearing House” – Quand je suis allé à Hiroshima pour la première fois en 1967, l’ombre sur les marches était toujours là. C’était une impression presque parfaite d’un être humain à l’aise : jambes écartées, dos plié, une main à ses côtés alors qu’elle attendait l’ouverture d’une banque.
À huit heures et demie le matin du 6 août 1945, elle et sa silhouette ont été brûlées dans le granit.
J’ai regardé l’ombre pendant une heure ou plus, puis je suis descendu à la rivière où les survivants vivaient encore dans des bidonvilles.
J’ai rencontré un homme appelé Yukio, dont la poitrine était gravée avec le motif de la chemise qu’il portait quand la bombe atomique a été larguée.
Il a décrit un énorme flash sur la ville, « une lumière bleutée, quelque chose comme un court-circuit électrique », après quoi le vent soufflait comme une tornade et la pluie noire est tombée. «J’ai été jeté sur le sol et j’ai remarqué que seules les tiges de mes fleurs étaient restées .Tout était calme et silencieux, et quand je me suis levé, il y avait des gens nus, ne disant rien. Certains d’entre eux n’avaient ni peau ni cheveux. J’étais certain d’être mort.
Neuf ans plus tard, je suis retourné le voir, il était mort d’une leucémie.
« Aucune radioactivité dans les ruines d’Hiroshima », a déclaré le New York Times en première page le 13 septembre 1945, un classique de la désinformation organisée. « Le général Farrell (note du traducteur : Commandant en second du projet Manhattan, Farrell assiste au premier essai atomique en compagnie d’Oppenheimer. Son compte-rendu adressé à Truman ne laisse aucun doute sur les énormes capacités destructrices de l’arme. Truman décide alors de l’utiliser le plus rapidement possible et sur des cibles civiles – pas d’objectifs militaires à Hiroshima et Nagasaki – et Farrell dirige les deux bombardements depuis son QG aux iles Mariannes) rapporta William H. Lawrence, niait catégoriquement que la bombe atomique produisait une radioactivité dangereuse et persistante. »
Un seul journaliste, Wilfred Burchett, un Australien, avait bravé le périlleux voyage à Hiroshima immédiatement après le bombardement atomique, au mépris des autorités d’occupation alliées, qui contrôlaient le « pack de presse ».
« J’écris cela comme un avertissement au monde », rapporte Burchett dans le London Daily Express du 5 septembre 1945. Assis dans les décombres avec sa machine à écrire Baby Hermes, il a décrit les salles d’hôpital remplies de personnes sans blessures visibles qui mouraient de ce qu’il appelait « une peste atomique ».
Pour cette raison, son accréditation de presse lui a été retirée, il a été cloué au pilori et insulté. Son témoignage de la vérité n’a jamais été pardonné.
Le bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki était un massacre de masse prémédité qui a donné naissance à une arme intrinsèquement criminelle. Il était justifié par des mensonges qui constituent le fondement de la propagande de guerre américaine au XXIe siècle, créant un nouvel ennemi et une cible – la Chine.
Au cours des 75 années qui se sont déroulées depuis Hiroshima, le mensonge le plus durable est que la bombe atomique a été larguée pour mettre fin à la guerre dans le Pacifique et sauver des vies.
« Même sans les bombardements atomiques, conclut l’Enquête sur les bombardements stratégiques des États-Unis de 1946, la suprématie aérienne sur le Japon aurait pu exercer une pression suffisante pour provoquer une reddition inconditionnelle et éviter la nécessité d’une invasion. » Sur la base d’une enquête détaillée de tous les faits, et étayée par le témoignage des dirigeants japonais survivants impliqués, l’Enquête conclut que … Le Japon se serait rendu même si les bombes atomiques n’avaient pas été larguées, même si la Russie n’était pas entrée en guerre [contre le Japon] et même si aucune invasion n’avait été planifiée ou envisagée. (Ndt : minimiser l’impact de la défaite militaire totale infligée à l’armée japonaise du Mandchoukuo par l’armée rouge fait partie de la doxa narrative étasunienne mais dès l’attaque de l’armée rouge les Etats-Unis acceptent de sauver l’empereur et d’une certaine façon l’honneur du Japon qui capitule aussitôt. L’URSS n’envahira pas le Japon qui passera sous tutelle et sous occupation militaire étasunienne exclusives et devra se contenter de récupérer Sakhaline et les Kouriles).
Les Archives nationales de Washington contiennent des documents sur les ouvertures de paix japonaises dès 1943. Ces ouvertures n’ont pas eu d’écho. Un câble envoyé le 5 mai 1945 par l’ambassadeur allemand à Tokyo et intercepté par les États-Unis précisait que les Japonais recherchaient désespérément la paix, y compris « la capitulation même si les termes en étaient durs ». Rien n’a été fait.
Le secrétaire américain à la Guerre, Henry Stimson, a déclaré au président Truman qu’il avait « peur » que l’US AIR FORCE écrase tellement le Japon sous les bombes que la nouvelle arme ne serait pas en mesure de « montrer sa force ». Stimson a admis plus tard qu’« aucun effort n’a été fait, et aucun n’a été sérieusement envisagé, pour parvenir à la reddition simplement afin de ne pas avoir à utiliser la bombe atomique ».
Les collègues de Stimson en politique étrangère — regardant vers l’avenir de l’après-guerre qu’ils façonnaient alors « à notre image », comme l’a dit George Kennan, planificateur de la guerre froide, ont clairement indiqué qu’ils étaient impatients de « battre les Russes avec la bombe atomique qui nous était présentée ostensiblement comme l’arme de la victoire ». Le général Leslie Groves, directeur du projet Manhattan qui a fabriqué la bombe atomique, a témoigné : « Je ne me suis jamais fait d’illusion sur le fait que la Russie était notre ennemi et que le projet avait été mené sur cette base. »
Le lendemain de l’effacement d’Hiroshima, le président Harry Truman s’est dit satisfait du « succès écrasant » de « l’expérience ».
L’« expérience » s’est poursuivie longtemps après la fin de la guerre. Entre 1946 et 1958, les États-Unis ont fait exploser 67 bombes nucléaires dans les îles Marshall dans le Pacifique, soit l’équivalent de plus d’un Hiroshima par jour pendant 12 ans.
Les conséquences humaines et environnementales ont été catastrophiques. Pendant le tournage de mon documentaire, The Coming War on China, j’ai affrété un petit avion et je me suis envolé pour l’atoll de Bikini dans les iles Marshall. C’est là que les États-Unis ont fait exploser la première bombe à hydrogène au monde. Cela reste une terre empoisonnée. Mes chaussures ont été enregistrées « dangereuses » sur mon compteur Geiger. Les palmiers se tenaient dans des formes indescriptibles. Il n’y avait pas d’oiseaux.
J’ai parcouru la jungle jusqu’au bunker en béton où, à 6h45 le matin du 1er mars 1954, le bouton a été appuyé. Le soleil, qui s’était levé, se leva à nouveau et vaporisa toute une île dans le lagon, laissant un vaste trou noir, qui de l’air est un spectacle menaçant: un vide mortel dans un lieu de beauté.
Les retombées radioactives se sont propagées rapidement et « de façon inattendue ». L’histoire officielle affirme que « le vent a changé soudainement ». C’était le premier de nombreux mensonges, comme le révèlent les documents déclassifiés et le témoignage des victimes.
Gene Curkow, un météorologue chargé de surveiller le site d’essai, a déclaré: « Ils savaient où les retombées radioactives allaient aller. Même le jour du tir, ils avaient encore l’occasion d’évacuer les gens, mais les gens n’ont pas été évacués. Je n’ai pas été évacué… Les États-Unis avaient besoin de cobayes pour étudier les effets des radiations.
Comme Hiroshima, le secret des îles Marshall était une expérience calculée sur la vie d’un grand nombre de personnes. Il s’agit du projet 4.1, qui a commencé comme une étude scientifique sur les souris et est devenu une expérience sur « des êtres humains exposés au rayonnement d’une arme nucléaire ».
Les habitants des Marshall que j’ai rencontrés en 2015 — comme les survivants d’Hiroshima que j’ai interviewés dans les années 1960 et 1970 — souffraient d’une série de cancers, généralement des cancers de la thyroïde; des milliers étaient déjà morts. Les fausses couches et la mortinatalité à la naissance étaient fréquentes; les bébés qui survivaient étaient souvent déformés horriblement.
Contrairement à Bikini, l’atoll de Rongelap, situé à proximité, n’avait pas été évacué lors de l’essai de la bombe H. Directement sous le vent de Bikini, le ciel de Rongelap s’est assombri et il a plu ce qui semblait être des flocons de neige. La nourriture et l’eau ont été contaminées; et la population a été victime de cancers. C’est encore vrai aujourd’hui.
J’ai rencontré Nerje Joseph, qui m’a montré une photo d’elle enfant sur Rongelap. Elle avait de terribles brûlures au visage et avait perdu beaucoup de cheveux. « Nous nous baignions au puits le jour où la bombe a explosé », a-t-elle dit. « Une poussière blanche a commencé à tomber du ciel. J’ai ramassé de cette poudre. Nous l’avons utilisé comme savon pour nous laver les cheveux. Quelques jours plus tard, mes cheveux ont commencé à tomber.
Lemoyo Abon a dit: « Certains d’entre nous étaient à l’agonie. D’autres souffraient de diarrhée. Nous étions terrifiés. Nous avons pensé que ce devait être la fin du monde.
Le film d’archives officiel américain que j’ai inclus dans mon film se réfère aux insulaires comme des « sauvages aimables ». Dans la foulée de l’explosion, un responsable de l’Agence américaine de l’énergie atomique se vante que Rongelap « est de loin l’endroit le plus contaminé sur terre », ajoutant, « il sera intéressant d’obtenir une mesure de la capacité d’absorption humaine lorsque les gens vivent dans un environnement contaminé. »
Des scientifiques américains, y compris des médecins, ont construit des carrières distinguées en étudiant l’« adaptabilité humaine ». On peut les voir dans un film vacillant, dans leurs manteaux blancs, attentifs avec leurs carnets de notes. Quand un insulaire est mort dans son adolescence, sa famille a reçu une carte de sympathie du scientifique qui l’a étudié.
J’ai fait des reportages sur cinq sites ayant subi des bombardements ou des essais nucléaires à travers le monde – au Japon, aux îles Marshall, dans le Nevada, en Polynésie et à Maralinga en Australie. Plus encore que mon expérience de correspondant de guerre, cela m’a appris la cruauté et l’immoralité de la grande puissance: c’est-à-dire la puissance impériale, dont le cynisme est le véritable ennemi de l’humanité.
Cela m’a frappé de force quand j’ai filmé le site d’essais de Maralinga dans le désert australien. Dans un cratère en forme de plat se trouvait un obélisque sur lequel était inscrit : « Une arme atomique britannique a été essayée et a explosé ici le 9 octobre 1957 ». Sur le bord du cratère était inscrit :
AVERTISSEMENT : RISQUE DE RAYONNEMENT
Les Niveaux de rayonnement sur quelques centaines de mètres
autour de ce point peuvent être au-dessus de ceux considérés
comme sans danger pour une présence permanente.
Car à perte de vue, et au-delà, le sol était irradié. Du plutonium brut s’y trouvait, dispersé comme de la poudre de talc : le plutonium est si dangereux pour les humains qu’un tiers d’un milligramme donne 50 pour cent de chances de cancer.
Les seules personnes qui auraient pu voir cette inscription étaient des Australiens autochtones, pour qui il n’y avait pas eu d’avertissement préalable. Selon un rapport officiel, s’ils avaient de la chance, « ils se sont enfuis comme des lapins »
Aujourd’hui, une campagne de propagande sans précédent nous chasse tous comme des lapins. Nous ne sommes pas censés remettre en question le torrent quotidien de rhétorique antichinoise, qui dépasse rapidement le torrent de la rhétorique antirusse. Tout ce qui est chinois est mauvais, anathème, une menace: Wuhan …. Huawei. Comme c’est déroutant quand « notre » leader le plus vilipendé le dit.
La phase actuelle de cette campagne n’a pas commencé avec Trump, mais avec Barack Obama, qui en 2011 s’est envolé pour l’Australie pour annoncer la plus grande accumulation de forces navales américaines dans la région Asie-Pacifique depuis la Seconde Guerre mondiale. Soudain, la Chine était une « menace ». C’était absurde, bien sûr. Ce qui était menacé, c’était la vision psychopathique incontestée de l’Amérique d’elle-même comme la nation la plus riche, la plus performante, la plus « indispensable ».
Ce qui n’a jamais été contesté, c’est ses prouesses d’intimidateur — avec plus de 30 membres de l’ONU qui ont subi des sanctions américaines d’une forme ou d’une autre et une traînée de sang qui traverse des pays sans défense bombardés, leurs gouvernements renversés, leurs élections manipulées, leurs ressources pillées.
La déclaration d’Obama a été connue comme le « pivot vers l’Asie ». L’un de ses principaux défenseurs était sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, qui, comme l’a révélé WikiLeaks, voulait renommer l’océan Pacifique « la mer américaine ».
Alors que Clinton n’a jamais caché son bellicisme, Obama était un maestro du marketing. « J’affirme clairement et avec conviction », a déclaré le nouveau président en 2009, « que l’engagement de l’Amérique est de rechercher la paix et la sécurité d’un monde sans armes nucléaires ».
Obama a augmenté les dépenses sur les ogives nucléaires plus rapidement que n’importe quel président depuis la fin de la guerre froide. Une arme nucléaire « utilisable » a été mise au point. Connue sous le nom de B61 Model 12, cela signifie, selon le général James Cartwright, ancien vice-président des chefs d’état-major interarmées, que « le fait de réduire [rend son utilisation] plus acceptable ».
La cible est la Chine. Aujourd’hui, plus de 400 bases militaires américaines encerclent presque totalement la Chine avec des missiles, des bombardiers, des navires de guerre et des armes nucléaires. Du nord de l’Australie en passant par le Pacifique à l’Asie du Sud-Est, au Japon et à la Corée, en passant par l’Eurasie à l’Afghanistan et à l’Inde, les bases forment, comme me l’a dit un stratège américain, « l’étau parfait ».
Une étude de la RAND Corporation – qui, depuis le Vietnam, a planifié les guerres américaines – s’intitule : « Guerre avec la Chine, penser l’impensable » Dans cette étude commanditée par l’armée américaine, les auteurs évoquent le cri de guerre infâme de son stratège en chef de la guerre froide, Herman Kahn – « En pensant à l’impensable ». Le livre de Kahn, « Sur la guerre thermonucléaire », a élaboré un plan pour une guerre nucléaire « gagnable ».
Le point de vue apocalyptique de Kahn est partagé par le secrétaire d’État de Trump, Mike Pompeo, un fanatique évangélique qui croit à « l’extase finale » (note du traducteur : extase démentielle). C’est peut-être l’homme au monde le plus dangereux aujourd’hui en vie. « J’étais directeur de la CIA, se vantait-il, nous avons menti, nous avons triché, nous avons volé. C’était comme si nous avions des cours de formation entiers. L’obsession de Pompeo est la Chine.
Le but ultime de l’extrémisme de Pompeo n’est rarement, voire jamais discuté dans les médias anglo-américains, où les mythes et les fabrications sur la Chine sont des productions courantes, comme l’étaient les mensonges sur l’Irak. Un racisme virulent sous-tend cette propagande. Classés « jaunes » même s’ils étaient blancs, les Chinois sont le seul groupe ethnique à avoir été interdit par un « acte d’exclusion » d’entrer aux États-Unis, parce qu’ils étaient chinois. La culture populaire les a déclarés sinistres, indignes de confiance, « sournois », dépravés, malades, immoraux.
Un magazine australien, The Bulletin, a été consacré à la promotion de la peur du « péril jaune » comme si toute l’Asie était sur le point de tomber sur la colonie réservée aux Blancs par la force de gravité.
Comme l’écrit l’historien Martin Powers, reconnaissant que le modernisme de la Chine, sa moralité laïque et ses contributions à la pensée libérale menaçaient le visage que les européens veulent donner d’eux-mêmes, il est donc devenu nécessaire de supprimer le rôle de la Chine dans le débat sur les Lumières… Pendant des siècles, la menace de la Chine contre le mythe de la supériorité occidentale en a fait une cible facile pour la discrimination raciale.
Dans le Sydney Morning Herald, l’infatigable contempteur de la Chine Peter Hartcher a décrit ceux qui ont répandu l’influence chinoise en Australie comme des « des rats, des mouches, des moustiques et des moineaux ». Hartcher, qui cite favorablement le démagogue américain Steve Bannon, aime interpréter les « rêves » de l’élite chinoise actuelle, à laquelle il a apparemment accès. Ceux-ci sont inspirés par les aspirations pour le « mandat du ciel » d’il y a 2000 ans.
Jusqu’à la nausée
Pour lutter contre ce « mandat du ciel », le gouvernement australien de Scott Morrison a engagé l’un des pays les plus sûrs au monde, dont le principal partenaire commercial est la Chine, à dépenser des centaines de milliards de dollars de missiles américains qui peuvent être tirés sur la Chine.
Les effets sont déjà évidents. Dans un pays historiquement marqué par un racisme violent envers les Asiatiques, les Australiens d’origine chinoise ont formé un groupe de protection pour protéger leurs livreurs. Des vidéos de téléphone montrent un livreur frappé au visage et un couple chinois victime d’abus racistes dans un supermarché. Entre avril et juin, près de 400 attaques racistes ont été perpétrées contre des Asiatiques-Australiens.
« Nous ne sommes pas vos ennemis, m’a dit un stratège de haut rang en Chine, mais si vous en Occident décidez que nous le sommes, nous devons nous préparer sans délai. » L’arsenal de la Chine est petit par rapport à celui de l’Amérique, mais il croît rapidement, en particulier avec le développement de missiles maritimes conçus pour détruire des flottes de navires.
« Pour la première fois, écrit Gregory Kulacki de l’Union of Concerned Scientists, la Chine envisage de mettre ses missiles nucléaires en état d’alerte afin qu’ils puissent être lancés rapidement en cas d’avertissement d’une attaque… Ce serait un changement important et dangereux dans la politique chinoise… »
À Washington, j’ai rencontré Amitai Etzioni, éminent professeur d’affaires internationales à l’Université George Washington, qui a écrit qu’une « attaque aveuglante contre la Chine » (note du traducteur : par « attaque aveuglante » l’auteur fait référence à des tactiques militaires également utilisées dans les jeux vidéos consistant à neutraliser les moyens d’observation de l’ennemi qui doit alors agir en aveugle) était planifiée, « avec des frappes qui pourraient être perçues à tort par les Chinois comme des tentatives préventives de dévoiler ses armes nucléaires, les coinçant ainsi dans un terrible dilemme d’utilisation ou de destruction de ces armes qui conduirait à la guerre nucléaire ».
En 2019, les États-Unis ont organisé leur plus grand exercice militaire depuis la guerre froide, en grande partie dans le plus grand secret. Une armada de navires et de bombardiers à longue portée a répété un « concept de bataille air-mer pour la Chine » – AirSeaBattle – bloquant les voies maritimes dans le détroit de Malacca et coupant l’accès de la Chine au pétrole, au gaz et à d’autres matières premières du Moyen-Orient et de l’Afrique.
C’est la crainte d’un tel blocus qui a vu la Chine développer son initiative de ceinture et de route le long de l’ancienne route de la soie vers l’Europe et construire d’urgence des pistes d’atterrissage stratégiques sur les récifs et les îlots contestés dans les îles Spratly.
À Shanghai, j’ai rencontré Lijia Zhang, journaliste et romancière à Pékin, typique d’une nouvelle classe de francs-tireurs. Son best-seller a le titre ironique “Le Socialisme est grand!” Ayant grandi dans la révolution culturelle chaotique et brutale, elle a voyagé et vécu aux États-Unis et en Europe. « Beaucoup d’Américains imaginent, dit-elle, que les Chinois vivent une vie misérable et réprimée sans aucune liberté. L’idée du péril jaune ne les a jamais quittés… Ils n’ont aucune idée qu’environ 500 millions de personnes sont sorties de la pauvreté, et certains disent 600 millions.
Les réalisations exceptionnelles de la Chine moderne, sa victoire contre la pauvreté de masse, et la fierté et le contentement de son peuple (mesuré scientifiquement par des sondeurs américains tels que Pew) sont volontairement inconnus ou mal compris en Occident. Il s’agit à lui seul d’un commentaire sur l’état lamentable du journalisme occidental et l’abandon du reportage honnête.
Le côté sombre répressif de la Chine et ce que nous aimons appeler son « autoritarisme » sont la façade que nous sommes autorisés à voir presque exclusivement. C’est comme si nous étions nourris de contes sans fin du méchant maléfique Dr Fu Manchu. Et il est temps que nous demandions pourquoi: avant qu’il ne soit trop tard pour arrêter le prochain Hiroshima.
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