Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Les États-Unis sont seuls dans leur «guerre commerciale» contre la Chine

Un des axes de la guerre que prétend livrer Trump à la Chine, l’isoler des alliés des Etats-Unis est en train de devenir la preuve de l’échec d’une telle guerre. Celle-ci menée d’abord à usage interne, dans le cadre de la réélection de Trump le fragilise également à ce niveau (note et traduction de Danielle Beitrach).

Au fil des jours, il devient clair que l’accord commercial sino-américain finira par se défaire, ouvrant la voie à une impasse à long terme, même s’il ne s’agit pas d’une véritable “guerre froide” entre les deux superpuissances. Comme l’ont récemment montré les propos tenus par le conseiller américain à la sécurité nationale (NSA), Robert O’Brien, les États-Unis prévoient “de nouvelles mesures” pour “corriger” leurs relations avec la Chine. La série d’étapes, pour le citer, «n’en est qu’à ses début alors que l’Amérique corrige 40 ans d’une relation unilatérale et injuste avec la Chine qui a gravement affecté le bien-être économique et, récemment, politique de notre nation. Tout comme les tarifs imposés par le président sur les pratiques commerciales déloyales au début de son administration, seront suivis de plus encore. »

Alors que les États-Unis ont récemment adopté une législation qui leur permettrait de sanctionner la Chine, une partie importante de la définition d’O’Brien du «plus» consiste dans l’effort concerté des États-Unis pour convaincre ses alliés du monde entier de suivre les États-Unis sur leurs traces dans la mesure du possible, en visant leurs relations politiques et économiques avec la Chine . «Avec nos alliés et partenaires, nous résisterons aux efforts du Parti communiste chinois pour manipuler notre peuple et nos gouvernements, nuire à nos économies et saper notre souveraineté. L’époque de la passivité et de la naïveté américaines à l’égard de la République populaire de Chine est révolue », a ajouté O’Brien.

Cependant, alors que les États-Unis tentent clairement de faire monter l’hostilité, il est très peu probable que les États-Unis aient de nombreux «alliés et partenaires» prêts à rejoindre le train américain. Avec leur retrait quotidien, il devient évident que la plupart des alliés américains traditionnels suivent de plus en plus des politiques indépendantes.

Cela est particulièrement vrai de l’Europe où la Chine, malgré la pression persistante des États-Unis sur l’Europe pour rompre les liens, continue d’élargir sa portée économique et, en fait, comble l’écart de plus en plus laissé par les États-Unis eux-mêmes. De toute évidence, l’Europe n’est pas opposée à l’établissement de relations avec l’économie actuellement la moins blessée du monde ou avec la plus stable.

Ailleurs en Asie, par exemple, même un vieil allié américain, le Japon, suit une voie différente. Alors que la sagesse conventionnelle mettrait le Japon du côté américain et le verrait prendre des mesures qui se situerait dans la “guerre commerciale” en cours, les récentes mesures du Japon indiquent que ses tentatives visent en fait à éviter des relations tendues avec la Chine.

Il y a une semaine, une annonce faite par le ministre japonais de la Défense, Taro Kono, a confirmé que le Japon annulerait l’achat d’un système de défense antimissile balistique de plusieurs milliards de dollars fait par Lockheed Martin. Bien que cet accord soit cher au cœur du président américain, l’annulation se heurte à une prise de conscience croissante au Japon sur la façon dont un déploiement avancé de missiles américains sur son sol mettra ses relations complexes et largement interdépendantes avec la Chine en grave danger. La décision d’acheter ce système de missiles était basée sur une “compréhension naïve” des problèmes qui s’y rapportent, a déclaré le ministre japonais.

Alors que le déploiement du système de missiles Aegis Ashore dans le cadre de son déploiement stratégique dans la région Asie-Pacifique aurait stimulé la capacité des États-Unis à surveiller la Chine et la Russie, l’annulation brutale de l’accord par le Japon, en particulier à une époque où les Chinois avaient signalé leurs graves préoccupations à ce sujet, montre fortement que l’influence américaine, même sur ses alliés traditionnels, diminue rapidement.

Rien n’illustre mieux la diminution de l’influence économique des États-Unis que la récente annonce par les pays membres du Partenariat économique régional complet (RCEP), confirmant que l’accord sera signé en 2020. Le RCEP, qui est de loin le plus grand pacte commercial au monde, rassemble l’Association des 10 nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN), Chine, Japon, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande. Avec des alliés américains, dont le Japon et l’Australie, participant à un pacte commercial impliquant la Chine, la question de savoir comment et dans quelle mesure les États-Unis peuvent vraiment attirer leurs alliés dans sa guerre commerciale avec la Chine devient cruciale.

Pour l’administration Trump, cette question a une double signification. Premièrement, ces changements clés en cours sont fondamentalement différents de la politique prônée par Trump des accords commerciaux bilatéraux. D’un autre côté, la tendance croissante au «régionalisme» est très susceptible de pousser les États-Unis plus loin de la géopolitique régionale.

Deuxièmement, le fait que les politiques actuelles des États-Unis vis-à-vis de la Chine soient profondément enracinées dans la stratégie de réélection de Trump pousse les alliés américains davantage à suivre des politiques plutôt à long terme et cohérentes qu’à se contenter de suivre les préceptes américains et à s’impliquer avec les Etats-Unis dans une nouvelle guerre froide.

Par conséquent, alors que Trump se décrivant comme “le président le plus dur contre la Chine” peut avoir des implications sur la scène politique intérieure, il est évidemment en train de perdre sur la scène internationale – la région Europe Asie et Pacifique – où l’acceptation de la Chine en tant que partenaire économique augmente. Même selon les principaux groupes de réflexion américains, l’UE est arrivée à la conclusion qu’un partenariat économique avec la Chine est à la fois une opportunité et une nécessité.

Bien qu’il y ait évidemment des pays, qui comme la Turquie, tentent de se présenter aux États-Unis comme leurs alliés pour établir des sources alternatives de chaîne d’approvisionnement mondiale indépendamment de la Chine, la tendance mondiale toujours croissante en faveur de la Chine est trop évidente pour être ignorée. Ironiquement, c’est cette acceptation croissante de la Chine qui a, en premier lieu, contraint les États-Unis à déclencher une «guerre commerciale». L’intention était et est toujours de détruire l’économie chinoise et de mettre ainsi un terme définitif à la concurrence que le géant asiatique offre à la domination unilatérale des États-Unis.

Cependant, comme le montre le scénario mondial en rapide évolution, la “guerre commerciale” de Trump s’est retournée contre lui. Sur le plan international, les États-Unis perdent des alliés. Sur le plan intérieur, la propagation incontrôlée de COVID-19 a créé des ravages économiques, ajoutant aux pertes que les États-Unis subissent en raison de leur «guerre commerciale» avec la Chine. Les tarifs américains n’ont pas produit de meilleurs résultats. Au contraire, la récente décision de la Chine de cesser d’acheter des produits agricoles aux États-Unis met encore plus en cause la réélection de Trump.

Salman Rafi Sheikh, chercheur-analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan, exclusivement pour le magazine en ligne « New Eastern Outlook ».

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