Histoire et société

Dieu me pardonne c'est son métier

Un tribunal de guerre soviétique : qu’est-ce que la justice internationale ?

JUSTICE INTERNATIONALE: je dois dire que la lecture de ce texte et de ces événements dont j’ignorais tout m’a non seulement stupéfaite mais révulsée, ce qu’ont accompli les Japonais en Asie semble le disputer en horreur aux nazis eux-mêmes, cette entreprise de torture “au nom de la science” est une abomination. Si les soviétiques ont créé ce tribunal c’est parce que les Américains avaient décidé de “blanchir” nombre de criminels de guerre pour ici comme ailleurs les enrôler dans leur croisade anti-communiste. Une pièce au dossier de ceux qui cherchent à minimiser la victoire des troupes soviétiques et qui osent créer des identifications nauséabondes (note de Danielle Bleitrach).

 KHABAROVSK, LE TRIBUNAL OUBLIE

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A l’issue de la deuxième guerre mondiale se mettent en place des tribunaux spéciaux chargés de juger les dirigeants des pays dont les agressions ont déclenché la guerre.

Le plus connu est le tribunal de Nuremberg devant lequel comparaissent les dirigeants allemands ayant ouvert les hostilités le 01 Septembre jour où l’armée du III° Reich envahit la Pologne, le second, déjà moins connu, est le Tribunal de Tokyo chargé de juger les dirigeants japonais responsables de l’attaque des Etats-Unis à Pearl Harbor le 7  décembre 1941.

Il a souvent été écrit que ces tribunaux mettaient en œuvre la justice des vainqueurs. Cette vérité n’est qu’apparente puisque les pays accusés dont les dirigeants seront condamnés sont effectivement les vaincus mais ils ont avant d’être vaincus d’abord été les agresseurs et les déclencheurs de la guerre : en Europe l’Allemagne, en Asie le Japon. Ils avaient d’ailleurs lié leur destin en signant en 1936 le pacte « Anti-Kominterm » c’est-à-dire anti soviétique.

Mais un troisième tribunal du même type a existé qui est presque totalement méconnu : le Tribunal de Khabarovsk.

Celui-ci va siéger du 25 au 31 décembre 1949 dans la principale ville de l’Extrême-Orient soviétique : Khabarovsk. Pourquoi cette juridiction tardive et pourquoi ce procès où les accusés sont tous des militaires japonais alors que le Tribunal de Tokyo a rendu ses jugements un an plus tôt ?

Tout simplement parce ce que le tribunal de Tokyo a, sur la demande expresse des Etats-Unis exprimée dès la capitulation du Japon en  septembre 1945, écarté un des principaux criminels de guerre japonais, le général Shiro Ishii, commandant de l’unité de guerre bactériologique dite UNITE 731.

Cette unité a sévi en Chine à partir de l’invasion japonaise de 1937.

A son « palmarès » deux catégories de crimes majeurs :

– des actions de guerre bactériologiques sous forme de parachutages sur des villes chinoises de puces porteuses de la peste et des disséminations de divers germes : anthrax, variole, typhus, typhoïde qui auraient fait entre 300 000 et 400 000 morts civils principalement. L’attaque biologique la plus connue est celle de la ville chinoise de Changde dans la province du Hunan. Elle a eu lieu pendant une bataille ayant opposé pendant les mois de novembre et décembre 1943 les armées de la Chine et du Japon impérial. Dans cette bataille L’armée japonaise a également utilisé des gaz de combat. Des recherches récentes menées par des chercheurs chinois ont montré que des petits groupes de l’UNITE 731 avaient également sévi en différents lieux pendant la guerre du Pacifique comme les Philippines. Le bilan complet des crimes de l’UNITE 731 reste donc encore à faire.

– des expériences à une échelle industrielle sur des prisonniers vivants chinois, russes, étasuniens tout ceci effectué dans un vaste camp installé dans la colonie japonaise du Mandchoukouo à Pingfan à proximité de la ville chinoise d’Harbin. Ce camp d’où aucun prisonnier n’est sorti vivant est du même niveau de barbarie qu’Auschwitz.

Les accusés au procès de Khabarovsk sont, à défaut de Shiro Ishii et de nombreux cadres de l’unité des militaires japonais capturés par l’armée soviétique au moment de son attaque – entamée le 8 Aout 1945 – de la Mandchourie japonaise. Les documents récupérés par l’armée soviétique dans les installations de l’UNITE 731 sont accablants et tous les inculpés qui reconnaissent les faits sont condamnés à des peines s’étageant entre 6 et 25 ans. En pratique ils seront, à l’instar de tous les prisonniers de guerre japonais détenus en URSS, tous libérés en 1956. Shiro Ishii qui a été protégé et a échappé au procès des criminels de guerre de Tokyo bien que le procureur ait demandé aux Etats-Unis des documents sur l’UNITE 731 qui ne lui ont jamais été fournis. Il vit tranquillement au Japon. Il ne sera pas inquiété par le tribunal de Khabarovsk puisqu’il n’est pas aux mains de l’URSS qui a compris qu’il ne lui serait pas livré et doit se contenter de condamner ceux de ses collaborateurs qu’elle a pu faire prisonniers.

Shiro Ishii a donc été aussi bien traité par les Etats-Unis que l’empereur du Japon lui-même. Mais pour des raisons différentes : les documents sur les travaux de l’UNITE  731 saisis au Japon même par l’armée étasunienne ont en effet été remis au laboratoire d’étude et de fabrication des armes bactériologiques ouvert par les Etats-Unis en 1941 à Fort Detrick (Maryland) et qui n’a jamais cessé son activité. Curieusement il a fait l’objet d’une fermeture administrative au mois d’aout 2019 en raison de « fuites » sur lesquelles aucune explication publique n’a été fournie. Il faut bien comprendre qu’une « fuite » dans un laboratoire de très haute sécurité de ce type qui manipule des produits très dangereux n’est pas une fuite d’eau. Son activité a repris après le début de la pandémie COVID 19.

Les jugements du procès de Khabarovsk étaient très solidement fondés  et ne pouvaient être contestés. En cette période de lancement de la guerre froide la seule solution pour l’Occident était d’étouffer l’affaire et quand elle était, très rarement, évoquée, de riposter sur le mode anti communiste en usage à l’époque : « En URSS tous les procès sont truqués » et le débat était clos. Il l’est resté longtemps.

L’ensemble de la documentation sur ces crimes de guerre a fini par être  rassemblé par l’administration étasunienne à partir de la fin des années 90 (https://ahrp.org/conspiracy-of-denial-complicity-of-u-s-government-in-japans-fabricated-history-decades-of-willful-national-amnesia/). Des chercheurs japonais soutenus par un mouvement d’opinion réclamant l’expiation officielle de ces crimes avaient ouvert la voie. Dans son gros livre consacré à la bataille de Nomahan (ou Khalkin Gol) « Nomahan –Japan against Russia 1939 » (Stanford University Press 2015) Alvin D. Coox  -– ne reconnait pas l’usage d’armes biologiques et bactériologiques par l’armée japonaise mais concède dans note 38 page 1167 que des chercheurs japonais « de gauche » en font état.

Bien que l’historiographie occidentale évite de classer l’empire japonais parmi les régimes fascistes, cet épisode montre bien qu’il y avait toute sa place car les « buches », voir le texte qui suit, ont toute leur place dans la catégorie des « UNTERMENSCHEN » (sous hommes)  chère aux nazis mais que plus encore que dans le cas de l’Allemagne nazie les Etats—Unis ont décidé de limiter « l’épuration » au strict minimum. Encore aujourd’hui sous occupation militaire étasunienne le Japon s’est rapidement reconstruit, est rentré dés 1964 dans l’OCDE, a été admis dans la commission Trilatérale en 1974. Il est partenaire de l’OTAN depuis les années 90 et ses forces armées très modernes participent régulièrement aux manœuvres navales de l’OTAN.

Pour le capitalisme occidental le fascisme n’est qu’un désordre passager dans la famille même si le rappel à l’ordre est brutal. Le seul adversaire c’est le communisme.

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UN TEXTE ECLAIRANT

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Docteurs de la dépravation

Par CHRISTOPHER HUDSON*

Dernière mise à jour à 23:50 2 mars 2007

(Traduction COMAGUER)


Après plus de 60 ans de silence, le secret le plus durable et le plus horrible de la Seconde Guerre mondiale est dévoilé à la lumière du jour. Un par un, les participants, aux cheveux blancs et aux manières douces, font la queue pour raconter leurs histoires terribles avant de mourir. Akira Makino est un veuf frêle vivant près d’Osaka au Japon. Sa seule habitude inhabituelle est de visiter régulièrement une petite ville obscure du sud des Philippines, où il donne des vêtements à des enfants pauvres et a érigé des monuments aux morts. M.Makino y était stationné pendant la guerre. Ce qu’il n’a jamais dit à personne, y compris à sa femme, c’est qu’au cours des quatre mois qui ont précédé la défaite du Japon en mars 1945, il a disséqué dix prisonniers de guerre philippins, dont deux adolescentes. Il a coupé leurs foies, leurs reins et leurs utérus alors qu’ils étaient encore en vie. Ce n’est que lorsqu’il a ouvert leurs cœurs qu’ils ont finalement péri.

Ces actes barbares étaient, a-t-il dit cette semaine, “éducatifs”, pour améliorer ses connaissances en anatomie. “Nous avons prélevé certains organes et amputé des jambes et des bras. Deux des victimes étaient des jeunes femmes de 18 ou 19 ans. J’hésite à le dire mais nous avons ouvert leur utérus pour montrer aux jeunes soldats. Ils connaissaient très peu les femmes – c’était de l’éducation sexuelle. “

Pourquoi l’a-t’il fait? “C’était l’ordre de l’empereur, et l’empereur était un dieu. Je n’avais pas le choix. Si j’avais désobéi, j’aurais été tué.” Mais les vivisections étaient aussi une vengeance contre “l’ennemi” – des tribus philippines que les Japonais soupçonnaient d’espionner pour les Américains. Les prisonniers de M. Makino semblent avoir été plus chanceux que certains: il les a anesthésiés avant de les couper. Mais le département du gouvernement secret qui a organisé de telles expériences dans la Chine occupée par le Japon a pris plaisir à expérimenter sur leurs sujets alors qu’ils étaient encore en vie. Un vieux fermier japonais jovial qui pendant la guerre avait été assistant médical dans une unité de l’armée japonaise en Chine a récemment décrit à un journaliste américain ce que c’était que de disséquer un prisonnier chinois encore en vie.

En mangeant des gâteaux de riz, il se souvient: “Le gars savait que c’était fini pour lui, et donc il n’a pas eu de mal quand ils l’ont conduit dans la pièce et l’ont attaché. Mais quand j’ai ramassé le scalpel, c’est alors qu’il a commencé à crier. Je l’ai ouvert de la poitrine à l’estomac et il a crié terriblement, et son visage était tordu d’agonie. “Il a fait ce son inimaginable, il criait si horriblement. Mais finalement, il s’est arrêté. “Tout cela faisait partie d’une journée de travail pour les chirurgiens, mais cela m’a vraiment laissé une impression car c’était ma première fois.” L’homme n’a pas pu être mis sous sédation, a ajouté le fermier, car cela aurait pu fausser l’expérience. L’endroit où ces atrocités ont eu lieu était une unité secrète d’expérimentation médicale de l’armée impériale japonaise. Il était officiellement connu sous le nom de Bureau antiépidémique d’approvisionnement en eau et de purification – mais tous les Japonais qui y travaillaient le connaissaient simplement sous le nom d’unité 731.

Il avait été créé comme unité de guerre biologique en 1936 par un médecin et officier de l’armée, Shiro Ishii. Diplômé de l’Université impériale de Kyoto, Ishii avait été attiré par la guerre contre les germes par le Protocole de Genève de 1925 interdisant les armes biologiques. S’ils devaient être interdits en vertu du droit international, a expliqué Ishii, ils doivent être extrêmement puissants. Ishii a prospéré sous le patronage du ministre japonais de l’armée. Il a inventé un filtre à eau qui était utilisé par l’armée et aurait démontré son efficacité à l’empereur Hirohito en urinant dedans et en offrant les résultats à l’empereur à boire. Hirohito a refusé, alors Ishii l’a bu lui-même. Un coureur de jupons courageux qui pouvait se permettre de fréquenter les maisons de geisha haut de gamme de Tokyo, Ishii est resté assidu dans la promotion de la cause de la guerre des germes. Sa chance est venue lorsque les Japonais ont envahi la Mandchourie, la région de l’est de la Chine la plus proche du Japon, et l’ont transformée en un État fantoche.

Compte tenu du budget important accordé par Tokyo, Ishii a rasé huit villages pour construire un énorme complexe – plus de 150 bâtiments sur quatre miles carrés – à Pingfan près de Harbin, une partie isolée et désolée de la péninsule mandchoue. Complet avec un aérodrome, une ligne de chemin de fer, des casernes, des donjons, des laboratoires, des salles d’opération, des crématoires, un cinéma, un bar et un temple shintoïste, il rivalisait pour la taille du tristement célèbre camp d’extermination nazi d’Auschwitz-Birkenau.

Le nombre de prisonniers était plus faible. De 1936 à 1942, entre 3 000 et 12 000 hommes, femmes et enfants ont été assassinés dans l’unité 731. Mais les atrocités qui y ont été commises étaient physiquement pires que dans les camps d’extermination nazis. Leurs souffrances ont duré beaucoup plus longtemps – et aucun prisonnier n’a survécu. À l’unité 731, Ishii a rendu sa mission limpide. “La mission donnée par un médecin à Dieu est de bloquer et de traiter la maladie”, a-t-il déclaré à son personnel, “mais le travail sur lequel nous devons maintenant nous engager est à l’opposé de ces principes.” La stratégie consistait à développer des armes biologiques qui aideraient l’armée japonaise à envahir le sud-est de la Chine vers Pékin. Il y avait au moins sept autres unités parsemées dans la zone d’occupation japonaise

Il y avait au moins sept autres unités disséminées dans l’Asie occupée par le Japon, mais elles étaient toutes placées sous le commandement d’Ishii. L’un a étudié les fléaux; un autre dirigeait une usine de bactéries; un autre a mené des expériences de privation humaine de nourriture et d’eau et de typhus d’origine hydrique. Une autre usine au Japon a produit des armes chimiques pour l’armée. Les bactéries: typhoïde, choléra et dysenterie ont été cultivées pour être utilisées sur le champ de bataille.

La plupart de ces installations ont été combinées à l’unité 731 afin qu’Ishii puisse jouer avec sa boîte d’horreurs. Sa parole était la loi. Quand il a voulu expérimenter un cerveau humain, les gardes ont attrapé un prisonnier et l’ont retenu pendant que l’un d’eux ouvrait son crâne avec une hache. Le cerveau a été prélevé et transporté au laboratoire d’Ishii. Les êtres humains utilisés pour les expériences étaient surnommés “maruta” ou “bûches” parce que l’histoire de couverture donnée aux autorités locales était que l’unité 731 était une scierie. Les grumes étaient une matière inerte, une forme de vie végétale, et c’est ainsi que les Japonais considéraient les “bandits”, “criminels” et “suspects” chinois ramenés de la campagne environnante.

Mains et pieds enchaînés, ils étaient bien nourris et faisaient régulièrement de l'exercice. "A moins de travailler avec un corps sain, vous ne pouvez pas obtenir de résultats", a rappelé un membre de l'Unité. Mais la torture qui leur est infligée est inimaginable: ils ont été exposés au gaz phosgène pour découvrir l'effet sur leurs poumons, ou soumis à des charges électriques qui les ont rôtis lentement. Les prisonniers ont été décapités afin que les soldats japonais puissent tester la netteté de leurs épées. D'autres ont été amputés de membres pour étudier la perte de sang - des membres qui étaient parfois recousus sur les côtés opposés du corps. Pour d'autres victimes, diverses parties de leur cerveau, de leurs poumons ou de leur foie ont été retirées ou leur estomac a été retiré et leur œsophage a été remis en place sur leurs intestins. Kamada, l'un des nombreux vétérans qui se sont sentis capables de s'exprimer après la mort de l'empereur Hirohito, s'est souvenu d'avoir extrait les organes infestés de peste d'une "bûche" pleinement consciente avec un scalpel. "J'ai inséré le scalpel directement dans le cou de la bûche et j'ai ouvert la poitrine", a-t-il déclaré. "Au début, il y eut un cri terrible, mais la voix se tut bientôt." D'autres expériences ont consisté à pendre des prisonniers à l'envers pour découvrir combien de temps il leur a fallu pour s'étouffer à mort, et à injecter de l'air dans leurs artères pour tester l'apparition d'embolies. Certains semblent n'avoir aucun but médical, à l'exception de l'administration de douleurs indescriptibles, comme l'injection d'urine de cheval dans les reins des détenus.
 
Ceux qui avaient une véritable valeur médicale, comme trouver le meilleur traitement pour les engelures - une découverte précieuse pour les troupes dans les  rudes hivers de Mandchourie - ont été obtenus par des moyens gratuitement cruels. Dans les champs gelés de Pingfan,les prisonniers ont été conduits les  bras nus et trempés dans de l'eau froide pour accélérer le processus de congélation. Leurs bras ont ensuite été frappés avec un bâton. S'ils produisaient un son dur et creux, le processus de congélation était terminé. Des hommes et des femmes nus ont été soumis séparément, à des températures glaciales puis décongelés pour étudier les effets de la pourriture et de la gangrène sur la chair. 
 
Les gens étaient enfermés dans des chambres à haute pression jusqu'à ce que leurs yeux sortent de leurs orbites, ou ils étaient placés dans des centrifugeuses et mis à mort comme un chat dans une machine à laver. Pour étudier les effets des maladies vénériennes non traitées, des «bûches» mâles et femelles ont été délibérément infectées par la syphilis. Ishii a exigé une capture constante de prisonniers, comme un comte Dracula des temps modernes à la recherche de sang dans la campagne. Ses victimes étaient attachées à des piquets pour trouver la meilleure portée pour les lance-flammes ou utilisées pour tester des grenades et des explosifs positionnés à différents angles et distances. Ils ont été utilisés comme cibles pour tester des armes chimiques; ils ont été bombardés d'anthrax. Toutes ces atrocités ont été interdites par la Convention de Genève, que le Japon a signée mais n'a pas ratifiée. Par une ironie amère, les Japonais ont été la première nation à utiliser des radiations contre un ennemi en temps de guerre. Des années avant Hiroshima, Ishii avait exposé le foie des prisonniers aux rayons X. Son travail à Pingfan a été applaudi. L'empereur Hirohito n'était peut-être pas au courant de l'unité 731, mais sa famille le savait. Le frère cadet de Hirohito a visité l'Unité et a noté dans ses mémoires qu'il avait vu des films montrant des expériences massives de gaz toxiques sur des prisonniers chinois.
Le Premier ministre japonais Hideki Tojo, exécuté pour crimes de guerre en 1948, a personnellement remis un prix à Ishii pour sa contribution au développement d'armes biologiques. De grandes quantités d'anthrax et de bactéries de la peste bubonique étaient stockées dans l'unité 731. Ishii fabriquait des bombes à peste qui pouvaient propager des maladies mortelles à grande échelle. Des milliers de rats blancs ont été élevés comme porteurs de peste et des puces ont été introduites pour s'en nourrir. Les puces de peste ont ensuite été enfermées dans des bombes, avec lesquelles les troupes japonaises ont lancé des attaques biologiques contre les réservoirs, les puits et les zones agricoles. Les vêtements et les vivres infectés ont également été supprimés. Des villages et des villes entières ont été touchés par le choléra, l'anthrax et la peste, qui ont tué entre eux environ 400 000 Chinois au fil des ans. Une victime, Huang Yuefeng, 28 ans, ne savait pas qu'en tirant les chaussettes de son ami mort sur ses pieds avant de l'enterrer, il serait contaminé. Tout ce qu'il savait, c'était que les morts étaient tout autour de lui, couverts de taches violettes et gisant dans leur propre vomi. Yuefeng a eu de la chance: il a été retiré d'un centre de quarantaine par un médecin amical et soigné.
 
Mais quatre de ses parents sont morts. Yuefeng a déclaré au magazine Time: "Je déteste tellement les Japonais que je ne peux pas vivre avec eux sous le même ciel." Le bombardement de peste a été suspendu après le cinquième bombardement bactérien lorsque le vent a changé de direction et 1 700 soldats japonais ont été tués. Avant que le Japon ne se rende, Ishii et les chefs de l'armée envisageaient de porter la guerre aux États-Unis. Ils proposèrent d'utiliser des "bombes à ballons" chargées d'armes biologiques pour transporter du bétail porteur de  peste et d’anthrax sur le jet stream de la côte ouest de l'Amérique. Un autre plan consistait à envoyer un sous-marin au large de San Diego, puis à utiliser un avion léger à bord pour lancer une mission kamikaze contre la ville. La guerre a pris fin avant que ces attaques suicidaires ne soient autorisées. Outre les victimes chinoises, les Russes, les Mongols, les Coréens et certains prisonniers de guerre d'Europe et des États-Unis se sont également retrouvés entre les mains d'Ishii, mais pas tous à l'unité 731.
 
Le major Robert Peaty, du Royal Army Ordnance Corps, était l'officier britannique principal à Moukden, un camp de prisonniers de guerre à 350 miles de Pingfan. Lorsqu'on lui a demandé, après la guerre, à quoi cela ressemblait, Peaty a répondu: "Je me suis souvenu de l'Enfer de Dante - abandonnez tout espoir, vous tous qui entrez ici." Dans un journal intime, Peaty a enregistré les injections régulières de maladies infectieuses, déguisées en vaccinations inoffensives, qui leur ont été administrées par des médecins visitant l'unité 731. Ses notes pour le 30 janvier 1943 précisent : "Tout le monde a reçu une injection de 5cc de typhoïde-paratyphoïde 
 
Ses notes du 23 février précisent: "Service funéraire pour 142 morts. 186 sont morts en 5 jours, tous américains." D'autres "inoculations" ont suivi. Pourquoi alors, après la guerre, presque tous les scientifiques de l'unité 731 ont-ils été libérés? Pourquoi le Dr Josef Mengele, l'ange nazi de la mort à Auschwitz, a-t-il dû fuir en Amérique du Sud et passer le reste de sa vie dans la clandestinité, tandis que le Dr Shiro Ishii est décédé à la maison d'un cancer de la gorge à l'âge de 67 ans après une vie prospère et sans troubles ? La réponse est que les Japonais ont été autorisés à effacer l'unité 731 des archives par le gouvernement américain, qui voulait lui-même les découvertes de  guerre biologique d'Ishii. À l'automne 1945, le général MacArthur a accordé l'immunité aux membres de l'unité en échange de données de recherche sur la guerre biologique. Après la capitulation du Japon, l'équipe d'Ishii a fui à travers la Chine pour la sécurité de sa patrie. Ishii a ordonné l'abattage des 150 "bûches" restantes dans l'enceinte et a dit à chaque membre du groupe de "garder le secret jusqu’à dans la tombe", menaçant de mort toute personne rendue publique. Des flacons de cyanure de potassium ont été délivrés au cas où quelqu'un serait capturé. Le dernier de ses soldats a fait sauter le complexe.
Dès lors, le  rideau de secret a été tiré. L'unité 731 ne faisait pas partie du Tribunal des crimes de guerre de Tokyo. Une référence aux «sérums toxiques» utilisés sur les Chinois a été autorisée à être effacée par manque de preuves. Les avocats de la Section des poursuites internationales ont rassemblé des preuves qui ont été envoyées directement au président Truman. On n'en entendit plus parler. Les Américains étaient d'avis que toutes ces précieuses données de recherche pourraient se retrouver entre les mains des Soviétiques s'ils n'agissaient pas rapidement. C'était, après tout, le genre d'informations qu'aucune autre nation n'aurait eu la sauvagerie de rassembler. 
Les Japonais étaient donc absous. Contrairement à l'Allemagne, qui a expié ses crimes de guerre, le Japon a pu nier le témoignage de l'unité 731. Quand, comme maintenant, il admet son existence, il refuse les demandes chinoises d'excuses et d'indemnisation au motif qu'il n'y a pas de justification pour eux  puisque toutes les questions d'indemnisation ont été réglées par un traité avec la Chine en 1972. Beaucoup de membres du personnel de l'unité 731 ont poursuivi des carrières importantes. L'homme qui a succédé à Ishii en tant que commandant de l'unité 731, le Dr Masaji Kitano, est devenu le chef de Green Cross, qui fut un temps la plus grande entreprise pharmaceutique du Japon. De nombreux citoyens japonais ordinaires aimeraient aujourd'hui assister à un geste d'expiation de leur gouvernement. En attendant, s'ils veulent savoir ce qui s'est passé, ils peuvent visiter le musée que le gouvernement chinois a érigé dans le seul bâtiment de Pingfan qui n'a pas été détruit.
Il ne possède pas les spécimens conservés à l'unité 731: les pots contenant les pieds, les têtes et les organes internes, tous soigneusement étiquetés; ou le pot de verre de six pieds de haut dans lequel le corps nu d'un homme occidental, coupé verticalement en deux morceaux, a été mariné dans du formaldéhyde. Mais cela donne une idée de ce qu'était cet Auschwitz asiatique. Selon les mots de son conservateur: "Ce n'est pas seulement une préoccupation chinoise, c'est une préoccupation de l'humanité". 
 
·       Ndt :Bien qu’une biographie précise ne soit pas accessible sur Internet Christopher Hudson est  un médecin canadien
 
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