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Economie : quels sont les points forts de la Chine?

Le point de vue d’un économiste chinois face à ce qui est présenté comme un moindre investissement des entreprises étrangères qui chercheraient ailleurs une main d’œuvre à bas coût (note de Danielle Bleitrach).

Les dernières années ont assisté au départ de la production de certains groupes étrangers, même chinois, vers des pays à plus bas coût comme l’Inde ou le Vietnam, voir les articles sur le sujet ici, Inde et Vietnam. Il est intéressant de voir le point de vue d’un économiste chinois sur le sujet. Wang Hanfeng, 王汉锋, a donné une interview au China Securities Journal et détaille les quatre points forts de la Chine. La Chine a une valeur globale industrielle qui représente 30% de la valeur mondiale ; elle continue à augmenter et à monter en gamme.

1. La taille du marché chinois

Le premier point fort est la taille de son marché. La demande d’un marché gigantesque est la pierre angulaire du développement de toutes les industries. Elle stimule les investissements dans les capacités de production, les bases industrielles et les matières premières. La croissance de la consommation intérieure laisse une grande marge de manœuvre aux industries et permettra certainement à la Chine de devenir le premier marché mondial.

2. Une chaîne de production

Les chaînes de production en majorité sont complètes. L’offre en matières premières permet de pratiquement tout faire en Chine. Par exemple, pour les voitures aux nouvelles énergies, la disponibilité en matières premières et en moteur permet de répondre aux demandes de production finale.

3. Les infrastructures. 

Elles sont très développées avec deux supers réseaux. A. Les réseau ferroviaire permet d’optimiser la logistique. La Chine compte 35 000 km de lignes à grande vitesse, 70% du réseau mondial. De prochaines lignes vont encore s’ouvrir. B. Les télécommunications sont très développées, la 5G a été lancée en novembre dernier. En 2020, 180 milliards de yuans sont investis pour construire 600 000 stations 5G. Elles aident les entreprises à réduire leur coût et avoir de meilleurs rendements.

4. Un personnel de plus en plus qualifié

Certes le vieillissement de la population et la montée des coûts du travail dans les secteurs à haute intensité de main d’œuvre affaiblissent l’avantage « personnel ». Mais les « réserves » de talent et les engagements dans la recherche ont permis de passer des « dividendes de la population » aux « dividendes des ingénieurs ». Cette année, 8,34 millions d’étudiants vont être diplômés (niveau licence), et 640 000 chercheurs vont sortir des établissement universitaires. En 2018, on comptait 1,52 million d’ingénieurs*, soit 1105 ingénieurs par million d’habitant. Cette hausse de la qualification permettra au pays de montée en gamme et d’améliorer sa recherche et sa créativité.

跨国企业 multi nationale en Chine

Les raisons des départs de Chine des entreprises


Actuellement les retraits de Chine correspondent principalement à trois types de situations A. Le coût de la main d’œuvre et de l’environnement mènent à des départs, notamment dans les domaines du textile, de la fabrication de mobiliers, qui sont des secteurs à forte intensité de main d’œuvres. Ces départs devaient arriver tôt ou tard. B. La concurrence locale s’est intensifiée et a réduit les parts de marchés des groupes internationaux, notamment dans l’électroménager, les smart phone, les engins de chantier et même dans le secteur des services C. Pour des facteurs incertains (l’économiste désigne probablement les raisons politiques et la guerre commerciale sino-américaine), des sociétés quittent le pays, ce n’est pas dominant.

Un impact faible?


Les deux premières situations sont liées à la montée en gamme des « produits inférieurs » de la production chinoise, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. La Chambre de commerce américaine en Chine avait distribué un questionnaire à 372 entreprises membres. Il apparaissait que 17% réfléchissaient à retirer leurs chaînes de production de Chine, contre 23% en 2017 et 19% en 2018, la tendance est à la baisse. 59% des départs profitent aux pays émergents asiatiques. La Chine reste encore le marché le plus important. 
Fin 2018, la Chine comptait 590 000 entreprises étrangères qui ont investi en Chine. Elles représentaient 25% des profits industriels, 20% des revenus fiscaux et 40% du commerce international, 5% des emplois dans les villes et 4% des investissements dans les biens immobiliers. La tendance est à la baisse depuis 2013 avec le changement de structures de la production chinoise et la croissance des entreprises chinoises.

Trois points importants pour l’avenir


Sur le long terme d’un point de vue économique, si les progrès continuent dans l’ouverture au monde, les effets de la réforme sur le marché intérieur, la rénovation des industries, il est inutile de trop s’inquiéter des troubles avec l’étranger. Les investissement devraient se concentrer sur trois points : 1. Le marché intérieur. 2. La hausse de la consommation et l’amélioration des capacités de production. 3. Le remplacement des importations. Les changements du contexte international vont pousser la Chine à prendre en considération créativité, rénovation et la baisse de la dépendance à l’importation.

Bien entendu, ces propos sont plutôt optimistes, mais il est intéressant de les soupeser quand d’autres hors de Chine dessinent un avenir sombre pour la Chine avec le départ de grands groupes vers d’autres pays. Wang table donc sur le marché intérieur et une montée en qualification des employés chinois pour continuer à dynamiser les industries. Toutefois, il faudra s’ingénier à augmenter la consommation qui n’est passez forte, et à être plus innovant. Le retrait de certains groupes ne peut être assez important pour vraiment susciter l’inquiétude. On verra!

Source : 王汉锋:中国仍是跨国企业最重要市场

:https://forbiddencitynews.com/fr/2020/06/15/economie-quels-sont-les-points-forts-de-la-chine/

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5 Commentaires

  • Jean-Claude Delaunay
    Jean-Claude Delaunay

    Le texte de Wang Huafeng est tout à fait intéressant et utile à rappeler. La Chine a des atouts pour développer son économie et parmi ceux-ci la dimension de son marché. Mais paradoxalement, un autre de ses atouts est le socialisme. Voyons la chose de plus près.
     
    Les salaires augmentent et certaines entreprises s’en vont vers d’autres pays suite à l’augmentation du coût salarial chinois. Le départ est l’une des solutions capitalistes à cette augmentation. C’est vraiment la solution paresseuse. Un jour proche, les capitalistes n’auront d’autre solution que de rechercher dans l’espace, pour travailler dans leurs usines, des “martiens” pas chers, travaillant nuit et jour pour un salaire de misère. Juste de quoi repeindre en vert leurs grandes oreilles pointues..
     
    Il existe une autre solution, à savoir l’automatisation des procès de production. C’est ce qui se passe en Chine, pays dont les entreprises privées sont, dans les secteurs de main-d’oeuvre, de plus en plus consommatrices de robots industriels. Elles font ce pari sans craindre pour autant un état de suraccumulation du capital dans leurs secteurs. En effet, cette solution est cohérente avec l’élargissement et l’augmentation des qualifications ainsi qu’avec la taille du marché intérieur chinois, en voie de développement lui aussi, avec l’appui du socialisme..
     
    Car le socialisme chinois apporte à son marché intérieur un développement semi-planifié, l’extension de l’urbanisation, l’accroissement régulier du pouvoir d’achat de la population et tout un ensemble d’autres éléments de solidité, comme par exemple la lutte contre la pauvreté. Cette dernière est un pur produit du socialisme chinois en même temps qu’un élément que les entreprises peuvent prendre en considération lorsqu’elles investissent dans ces équipements complexes et lourds. Quand Trump vocifère contre la Chine et intime aux entreprises américaines de revenir aux Etats-Unis, pourquoi le feraient-elles, sauf à être grassement payées pour agir ainsi? En raison du socialisme, le marché intérieur chinois leur offre une plus grande sécurité, un horizon beaucoup plus vaste, que le marché intérieur américain,
     
    Je fais cette remarque pour conclure que nous, en France, si nous étions vraiment fûtés, nous lutterions tout de suite pour le socialisme. Nous lutterions tout de suite pour la rupture avec le capitalisme. Car pour rendre la transition socialiste plus tranquille, nous aurions de puissants arguments à proposer aux entreprises capitalistes qui accepteraient de se plier à la loi socialiste. La rupture avec le mode de production capitaliste ainsi qu’avec la démocratie bourgeoise, ne signifient pas l’élimination des entreprises capitalistes. Celles-ci doivent comprendre que le capitalisme en tant que système économique, politique, culturel, assurant leur prééminence dans la société, est terminé. Ce système a fait son temps. Mais après la rupture avec le capitalisme, il faut construire le socialisme. Dans cette phase de construction du socialisme, des entreprises capitalistes peuvent prendre place dans la mesure où elles s’engagent à respecter la légalité socialiste, à ne pas se mêler de ce qui ne les regarde pas. Le socialisme pourra même offrir à ces entreprises, sur la base d’un accord gagnant-gagnant, une plus grande sécurité que le capitalisme, en pleine décadence. Jean-Claude Delaunay 
     

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    • Michel BEYER
      Michel BEYER

      Je suis d’accord avec vous pour l’essentiel, mais sur la fin de votre réponse, je suis perplexe.
      Je manque d’imagination, c’est vrai. Mais vous nous dîtes qu’en France, si nous étions vraiment futés, nous lutterions tout de suite pour le socialisme.
      Je ne doute pas que sur ce site, la grande majorité des lecteurs soit d’accord avec cette proposition. Le problème, c’est comment et avec quelle formation et avec qui!!!
      Un PCF digne de ses plus grands combats aurait pu être la formation adéquate. Malheureusement, c’est aujourd’hui un parti social-démocrate. Fabien ROUSSEL n’a pas changé grand’chose jusqu’à présent. On sent bien que tout est fait pour lui briser les ailes avec l’ancienne équipe. Ce n’est pas encore l’heure d’évoquer les “présidentielles”, mais si par bonheur il était candidat, cela serait pour lui la possibilité de s’affirmer.
      Autre formation “France Insoumise”: je sens pas ce parti en mesure de bousculer la porte vers le socialisme.Melenchon on connaît. J’aime bien François RUFFIN. A mon avis, il prend son rôle de député de la France très à coeur. Mais il lui faudra lever les ambiguïtés sur sa position sur l’Europe.
      Voila, vous comprenez ma perplexité!!! Si une recette existe, pour aller vers le socialisme, je suis preneur tout de suite….

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      • Jean-Claude Delaunay
        Jean-Claude Delaunay

        Non, Michel Beyer, mon camarade, je pense comme vous qu’il n’y a pas de recette et j’ai bien peur que vous ayez raison sur toute la ligne. Ruffin serait sans doute capable de comprendre la nécessité du socialisme s’il y avait un mouvement à ce propos. Mais de lui-même, non, je ne crois pas qu’il puisse concevoir cette exigence. Je peux me tromper évidemment. Mélanchon, n’en parlons pas. Bref, c’est pourquoi j’ai écrit que “Si nous étions fûtés…”. Cela dit, j’exprime ici individuellement une opinion. En tant qu’individu, ma conviction est que la rationalité du socialisme est de plus en plus claire et que nous avons, obstinément, à le répéter, à y réfléchir, à le démontrer, à en convaincre nos camarades ouvriers et non-ouvriers, en nous aidant notamment des exemples de la Chine, de Cuba, en réfléchissant à ce qui a pu “déconner” en URSS. Je dis cela sans être du tout un adepte de cette fadaise appelée “les crimes de Staline”. C’est ce que fait Daniel Bleitrach, me semble-t-il. C’est ce que nous faisons, chacun à notre façon…Je ne sais quoi dire d’autre. La petite bourgeoisie intellectuelle et urbaine française a la trouille du socialisme. Essayons de décoincer de leur trouille celles et ceux qui sont honnêtes. Ce qui est rationnel deviendra réel. Ne nous décourageons pas. Et au plaisir de vous lire à nouveau. JClaude Delaunay

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        • Baran
          Baran

          Monsieur Delaunay,
           
          Par curiosité, je me demandais si vous aviez lu l’essai “Rouge Vif” d’une politologue française, Alice Ekman. Il est le fruit de plusieurs années d’entretiens avec des cadres politiques ou administratifs chinois. Intéressant pour le paysage français car il n’est pas purement à charge comme c’est de coutume.
           
          Il reste bien sur pris dans des limites intellectuelles de type “aroniste”, “furetiste”, avec donc quelques parti pris historiques très contestables mais reste globalement équilibré avec de vraies informations. Je trouve qu’il complète assez bien votre dernier ouvrage sur la Chine.
           
          Peut-être qu’une recension critique de votre part serait très intéressante pour le lecteur français.

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  • Jean-Claude Delaunay
    Jean-Claude Delaunay

    Wang Hanfeng et non Wang Huafeng, 1000 excuses

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